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          « Tu ne le mérites pas... »

          Je me redressai en sursaut, ma peau moite accrocha les draps pour les emporter dans mon mouvement brusque. J'inspirai profondément, mais l'air ne parvint pas à gonfler mes poumons et éloigner la terreur. Mes doigts se refermèrent hargneusement sur la couette, j'exhalai un sanglot nerveux qui traversa mon corps tel un éperon de douleur. Je ne parvenais pas à reprendre mon souffle et commençai à suffoquer, prise de panique.

- America... tout va bien, murmura une voix au creux de mon oreille. Je suis là.

           Des bras m'enserrèrent, ma tête entra en contact avec un torse au moment même où l'air franchit la barrière invisible de mes souvenirs. Je me calmai aussitôt, ses doigts jouèrent avec mes cheveux en sentant ma respiration s'apaiser. Ses délicates caresses suffirent à me faire frissonner, un feu crépita le long de mon échine, dévora mes nerfs, fit de mes peurs un brasier.

         Mon soupir de soulagement éloigna définitivement les limbes qui m'avaient envahie. Leur noirceur était telle que j'eus l'impression que la pièce s'illumina subitement, comme si elle avait abrité le soleil. Un astre dont la chaleur m'inonda, me berça d'amour, de cette tension salvatrice qui m'était nécessaire pour avancer.

- Ça va mieux ? Tu veux m'en parler ?

           Nos regards se rencontrèrent dans un choc presque brutal, bleu glacial contre marron chaleureux, compassion contre maelström de pensées négatives, désir contre désir. Mes sens s'aiguisèrent en une fraction de seconde, je ressentis sa peau contre la mienne, son souffle chaud sur mon visage, les perles opale dans son regard. Ces détails me frappèrent subitement, me laissant pantoise, un peu désorientée et franchement avide de lui.

          Ses yeux transpercèrent mon âme, sondèrent mes pensées comme si l'accès lui était libre, me fouillèrent de l'intérieur. Un frisson que je ne pus réprimer fit trembler mes membres, mon cœur s'envola dans ma poitrine, sensation presque douloureuse. L'organe semblait s'être allégé, et donc aussi fragile que la plus fine porcelaine, ce qui m'emplissait d'angoisse. Ses doigts dessinèrent mes clavicules, attisèrent mon envie, une attente insoutenable prit place dans mon bas-ventre. Il épiait chacune de mes réactions, chacun de mes tremblements, les accueillait comme une récompense. Je me sentais presque timide sous ses prunelles où naissait un désir éclatant.

          Mes lèvres trouvèrent les siennes avec passion, agacée qu'il me fasse languir, et souhaitant presque disparaître de ses iris inquisiteurs. Ce petit jeu avait assez duré. Aussitôt, un torrent d'émotions dévala mon échine, accéléra les pulsations de mon cœur jusqu'à l'insoutenable. Mais son oxygène était le mien, son souffle me maintenait en vie au cœur de notre étreinte. Je respirais au rythme de notre baiser, incapable de nous dissocier et risquer la noyade.

Je détestais me sentir en phase avec quelqu'un, car je craignais une dépendance qui hérissait tous mes démons, ils se réveillaient doucement sans rester tapis bien longtemps. Il n'était question que d'un souffle pour qu'ils m'assaillent à nouveau, sans pitié. Alors, sa proximité m'emplissait d'une joie atroce, d'une culpabilité ardente de désir, d'une angoisse baignée de bonheur.

Le tout mélangé dans un cocktail explosif, aussi peu stable qu'un atome radioactif.

Ne restait plus qu'à savoir quand si j'allais emporter Lucky dans ma chute, où si ses bras suffiraient à nous retenir.

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