5- Une belle surprise.
Mars : 1ER JOUR / 90
L'eau clapotant contre le rivage, le vent caressant les feuilles des arbres, j'étais au bord du lac du château Saint-Germain-En-Laye.
Il faisait un temps exquis.
Aujourd'hui, était en effet, le premier des 90 jours que j'avais pour connaître le futur Roi de France et notre rencontre était prévue pour ce soir.
J'avais décidé de faire une petite balade dans le jardin principal avant de rejoindre le bord du lac, les lueurs du printemps commençant à se manifester. Il se faisait ressentir petit à petit; j'avais trouvé nécessaire de me balader pour être témoin des transformations que subissait la nature face à l'avènement de ce nouveau temps.
Mes cheveux regroupés en un chignon, dans ma robe de princesse aux nuances blanches, qui dévoilaient mes épaules délicates et la partie supérieure de mon dos, je me laissais bercer par le chant des oiseaux, exciter par le bourgeonnement des arbres, séduire par la coloration de la nature par les fleurs, l'amour que ressentaient les oiseaux entre eux et le soleil qui illumine à présent nos journées.
Le soleil ayant atteint son point maximum, une silhouette s'avança vers l'endroit où j'étais confortablement installée. J'avais du mal à l'identifier mais, j'aurais juré connaître cette silhouette, et ce visage même s'il était encore loin de moi.
Je me levais, plissais légèrement mes yeux et plaçais ma main sur mon front pour filtrer la lumière qui venait m'aveugler.
Je le voyais cheminer d'un pas nonchalant vers moi, mais qui était-ce ?
Une silhouette impressionnante, d'un revers de sa main, il essuyait la sueur qui dégoulinait le long de son front. Son corps temoin des efforts qu'il avait dû fournir, il s'aventurait de plus en plus vers moi, son mousquet et son epée soigneusement rangés.
On aurait pu le confondre à un de ces héros légendaires tellement il paraissait aussi parfait qu'eux et c'est à ce moment que je me souvenais d'un matin d'hiver, trois ans plus tôt, au château de Madrid.
Décembre 1740
C'était un jour d'hiver, la promenade n'était pas à envisager.
Ferdinand et moi avions erré pendant une trentaine de minutes dans le bosquet dépouillé de feuilles, le vent glacé d'hiver avait amené avec lui des nuages si sombres et une pluie si pénétrante qu'on ne pouvait songer à une excursion. L'on avait décidé de s'installer à la bibliothèque du palais, et s'étions racontés quelques anecdotes...
Je balayais ces pensées lointaines d'un mouvement de tête comme pour reprendre mes esprits et me concentrer sur l'homme qui s'avançait vers moi.
Il semblait beau dans sa chemise blanche dans laquelle il avait sciemment laissé les deux premiers boutons ouverts, laissant à l'appréciation de tous, son magnifique torse.
Il s'avançait d'un pas de plus en plus indolent ( ou était-ce mes yeux qui le voyaient ainsi ? ) dans son pantalon bronzé bien ajusté et ses bottes en cuirs noirs.
Il était plus proche et j'arrivais à l'identifier, je constatais qu'il était la personne que j'avais soupçonné quelques minutes plus tôt néanmoins, je ne comprenais pas la raison de sa présence en ces lieux.
Ses cheveux autrefois plus courts, avaient pris quelques centimètres. Il avait grandi, tout comme moi et son corps avait évolué sous le poids des années.
Sa barbe qui était autrefois mieux rasée, avait été négligemment laissée pousser : Il avait changé.
Il paraissait différent ou avait-il toujours été ainsi ? peut-être est-ce moi qui ai voulu le voir différemment !
Il était juste en face de moi, à quelques mètres et ne paraissait pas aussi surpris que moi que je l'étais de le voir ici.
- Si vous continuez de me lorgner ainsi, les gens se poseront des questions. Lança-t-il, un rictus dessiné sur son visage en me faisant remarquer le groupe de personnes qui n'était qu'à quelques mètres de nous.
Ces mêmes gens tournèrent leurs regards curieux sur nous. Ils semblaient tous étonnés de nous voir ensemble mais je ne prêtais pas attention à cette remarque. Je me concentrais uniquement sur la façon dont ses lèvres articulaient ces mots.
Je restais muette, non pas que je ne voulus pas répondre mais j'étais ankylosée comme il y a trois ans, sa présence m'avait provoquée un de ces chocs ! J'avais tellement à lui dire mais je ne sus guère par quoi commencer. C'était mon français ! Donc, il ajouta avec un ton plaisantin, les yeux rieurs et avec des gestes enfantins :
- N'est-ce pas ma bonne fée ? Celle qui n'est pas piquée des vers ? C'est ce qui se raconte ici en tout cas. L'on dit que vous avez séduit le Roi !
Je finissais par me ressaisir et d'un ton très sérieux et légèrement paniqué, je lui disais :
- Arrêtez vos enfantillages et dites-moi plutôt ce que vous faites ici. Ne m'avez-vous pas dit dans votre dernière lettre, il y a trois ans, que vous aviez démissionné du poste de Chef d'armée et avez eu une meilleure offre ?
- En effet, mon p... je veux dire le Roi m'a proposé un meilleur poste ici, au palais. Hésitait-il.
- Et pourquoi ne me l'aviez-vous pas écrit dans cette lettre Ferdinand ?
- Je n'ai pas trouvé cela nécessaire. Et vous, je constate que vous êtes la fameuse invitée du Roi qui n'est pas piquée des vers ajouta-t-il rapidement pour changer de sujet... j'avais entendu parlé de la venue d'un membre de la noblesse mais je n'aurais jamais pu imaginer qu'il s'agissait de vous ! cogitait-il.
- Éh bien comme vous le dites, c'est moi en personne. Dis-je d'un air détaché et pensif en retrouvant ma place au bord du lac.
- Qui-y-a-t-il ? N'êtes-vous pas heureuse d'être ici ? En ma présence ! Plaisantait-il dans le but de m'arracher un sourire en s'accroupissant à ma hauteur.
- Il s'agit de toute autre chose.
- De quoi ? Demandait-il l'air soucieux.
- Tout d'abord, ce mariage a été précipité et je n'avais guère autre choix que d'accepter pour sauver les apparences. Ensuite, j'arrive et je ne vois pas mon futur époux. Je me suis déjà imaginée son portrait un bon millier de fois; je me demande s'il est si beau qu'on le prétend, s'il est aussi respectueux que ces géniteurs, s'il possède le même humour, la même sincérité et le même calme que vous et surtout, si je serai heureuse avec lui comme je le suis en votre présence. Expliquais-je sans réellement prêter attention aux mots qui sortaient de ma bouche, emballée par mes émotions.
- Je vous comprends, on aimerait tous avoir le choix, cela n'est pas le cas, hélas. Tout autant, je ne pensais pas compter autant pour vous.
Bien plus que vous ne le pensez désirais-je répondre. À la place, je me contentais de regarder devant moi, le visage impassible.
- Et en ce qui concerne Louis de France, il est en mission à la capitale.
- J'ai appris cela, et je ne le blâme guère vous savez. Je me sens juste dépréciée et ce n'est pas de sa faute, croyez-moi.
- Ne dites pas cela. En plus, Louis de France est une personne qu'on pourrait qualifier de bonne. Il n'est pas aussi bon qu'il le devrait mais il l'est assez. Dit-il le regard rêveur, fixé en direction du lac comme si ce qu'il avait dit, le concernait.
Son moment d'inattention, me faisait me remémorer de quelque chose qui me tracassait depuis longtemps et qui je pense, avait besoin d'une explication. Je pivotais donc vers lui.
- Avant que je n'oublie, donnez-moi une raison valable pour laquelle vous n'avez pas pris la peine de répondre à mes missives !
- Vos missives ?
Un homme en uniforme bleu se rapprochait de nous à la même seconde, c'était un garde.
Il lui murmurait quelques mots à l'oreille et Ferdinand lui faisait signe qu'il pouvait se retirer. Ce dernier se retourna vers moi, la mine changée, il paraissait légèrement angoissé.
- C'est un plaisir de discuter avec vous mais le devoir m'appelle.
- Répondez d'abord à ma question.
- Je vous répondrai ce soir, au bal.
Ce soir ? Comment ? Je me levais rapidement et me tournais aussi vite que je le pouvais pour lui poser la question mais je constatais qu'il avait disparu. Les quelques secondes que j'avais prises pour réfléchir à quel miracle il sera présent ce soir, avaient suffit à le faire se retirer loin de ma vue.
Ce fut une belle surprise, toutefois !
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Comment Anne fera pour s'en sortir avec Louis et Ferdinand ?
Continuez juste de lire et vous saurez ce qui se passera plus tard.
N'oubliez pas les VOTES ! 🥺
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