9- La princesse de Pologne

03 ÈME JOUR / 90.

J'étais dans le jardin du château Saint-Germain-En-Laye. Je ne m'étais toujours pas remise de ce déjeuner qui avait été un fiasco total, je suppose que la famille royale de France non plus.

Ce matin, le Roi et la Reine s'étaient abstenus de prendre le petit-déjeuner avec nous. Benoît qui avait disparu toute la journée d'hier après son scandale, avait paru plutôt calme. Le petit déjeuner s'était passé dans un silence total.

J'estimais qu'il serait bon pour moi, de prendre de l'air dans les jardins du château dans ma robe pourpre évasée, accompagnée de Sophie avant mon rendez-vous avec les sœurs bourbon.

J'étais en train d'observer la nature verdoyante quand, mes yeux s'arrêtaient sur une magnifique blonde, vêtue d'une robe mauve.

Elle semblait aussi fraîche, pure, innocente que les quelques fleurs qu'elle caressait avec douceur.
C'était une fille mince, à seins petits, qui se tenait toute droite et accentuait cette raideur en rejetant le corps en arrière aux épaules comme un jeune élève officier.

Ses yeux vert émeraude, fatigués par l'éclat du soleil, me rendaient mon regard avec la réciprocité d'une curiosité polie, dans un visage las, charmant et mécontent. Il me vint à l'esprit que je l'avais déjà vue, elle ou son portrait, quelque part : C'était la blonde à la peau pâle qui avait retenu l'attention de tout le monde il y a presque deux jours.

Elle se rapprochait de moi.

- Alors c'est vous ? Se contenta-t-elle de dire, m'agressant presque, sans aucune forme de politesse avec son accent germanique.

Je lui lançais un regard anarchique.

La jeune fille rousse qui la suivait depuis vint se placer au milieu de nous et complétait avec plus de politesse que sa maîtresse :

- Votre Altesse, voici la princesse
Marie-Josèphe-Caroline-Éléonore-Françoise-Xavière de Saxe, fille d'Auguste III, Roi de Pologne.

Je me demandais où elle tenait cette grâce, ce charme. Je comprends à présent, c'est une héritière de Pologne. Elle aurait pu tout de même se présenter toute seule, pourquoi ce protocole ? C'était absurde ! Ou voulait-elle simplement me montrer l'étendue de son pouvoir ?

- Enchantée de faire votre connaissance. Répliquais-je avec un sourire affable.

- Le plaisir est partagé votre altesse.

Elle me lança un regard lourd de sens avec un sourire qui semblait forcé.

- J'aurais voulu faire la conversation avec vous au bal mais vous étiez introuvable, hélas. Continua-t-elle.

- Je me suis absentée quelques minutes avec Louis.
Pourquoi ai-je dit ça ? Même si ce n'est pas très faux. Mais, pourquoi ai-je eu besoin de préciser cela, que j'étais avec Louis ?

- Tout s'explique à présent.

- Pardon ?

- Rien. Mis à part le fait que nous serons de la même famille plus tôt que prévu. Dit-elle précipitamment avec un sourire éclatant.

- Je ne vous comprends pas.

- Mais, je suis la fiancée de votre futur beau-frère, Benoît. Ne le saviez-vous donc pas ? S'étonna-t-elle.

Comment cela se peut-il ? Si elle est sa fiancée, qui est la jeune fille de la forêt pour Benoît ?

- Non, je n'en avais guère la connaissance. Je n'ai rencontré Benoît qu'hier ( c'est certes un mensonge mais un gentil mensonge )... Ça explique un tas de choses... Et pourquoi n'avez-vous pas pris part au déjeuner et au dîner hier et aujourd'hui ?

- Benoît, n'accepte pas vraiment l'idée que je sois sa future femme et pour ne pas le mettre mal à l'aise, j'ai décidé de lui laisser un peu d'espace. Mais je peux vous assurer que malgré tout, il se montre respectueux et s'habitue petit à petit à la situation.

S'habituer ? Drôle façon de penser !

- D'après ce que j'ai pu constater, c'est un jeune homme assez... singulier. Et s'il vous respecte, c'est une bonne chose. Mais, vous, êtes-vous d'accord avec cette union ?

Elle souriait.
- Vous êtes bien placée pour savoir que les gens de notre rang n'ont pas vraiment la possibilité de faire un choix.

- Vous aussi, vous subissez la pression de vos géniteurs ?

- Oui. Je n'ai pas eu d'autre choix que d'accepter ce mariage. Et si cela est mon destin, mieux m'y faire dès à présent. Se résignait-elle.

- Vous êtes empreinte d'une maturité étonnante.

Elle s'esclaffait. Même son rire était parfait ! Il était semblable à une douce mélodie. Ce geste la rendait encore plus belle.

Louis Ferdinand nous rejoignît. J'avais pris la résolution de lui pardonner pour tous ses mensonges donc, nous nous parlions normalement comme deux individus qui allaient s'unir devant Dieu dans quelques jours.

Mon futur époux, regarda Eléonore pendant trente secondes environ d'une manière affectueuse avant de tourner son regard neutre vers moi.

- Je constate que vous avez fait connaissance. Lâcha-t-il finalement

- En effet, votre fiancée est délicieuse Louis. J'aurais aimé que votre frère soit aussi compréhensif qu'elle.

Elle déposa délicatement sa main de manière câline sur le bras de mon fiancé, ce qui, je pense, ne le laissa pas indifférent vue qu'il l'a gentiment retiré, une réaction qui me soulagea un moment.

- Mon père est doué pour nous choisir les meilleures compagnes.
Poursuivît-il en la contemplant avec un léger sourire en coin, pendant une dizaine de secondes ou étaient-ce mes yeux qui me trompaient ?

- Votre frère n'est pas du même avis.

- Il finira par s'y faire.

- Je dois prendre congés de vous. Dis-je mal à l'aise, remarquant que j'étais de trop dans cette conversation.

- Non, c'est moi qui m'en vais. Ça a été un plaisir de converser avec vous pendant un court instant Anne commença-t-elle. Au plaisir de vous revoir Louis termina la fille d'Auguste III en plongeant son regard dans celui du futur Roi de France.

Se connaissaient-ils avant qu'elle ne soit fiancée au frère cadet ou était-ce mon imagination ?

Je sentais que le dauphin se retenait de la regarder s'en aller. Mais, qui pouvait donc résister à une telle beauté ? Je le comprenais d'une certaine façon mais d'une autre, n'y-avait-il pas plus ?
J'avais envie de le savoir mais je m'abstins de poser la question, de peur d'être envahissante.

- Louis, navrée mais je dois m'en aller, je dois prendre le thé avec vos sœurs.
Et je sais qu'il n'est pas bon de les faire attendre.

- En effet. Toutefois, laissez-moi vous escorter.

- Ne vous donnez pas cette peine. Sophie est là pour ça.

- Tout va bien ? Je vous sens étrange depuis un moment.

Enfin, il ose le dire ! Moi, qui croyais qu'il ne l'avait pas remarqué tellement il semblait envoûter par la magnifique Eléonore !

- Je me sens juste un peu fébrile mais rien de grave.

Je ne lui aurais pas quand même dit que : je sens un lien entre vous et la princesse de Pologne et cela ne me plaît pas du tout !

- Si vous le dîtes. Je vous escorte  jusqu'à mes sœurs néanmoins.

- Comme vous voudrez.

Nous arrivions devant la huis blanche du salon de thé. Je lui lançais un regard d'adieu avant d'ouvrir cette dernière pour m'engloutir dans cette pièce.
Il y avait une cheminée à ma gauche, une table au centre autour de laquelle étaient réunies trois filles de Marie Leszczynska, confortablement installées dans des fauteuils.

- Anne, vous êtes là ! Je commençais à croire que vous ne viendriez pas. Me salua Henriette en se levant et en venant me tirer jusqu'à elles.

- Comment pourrais-je vous fausser compagnie ?

- Qu'est-ce qui vous a retenu ainsi ? Ou devrais-je plutôt vous demander qui ? tentait de plaisanter la benjamine d'Henriette.

- J'ai été retenue par votre frère et votre  autre future belle-sœur, la princesse de Pologne.

- C'est étrange, quand l'on sait ce qui s'est passé. Lâcha sèchement Adélaïde, habillée d'un bandeau rouge bordeau et d'une robe de la même couleur, en avalant une gorgée de thé dans le but de semer le doute en moi.

- Adélaïde ! S'interposait Henriette.

Mais la princesse roula des yeux suite à cette interjection. Je voulais en savoir plus donc, en cherchant son regard, tout en m'asseyant, je lui demandais :
- Que voulez-vous dire Adélaïde ?

- Je me serai faite un plaisir de vous le raconter en détails dans l'unique objectif de tuer la lueur d'espoir dans votre regard mais, on me traitera encore de tous les noms comme ci j'avais été fautive alors que je ne fais qu'essayer d'ouvrir les yeux à certains, aux personnes dénuées de tout bon raisonnement comme vous !

Elle émettait ces mots avec une sincérité et une cruauté dont elle seule avait le secret. Pour elle, ça semblait normale de dire autant de méchanceté en une seule phrase.

Mais, pourquoi était-elle aussi cruelle ? L'avais-je offensé sans m'en rendre compte ?

Je la regardais troublée.

- Cherchez plutôt des réponses à vos questions au lieu de me regarder ainsi.

Elle buvait dans sa tasse.

- Ne prêtez pas attention aux balivernes d'Adélaïde. Il faut toujours qu'elle en fasse trop. Essaya de me rassurer Henriette, en vain, le doute était déjà là. Elle avait réussi à m'angoisser.

- Il ne faut pas vous laisser envahir par l'appréhension. Adélaïde ne fait qu'abuser comme d'habitude. Notait la princesse Marie-Louise de France.

- Je suis l'hargneuse, l'aigri, la cruelle, l'immonde, la haineuse, l'odieuse Adélaïde, d'accord ! Mais, vous me donnerez raison vous toutes ici, un beau jour ! Énonçait-elle avec acrimonie en nous doigtant tour à tour.

- Ne vous emportez pas ainsi Adélaïde, pour si peu. Nous n'avons juste dit que vous exagériez, rien de plus. Essaya la benjamine d'Henriette dans le but de calmer sa sœur aînée.

- J'ai l'habitude avec vous. Je dois m'en aller j'ai mieux à faire, continuez donc avec l'infante d'Espagne ! Je crois avoir passé l'âge de m'asseoir avec des gamines comme vous !

- Comme celui de vous marier d'ailleurs ! Plaisantait Louise, ce qui nous faisait sourire à nous toutes.

La princesse Adélaïde lui lançait un regard noir avant de pivoter d'un geste vif sur ses talons et de s'en aller.

C'était étrange qu'elle ne soit pas encore mariée, elle est la première fille du Roi avec un an de moins que son grand frère, le dauphin et sa sœur cadette, la princesse Victoire-Marie-Louise-Thérèse de France qui a trois automnes de moins qu'elle, était déjà mariée depuis deux ans au prince héritier du Danemark d'après ma source.

La loi a toujours prescrit que l'aînée devait être donnée en mariage avant la cadette, mais pourquoi dans ce cas, c'était différent ? Pourquoi le Roi l'avait-il permis ? Cette fois-ci je ne me retins pas et j'exprimais mon incompréhension.

- Pouvez-vous me dire pourquoi votre sœur Adélaïde n'est toujours pas mariée ?

- Qui voudrait d'une femme aussi froide et désobligeante qu'elle ?

- Cessez cela Louise ! elle n'a pas toujours été ainsi vous savez, jadis elle était plutôt douce. Vous l'auriez aimée Anne. Elle était la plus joyeuse, la plus bienveillante d'entre toutes. Dit-elle avec avec une expression faciale rêveuse et guillerette.

Ma curiosité s'accentuait :
- Et qu'est-ce qui s'est passé ?

Ma question avait rendu Henriette légèrement affligée.
- Un jour, elle est tombée gravement malade d'après les dires de la Reine. C'était, il y a deux années déjà. Le Roi, a dû l'envoyer d'urgence chez sa grande tante pour qu'elle bénéficie des soins nécessaires. C'est à cette même période que notre sœur, l'érubescente Thérèse, s'est mariée avec celui qui était censée devenir l'époux d'Adélaïde, qui est revenue au palais près d'un an plus tard. Au début, elle était malheureuse et plus tard, elle a développé de l'antipathie envers tout le monde, surtout pour les couples. Nous avons conclu que c'est le fait d'avoir perdu un si bon parti qui l'a autant embêtée.

- Je comprends à présent son aversion envers ma personne.

- Ne la blâmez pas. La vie a été injuste envers elle.
Elle ( la vie) a été injuste envers tout le monde.

Son comportement s'expliquait mais pourquoi en voulait-elle autant à ses parents ?

Que lui avaient-ils fait de si affreux pour être des victimes de son chagrin ?

Et quel mystère tournait autour de la princesse de Pologne
?

Petite histoire
Marie-Josèphe-Caroline-Éléonore-Françoise-Xavière de Saxe (1731-1767) était en effet la fille d'Auguste III et de Marie-Josèphe d'Autriche, Roi et Reine de Pologne.
Elle avait été la seconde femme de Louis Ferdinand de France ( de 1747-1765) suite à la mort de sa première épouse, Marie-Thérèse d'Espagne.

Louise-Marie de France, dite Madame Louise, Madame Dernière, ou Madame Huitième, était la plus jeune des enfants de Louis XV et de Marie Leszczyńska. Elle fut appelée Madame Louise après son baptême en 1747.

Victoire-Marie-Louise-Thérèse de France, dite Madame Cinquième puis Madame Victoire, née à Versailles le 11 mai 1733 et morte à Trieste le 7 juin 1799, est l'une des huit filles de Louis XV et Marie Leszczynska.

Comme je l'ai expliqué à l'avant-propos, j'ai joué avec les dates, les événements.
J'ai changé un tas de choses dans le seul but de rendre l'histoire plus intéressante, raison pour laquelle il s'agit d'une FICTION HISTORIQUE.
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Je m'excuse de ne pas avoir publié dimanche. J'ai eu un petit problème.

C'est pourquoi, pour me faire pardonner, vous aurez un chapitre bonus qui sera publié ce soir même après celui-ci et un nouveau chapitre ce dimanche bien entendu mes chers fidèles lecteurs sans qui je ne suis rien 🤗.

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