25- Les émotions parlent (II)

37 ÈME JOUR / 90.

Malgré tout, j'avais besoin de parler à Louis de ce qui s'est passé la dernière fois dans ses appartements lorsqu'il était ivre.

Je le rejoignais donc au jardin. Il discutait avec quelques membres de la cour. Je me mettais à l'écart et envoyais Sophie lui quémander une rencontre.

Il répondît à Sophie et me lança un regard tendre qui me remplit d'espoir.

Sophie revenait.
- Votre altesse, il vous demande d'attendre dans le bureau.

J'exécutai et alla prendre place dans ce bureau, impatiente de lui exposer mes pensées.

Dix minutes passaient rapidement comme ces derniers dix jours.
Louis franchissait le seuil de la porte et je réalisais à quel point il pouvait me stresser, à quel point il me perturbait intérieurement, à quel point il pouvait tout changer en moi.
Il prenait place en face de moi tandis que je réfléchissais à quoi lui dire; à vrai dire j'ignorais par où commencer.

Louis Ferdinand semblait calme, attentionné. Que s'est-il passé pour qu'il y ait ce changement si radical ?

- Comment vous portez-vous ce matin Anne ?

- Je me porte bien. Pourrais-je en dire autant de vous ?

- Oui.

Il y avait un silence et comme d'habitude, mon futur mari le rompît.

- Je sais pourquoi vous êtes là.

Je suis sûre que non.

- Vous voulez qu'on parle de ce qui s'est passé il y a dix jours.

Comment ... Comment l'a-t-il su ?

- Ne faites pas cette mine Anne. Je commence à bien vous connaître.

Je ne peux pas en dire autant de vous. Chaque jour, je découvre une nouvelle facette de Louis Ferdinand de France.

- Cette nuit là, je vous ai dit des paroles qui ont largement dépassé ma pensée. Veuillez m'excuser.

Je voyais mon monde s'effondrer autour de moi.
C'était donc l'alcool qui l'avait fait parler ainsi ! mais comment ose-t-il ?

- Il a neigé trois fois la hauteur des maisons, il plu quatre fois comme l'anse est profonde, le vent a fait plus de trois fois cent fois le tour du monde, le soleil a poli des siècles de saisons et mon amour est demeuré le même. Je vous aime Louis. Ne m'aimez-vous pas ?

- Je sui navrée Anne mais l'amour est pour moi, un sujet inconnu.

- Pourquoi cette maltraitance ? Vous vous jouez de moi depuis mon arrivée ici. Suis-je venue ici pour que vous m'épuisiez émotionnellement ? Vous saviez depuis longtemps que ce sujet me tracassait mais vous ne m'en avez guère fait part. Pourquoi autant d'indifférence à mon égard ? Ne suis-je pas aussi charmante qu'Eléonore ? Ou préférez-vous les vraies femmes ?

- Anne, j'ai des choses à faire. Mentionna-t-il froidement en griffonnant des mots sur du papier.

- De l'indifférence encore de l'indifférence ! Quand cesserez-vous ? Quand je pense que j'ai eu l'audace de croire que vous pouviez être différent que vous ne le paraissez. Voilà que maintenant, vous montrez votre nature froide. Pourquoi dois-je souffrir autant ? Que t'ai-je fait mon Dieu ? Ne t'ai-je pas prié comme il le fallait ? Ne t'ai-je pas adoré ? Pourquoi souffrir autant ? Pourquoi cette pénitence Seigneur ?

- Anne, ça suffit ! Allez vous lamenter ailleurs ! Tonna-t-il brusquement.

- Décidément, trop de bonté souvent enfante le mépris... J'ai été trop bonne bonne et mielleuse avec vous; me voici qui souffre à présent de votre indifférence et le plus désolent c'est que je ne suis pas la seule à souffrir de cela. Sachez-le donc, aujourd'hui, c'est vous qui m'écouterez, je vous ai déjà assez entendu. J'ai à vous dire Louis et croyez-moi quand je vous dis que vous m'écouterez !

Il me foudroya du regard espérant que cette action aurait un effet quelconque sur moi.

- Autrefois, vous étiez aimable, tellement si différent. Vous ne vous comportiez pas de manière très désagréable envers moi. Ne croyez-vous pas que je n'ai pas de sentiments ? Les mêmes sentiments que vous ? Je suis aussi un être humain Louis ! Vous riez de moi depuis le début, je le sais; n'osez pas le nier. Quelle sotte je suis ! J'ai été naïve d'espérer que vous n'étiez empreint que de bonté, quelle fatalité de me rendre compte que vous êtes l'être le plus abjecte et le plus sot qui puisse exister ! J'en ai marre de votre indifférence !

Il haussa un sourcil.

- Je ne vous laisserai pas me manquer de respect ! Vous n'allez pas me mépriser de la sorte ! Cria-t-il.

- Vous manquez de respect ? Et tout ce que vous m'aviez fait alors et en public de surcroît ? Votre orgueil, votre indifférence, votre mépris envers moi ? Pensez-y. Si je réagissais comme vous, où en serions-nous ? Sachez ceci mon cher Louis : « Par le mépris seul on venge le mépris et qui dine de l'orgueil soupera du mépris » !

Il avait toujours le même visage déformé par la colère.

- Oui je le dis : Vous êtes le personnage le plus abjecte et le plus sot que j'ai eu le malheur de rencontrer dans ma vie ! Que ferez-vous à présent ? Vous trichez depuis le début alors que moi, j'ai toujours été sincère envers vous. Vous auriez beau être mon aîné, mon futur époux, mon futur Roi et que sais-je encore ? sachez juste que je ne suis pas votre jouet, retenez le bien !  Même votre père respecte ses sujets ! J'en ai marre de votre indifférence, que vous me traitiez comme une personne ordinaire alors que je brûle d'amour pour vous  et c'est pourquoi, à partir d'aujourd'hui, je m'assurerai de n'être plus votre souffre douleur, vous arrêterez de me faire du tort ! C'est mon devoir politique qui me retient dans ce royaume dans le cas contraire, je vous aurai laissé vous marier avec votre ego. Vous ne me reverrez plus vous importuner et vous apprendrez à me traiter comme un être humain ou faites comme ci nous ne nous connaissions pas ! Cela m'est égal, tout ce qui vous concerne, m'est égal à présent d'ailleurs. Affirmais-je en le pointant du doigt.

-... l'interrompis je.

- Je n'ai pas fini. Vous ne me dites jamais rien. Je dois tout découvrir par moi-même. Et mes recherches sur vous n'ont jamais rien de concluant. Vous cachez bien votre jeu. Même votre sœur Adélaïde s'est confiée à moi, qui l'eut cru ?

Il écarquillait ses yeux

- Oui que croyiez-vous ? Vous n'êtes pas le seul à souffrir. Arrêtez donc de vous concentrer sur votre petite personne et regardez les gens autour de vous. Votre frère Benoît souffre d'un mariage arrangé et votre sœur Adélaïde en a marre qu'on lui prenne tout; les deux doivent souffrir plus que vous. Il ne faut pas être génie pour deviner que Thérèse n'est pas heureuse dans son mariage. Votre famille vous aime tellement, vous ne pouvez pas savoir à quel point je vous envie; vous avez de la chance mais vous êtes si égoïste ! Continuez à vous complaire dans votre chagrin, vous avez l'air d'aimer la souffrance. Je vous y encourage davantage et vous promets de ne plus m'approcher sauf si j'en suis obligée. Devant les gens, je jouerai le jeu, ne vous inquiétez pas; j'ai l'habitude. À présent, vous avez le mépris que vous réclamiez à corps et cri. Et dire qu'un jour, vous m'avez dit qui se prive d'espoir, se prive de chemin... Allez donc rejoindre votre Eléonore !

Je sortais du bureau du Roi sans regarder Louis une seule fois. Et
je croisais Henriette dehors.

- Anne qui y a-t-il ? Me demanda-t-elle après avoir remarqué que je n'étais pas dans mon état normal.

- Ma mère avait-elle donc raison lorsqu'elle disait le bonheur n'est pas pour nous ... ? Et charles lorsqu'il disait : la vie est remplie d'épreuves terribles, mais aussi de rencontres et de choses merveilleuses qui nous invitent à espérer. Espérer le meilleur sans perdre la lucidité du pire, c'est une intime sagesse ? J'ai espéré le meilleur en perdant la lucidité du pire.

Je m'enfuyais dans mes appartements où je trouvais Rose entrain de ranger le linge propre.

- Allez vous-en !

Je tombais sur mon lit et commençais à sangloter en cachant mon visage.

- J'ai libéré mon cœur aujourd'hui Rose... lui ai-je dit avant qu'elle ne se retrouve dans le couloir.

- Ça fait mal mais c'était nécessaire... Fis-je dans un sanglot.

Je pleurais de plus belle.
Elle referma la porte.

- Vous pouvez me parler. Je vous écouterai sans rien vous demander.

- Rose... je veux tellement croire que cette plaie se transforme en cicatrice et croire que cette peine si profonde que je ressens, me rende plus forte à l'avenir. Mais c'est plus difficile que ça ne paraît.

- Ça ira votre altesse...

- Le plus navrant c'est que je sens toujours que s'il me le demande, je me plierai à ses exigences. Qu'est-ce que je veux au final ?

- L'amour est un sujet très complexe qui a même dépassé les plus grands écrivains.

- J'ai finalement compris que parfois aimer, c'est aussi abandonner.

____________

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top