20- Le fils de Rose
26 ÈME JOUR / 90.
- Mon frère m'a demandée de vous conduire à la capitale. Me renseignait Adélaïde qui portait une robe verte qui s'agençait correctement avec un bandeau de la même couleur.
- Pour quelle raison ? Questionnais-je en fronçant les sourcils.
- Je l'ignore. Mais, étant donné que j'y vais pour faire quelques courses, une compagnie ne me sera pas désagréable.
- Nous y allions à quelle heure ?
- Maintenant. Serez-vous occupée ?
- Non non. Nous pouvons y aller. Donnez-moi juste quelques minutes pour monter et récupérer quelques affaires personnelles.
- D'accord. Je vous attendrai ici, au jardin. Faites vite, je vous en prie.
******
Nous étions en chemin. Toute mon attention se portait sur la nature verdoyante. En fait, c'est ce que je laissais paraître. Je n'avais pensé qu'à Louis et à sa froideur; en plus, comme ci ça ne suffisait pas, j'avais un noeud dans l'estomac qui me gênait terriblement.
- Anne ?
- Anne ! S'écria ma future belle-sœur.
- Adélaïde, m'avez-vous appelée ? Sursautais-je.
- Oui, je constate que vous avez l'air... ailleurs.
- La nature est si étonnante et attrayante en même temps. Inventais-je en forçant un sourire.
- Je ne crois pas que ce soit la nature. Je commence à bien vous connaître et mon intuition ne me fait jamais défaut.
- Pourquoi pensez-vous cela ?
- Je sais que ça n'en a pas l'air mais, sachez ceci ma chère future belle-sœur, je suis une experte en ce qui concerne les choses du cœur.
- Vraiment ? D'où tenez-vous votre diplôme ? Plaisantais-je.
- Je suis sérieuse Anne. Vous pouvez me parler.
Je lâchai un soupir.
- J'ai su qu'un conflit vous opposait à mon frère lorsqu'il m'a demandé de vous proposer de m'accompagner. Je lui ai demandé lequel mais il n'en a rien voulu me dire. J'espère que vous, vous serez plus réceptive.
Elle insistait avec son regard, je roulais des yeux avant de finalement avouer :
- Ce n'est rien de grave. Notre principal problème c'est son entêtement. Votre frère croît toujours que son raisonnement à lui n'est pas sans défaut. Il est tellement si... imprévisible. Juste à cause d'une petite cachoterie, il me fait souffrir comme ci j'avais trahi la cour !
- Serait-ce à cause de votre petite sortie dans le but de rejoindre la capitale ?
Mon visage se décomposait de surprise.
- Comment l'avez-vous su ?
- Tout le monde le sait au palais. Ne croyez pas que vous soyez cachée Anne.
- L'une de ces personnes a dû le révéler à Louis.
- Bien évidemment. Le personnel et les membres de la cour, ne sont pas des gens qu'on pourrait qualifier de discrets. Et croyez-moi, je sais ce que je dis. Affirma-t-elle avec conviction.
- Oui, vous avez raison.
- Il parait aussi que c'est un beau jeune homme qui vous a secouru lorsque vous étiez blessée et qui vous a ramené au palais par la suite. Qui était-ce?
Malgré le fait qu'Alexandre soit resté à distance du palais, il a été remarqué ! Serais-je suivie ?
- C'est un pêcheur qui pêchait pas très loin.
- Vous avez eu de la chance !
- Je ne vous le fais pas dire, Adélaïde. Arrive-t-on bientôt ?
- D'ici une ou deux minutes, vous commencerez à voir Paris. Me répondît-elle.
Et c'était le cas. Nous entrions dans la capitale.
L'atmosphère était différente, plus charmante et moins glaçante que celle du palais. Il n'y avait pas de Louis à l'horizon et je ne risquais certainement pas de le croiser, tout était en ma faveur pour que je passe une merveilleuse journée.
Les toits des maisons laissaient échapper de la fumée, les gens se déplaçaient d'un pas à l'autre dans leur accoutrement modeste et ils paraissaient proches et si bienveillants l'un envers l'autre.
Le Cochet prenait la direction du marché. Et après avoir traversé la place principale, la calèche entrait dans une rue, à quelques pieds de là.
- Nous nous arrêterons là. Mes jambes sont un peu engourdies, j'ai besoin de marcher. Précisa Adélaïde au cocher.
- Je ne vous ai même pas demandé. Que venez-vous faire ici ? M'informais-je.
- Je viens voir mon fournisseur de tissus.
- Pourquoi ne se déplace-t-il pas ?
- C'est un vieil ami; je préfère lui épargner une telle distance en plus, c'est une bonne raison pour souvent sortir.
Elle n'avait pas tort.
- Madame Adélaïde, nous vous accompagnons. Dit un garde de l'escorte royale.
- Évidemment ! Avez-vous peur que je m'enfuis ? Quelle idée ! Avec le danger qui court en ce moment, ce serait pure folie ! Je n'aimerai pas que l'on retrouve ma dépouille sous des décombres, quelle fin atroce !
On descendait de notre véhicule. On entrait dans une ruelle. Il y avait deux gardes devant et deux autres derrières.
- J'ai une préoccupation. Exposais-je
- Laquelle ? La ville ne vous plaît-elle pas ?
- Non, je l'adore et je vous remercie par ailleurs, de m'avoir proposée cela. Mais, ma préoccupation se porte sur Eléonore.
Elle se retourna vivement comme si ce nom avait réveillé quelque chose en elle.
- Qu'a-t-elle fait ? Se hâta-elle de réclamer.
- Rien, rien, rassurez-vous. Je me demandais juste... - essayais de formuler avant de reprendre, - Pensez-vous que je peux lui faire confiance ?
- Vous connaissez déjà mon avis sur cette femme et vous vous imaginez ce que je pourrai vous dire.
- Dites-le, je vous en prie.
- Comme vous voudrez.
Ne faites pas confiance à cette Eléonore. C'est ma mère qui avait raison au départ, elle qui a la plupart du temps, un raisonnement irréfutable. J'ai toujours pressenti qu'elle cachait quelque chose mais je n'ai jamais su quoi. Et je ne sais par quel diablerie, elle a réussi à avoir les faveurs de la Reine, l'amitié de Louis et de Louise et le respect de Benoît.
- Merci d'avoir été sincère.
- Je vous en prie. Tenez, nous sommes arrivées !
Nous étions devant une magnifique porte en bois de chênes avec des poignées en argent.
Un homme blond, pas très grand, y sortît.
- Votre demeure est toujours aussi attrayante ! s'exclamait Adélaïde.
- Mais, c'est pour recevoir une beauté telle que vous, ma chère. Dit l'homme pas très grand en baisant la main de la première fille de Louis XV.
- Toujours aussi flatteur et charmant à ce que je vois !
- Avec l'espoir que mon charme ne vous laisse pas de marbre, qu'il déteigne sur vous et que vous pensiez constamment à moi ! Votre beauté est si captivante, aucun homme ne pourrait y résister.
- Quel beau parleur !
En parlant de charme, je vous présente ma charmante future belle-sœur, l'infante d'Espagne Anne. La future Reine de France ! Dit-elle avec un ton qui se voulait élogieux.
Son ami se courba, pour exécuter une révérence avant de déclarer :
- Navré, votre altesse, je n'étais pas au courant de votre venue dans mon modeste commerce.
- Non ! Ne vous dérangez pas autant.
- Indulgente en plus d'être charmante, les qualités d'une grande Reine.
- Si j'avais su plutôt qu'elle serait des nôtres, je vous aurai prévenu mais, mon frère m'a pris au dépourvu.
- Je vous comprends.
- Et à vous, Anne, voici Jack de Beauville, un ami d'enfance et le fournisseur de tissus de la famille royale. Sa famille et lui, travaillent dans l'industrie du textile depuis des décennies et ils sont les meilleurs en France. Son père, à la retraite, il a pris l'affaire en mains et il fait du très bon travail, le plus talentueux de toute l'Europe !
- N'exagérez pas, Adélaïde.
- Vous savez bien que je dis vrai, Jack.
- Votre altesse pourrait croire que je suis vantard.
- Appelez-moi Anne, je vous en prie.
- Comme vous pouvez l'imaginer, nous n'allons pas nous éterniser sur le pallier de votre boutique Jack !
- Navré Adélaïde, j'avais oublié à quel point vous étiez impatiente... Passez donc à l'intérieur. J'ai des merveilles pour vous !
******
Un heure plus tard, nous rejoignions notre véhicule.
Adélaïde discutait avec Jack tandis que mes yeux faisaient le tour de la place et qu'ils croisaient une silhouette que nous connaissions très bien.
- Rose ! Rose ! Criais-je en courant vers cette dernière.
- Où allez-vous Anne ? Vociférait Adélaïde.
Rose, qui marchait tranquillement, me remarquait enfin et se stoppait pour faire une révérence.
- Comment allez-vous ?
- Je vais bien votre altesse et vous ?
- Je vais bien. Je constate que vous sortez vous approvisionner !
- En effet. Mais, que faites-vous par ici ? Je croyais que votre fiancé ne voulait pas vous voir à l'extérieur du palais.
- C'est lui qui m'a autorisée à sortir. Et moi, je constate que vous aussi, vous êtes au courant. Ça ne devrait même pas m'étonner, j'oublie que vous êtes au centre de tous les commérages du palais.
Elle souriait à ma petite blague.
- J'espère que vous n'êtes pas pressée.
- Pourquoi ?
- Je vous invite chez moi, aujourd'hui.
- Je serai ravie de venir mais, je ne pense pas que madame Adélaïde acceptera.
- Vous pensez que je n'accepterai pas quoi ? Demanda Adélaïde, qui était arrivée derrière moi sans que je ne m'en rende compte.
- Madame Adélaïde, débuta Rose par une minutieuse révérence. J'étais entrain de proposer à l'infante Anne, une invitation à déjeuner chez moi.
- Et c'est cela que vous croyiez que je n'accepterai pas ?
J'haussai les épaules.
- J'accepte Rose ! Allons chez vous mais, j'ai mon escorte qui me suit de près.
- D'accord, je leur trouverai une place à l'extérieur.
- Nous y allions dans la calèche. J'ai les jambes fatigués à force de marcher.
On s'installait dans la calèche et on empruntait la ruelle à gauche. Rose occupait un modeste logis mais chaleureux.
- Marguerite ! S'écria Rose, à l'encontre d'une jeune femme qui portait un petit garçon dans ses bras et qui avait une chevelure en or.
D'un geste dynamique, la jeune femme qui suivait son chemin tout droit se retournait et rebroussait chemin. Là, il me vint à l'esprit que je l'avais déjà vue mais où ?
Plus elle s'approchait, plus son air fébrile et candide me disait quelque chose.
Elle s'arrêta soudain, arrivée à notre hauteur. Rose prenait le jeune enfant dans ses bras et le couvrait de baisers. Et là, je me souvenais de ce qu'elle m'avait dit une fois et je pensais : c'est son fils !
Sa sœur, Marguerite baissait la tête devant nous. Serait-ce donc celle que la Reine a renvoyé ? Mais pourquoi me dit-elle quelque chose ? Où ai-je bien pu la rencontrer ?
Je voulais questionner discrètement Adélaïde à ce sujet, mais toute son attention se portait sur le fils de Rose.
- Adélaïde, je ne savais pas que vous aimiez les enfants !
- J'ai toujours voulu en avoir mais, il faut être mariée pour ça, ma chère Anne.
Elle dit cette dernière phrase, avec tristesse.
Elle avait quelque chose dans le regard chaque fois qu'elle posait ses yeux sur cet enfant, comme une lueur d'espoir. C'était plus que ce qu'elle prétendait. Ça se voyait !
- Pourrai-je le prendre ? Demanda-t-elle enfin, avec hésitation.
Tout le monde était surpris mais, Rose lui donnait son fils et là, je pus bien l'admirer. Il avait des yeux noisettes comme Rose et quelqu'un d'autre que j'ai déjà eu à rencontrer et des courts cheveux bruns bouclés comme ceux de Louis, autrefois.
- Quel âge a-t-il ?
- Un an deux mois et demi. Il aura un mois de plus, le mois prochain madame Adélaïde.
Son visage s'attristait un instant avant de s'illuminer suite au petit rire de l'enfant de Rose.
- Comment s'appelle-t-il ?
- Barthélemy.
- Pourquoi Barthélemy ? À votre place, je l'aurai appelée Léonard, je trouve que ça lui convient mieux. Mais c'est votre fils, je n'ai pas à m'impliquer dans vos histoires.
Le regard d'Adelaide s'illuminait de plus en plus. Elle ne voulait plus le lâcher et Rose ne voulait pas la froisser en lui demandant de lui remettre son fils.
Le déjeuner passait, et Adélaïde jouait toujours avec le petit Barthélémy. Elle n'avait pas voulu manger et semblait si émerveillée de pouvoir le tenir dans ses bras tant ce dernier aimait sa compagnie.
Il semblait y avoir un lien fort entre les deux, plus fort que ce que nous pensions, enfin, ce ne sont que des suppositions.
Rose et moi, discutions - de tout et de rien - depuis un bon moment jusqu'à ce qu'elle se décida à me confier quelque chose.
- Parlant de votre petite escapade votre altesse, je crois avoir un doute sur la personne qui a tout révélé au dauphin.
J'ouvrais grand les yeux.
- Il ne faudrait pas accuser quelqu'un à tort.
- Je vais vous dire ce qu'on m'a racontée et vous me direz ce que vous en pensez. Mais, à vrai dire, je suis sûre que c'est cette personne qui a tout dit dans le seul but de vous créer des problèmes avec votre futur époux.
- Parlez donc. De qui s'agit-il ? Qu'est-ce qu'on vous a raconté ?
- Mon ami Fiona a vu le dauphin, discuter avec la princesse Eléonore et a entendu cette dernière, parler de vous. C'était après qu'il soit sorti de votre chambre. La Reine avait fait appeler une servante, mon amie Fiona pour son bain. Elle était encore dans les couloirs lorsqu'elle a entendu le Dauphin crier sur la princesse de Pologne. Il disait que vous ne pouviez pas lui faire telle chose, que cette dernière vous calomniait. Peut-être tout vient de là.
Peut-être après avoir appris qu'il a dormi avec vous, elle s'est sentie mal et a tout raconté. Parce que souvenez-vous, ce jour-là, nous discutions vous et moi quand le dauphin a fait irruption dans votre chambre, le visage déformé par la colère.
- Mais pourquoi m'aurait elle trahie - elle qui prétend être mon amie - ? Et dans quel but l'aurait-elle fait - elle qui est fiancée à Benoît ?
- Je n'en sais rien.
- Votre amie a-t-elle bien entendu ? N'aurait-elle pas raconté tout cela dans le seul but de se rendre un peu plus importante ?
- Non, votre altesse, Fiona n'est pas comme ça et je suis la seule à qui elle en a parlé.
Voilà pourquoi personne n'en parle !
- Même une vie ne suffirait pas pour connaître véritablement une personne, Rose.
- Cela est vrai votre altesse. J'essaierai d'en savoir plus.
- Oui, je sais !
- Vous savez quoi ?
- Votre sœur, Rose ! Marguerite ! Je la connais, je sais où je l'ai vue.
Elle me lança un regard perplexe tandis que Marguerite qui m'avait entendue de loin me lança un regard de supplication, je compris alors qu'elle ne voulait pas que je dise à sa sœur que je l'avais vue, le soir du bal, dans la forêt entrain de discuter avec le petit frère d'Adelaïde et je me tus.
- Vous disiez que vous aviez vu ma sœur.
- Oui, on s'est croisé une ou deux fois dans les couloirs, je venais d'arriver à la cour de France. Depuis mon arrivée chez vous, j'ai l'impression de la connaître. Serait-elle celle que la Reine a expulsé du palais ?
- Oui, c'est elle votre altesse.
- Navrée. Si j'avais pu vous aider dans ce sens, je l'aurai fait.
- Mais vous nous avez déjà assez aidé.
Je lui souriais et elle aussi, me rendait mon sourire.
Je lançai un coup d'œil à l'extérieur et je remarquai qu'il faisait déjà tard.
- Adélaïde, il est temps pour nous de rentrer.
- Déjà ? Mais, nous venons à peine d'arriver !
- Non, ça fait trois heures de temps que nous sommes ici et ça fait une heure que j'essaie de vous convaincre qu'il est l'heure de partir.
- Mais ...
- Nous devrions être rentrées depuis une heure trente. La famille royale va commencer à s'inquiéter.
- On leur racontera une histoire.
- Oui, en entendant, il faut qu'on rentre.
- D'accord. J'ai compris Anne. Rose occupez-vous bien de lui, je vous en prie.
Elle disait au revoir à Barthélemy.
- Je passerai te revoir d'ici peu. Confia Adélaïde au fils de Rose.
- Au fait, je n'ai pas vu son père rentrer. Qui est son père ? Demanda Adélaïde.
- Oui, qui est-il ? Insistais-je naïvement.
Les deux sœurs se regardaient
C'était apparemment un sujet sensible.
- Son père...
Rose avait l'air gênée d'en parler. Je pressais Adélaïde pour qu'elle oublie cette affaire de père et qu'elle me suive. Je ne voulais pas obliger Rose à nous dire quelque chose qu'elle n'en avait guère envie ou la compromettre au mensonge.
- Adélaïde, allons-y. Le soleil se couche !
- Oui, oui je vous suis.
Durant tout le chemin du retour, elle n'avait parlé que de Barthélémy, le fils de Rose, a touché son cœur rapidement comme personne ne l'avait jamais fait auparavant.
_____________
Cette Adélaïde, elle est vraiment bizarre. Qui l'eut cru ? Elle adorait les enfants, elle qui a toujours semblé très dure !
Et cette Eléonore ? Espérons qu'Adélaïde se trompe à son sujet et que ce que Fiona ait raconté à Anne, soit faux !
Lisons le chapitre suivant 🏃🏽♀️.
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