Je pénétrai dans mon appartement vide de toute présence humaine. Vide de tout bonheur, de tous sentiments même, puisque j'avais pris soin de le stériliser à son départ définitif. Les cartons étaient empilés un peu partout dans la pièce principale, rendant l'endroit plus éloigné encore de celui que j'avais connu. Je n'étais plus la bienvenue ici, il me fallait partir et m'éloigner pour de bon de ce marasme dans lequel j'avais plongé. En attendant, je prenais sur moi pour verrouiller mon esprit lorsque j'entrais ici. Mais ce soir, tout était différent. Ce soir, je me sentais d'une vulnérabilité extrême qui tiraillait mes terminaisons nerveuses, m'arrachait des soupirs tremblotants.

« I'm forced to deal with what I feel »

Mon regard s'égara sur la carcasse des meubles démontés qui avaient un jour paré cet endroit de vie. Ils reflétaient bien mon âme déglinguéeW, esseulée et incapable de faire face au tourbillon de l'existence. Parfois, je regrettais que le pétard que j'étais ait surpris cette scène effroyable. Parfois, je souhaitais n'avoir rien remarqué, et que notre vie continue comme elle avait commencé. J'aurais voulu ne rien savoir, conserver ma bulle de bonheur à l'écart du monde.

« There is no distraction to mask what is real »

La vérité, c'est que ma propre lâcheté me bouffait de l'intérieur, parce qu'il n'aurait fallu que peu de choses pour que je passe l'éponge. Et j'en ressentais à la fois du regret, de ne l'avoir pas fait, et un profond dégoût envers ce sentiment qui me rongeait. Bien sûr que j'avais pris la seule décision possible. Un homme qui trompe trompera.

« I ponder of something terrifying »

Je m'écroulai soudainement dans l'entrée, privée de toute énergie capable de me faire tenir debout. Mon esprit était assailli de toutes parts, des sentiments ambivalents y tourbillonnaient sans pitié pour mon âme meurtrie. J'étais seule. Et rien ne pouvait changer ce qu'il s'était passé, car il avait emporté plus que ma certitude quant à une relation stable et durable, il m'avait aussi privée de ma confiance. J'avais l'impression que je ne pourrais plus jamais l'accorder à quelqu'un. Il m'avait marquée, à tout jamais, afin d'être sûr de bien détruire ma vie.

« 'Cause this time there's no sound to hide behind »

Et dans cet appartement vide et bien trop calme, je me haïssais pour ma passivité. Je me détestais d'être trop molle, incapable de me reprendre en main une bonne fois pour toutes, arrêter de pleurnicher et avancer. Il me fallait un shot, non pas d'amour comme je l'avais d'abord pensé, mais d'électricité pure. Alors seulement j'aurais acquis assez d'énergie pour continuer à vivre vers de sombres horizons. Restait à savoir où je pouvais trouver assez de courant pour m'y brancher.

« Oh my, too deep, please stop thinking »

Je me redressai brutalement et chassai toutes ces pensées de mon esprit. Avisant le formulaire d'inscription qui gisait misérablement sur la table, je m'emparai d'un crayon et le complétai. Teddy m'avait bien dit qu'il me laissait la place, et il était temps d'en profiter. Arrêter de me morfondre.

Je ne savais alors pas que je venais de signer un aller simple vers les abysses.

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Car radio, Twenty one pilots