3. L'annonce : LES 90 JOURS !
Février 1744.
J'entrais dans le grand bureau de mon père où était disposée une grande table; derrière sa chaise, était rangé un tas de livres, cet ensemble lui faisait office de petite bibliothèque et en face, se trouvait une fenêtre de taille moyenne qui donnait sur le jardin principal.
Je croisais les yeux de l'ambassadeur d'Espagne en France qui, me voyant entrer, se leva brusquement, simula une révérence et ajouta dans un murmure :"votre Altesse". D'un air gracieux, je le saluais à mon tour.
C'était un homme en surpoids dans la quarantaine, de courte taille avec une moustache qui tombait sur ses joues et des traits sévères.
Le Roi Philippe V d'Espagne, qui était lui, de taille moyenne, fît signe au garde qui m'avait accompagnée de se retirer. J'étais encore debout lorsque j'entendis le ton brusque du Roi.
- J'ai à vous parler, veuillez prendre place, tonna-t-il en m'indiquant où m'asseoir.
Je l'avais bien compris, voulus-je répondre mais je m'abstins de tous commentaires.
Je ne me fis pas prier et je pris place d'abord très surprise par la présence de l'ambassadeur d'Espagne dans le bureau de mon père. Pourquoi voulait-il me parler ? Qu'y a-t-il de si urgent ? J'allais le savoir dans quelques instants.
Ce fût au tour de la Reine Isabella de faire son entrée. Je ne comprenais toujours rien. Elle prît place auprès du Roi tandis que j'occupais la place face au bureau, auprès de l'ambassadeur. Nous étions tous muets comme des carpes et comme d'habitude, c'est le Roi qui s'exprima le premier.
- Anne, le pays est en crise, commença-t-il doucement...Depuis quelques mois, notre royaume passe par une crise économique... ajouta-t-il nerveusement.
J'étais abasourdie par cette révélation; premièrement, parce qu'il ne me met jamais au courant des affaires du royaume, c'était étrange et deuxièmement, parce que le pays étant en crise, ils se dotent des moyens et ont du temps pour organiser un grand bal tel que celui que j'ai eu il y a quelques jours ?
- ... Si nous ne faisons rien, le royaume d'Espagne qui est connu comme l'un des plus grands perdra ce titre, nous risquerons aussi de perdre la couronne...Les belligérants risquent de s'approprier de tous nos biens, continuait-il d'un air songeur.
C'est cela que me cachait Charles, tout s'explique à présent. Mais pourquoi me disait-il tout cela ? Non pas que je sois agacée par ces révélations, je suis une héritière du trône et je me sens autant concernée par tout cela cependant, il n'était pas fréquent que mon père me dise toutes ces choses ; il y avait plus que ça, je le sentais.
- Père, j'avoue ne pas comprendre où vous aimerez en venir.
- Laissez-moi poursuivre je vous en prie.
Il ancra ses yeux noirs dans les miens, et dit d'un air très sérieux :
- Notre destin est entre vos mains.
Ça fait des mois que le conseil et moi cherchons une solution à ce problème. Nous l'avons enfin trouvé, l'ambassadeur est venu m'apporter de bonnes nouvelles aujourd'hui.
Nous avons négocié un contrat avec le Roi Louis XV de France et en échange de quelques terres, il nous apporte son soutien financier. Mais le Roi a imposé une clause ...
Soudain je compris !
- ...Mais pour que l'accord soit signé, je dois l'épouser, terminais-je.
- Non ma fille, vous devez épouser son fils, Louis de France, ajouta la Reine.
- Comme vous l'avez sûrement compris, votre bal n'était pas anodin. C'était une forme de distraction pour prouver à tous, la suprématie du royaume d'Espagne, pour vous présenter au monde et d'une certaine manière, au Roi de France qui avait ses espions dans la salle de bal. Ces derniers sont allés vanter vos qualités et vous avez conquis le Roi de France; l'on a dit de vous que vous n'êtes pas piquée des vers; il en est sorti ainsi que vous serez une bonne Reine pour son fils, le dauphin de France. Expliquait l'ambassadeur d'une voix calme qui, malgré tous ses efforts, reflétait de l'excitation.
Je me sentis comme un objet dont on pouvait user à sa guise puis s'en débarrasser. Quand je pense qu'à un moment j'ai cru que ces personnes qui me servent de parents voulaient me faire plaisir ! Quelle sotte je fais ! Tout n'était que stratégie, je l'avais bien deviné ! J'étais un objet qu'on allait donner en échange d'un soutien financier et c'était pour moi, une avanie.
- Il faut donc, que vous vous mariez avec son fils pour rendre valable l'accord. Le Roi de France veut en effet se rassurer que plus tard, on ne tentera rien envers sa couronne et quelle meilleure garantie que de mettre sur le trône, l'une de nos héritières ? Argumenta le Roi.
D'une part, c'était pour sauver ma patrie. Ces pauvres gens qui allaient souffrir si je ne faisais pas quelque chose. D'autre part, ils bafouaient mon honneur en me vendant à des inconnus ! Je ne connaissais même pas celui que j'allais épouser, peut-être était-ce un homme hautain et irrespectueux qui ne considérait pas les femmes ! Je ne savais pas dans quoi je m'embarquais et eux non plus.
- Et quand aura lieu ce mariage ? Demandais-je doucement, me montrant raisonnable car même si je n'étais pas d'accord intérieurement et que j'avais juste envie de grommeler des injures et plier bagage pour aller me réfugier loin de tout et tous, je savais que mon peuple dépendait de moi et que peu importe où j'irai, l'on me retrouvera et je payerai pour mes actes. En plus, tôt ou tard ce jour arriverait; j'ai toujours su que j'étais destinée à me marier pour sauver les apparences donc, mieux fallait se faire à l'idée d'une telle nouvelle le plus tôt possible et éviter de retarder l'inévitable.
Mon espoir avait fleuri en effet, sous les décombres de la désillusion et c'était le vouloir vivre par l'amour qui en dépit, des désenchantements me retenait. J'espérais au plus profond de moi que le dauphin était l'homme qu'il me fallait
- Dans quelques mois.
- Quand vous dites quelques mois, voulez-vous parler de douze mois ? Vingt-quatre ? Trente-six ?...
- Moins de quatre mois. M'interrompît-il.
-Moins de quatre mois ? Mais... père ? N'est-ce pas tôt ?
- Non c'est ainsi. Plus vite l'accord sera conclu, mieux ce sera !
- Ne croyez-vous pas que vous êtes sévère avec moi ? m'exclamais-je légèrement irritée. Tout d'abord, vous me convoquez pour m'annoncer brusquement une union que vous envisagez depuis des mois et ensuite, vous m'informez qu'elle aura lieu dans moins de 120 jours ? Ce n'est pas juste père !
- La vie n'est juste pour personne, retenez le bien. Que me reprochez-vous ?
- Je vous reproche de ne pas me comprendre. Vous voulez me faire épouser un inconnu !
- Ne soyez pas si négative. Moi, je n'ai pas connu votre père avant notre union. Nous nous sommes vus uniquement le jour de notre mariage à La Chapelle et nous avons appris à vivre ensemble, affirme ma mère.
Je comprenais alors pourquoi ils paraissaient insensibles l'un envers l'autre, ce n'est pas l'amour qui les avait uni mais la politique : c'était un mariage politique et j'allais vivre la même chose que je le veuille ou non !
- Mais mère, les générations se suivent mais ne se ressemblent guère. Pourquoi n'aurais-je pas le droit de m'unir à quelqu'un par amour ? Ou ne serait-ce que de prendre le temps que je voudrais pour faire sa connaissance ? m'exclamais-je les larmes au bord des yeux.
- Parce que vous êtes une princesse ! Votre peuple dépend de vous, souvenez-vous de ce que je vous ai toujours dit à vous et votre frère sur le bonheur et l'amour :" le bonheur n'est pas pour vous mes enfants, il n'y a pas de place pour l'amour pour nous dans cette vie" Méditez toujours ces paroles et arrêtez de vous comporter comme quelqu'un qui n'a ni Dieu ni maître ! Grondait sévèrement la Reine.
- Vous irez en France dans quelques jours et à partir de là, vous aurez 90 jours pour faire connaissance avec Louis de France, votre futur époux et le dauphin de France ! Trancha le Roi d'un ton ferme; ce dernier ayant remarqué que j'étais prête à insister.
Petite histoire :
En 1744, c'est Marie-Thérèse d'Espagne, la sœur de Anne qui se voit épouser Louis de France, le fils de Louis XV.
Comme vous le constatez, j'ai substitué Marie-Thérèse par Anne.
__________
Du John JOOS ( Que j'ai légèrement modifié) dans l'air 🙃. Qui a remarqué ?
C'est dommage pour notre chère Anne qui avait espéré en secret se marier par amour.
Enfin bref, que dites-vous de ce chapitre ?
J'attends les avis !
Et surtout n'oubliez pas de VOTER !! 🤗
________
Chapitre clos !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top