13- Les apparences sont trompeuses.
10 ÈME JOUR / 90
Après m'avoir ignorée pendant plusieurs jours, Adélaïde m'avait conviée à une promenade en sa seule compagnie.
- Je suis surprise de cette invitation. Madame Adélaïde est-elle donc devenue courtoise ? Plaisantais-je. Ce qui faisait sourire Adélaïde.
- Ne vous réjouissez pas trop vite. Je pourrais reprendre mes mauvaises habitudes et vous risquerez de ne pas aimer. S'amusait-elle à son tour.
- Comment vous portez-vous en cette matinée ?
- Mieux que la fois passée... Venez on s'assiera là.
Ma future belle-sœur m'avait indiquée une place tout près d'elle sur un banc public, situé dans les jardins du château.
- Je tenais à vous remercier pour votre soutien de la dernière fois. Je n'aurais pas dû réagir aussi mal envers vous. Finalement, vous n'êtes pas si indésirable que vous le laissez croire car vous vous êtes comportée avec moi comme personne ne l'a jamais fait auparavant.
- Je me trompe ou Madame Adélaïde s'excuse en me faisant un compliment ? Où sont passés votre cynisme et votre sarcasme ? Plaisantais-je.
Elle sourît à ma petite plaisanterie.
- Je suis sérieuse et je vous remercie de ne pas avoir répandu cela dans tout le palais.
- Pourquoi m'avez-vous ignorée pendant tout ce temps ?
- J'avais honte... honte que vous m'ayez vu aussi vulnérable.
La petite soeur de Louis baissait la tête, étrangement très mal à l'aise.
- Ne réagissez pas ainsi. Tout le monde a ses faiblesses. Moi aussi, il m'arrive de pleurer même si je ne saccage pas tout ce qui m'entoure. Dis-je dans le but de lui arracher un sourire.
- Pourrai-je vous demander quelque chose, Adélaïde ?
- Oui, bien-sûr.
- Vous avez murmuré ce jour là, " un an déjà, un an qu'ils m'ont tout pris". De quoi parliez-vous exactement si je pus me le permettre ?
- N'écoutez pas les sottises d'une personne qui ne savait plus où elle en était.
- L'on dit souvent que c'est dans ces moments là que l'on est le plus vrai.
Elle regardait tout droit devant elle, se figeait un instant et le regard vide, laissait couler une larme.
- Jamais nous ne goûtons de parfaite allégresse: Nos plus heureux succès sont mêlés de tristesse. Toujours quelques soucis en ces événements qui troublent la pureté de nos contentements.
- Adélaïde, je ne vous comprends pas.
- Avez-vous déjà aimé, aimé au point où vous avez eu l'impression de voler ? D'être invincible par la seule force de l'amour ?
J'haussais un sourcil. Elle s'arrêta pensive, tournait légèrement sa tête pour me faire face.
- Connaissez-vous ce sentiment ? Cette impression de suffoquer ( elle posait une main sur son cœur ) lorsque la personne que vous aimez tant n'est pas près de vous, cette sensation d'avoir la gorge sèche ( elle effleurait sa gorge de ses longs doigts fins ), des palpitations, des mains moites ( elle observait les paumes de ses mains) ou encore de ressentir une joie immense à l'idée de voir la personne qui hante vos nuits et qui sublime vos journées ? Avez-vous déjà éprouvé ce sentiment de peur à la seule idée de perdre l'être tant aimé ?
- C'est un sentiment très fort, l'amour. Il est comme le vent, nous ne savons pas d'où il vient, et il arrive toujours à nous surprendre. En effet, je connais ce sentiment et il m'arrive de m'en vouloir de l'éprouver. Pourquoi me demandez-vous cela ?
- Ne vous en voulez pas. C'est un sentiment tout à fait normal comme les autres. Je vous envie tellement. J'aurais aimé être à votre place, m'unir à l'amour de ma vie. Jadis, je vivais, je voyais, j'étais quand j'aimais. Maintenant, je ne suis plus rien. J'ai tout donné par amour jusqu'à mon âme... Aujourd'hui, je me sens... vide.
Je posais ma main sur la sienne pour lui inspirer la confiance, elle abaissa son regard et contempla ce geste.
- Racontez-moi, Adélaïde.
La grande sœur de Benoît me regardait pensive pendant quelques minutes avant de répliquer :
- Nous avions des projets, une vision commune. C'était trop beau pour être vrai. Si j'avais su que je l'aimais autant, je l'aurais aimé encore davantage. Et je ne l'aurais pas laissé partir. Maintenant qu'il n'est plus là, je me rends compte à quel point je l'aime. Son absence me fait réaliser son importance.
- Il y a des êtres qui nous touchent plus que d'autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous-même, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque.
- Personne n'a idée de ce par quoi j'ai pu passer par amour.
- Vous pouvez me le dire. Moi, je vous comprendrai et ne vous jugerai point.
- Si ça pouvait être aussi simple... Ça n'a pas été facile de rester en vie tout ce temps vous savez. J'ai même songé à m'ôter la vie à maintes reprises.
- Que dites-vous là ? M'offusquais-je.
- J'en ai marre de cette vie. Je pense avoir déjà payé les frais de mes actes mais lui, il était innocent, il ne le méritait pas. Je ne me suis pas ôtée la vie, pour lui, juste pour lui car je nourris l'espoir de pouvoir le prendre dans mes bras avant de rejoindre les miens dans l'au-delà.
- Lui qui ? Votre amant ? Et Dieu dans tout ça ? N'avez vous point peur de son jugement ?
- Dieu ? Vous me parlez de Dieu après tout ce qu'il m'a fait subir ? Je ne doute pas qu'il existe mais je doute qu'il m'écoute !
- Gardez la foi. Peut-être un beau jour, tout se résoudra par son seul miracle.
- Ne me parlez pas de foi quand vous ne savez rien de mes tourments.
- Partagez les donc avec moi ! Suppliais-je
- Je n'avais rien fait de mal à qui que ce soit. J'ai juste aimé de tout mon être et c'est ainsi qu'on me remercie ? S'offusquait-elle.
- C'est le destin de quelques Hommes de subir des injustices. Quelques fois, il faut que l'on passe par des épreuves difficiles pour mieux savourer le bonheur, la chance de pouvoir vivre près des siens. Vous, vous avez laissé la douleur vous envahir et c'est ça, la cause de votre souffrance.
- Peut-être vous dites vrai. Mais ça a été plus facile de sombrer dans le chagrin et le désespoir que d'essayer de me reprendre.
- Soyez plus forte que ces émotions négatives. Je sais que vous êtes plus forte que ça et que vous pourrez tout surmonter.
- C'est facile à dire. Si seulement ça pouvait être le cas.
- Regardez-vous dans un miroir, vous verrez ce que je vois, une femme magnifique et forte. Vous êtes plus que vous ne le croyez. Ne vous sous estimez pas et ne laissez pas quelques événements du passé influer sur votre futur. Peut-être la vie vous donnera une seconde chance pour tout réparer ou peut-être pas. Si c'est le cas, vous pouvez toujours la provoquer cette chance au lieu de vous morfondre ainsi et de faire payer des innocents pour quelque chose qu'ils ignorent tous. Personne n'arrive à vous intimider dans ce palais, vous êtes au-dessus de tout et de tous même vos souverains vous craignent mais comment vous vous laissez sombrer par quelques petites émotions ?
- Vous avez raison mais je crains y arriver.
- Vous y arriverez et je vous aiderai.
Elle se blottissait dans mes bras. Et lorsqu'elle se retira, je lui posais enfin la question qui me tracassait :
- Qui est donc ce grand amour que vous avez perdu ?
- Il était connu de tous et inconnu en même temps.
- Pourquoi autant de mystère ? S'agirait-il de l'héritier au trône du Danemark par hasard ?
Elle se tournait, stupéfaite.
- Vos sœurs m'ont parlé de ce mariage entre vous et ce dernier qui n'a pas pu avoir lieu à cause de votre maladie.
- Tout le monde croît savoir ce qui s'est passé mais personne ne sait rien.
- Qu'insinuez-vous ?
- Ne prêtez pas attention à mes dires. Cette histoire était impossible. Je regrette juste de n'avoir pas pu le garder près de moi. Et sachez que je vous ai écouté, je ferai tout mon possible pour ressembler à celle que j'étais auparavant et pour renouer avec moi-même.
Madame Adélaïde passait ses deux mains sur son visage pour essuyer les quelques larmes qui coulaient toujours.
- Parlez-moi de vous et Louis. A-t-elle dit avec un sourire.
J'hésitais.
Elle m'encourageait avec un autre sourire bienveillant.
- Votre frère est troublant.
- Louis ?
- Oui. Suis-je promise à un autre ?
- Navrée. C'est juste ahurissant de croire que Louis... soit troublant. Éclairez-moi s'il vous plaît.
- L'on ne sait jamais ce à quoi il pense. Et chaque jour, il est en déplacement. Je ne sais guère ce qu'il fuit ou ce qu'il recherche.
- Il a été victime d'une tragédie.
- De quelle tragédie s'agit-il ?
- Justement, je n'en sais rien. Je sais juste qu'il s'est passé quelque chose il y a presque cinq ans et cette chose l'a brisée.
- Personne n'en sait rien ?
- Louis, est très secret. Même moi, qui était proche de lui par le passé, je n'ai rien pu apprendre. Mais, peut-être la Reine et le Roi, savent ce qui s'est passé. Ils savent toujours tout.
- Et que disiez-vous, il y a quelques jours, à propos de la princesse de Pologne et de lui ?
- Rien de concret. Je voulais juste vous déstabiliser et je vois que ça a marché.
- Racontez-moi néanmoins, ce que vous savez sur le sujet s'il vous plaît.
Elle cogitait.
- Bon, Eléonore et mon frère sont de très bons amis depuis l'enfance. Ils étaient un groupe de cinq composé de trois garçons et de deux filles...
- Je ne savais pas que dans leur groupe, il y avait trois garçons et deux filles. L'interrompis-je.
- Laissez-moi poursuivre je vous en prie.
- Désolée.
- Alors, je disais qu'ils étaient amis. Mais, je les ai toujours senti très proches, plus proches que de simples amis : c'est juste une impression personnelle. Une rumeur de mariage se fît ouïr il y a quatre années mais moi, je savais bien qu'il s'agissait d'une simple rumeur car ma mère n'appréciait guère la princesse de Pologne à cette époque et aurait été prête à tout pour empêcher cette union. Elle la supportait juste parce que le Roi le lui avait demandé. L'autre fille du groupe, son nom m'échappe, s'entendait aussi très bien avec Louis mais, je ne sais pas pourquoi Eléonore semblait jalouse de cette dernière. Peut-être, Eléonore et Louis ont vraiment eu une relation clandestine par le passé qui sait ? ( Elle haussait ses épaules ). J'ai appris à me mêler de mes histoires car personne ne s'est intéressée aux miennes.
- Mais, Eléonore est si gentille et est la fiancée de Benoît, elle ne peut pas s'intéresser à Louis. Je suis la fiancée de Louis, la seule qui peut l'avoir. Cogitais-je.
- Vous êtes bien naïve pour quelqu'un qui possède autant de sagesse. Ne vous a-t-on pas appris qu'on ne juge pas un livre par sa couverture ? Eléonore, est ce genre de femme qui arrive toujours à obtenir ce qu'elle veut, peu importe l'obstacle qui se présente devant elle.
- J'ai l'impression que vous ne l'appréciez guère.
- Certains vous diront que je n'apprécie personne. Mon avis importe peu.
- Il est important pour moi.
- D'accord. Eléonore paraît gentille, sociable, aimable, douce à vue d'œil. Mais, apprenez à la connaitre et vous serez surprise par tout ce qu'elle peut devenir quand elle le veut.
Je repensais aussitôt, à notre rencontre, à son manque de politesse qui m'avait frappée.
- Avez-vous été proche d'elle ?
- Non mais un grand ami, si. Dit-elle avec tristesse.
Un garde s'approchait :
- Madame Adélaïde, vous êtes demandée au palais par votre père.
Elle se levait et s'en allait après m'avoir pris dans ses bras.
Adélaïde n'était pas celle qu'on pensait, cachée sous son masque de femme insensible et méprisable. Eléonore non plus, selon les dires d'Adélaïde.
Décidément, les apparences sont trompeuses !
______________________
N'oubliez pas les VOTES ! ☺️
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top