4. Logan

Vingt-cinq heures de vol pour rejoindre la capitale de la Nouvelle-Galles en Australie, un véritable enfer. Je n'ai qu'une putain d'envie, qu'on atterrisse. Les avions ne sont vraiment pas adaptés aux personnes plus grandes que la moyenne et avec mon mètre quatre-vingt-dix, j'en fais, malheureusement partie. Si seulement, j'avais pu me dégoter une place au niveau des portes, j'aurais pu étendre un peu mes jambes. Mais là, mes genoux se retrouvent collés contre le siège avant. J'imagine sans mal les bleus que je vais me payer. Et l'escale qu'on a faite à Hong-Kong n'y changera rien du tout. Exaspéré par cette foutue situation, je lâche un long soupir. Qu'est-ce qui m'a pris aussi d'accepter cet échange ?
T'es certain d'avoir envie d'entendre la réponse ? Non, parce que t'en connais la raison. Tu portes l'initiale de son prénom sur ton biceps gauche.
Saleté de voix ! Elle n'a pas besoin de me rappeler que c'est avec l'espoir de la revoir que j'ai donné ma réponse au prof. D'autant plus que je sais à présent dans quelle ville elle se trouve. Sydney. Killian m'a balancé le morceau. La solidarité masculine, ça existe aussi, n'en déplaise à certaines. Et encore plus à ma frangine que j'ai entendue grogner quand il m'en a parlé. Elle m'a même envoyé un message par la suite pour me dire de ne pas chercher à la retrouver. J'ai rien répondu, elle n'a pas besoin de savoir que je m'apprête à passer les six prochains mois dans la même ville que sa pote.
Une heure plus tard, le Boeing 787 se pose enfin, et le mot est faible, sur la piste d'atterrissage. Je suis un des premiers à sortir tant je suis pressé de pouvoir déplier mes longues jambes. La chaleur me percute au moment où je franchis les portes de cet oiseau métallique. Quelle idée, aussi, d'avoir enfilé un pull en laine juste avant de partir sans rien foutre en-dessous ! Même si j'en relève les manches, c'est peine perdue. Je détonne vraiment parmi les autres voyageurs qui sont tous en t-shirts. Je suis le seul con à m'être cru encore dans l'hémisphère nord. Vivement que je puisse me changer, avant de complètement suffoquer sous cette fournaise. D'ailleurs, la sueur coule déjà le long de mon dos. Ma seule excuse, c'est que je me suis réveillé à la bourre et j'ai chopé le premier truc qui m'est tombé sous la main pour ne pas avoir à rater ce vol de malheur.
À peine ai-je mis les pieds dans l'aérogare, je file aussi vite que possible vers les tapis pour récupérer mes valises. La foule m'empêche d'avancer comme je le souhaite, mais je finis par me frayer un passage en jouant un peu des coudes. Je n'ai qu'une hâte, me rendre aux toilettes pour troquer cette tenue hivernale contre une de saison, sauf qu'avant, j'ai encore la douane à franchir. Fais chier !
Valises en main, chargé comme un baudet, je me dirige vers cette file interminable qui attend de pouvoir passer la frontière. Après une très longue demi-heure d'attente, c'est enfin mon tour. Je vais bientôt pouvoir aller retirer ce pull que je n'aurais jamais dû mettre.
Ouais, mais si tu t'étais barré en t-shirt, tu te serais gelé les miches, mon gars.
Pas faux, mais là je suis en train de crever tant j'ai chaud. Bordel,  j'ai survécu au plus grand enfer de ma vie pour clamser deux ans après à cause de la chaleur. En plus, je n'ai plus de flotte sur moi. Putain de karma !
Quand c'est mon tour de passer devant les douaniers, je me retrouve largué face à ce qu'ils me demandent. Je suis peut-être américain, on parle à peu près la même langue, sauf que je n'ai absolument rien capté. Leur accent est tel qu'ils m'auraient parlé chinois ça reviendrait au même.
Les Australiens semblent avaler les trois quart de leurs mots lorsqu'ils ouvrent la bouche. Je sens que ça va me plaire. Note d'ironie à moi-même. Plus sérieusement, je sens que je vais vite m'énerver si je ne comprends pas un traître mot de ce qu'on me raconte. Pires que des Texans, ces gars !
Je fais un effort de compréhension pour lui fournir le passeport qu'il me demande.
Après un coup d'œil sur ma pièce d'identité, je passe sous le portique de contrôle, tandis que mes affaires passent au rayon X. Comme tout semble bon, je peux enfin aller me changer. Du moins j'y crois, jusqu'au moment où j'arrive devant la porte des toilettes. Plusieurs hommes et femmes sont en train d'y faire la queue. À vue d'œil, j'en ai encore pour une bonne demi-heure d'attente. Sérieux ?  Ils se sont tous donné le mot ou quoi ? Mort du voyage, je décide de quitter l'aéroport.
Dès que j'ai foutu les pieds dehors, je pars à la recherche d'un taxi pour me rendre jusqu'au campus universitaire. Un logement en colocation m'a été attribué. Y a plutôt intérêt à ce que le gars avec qui je vais le partager soit aussi cool que Dylan. Je n'ai aucune envie de tomber sur un gros relou, surtout que je ne connais personne dans ce pays.
Quelques minutes plus tard, je finis par monter dans une bagnole conduite par un arborigene . Son accent est pire que celui des douaniers. Encore une fois, je regrette ce putain d'échange universitaire. Ouais, là, je n'ai qu'une envie prendre un vol retour pour repartir à New-York.
Sauf que tu devrais remonter dans un avion pour ça !
Pas faux et je n'en ai aucune envie.
Lorsque le conducteur tente de me faire la causette, je lui fais vite comprendre que je ne suis pas d'humeur. Trop claqué, pour faire des efforts de compréhension, surtout avec cette putain de chaleur.
Quelques minutes plus tard, grâce notamment à l'air frais diffusé par la climatisation, je finis par me détendre. Mes yeux se ferment au moment où nous nous engageons sur une bretelle d'autoroute. Quand je les rouvre, nous sommes enfin arrivés. Le trajet m'a paru vraiment court, je pense que j'ai dû m'assoupir un petit moment pour ne rien voir passer.
Délesté de soixante-dix dollars australiens, je sors du taxi, en me jurant de trouver un autre moyen de déplacement. Genre un bus ou tout autre transport en commun qui devraient me coûter bien moins cher. Là, j'ai comme la sale impression d'avoir été roulé dans la farine en beauté. La haine !
Je reste un moment sans bouger, aux abords du campus, à laisser mon regard découvrir l'environnement dans lequel je vais évoluer ces prochaines semaines. Face à moi, se dresse un immense bâtiment de style victorien. J'apprécie beaucoup ce genre d'architectures, bien différentes de celles qu'on peut trouver à Albuquerque. Je reste quelques secondes à l'observer, avant de me décider à hisser mes sacs sur les épaules. Puis, en tirant ma lourde valise à mes côtés, j'avance en direction de l'entrée. Au fur et à mesure de mes pas, mon front se couvre de plus en plus de sueur. Au bout de quelques mètres, je m'arrête pour l'éponger un peu du revers de la main. J'en profite pour me familiariser avec les lieux en zieutant les alentours. Les étudiants ne me semblent pas bien différents de ceux que j'ai quittés. Certains sont assis dans l'herbe et profitent de la terrible chaleur de cette journée alors que d'autres discutent tranquillement, debout, une cigarette à la main. Comme à New-York, plusieurs nationalités semblent se côtoyer. Je pense que je ne mettrai pas longtemps à trouver mes pairs lorsque j'aurai pris mes marques. Et surtout quand je me serai fait au décalage horaire.
Un coup d'œil sur mon portable m'indique qu'il est quinze heures dans cette ville, alors qu'il est vingt-trois heures, avec un jour de moins, dans celle que j'ai laissée derrière moi. Voilà pourquoi je suis aussi crevé. Je ne suis plus vraiment un oiseau de nuit depuis que les toubibs m'ont refourgué ces putains de médocs contre la douleur.
Alors que j'avance vers l'intérieur du bâtiment, je croise un groupe de cheerleaders. Que ce soit ici ou à New-York, voire Albuquerque, leur look ne change pas. Deux d'entre elles se retournent sur mon passage et l'une murmure à l'oreille de sa voisine, avant de pouffer comme ces filles savent si bien le faire. Je me retourne vers elles, un sourire en coin sur la tronche. En attendant de retrouver l'amour de ma vie, je peux toujours m'éclater avec l'une d'entre elles. Toutes deux me reluquent comme si j'étais un morceau de premier choix. La plus petite des deux, une blonde, glisse sa langue sur sa lèvre supérieure. Pas besoin d'être sorcier pour capter qu'elle me foutrait bien dans son pieu. Si je n'étais pas si fatigué, je crois que j'irais m'amuser un peu, même si elle n'obtiendrait pas forcément ce qu'elle désire.
— Quand tu veux, beau gosse ! me lance sa copine.
Elles sont en train de me proposer un plan à trois ou quoi ? En tout cas, son accent ne laisse aucun doute sur ses origines américaines.
— Dans tes rêves, sûrement.
Face à ma réponse, elle affiche une image dégoûtée, avant d'entraîner sa pote beaucoup plus loin. Je reprends ma marche et arrive enfin dans le hall du bâtiment. Je me dirige tout droit vers l'accueil pour y récupérer mes clés, ainsi que tout le nécessaire dont j'ai besoin pour ma future scolarité dans cette université.
Une vitre en plexiglas me sépare d'une jeune femme. À vue de nez, je dirais qu'elle est à peine plus âgée que moi. Je frappe pour attirer son attention. Elle se retourne et en découvrant ma présence, elle me sourit.
—Bonjour, vous  désirez ?
—Bonjour. Je viens d'arriver de New-York et on m'a dit de me présenter ici pour récupérer la clé de mon logement, ainsi que certains documents.
—Vous êtes ?
—Baldwin. Logan Baldwin.
Dès qu'elle obtient mon nom, elle se met à pianoter sur son clavier. Puis, elle se lève et part au fond de la pièce. Lorsqu'elle revient, elle me fournit le badge d'accès au bâtiment, la clé de l'appartement, ainsi que le plan du campus, sur lequel elle gribouille deux croix. L'une d'elle désigne l'endroit où nous sommes, d'après ce qu'elle me dit, tandis que l'autre m'indique où se situe le lieu où je vais désormais crécher... À Plusieurs centaines de mètres d'ici. Putain, je vais encore devoir affronter ce soleil de plomb ! Ça me tue, rien que d'y songer.
— Merci.
Ouais, même si je ne suis pas d'humeur, la politesse reste de mise.
— Bienvenue à vous, monsieur Baldwin.
Je lui lance un sourire de gratitude, avant de revenir sur mes pas.
Une fois dehors, je jette un œil au plan afin de prendre la bonne direction. Vivement que ce calvaire s'achève. Mort de chez mort, je n'ai qu'une putain d'envie, m'allonger. J'en suis même au point de me dire que je me fous carrément de la surface sur laquelle m'étendre du moment que je suis en position horizontale. D'autant plus qu'avec mes putains de bagages, la douleur dans mon épaule commence à méchamment se faire ressentir.
Après plusieurs minutes de marche, totalement en nage, j'arrive enfin devant le bâtiment en question. Je pose le badge d'accès à son emplacement avant de pousser la porte d'entrée. Un long soupir de soulagement quitte mes lèvres lorsque j'en franchis le seuil. Bordel, je suis enfin arrivé. Plus qu'un petit effort à fournir et je pourrai enfin me poser.
Quand j'ai jeté un oeil sur les documents remis par la fille à l'accueil, j'ai vu que l'appart se situait au deuxième étage. Si je n'avais pas été aussi encombré, je serais bien passer par les escaliers, ça aurait été beaucoup plus rapide. Là, je suis obligé d'attendre que l'ascenseur veuille bien se pointer. Sérieux, je n'en ai jamais connu d'aussi long de toute ma vie. À croire qu'il le fait exprès, pour que je crève avant même d'atteindre mon logement.
Enfin, les portes s'ouvrent. Je laisse ceux qui s'y trouvent déjà en sortir avant de m'y engouffrer. Quelques secondes plus tard, je foule le sol du deuxième étage. L'appart se situe tout au bout d'un très long couloir, pas bien large en plus. Je suis obligé de m'excuser à plus d'une reprise pour pouvoir passer entre les groupes qui blablatent ici et là.
Ce voyage est pire qu'un parcours du combattant. Et tout ça, pour quoi ?
Pour étudier, ducon !
Pour une fois que cette voix ne me baratine pas avec elle, j'en suis presque content. Mais, comme un con, c'est moi qui y pense.  Mon pouls s'accélère alors que je m'imagine nos retrouvailles. J'espère vraiment avoir l'occasion de la revoir. Pas sûr que j'obtienne ce que je désire, mais je pourrais au moins tenter de regagner son amitié.
Enfin, pour ça, faudrait déjà que tu la revoies. Ce qui n'est pas gagné.
Putain, elle m'emmerde grave cette voix. Toujours à ramener sa fraise ! Le pire, c'est qu'elle est toujours en contradiction avec mes pensées.
C'est dans cet état d'esprit que j'atteins enfin la porte d'entrée. Je sors la clé de la poche arrière de mon jeans, avant de l'enfoncer dans la serrure. Puis, je pousse tant bien que mal tous mes bagages dans cet appart. Des voix se taisent au moment où je fais mon entrée. Seul le murmure de la télé résonne à mes oreilles. Je pensais être seul en arrivant, mais visiblement ce n'est pas le cas.
Trois personnes, deux gars et une meuf, sont assises sur un long sofa marron. Un blond, style surfeur australien, se lève pour venir à ma rencontre, une main tendue devant lui. Bien que son geste me surprenne , plus trop habitué à serrer la main, je la lui attrape tout de même.
— Tu dois être mon nouveau coloc'. Moi, c'est Riley, se présente-t-il.
Je suis chanceux. Même si son accent est fort, je le comprends facilement.
— Logan.
— Bienvenue chez toi, mec. Ta chambre est celle sur la droite, m'informe-t-il en désignant la porte d'un mouvement du menton. Sinon, si tu as soif, il y a des bières ou du soda  dans le frigo. Je te laisse t'installer et je te présenterai mes potes après.
Sympa l'accueil. Ce type me paraît cool.
— J'aurais bien besoin d'une bonne douche, si tu pouvais m'indiquer la salle de bain...
D'un signe de la main, il me désigne une porte devant moi.
— Si tu n'as pas ce qu'il faut, tu peux me prendre mon gel douche, ça ne me gêne pas.
— Merci, c'est sympa.
Un point de plus pour ce mec. S'il continue sur sa lancée, on pourrait devenir potes.
Peu de temps après, j'entre dans la piaule qu'il m'a désignée. La pièce n'est pas bien grande, mais elle possède tout le nécessaire : un lit double, un bureau et une armoire.
Je pose mes affaires près du bureau pour éviter d'encombrer le passage. Je suis trop clamsé pour les ranger maintenant. De toute façon, j'aurai tout le temps de m'installer correctement dans les jours à venir. Je prends juste un t-shirt, un bermuda et une serviette dans l'un de mes sacs, avant de me rendre dans la salle de bain.
Après ce long voyage et cette chaleur écrasante, la douche est un putain de delice. Je laisse l'eau s'écouler sur moi durant plusieurs minutes, jusqu'à ce que je me sente suffisamment rafraîchi. Un regard sur mes genoux m'indique que j'avais raison. Les ecchymoses commencent déjà à apparaître.
Quand je retourne dans la pièce commune, Riley, si je ne fais pas d'erreur, est en train de servir ses potes.
—Sois pas timide, viens avec nous, me lance-t-il en me tendant une bière.
Je me saisis de la bouteille avant de m'asseoir sur l'accoudoir du canapé.
—Moi, c'est Liam, se présente le second gars, un brun aux yeux noisettes.
Ces types semblent légèrement plus vieux que moi. Deux ou trois ans de plus peut-être.
—Et elle, poursuit-il, c'est ma copine, Leah. Donc, bas les pattes.
Si je n'étais pas aussi crevé, je lui balancerais une réplique bien placée. Je fais ce que je veux avec qui je veux. Par le passé, les meufs en couple ne m'ont pas dérangé. Du sexe, pas d'attache, c'est tout ce que je voulais après notre rupture et même avant d'être en couple avec celle qui me hante.
De toute façon, même si cette petite blonde aux yeux saphirs est plutôt mignonne, elle n'est pas vraiment mon style. 
— T'inquiète, mec, j'suis juste là pour bosser.
Ses yeux s'agrandissent de stupeur. Il doit se demander comment un type de notre âge peut faire passer les études avant le reste. S'il savait le nombre de gonzesses que je me suis tapé, il en serait plus que surpris.
— T'es sérieux ? Pas de meuf durant ton séjour parmi nous ?
Pas tant que je n'aurais pas retrouvé la seule que je désire.
Je ferme ma grande gueule plutôt que de lui sortir ce genre de conneries.
— Ça m'arrange. Ça m'évitera de me retrouver à la rue, se marre Riley.
— Par contre, lui risque de s'y retrouver plus d'une fois, si tu ramènes ma frangine ici.
— Tu sais très bien que Lucy ne quitte jamais Lachlan la nuit, donc ce n'est pas près d'arriver.
À ce nom, mon cœur s'affole. C'est plus fort que moi. Malgré les deux ans écoulés, elle continue à me faire vibrer.
— Oui, mais ça ne t'empêche pas de la ramener la journée.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top

Tags: #romance