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Am'... ça va, hein ? chuchota-t-il au creux de mon oreille.

          Son souffle sur ma peau encore tendue jusqu'à la douleur par la puissance de mon désir me fit frissonner, mais c'est son ton où se mêlaient inquiétude et culpabilité qui me retourna l'estomac. Aussi douloureusement qu'une lame chauffée à blanc m'aurait fouillée de l'intérieur, sa peur suintait en moi, parasitait mon jugement comme elle obscurcissait le sien.

C'était génial, Lucky, je vais bien. Plus que bien, même, le rassurai-je calmement.

          Et c'était la vérité, je me sentais aussi bien qu'après avoir fumé un joint. J'étais sur un petit nuage, tout en étant consciente de sa hauteur et de la douleur que pourrait occasionner la chute. Une pluie de désillusions. Les larmes qui m'avaient échappées n'étaient dues qu'à un trop plein d'émotion, à une affection si intense qu'elle me dévorait de l'intérieur, lentement mais avec délectation. Rien à voir avec un quelconque manque d'envie ou une peur qui m'aurait étreint les boyaux. Seulement, je n'étais pas prête à assimiler les conséquences que cet attachement pourrait entraîner.

Je... te suis attachée, je crois. J'aime être près de toi, avouai-je tout de même.

          Je n'avais pas peur de dire je t'aime, mais accorder ma confiance était une épreuve bien plus ultime. Et c'était ce qu'il me manquait pour profiter à fond, je ne le connaissais tout simplement pas assez, et malgré mes sentiments à son encontre, il me fallait me préserver.

Moi aussi, j'aime être près de toi, America. Surtout de cette façon, ajouta-t-il dans un sourire.

            Loin de m'offusquer de sa franchise, je ris de bien être, collée contre son corps nu dont la chaleur se répandait en moi. Il réchauffait chaque parcelle de ma peau d'un regain de bonheur, comme si je carburais à l'énergie solaire. Son souffle caressait légèrement mes cheveux d'un toucher presque irréel, si délicat que j'en frissonnai. Aussitôt, il raffermit son étreinte autour de mes épaules et m'engloutis au creux de son torse. Comme s'il voulait m'absorber dans son cœur. Comme s'il voulait fusionner nos deux âmes meurtries.

          Je laissai courir mes doigts le long de son flan, savourai ses tremblements aussi délicieusement qu'une récompense chèrement acquise. Tout mon être risquait la combustion instantanée d'un battement de cœur à l'autre, aussi instable qu'un élément radioactif. Pourtant, je me sentais apaisée, ce qui n'avait pas été le cas depuis ce qui me semblait être une éternité.

          J'avais retrouvé la chaleur de draps immaculés, la sûreté de bras forts et puissants, la stabilité de poumons exhalant un souffle aussi fluide que l'eau d'une rivière virevoltante. Ma respiration ne tarda pas à s'apaiser, je me sentais sombrer irrépressiblement vers les limbes du sommeil.

          Pourtant, quelque chose m'empêchait de m'abandonner complètement à la fatigue qui alourdissait mes membres. Autour de ma tête flottait une ombre venue droit de mon passé, elle me surveillait, guettait chaque faux pas, chaque parole de trop. Elle se délectait du chaos que j'étais capable de créer.

            Et tant qu'elle m'étoufferait par sa présence, la sérénité me fuirait.

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