16- Mon preux chevalier.
- Vous n'êtes pas si légère que ça. Si je l'avais su, je ne vous aurais jamais proposé de vous porter. Plaisantait-il
- Trop drôle...
Puis-je oser demander le nom de mon preux chevalier ?
- Alexandre. Et vous, la fille à l'accent espagnol ?
- Anne. Que faisiez-vous Alexandre, dans cet endroit isolé ?
- Je pêchais.
- Et où est votre matériel de pêche ?
- Laissé au bord de l'eau après avoir entendu votre cri strident et vos plaintes.
- Quelle humanité ! Si tout le monde pouvait avoir votre bon sens ! Je suis impressionnée ! Mais si je peux me le permettre, vous ressemblez plus à un chasseur.
- J'en suis aussi un. Et vous, qui alliez-vous voir à la capitale ?
- Je voulais rendre visite à ma cousine souffrante et peut-être surprendre mon fiancé par la même occasion avec sa soit disante maîtresse si bien sûr il en a une.
J'éprouvais de la honte à mentir mais que pouvais-je bien y faire ? Peut-être ses intentions auraient changé après avoir découvert ma réelle identité ? En plus, je n'ai menti qu'en partie.
- Vous n'en êtes pas sûre ? Je veux dire par rapport à la maîtresse de votre fiancé.
- Oui, c'est une rumeur qui circule. Pouvons-nous arrêter là ? J'aimerais m'abreuver et vous donner du repos.
- Nous ne pouvons pas nous permettre une halte. Prenez ma poche d'eau et buvez dedans.
- Ce ne sera qu'une courte halte, s'il vous plaît.
- La nuit risque nous trouver ici...
- ....À vrai dire je suis très mal à l'aise que vous fassiez cela pour moi. S'il vous plaît, juste une courte halte, d'une dizaine de minutes et puis, on continuera notre chemin. Cela est nécessaire pour moi, pour avoir la conscience tranquille.
Nous nous arrêtâmes suite à mes supplications. Alexandre me donnait de l'eau.
- Si la rumeur est vérifiée, ne vous inquiétez pas, l'amour physique est sans issue. Je veux dire par rapport à la maîtresse de votre fiancé. Un homme peut vous tromper et vous aimer comme un fou.
- Que savez-vous de l'amour Alexandre pour affirmer de tels propos ?
- Un vieil homme m'a dit : la meilleure odeur est celle du pain, le meilleur goût, celui du sel, le meilleur amour, celui des enfants. Je sais aussi que l'univers obéit à l'Amour; Aimez, aimez, l'humanité se limite à ça, le reste n'est rien.
- Peut-être c'est le mystère qu'est l'Amour qui nous attire tant. Avez-vous déjà fait cette expérience ?
- A Paris, quand on croise une femme dans la rue et qu'on la regarde, on commet presque une infidélité. Regarder une française et être vu par elle, on dirait qu'on ébauche un roman d'amour et qu'on vit sa propre histoire d'amour ! Plaisantait-il avec de grands gestes.
Je ricanais.
- Mais, non pas ce genre d'expérience ! Vous savez exactement de quoi je parle. Notais-je.
- Continuons notre route à présent.
- Comme vous voudrez mon preux chevalier.
Il souriait.
- Vous n'avez toujours pas compris de quelle expérience je parle ? Fis-je en le tapotant sur l'épaule.
Il tournait sa tête et faisait mine de n'avoir rien compris.
- Comme vous insistez, je parle d'avoir aimé une personne de tout votre être. Dis-je en inspirant et en fermant mes yeux.
Il lâcha une expiration, ne dit rien pendant un moment.
- Savez-vous que la passion amoureuse ou un haut degré d'ambition ont, de tout temps, changé des gens raisonnables en fous qui déraisonnent ? Hélas, J'ai été un fou qui déraisonne à cause de l'amour mais cette époque me semble si lointaine...
-L'amour a un caractère si particulier qu'on ne peut le cacher où il est, ni le feindre où il n'est pas. Personne ne peut nier avoir éprouvé ce sentiment. Il est aveugle et sa canne est rose ! Affirmais-je, sûre de moi.
-L'amour est aveugle? Quelle plaisanterie ! Dans un domaine où tout est regard !
- Pourquoi une telle pensée ?
- Parce que c'est ce qui est !
Retenez bien ceci : l'amour n'existe pas, du moins, on ne peut pas avoir la fin heureuse comme veulent nous faire croire les livres. C'est un mirage, une conception de l'esprit. Ou alors, si vous préférez, l'amour n'existe potentiellement que s'il ne se concrétise pas. Il est une émanation de l'esprit, fait d'espoir, d'attentes et de projections.
- Pourquoi un si dure jugement ?
- Par mon expérience, je sais que :«on pardonne un jour tous les faits de guerre. On n'oublie guère les effets de l'amour». Je n'ai pas oublié cette impression de mourir à petit feu à l'intérieur de mon être. C'est dure !
- Vous parlez comme un ex soldat qui a eu le cœur brisé.
Il resta silencieux pendant quelques minutes.
- Le plus grand mal que nous ait jamais donné l'amour, c'est de nous avoir fait croire à l'amour. Je l'ai perdue à cause de son haut degré d'ambition démesurée, et pourtant, elle était tout pour moi.
Il se tut brusquement.
- L'on dit que : le soleil est rare et le bonheur aussi, L'amour s'égare au long de la vie. Mais quand on le trouve, on est l'être le plus comblé lorsque les sentiments sont réciproques ou pas car la vie ne vaut pas la peine d'être vécue sans amour. L'amour représente l'espoir.
- Mais, encore faut-il être bien né pour se permettre une idylle ! Rétorquait-il.
- Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Tout le monde peut aimer selon moi.
- Peut-être vous êtes l'exception parmi les exceptions ou vous êtes trop naïve pour le voir. Mon expérience à moi, parle d'elle-même... ( il s'arrêta un instant ) ... Quoi qu'on fasse d'illustre et de considérable, jamais à son sujet un roi n'est redevable. Si l'amour vit d'espoir, il périt avec lui . C'est un feu qui s'éteint, faute de nourriture.
- Ça se sent dans vos paroles que vous avez beaucoup souffert. Je ne vous demanderai rien sur ce qui s'est passé...
- Merci bien.
- Mais je me permettrai de vous donner quelques conseils pour vous aider à vous relever comme vous venez de le faire pour moi.
- Comme vous voudrez.
- Alexandre, le bonheur, ce n'est pas d'être aimé. Chaque être humain a de l'amour pour lui-même, et pourtant, ils sont des milliers à vivre une existence de damnée. Non, être aimé ne donne pas le bonheur. Mais aimer, ça c'est le bonheur ! Moi, je suis amoureuse d'un homme qui ne m'a jamais dit qu'il m'aime, je doute d'ailleurs que ce soit le cas car il ne veut rien partager avec moi. Je confirme ainsi ce que l'on raconte sur l'amour qui naît subitement et qui est le plus long à guérir.
Un silence pesant régnait .
- Vous a-t-elle aimé ? Osais-je demander.
- C'est ce que je croyais jusqu'à ce qu'elle m'abandonne pour un plus fortuné. Mon amour pour elle, m'a coûté ma carrière, ma vie, mon âme... et même ma paix !
- Vous au moins avez eu cette illusion d'amour. Pensez toujours lorsque vous serez triste, à moi, qui aime quelqu'un qui ne la regarde même pas, peut-être ça vous aidera à aller de l'avant.
- Ou ça me plongera encore plus dans une tristesse profonde.
- Non. J'ai tant rêvé qu'il soit avec moi et maintenant que mon rêve s'est réalisé, je me demande si je n'aurais pas mieux fait de rêver d'une chose matérielle dont j'aurais pu disposer à ma guise... Nous sommes proches mais en même temps, si loin... Ah ! Ne dit-on pas que la proximité installe, à la longue, une étrange distance ?
- Mais La distance rend toute chose infiniment plus précieuse. Certaines choses et certains êtres ont besoin de la distance qui les sépare et que cette distance demeure infranchissable pour s'aimer encore plus.
- Peut-être. Et vous, arrêtez donc d'être triste à cause de quelque chose qui s'est passé il y a longtemps.
D'un coup, il se figea et regarda le long chemin devant lui comme s'il se remémorait un souvenir douloureux.
- Nous sommes arrivés. Finît-il par prononcer.
- Extraordinaire ! Notre conversation nous a tellement absorbé que je n'ai pas vu le temps passé. Pourquoi n'avancez-vous pas ?
- Je crois qu'il est mieux de vous laisser ici.
- Vous vous comportez comme quelqu'un dont l'accès au château a été interdit.
- Non, ce n'est pas cela. Je pense juste que ce n'est pas bon qu'on soit vu ensemble. Vous êtes fiancée et des gens pourraient mal l'interpréter.
- Ah oui, vous avez raison. Avec toutes ses commères... Je constate néanmoins que vous avez toujours des réponses à tout.
- Pouvez-vous avancer seule, jusqu'à la grille ?
- Je vais essayer.
Je mettais d'abord, le pied droit au sol ensuite, le pied gauche, je sentais moins mal mais je ne pouvais me résoudre à me déplacer seule, jusqu'à la grille en plus. Il y avait au moins une vingtaine de mètres jusque là.
Je regardais autour de moi et tombait nez à nez avec un visage familier, c'était une blonde au visage rond pourvue de la même gentillesse et du bon sens que ma chère Susanne mais qui avait un caractère plus fort qu'elle. Celle-ci ne respectait pas les normes si ces dernières venaient se mettre en travers de son chemin ou de celui de sa famille, protectrice elle était envers ceux qui lui sont chers alors que l'autre, Susanne, les respectait peu importe l'injustice subie et amenait tout le monde à faire comme elle, pieuse elle était.
Elle courait vers moi.
- Vot...
Je l'interrompis avant qu'elle ne dévoile mon petit secret.
- Rose...
- Ça fait une heure que je vous attends. On avait dit dans deux heures. Je commençais déjà à m'inquiéter... où est Max ?
- Je vous raconterai tout plus tard.
- Êtes-vous blessée ? Se surprît-elle en constatant l'état de ma cheville.
- Juste une petite entorse. Grâce à ce monsieur, j'ai pu m'en sortir.
Elle observa la personne qui m'avait secourue. Les deux jeunes gens semblaient se connaitre mais hésitaient à dire quoique ce soit. Ils ne se jaugeaient que du regard. Rose avait eu un doute sur l'identité de mon preux chevalier mais, lorsque j'eus prononcé son nom, - dans cette phrase : « Rose, je vous présente Alexandre, mon sauveur. Alexandre, voici mon amie Rose » - les doutes se dissipèrent pour laisser place à la certitude. Elle le connaissait et lui aussi et elle était choquée de le voir ici mais comment se connaissaient-ils ? l'aurait-il aussi secourue ?
- Vous vous connaissez ?
- Non. C'était un plaisir de vous avoir rencontré mesdames. Maintenant, je dois m'en aller. Ajouta-t-il rapidement.
- Mais, attendez, que faire pour vous remercier ?
- Soignez-vous. M'avait-il répondu avec un sourire bienveillant.
Mon preux chevalier courait et s'enfonçait dans la forêt n'attendant même pas que je lui dise merci.
- Aidez-moi Rose, à rejoindre ma chambre s'il vous plaît.
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La suite dimanche ou avant 🙂.
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