26- La fille aux bandeaux.

40 ÈME JOUR/90

C'était un déjeuner familial comme à l'accoutumée.
La princesse de Pologne, Thérèse et son mari étaient présents. Et moi, par rapport à Louis, je jouais le jeu comme prévu devant tout le monde.

- Anne, comment allez-vous ce matin ? Se renseigna la Reine Lezczynska.

- Je me porte bien votre majesté.

- Et vous, Louis ?

- Bien, mère.

- Je n'ai rien entendu sur vous depuis peu. Je suppose que vous aviez enfin appris à gérer vos conflits comme des adultes !

- Oui, votre majesté. C'est exactement cela. Répondis-je rapidement.

- Je suis fière de vous mes enfants. C'est comme ça que doit être un couple, uni ! N'est-ce pas vrai Thérèse ?

- C'est cela, mère. Dit-elle gênée.

- En parlant, d'unité, quand donnerez-vous un héritier à la couronne du Danemark ? Un enfant vient renforcer l'unité dans le couple mais rassure aussi le peuple. Je sais que vous les jeunes d'aujourd'hui, vous préférez souvent attendre mais, cela fait deux ans déjà que vous êtes mariés...

Le prince Christian de Danemark avait manqué de s'étouffer. Tout le monde était allé à sa rescousse car il avait avalé de travers, interrompant ainsi la Reine, l'avait-il fait exprès ?

La situation se calma quelques instants plus tard et tout le monde rejoignît son siège.

J'arrivai à remarquer les regards sensuels qu'Eléonore envoyait à Louis.
Cette femme est d'une indécence !

J'avais appris que ce dernier avait passé la nuit avec elle. Qu'il passerait d'ailleurs les suivantes avec elle. Comme ci je m'en souciais... qu'il fasse donc ce que bon lui semble, je m'en lave les mains !

- La même chose m'est arrivée il y a une semaine avec la sauce trop épicée de la Reine. Plaisantait le Roi, ce qui faisait rire tout le monde.

- Ah Louis ! Cette sauce, vous a plu néanmoins.

- Oui, jusqu'à ce que je me retrouve dans la situation de Christian il y a quelques instants.

Tout le monde sourît.

Le déjeuner se termina dans cette bonne atmosphère.

Thérèse était la première à quitter la table, Adélaïde la suivît puis vint mon tour alors que Louis avait essayé de m'en dissuader.

Je marchais dans le rez-de-chaussée, espérant trouver une justification à ma souffrance.
Soudain, j'entendais des éclats de voix qui parvenaient d'une pièce; je les reconnus.

- Qu'est-ce qu'il y a ? le Bon Dieu a-t-il agi en ma faveur ?

C'était la voix d'Adelaïde.

- Adélaïde...

Là, il s'agissait de celle de Thérèse.

Je voulus entrer pour arrêter Adélaïde avant qu'elle ne fasse encore plus de mal à sa sur mais, je savais pertinemment que si j'entrais, je ne saurai pas quoi d'autre Adélaïde reproche à sa sur donc, je restai écouter à la porte comme une vulgaire servante.

- Même lui, il croit que vous ne méritez pas la maternité ?

- Je suis vraiment désolée. Il ne me touche que quand il a trop bu...
Pardonnez-moi pour toutes mes erreurs. J'étais jeune ... et stupide...

- Ça vous pouvez le dire !

- Je paye déjà assez mes fautes. Délivrez-moi s'il vous plaît...

- Ce n'est pas de mon ressort. Seul Dieu pourra vous venir en aide maintenant. Et même si j'en avais le pouvoir, pour rien au monde, je dis bien pour rien au monde, je ne vous pardonnerai. Vous m'avez pris ma vie, mon âme, ma paix intérieure Thérèse ...

- Vous aussi, vous n'êtes pas parfaite ma sur. Vous avez aussi commis des erreurs. Vous saviez très bien que vous étiez prédestinée à un grand destin, celui de vous unir à un futur souverain qui n'avait d'yeux que pour vous mais vous vous êtes mise à fréquenter un vulgaire soldat jusqu'à...

Adélaïde et un soldat ?

- Fermez-la ! Et ce n'était pas à vous d'aller le dire aux souverains. Et dire que vous étiez ma sur, ma confidente, ma meilleure amie... Vous m'avez trahie et par votre faute, j'ai perdu la seule chose qui allait donner un sens à ma vie. Et aujourd'hui, vous osez vous placer devant moi, quémander mon pardon; rêvez toujours ! Car vous ne l'aurez jamais ! Votre souffrance sur terre vient juste de commencer, un peu comme la mienne car je me reproche beaucoup de choses à cause de vous !

- Adélaïde, s'il vous plaît ...

- Qui vous protégeait quand vous étiez  enfant ? Qui vous a toujours soutenu ? Qui a toujours fait en sorte que vous vous sentiez bien ? ... tout cela c'était moi ! Comment avez-vous osé me faire cela ? C'est vraiment le serpent qu'on nourrit qui nous mord ! Tu auras beau soigner au mieux un serpent, à sa première fureur tu recevras ta rétribution ! Et le comble dans tout ça, c'est que la plupart des gens de ce palais croient que tout le ressentiment que j'éprouve envers vous, est dû à votre union avec Christian ! Regardes donc ce à quoi on me réduit Thérèse ! Je ne veux rien de ce Christian ! Je ne lui ai jamais porté un intérêt contrairement à lui ! Si c'était lui que vous vouliez, fallait me le dire et peut-être on aurait trouvé une alternative. Voilà que votre jalousie vous a conduite à votre perte !

- Adélaïde s'il vous plaît... s'il vous plaît ... si je la retrouve elle, me pardonnerez-vous ?

- Elle ? Qui ?

- Votre fille...

- Une fille ? Je n'ai pas de fille !

- C'est une fille...

- Ne racontez pas des sottises ! Elle est morte-née...

- Je n'en suis pas sûre mais, avant d'arriver ici, j'ai fait un tour chez Mirabelle, la tante de père.

- Elle aussi, est morte après mon départ de chez elle il y a deux ans !

- Oui, oui je sais mais, j'ai pu recueillir quelques informations sur votre enfant, votre petite fille...

Son enfant ? Adélaïde a-t-elle donc eu un enfant ? Une fille ?

J'étais tellement surprise que je brisa sans le faire exprès, un vase décoratif, ce qui faisait sortir les deux sœurs.

- Anne, ça va ?

- Oui, Adélaïde. Je suis un peu étourdie.

- Là je vous reconnais bien !

- Que faisiez-vous ensemble ?

- Adélaïde est venue m'aider. J'avais besoin de quelqu'un à qui me confier. Répliqua Thérèse.

- Oui, Anne, j'ai décidé de lui donner une chance. Après tout, on n'est pas totalement responsable de nos actes.

Adélaïde émettait des propos mensongers alors que Thérèse ne souhaitait qu'une chose, le pardon divin et était prête à tout pour l'avoir.

- Une servante va vous conduire dans vos appartements. Regardez comme vous êtes frêle et rouge. M'indique Adélaïde.

- Je...

- Ne répliquez pas ! C'est un ordre ! Je sais déjà ce que vous direz. Ne me forcez pas à prévenir mère. Vous la connaissez, vous savez comment elle peut être envahissante lorsqu'elle a du souci !

- D'accord Adélaïde.

- Rose, vous conduira et avec Sophie, les deux prendront soin de vous.

- Merci Adélaïde.

- Allez donc vous reposer. Moi, j'ai des choses à faire. Dit-elle en regardant furtivement sa sur.

Je marchais tout près de Rose et je me ressassais la révélation de tout à l'heure. C'est impossible! J'ai dû mal comprendre ! Adélaïde n'a pas un si gros secret ! Et les souverains qu'en penseront-ils ?

On entrait. Je laissais Sophie et Rose me border.

- Sophie, pourrez-vous s'il vous plaît, aller à Paris, faire des courses pour moi ? Vous trouverez tout ce que je voudrais sur cette liste.

- D'accord, votre altesse.

- J'irai l'accompagner si vous me le permettez.

- Non. J'aurai besoin de vous ici, Rose. Laissez Sophie y aller avec un garde et me ramener tout ce dont j'ai besoin.
Sophie, vous pouvez disposer.

Elle s'en allait aussitôt que j'eus fini de parler.

- Comment allez-vous Rose ? Et votre sœur, Marguerite ? Et votre fils, Barthélemy ?

- Nous allons tous bien votre altesse. Et cela, grâce à vous et votre soutien indubitable.

- Vous ne m'avez toujours pas raconté l'histoire sur votre fils. Où est son père ?

- Je ne saurai vous le dire votre altesse.

- Je ne vous comprends pas.

- C'est une histoire complexe.

- L'avez-vous eu seule ?

- En quelque sorte votre altesse.

- Vous savez ce que je veux dire par là.

- J'ai compris et je vous ai répondu.

- Que faisait le père de Barthélemy jadis ?

- Je n'en sais rien votre altesse.

- Je suis confuse ... N'êtes-vous pas sa mère ? Ne l'avez-vous pas porté dans votre sein ?

- Oui et non, votre altesse.

Je me redressais.

- Oui et non ? Je crois ne pas vous suivre Rose. Soyez plus claire.

- Je n'ai pas porté Barthélemy dans mon sein mais, je suis sa mère. Je l'ai élevé, j'ai pris soin de lui jusqu'à présent.

- Comment... Comment l'avez-vous donc eu ?

- À la naissance, Barthélemy avait été confié à ma tante qui, n'ayant pas pu s'en occuper à cause de ses multiples voyages dans le monde me l'a confiée pour une période déterminée d'abord puis, a finalement renoncé à lui, voyant qu'un enfant la ralentisserait dans ses activités.

- Et qui le lui avait confié ?

- Aucune idée, votre altesse.

- Je vais encore vous interroger à propos d'un sujet qui me tient à cœur.

- Votre altesse, est-ce pour cela que vous avez éloigné Sophie ?

- En effet. Je dois vous avouer que je n'ai guère confiance en elle. Je la suspecte de m'espionner pour le compte de la princesse Eléonore.

- Vous n'avez pas de souci à vous faire. Sophie est inoffensive.

- Je veux bien vous croire ma chère mais hélas, cela renforce encore plus mes doutes. Je voulais vous demander tout à l'heure, comment Alexandre et Adélaïde se connaissent-ils ?

- Je n'ai pas le droit d'en parler.

- Pour quelle raison ?

- On nous l'a interdit.

- Ça restera entre nous. N'avez-vous pas confiance en moi ?

- Si...

- Dites-le moi dans ce cas !

Elle soupira.
- Alexandre a tout d'abord grandi dans ce palais comme étant le fils illégitime du Comte Béchard qu'il a eu avec une servante du palais qui se prénommait Nora. Plus grand, il a travaillé au service du général Martin pendant plusieurs années durant lesquelles, il a servi la France partout où besoin se faisait. Vous ne l'avez pas connu en Espagne, parce qu'il avait été choisi par le Roi pour une mission spéciale.

- C'est donc ainsi qu'il connaît Adélaïde. Mais pourquoi ce ressentiment ?

- Je ne sais vraiment pas votre altesse. Plus jeunes, ils étaient de bons amis puis, ils ont commencé à être distants l'un de l'autre. Je ne saurai vous donner la véritable raison peut-être était-ce à cause de leur différence sociale ou autre chose mais je me permets de vous révéler qu'Alexandre m'a très souvent parlé d'une fille pour qui il éprouvait des sentiments. Il disait avoir peur que cette dernière n'éprouve pas la même chose. Je me souviens d'un jour où il m'a dit : « Notre première rencontre était comme celle qu'on lit dans les livres, nous étions jeunes et elle avait un bandeau jaune, et chaque fois, elle avait toujours un bandeau qui s'accordait convenablement avec sa tenue ».

- Il a donc aimé une fille aux bandeaux ?

- Oui, votre altesse.

- Et pourquoi n'avez-vous pas le droit d'en parler ?

- Alexandre a été chassé du palais pour une période indéterminée. Et personne n'a plus le droit de prononcer son prénom.

- Pourquoi ?

- La raison nous est inconnue votre altesse. Il ne veut pas en parler et je crois que madame Adélaïde y est pour quelque chose.

- Ça n'a pas dû être facile pour lui.

- Oui, votre altesse. Il s'est toujours battu comme il le pouvait. La famille de son père a refusé de lui venir en aide. Il s'est débrouillé tout seul. C'est maintenant qu'on le revoit près de deux printemps plus tard. Il s'était réfugié au nord de l'Europe où il chassait et pêchait, se faisant ainsi oublier de tous.

- Mais qu'a-t-il bien pu faire de grave pour être chassé ?

- Seuls les souverains et lui pourraient vous répondre.

- La Reine tient beaucoup trop à ses secrets de famille et le Roi n'en fait jamais allusion. Quant-à Alexandre, on ne se connaît réellement que depuis peu.

- Mais en tant que son ami de longue date, nos mères ont été servantes et amies dans ce palais, je suis sûre que peu importe de ce qu'on l'accuse, il est innocent.

- Ça doit être un mal entendu car une personne mauvaise ne m'aurait jamais portée secours comme lui, il l'a fait.

- Votre altesse, cette missive est arrivée pour vous. M'informe Sophie en me rejoignant dans ma chambre.

C'est ma dernière missive avant notre grande rencontre, votre altesse. Je sais que vous êtes aussi impatiente que moi d'observer votre reflet dans mes yeux...

Vous pouvez encore jouir de vos sens car, croyez-moi lorsque je vous dis qu'aucune femme ne pourrait me résister mais hélas, mon choix s'est porté sur vos magnifiques mirettes noires.

Si vous observez bien les signes, vous saurez qui vous a écrit durant tout ce temps.

Je vous permets de compter les couchés de soleil à partir de maintenant.

Dans quelques jours, ma délicieuse Anne.

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Petit resumé de la situation

Louis passe ses nuits avec la princesse frivole.

Madame Adélaïde a eu un enfant, quelle nouvelle ‼ Sa sœur pense savoir où se trouve cet enfant.

Sophie est suspectée par Anne.

Rose a révélé des passages qui nous étaient inconnus jusque là.

Anne a reçu une nouvelle fois une missive anonyme.

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