8- Le fils mal compris.
02 ÈME JOUR / 90
Le soleil venait me frapper avec force, en plein visage, couchée dans mon lit à baldaquin paré d'édredon. Sophie faisait son entrée et se permettait d'ouvrir grandement la baie en bois d'ébène.
- Sophie ! Grognais-je avant de couvrir mon corps.
Mon corps tout entier recouvert par une couverture blanche, j'avais essayé de me persuader que tout n'était qu'un rêve, que je n'étais pas vraiment à la cour de France et que je n'avais pas non plus vu Louis Ferdinand hier que j'avais abandonné par la suite, au bord du lac, lasse de m'expliquer.
J'avais passé une terrible nuit, je me posais un tas de questions et avais dormi pendant à peine trois heures de temps et j'imaginais la mine affreuse que j'avais sans avoir eu à regarder mon reflet dans un miroir.
- Votre altesse, saluait Sophie accompagnée d'une révérence, j'imagine.
- Oui, qui y-a-t-il ? Demandais-je sèchement, irritée par le fait qu'on vienne me déranger pendant que je dors.
- Je dois vous préparer. Vous devez petit-déjeuner avec la famille royale. Nous n'avons plus qu'une heure. Ajouta-t-elle avec une voix étranglée.
Ça, je l'avais oublié. A un moment, j'ai oublié que j'étais une "princesse" et que j'avais des obligations.
- Donnez-moi deux minutes.
Je me levais péniblement. J'avais des courbatures, j'étais épuisée !
Une femme de chambre monta avec de l'eau tiède et des arômes pour le bain.
Sophie m'aidait à prendre mon bain. Ensuite, elle brossait mes cheveux pour les laisser finalement, libres dans l'air. Puis, elle m'aida à enfiler une magnifique robe fleurie typiquement parisienne et déposait une petite couronne de fleurs sur ma tête.
J'arpentais les couloirs en compagnie d'un garde et remarquais les tableaux auxquels je n'avais pas prêtés attention le soir du bal. Cette fois-ci, je décidais de m'attarder sur ces portraits pour ne plus avoir de surprise.
Je m'arrêtais pour observer celui de Louis Ferdinand tout en me maudissant de ne pas l'avoir regardé hier soir. Si je l'avais fait, au moins j'aurais remarqué qu'il n'était pas celui qu'il prétendait être !
Je regardais les autres portraits. Le Roi de France avait trois autres filles et un autre fils ( ma source m'avait déjà renseignée à propos mais, on ne sait jamais ). C'est étrange, j'avais l'impression d'avoir déjà rencontré son autre fils.
Je ne m'attardais pas plus. J'étais attendue pour le dejeuner et donc, d'un pas décidé, je cheminais en direction de la salle à manger royale qui était située en bas des grands escaliers dans une pièce localisée à côté de ceux-ci.
La princesse Henriette qui était vêtue d'une robe rose, était déjà assise.
J'y entrais et je prenais la place qui m'avait été indiquée après l'avoir saluée comme il se doit. Elle me rendit ma salutation avec amabilité.
Une autre fille qui avait son portrait sur le mur du couloir, entrait. Elle était belle dans sa robe jaune qui la seyait parfaitement, avec un bandeau jaune qui maintenait en place ses cheveux bruns bouclés. Elle ne salua personne et on aurait dit qu'elle ne voulait pas être là où elle était, avec nous. Elle semblait ennuyée, désagréable et avait l'air de ne porter aucune importance à tout ce qu'il y avait autour d'elle.
Le deuxième fils de LOUIS XV prenait place à ses côtés en face de moi, il avait l'air soucieux ou agacé, je ne saurais décrire exactement son expression faciale.
Toutefois, j'avais l'impression de l'avoir déjà vu mais où ? Soudain, je me souviens, il était au bal à la gauche du Roi et avait discuté avec la candide blonde près de la forêt.
J'avais aussi aperçu son portrait dans les couloirs : C'était le frère du dauphin, deuxième fils du Roi ! Mais pourquoi avait-il le visage dénaturé par l'agacement ? Ce n'était pas mes histoires de toutes les façons. À quoi ça m'arrangerait de le savoir ? Me grondait ma conscience.
Une autre fille plus jeune qui avait son portrait sur les murs, nous faisait honneur de sa présence. Elle mimait quelques pas de danse dans sa robe vert citron en pivotant sur ses talons et fredonnait quelques paroles d'une chanson qui m'était familière. L'on voyait qu'elle débordait d'énergie.
Il ne faut pas posséder toutes ses facultés mentales, pour remarqué qu'elle était joyeuse, chaleureuse, aimable, courtoise. Elle semblait si douce et si dangereuse à la fois, elle saluait tout le monde avec un grand sourire sincère et un bonjour avant de prendre place à ma droite.
- Ah c'est vous ! Dit-elle excitée en faisant allusion à moi après m'avoir regardée comme si j'avais quelque chose sur le visage.
Je la regardais confuse.
- Enchantée de vous rencontrer enfin. Hier, je vous ai cherché mais vous étiez introuvable, hélas !
Le petit frère de Louis Ferdinand, baissait sa tête tandis que de l'incompréhension se lisait sur le visage d'Henriette. Leur autre sœur faisait mine de n'avoir rien entendu, elle observait ses ongles d'une manière désinvolte.
- Mon frère m'a beaucoup parlée de vous. Je suis tellement heureuse que vous soyez ici avec nous. Fît-elle en me serrant dans ses bras, laissant sa longue chevelure brune ne faire plus qu'un avec l'air.
Elle me lâcha brusquement et faisant mine de réfléchir, elle répliquait comme ci je savais de quoi elle parlait :
- Peut-être vous, vous l'aiderez à se sentir mieux. Vous savez, il n'a pas l'air bien depuis ce qui s'est passé avec elle.
Je voulais en savoir plus, savoir de quoi elle parlait mais le dauphin entrait suivi de près par le Roi et La Reine.
Tout le monde se levait pour exécuter des révérences à leur endroit.
Louis Ferdinand, prenait place à ma gauche. Le petit-déjeuner était déjà servi suite aux ordres de la Reine.
Dans un murmure, Louis me demanda comment j'allais, faisant sûrement référence à la mine affreuse que je n'ai pas pu cacher malgré tous mes efforts et je ne répondis guère.
Pendant le petit-déjeuner, il se permît de prendre ma main dans la sienne mais j'ai immédiatement retiré la mienne. Ce geste ne l'a pas plu puisque son visage qui était neutre jusque là, s'est dénaturé par la contrariété et je me réjouissais d'être l'auteure de ce changement d'état.
Le petit-déjeuner se passait bien jusqu'à ce que le petit frère de Louis, prenne la parole.
- Mère, je n'apprécie pas que vous vous mêliez de mes affaires. Commença-t-il calmement la tête baissée, sa fourchette à la main.
- Ne parlez pas ainsi à votre mère. Vous lui devez respect et honneur ! Tonna abruptement le Roi qui déposa son couteau pour foudroyer son fils, d'un regard noir.
- Ne vous inquiétez pas Louis. Ce n'est qu'un jouvenceau. Il ne s'est pas ce qu'il fait. Défendait Marie Leszczynska.
- Je le sais très bien et sachez que je ne vous permettrais pas de continuer à me traiter de la sorte ! Criait le frère du Dauphin en se levant d'un geste revêche et fruste, visiblement très en colère.
- Veuillez vous rasseoir Benoît ! Nous avons une invitée. Arrêtez d'exposer votre muflerie de la sorte ! Fulminait le Roi.
Le jeune homme ne prêta pas attention à ces paroles sous nos regards fureteurs. Il lâcha brusquement son mouchoir, poussa sa chaise et se préparait à s'en aller lorsque la Reine se levait pour lui parler.
- Je suis votre mère et jusqu'à preuve du contraire, mes conseils ont toujours eu raison de vous tous, mes enfants. Je ne fais que ce qu'il faut pour vous. Je vous aime et je le fais par amour croyez-moi !
Le jeune homme se retournait furieusement. Il fît un grand pas en direction de sa mère. Louis et le Roi se levèrent aussitôt.
- Ne t'inquiètes pas Louis, je compte juste lui dire ce qui me tourmente. Expliqua-t-il le fils cadet du Roi, constatant que Louis voulait l'arrêter.
- Tu en as déjà assez fait. Poursuivait Louis, calmement.
Les traits du fils cadet du Roi avaient changé. Ils paraissaient plus adoucis.
- Mère, je ne vous laisserai pas gâcher ma vie. Je ne suis pas le dauphin, laissez-moi mener ma vie comme je l'entends et dirigez celle de Louis ! J'ai été un enfant modèle pendant trop longtemps juste pour vous faire plaisir et dans l'espoir que vous me laissiez plus tard, c'est-à-dire maintenant, prendre mes propres décisions mais vous, vous ne voulez pas me laissez faire. Pourquoi êtes-vous si injuste envers ma personne ? Ne me jugiez-vous pas assez capable de faire un choix ? Ai-je déjà fait quelque chose d'insensé un jour ? Ou vous ai-je déjà déçu ?
- Vous êtes un prince. Que diront les gens s'ils apprenaient que nous vous permettons de faire tout ce que vous voulez ? Je perdrais ma crédibilité auprès de tous ! Je suis le Roi, votre père et je soutiens votre mère dans cela. Raisonna le père de Benoît.
Le fils du Roi, laissa couler une larme constatant que visiblement il n'était pas compris - que je le comprends ! -, puis il détourna les talons pour s'en aller.
- Vous avez beau vous comporter comme une personne qui n'a ni Dieu, ni maître, je reste votre mère, celle qui dictera votre vie ! Affirma la Reine de France.
Ni Dieu, ni maître ? Les paroles de ma mère ! Pensais-je.
Il ouvra la porte et s'en alla aussitôt.
Mais de quoi parlait, Benoît, le frère du dauphin ?
Tout le monde semblait aussi fourvoyé que moi. On se lançait tous des regards curieux. Personne n'avait l'air de comprendre sauf bien sûr le Roi et la Reine qui semblaient inquiets et qui avaient rejoint leurs sièges, résignés.
La sœur du dauphin qui avait un air désintéressé, dit d'un ton ironique :
- Votre altesse, - faisant référence à moi- c'était mon petit frère, Benoît, le jumeau d'Henriette !
- S'il te plaît Adélaïde, arrête ! Rouspétait Louis Ferdinand.
- Pourquoi grand frère ? Je n'ai fait que présenter ton frère cadet à ta future femme.
Elle dévoilait un air satisfait. Elle était satisfaite du fait que son frère ait défié ses parents mais pourquoi ?
Cette famille, était vraiment étrange et chacun avait l'air de renfermer un secret.
Le Roi s'excusa et se leva pour s'en aller, la Reine le suivie. Ils n'avaient plus touché à leurs plats depuis le départ de leur fils.
Henriette et sa sœur qui étaient de bonne humeur, quelques minutes plus tôt, révélaient un air timoré.
- Je suis sûre que tout ira bien Henriette, ce n'est pas la première fois qu'il nous fait ce genre de scène. Certifiait la charmante princesse à ma droite.
Pas la première fois ? Mais de quoi s'agissait-il ?
Je voulus poser des questions pour en savoir plus mais l'atmosphère était devenue tellement tendue que je craignais d'exprimer mon incompréhension.
La salle se vidait petit à petit. Henriette se levait, suivie de près par la délicate princesse qui occupait la place à ma droite. Ensuite c'était le tour de la sœur cynique qui avait savouré son déjeuner jusqu'à la fin.
Je suis restée seule avec Ferdinand, nous nous sommes regardés pendant un long moment, ses yeux reflétaient de l'angoisse vis-à-vis de son frère, le fils mal compris ! Je le pris dans mes bras et me levais pour m'en aller.
Petite histoire:
Marie-Adélaïde de France avait été en effet la quatrième fille du Roi de France et de la Reine et était appelée "Madame Adélaïde" jusqu'en 1752.
La plupart des historiens admettent que Benoît-Louis Le Duc est le huitième et dernier enfant naturel de Louis XV. Peu de temps après la naissance de son enfant, Mlle Tiercelin est exilée de la cour, après avoir tenté – en vain – de faire légitimer son fils par le roi.
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Pourquoi le jumeau d'Henriette était aussi brusque dans ses gestes ? De quoi accusait-il sa mère ? Et pourquoi la princesse Adélaïde semblait aussi satisfaite de cette scène ?
Lisez et vous saurez ! 😚
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