11- Aucune famille n'est parfaite.

- Votre altesse ! Votre altesse ! Criait une voix familière derrière moi.

Je faisais un tour sur mes talons pour déterminer de qui il s'agissait réellement.

- Sophie qui y-a-t-il ?

Elle courait vers moi en brandissant une enveloppe.

- Ceci, est arrivé pour vous. J'ai cru qu'il serait mieux de vous la remettre en mains. M'informé-t-elle enfin.

C'était une lettre.

- Merci. D'où vient-elle ?

Elle haussa ses épaules comme pour exprimer son ignorance.

- D'Espagne sûrement. Me disais-je.

- Merci, Sophie. Vous pouvez disposer à présent, déposez la lettre sur mon bureau. Je la lirai plus tard.

Sophie ne s'était pas encore en allée au moment où un cri se fît ouïr, nous alertant et nous poussant ainsi à se regarder. Il provenait de la chambre qui était à ma gauche. Je remarquais que la porte de cette dernière était légèrement entrouverte. J'y pénétrais sans y avoir été au préalable invitée, en demandant à Sophie de s'en aller.

Je découvrais à l'intérieur, une Adélaïde différente. La femme qu'on voyait à l'extérieur de cette pièce, qui semblait avoir le contrôle sur ses émotions, avait l'air d'avoir perdu toute maîtrise de soi.
Son visage était déformé par la colère, une colère sûrement lointaine et profonde qui n'a pas pu disparaître malgré le temps passé. Elle balançait tout ce qu'elle pouvait contre le mur en poussant des cris comme pour se libérer d'un poids.

- Adélaïde, qui y-a-t-il ?

Elle se laissa tomber contre un mur, pris sa tête entre ses mains et laissa couler toutes les larmes que son corps le lui permettait.
Je la regardais un moment, avant de prendre place à ses côtés.

- Un an déjà... Un an qu'ils m'ont tout pris... que je n'ai rien d'autre à part des souvenirs.. des souvenirs douloureux. Prononçait-elle difficilement, en haletant, le regard vide.

De quoi pouvait-elle bien parler ? Qui y -a-t-il eu il y a un an ?

- Qu'est-ce qui s'est passé Adélaïde ? Parlez-moi, peut-être je pourrais vous apporter mon aide.

Ma question a sûrement dû la renvoyer dans ses souvenirs car elle s'est remise à pleurer de plus belle.

Je ne savais pas quoi faire, j'ignorais comment m'y prendre, si je devais aller chercher quelqu'un ou pas. Je l'ai juste pris dans mes bras dans l'espoir d'apaiser son cœur.

Elle se blottissait dans mes bras.
- Mon mal augmente à vouloir le guérir. Ajouta-t-elle.

Puis, elle me regarda subitement, durant quelques minutes comme ci c'est maintenant qu'elle remarquait ma présence, le visage rougi par les pleurs, les yeux remplis de larmes.

- Que faites-vous là ?

J'étais confuse et mon visage en témoignait.
Elle ne me laissa pas m'exprimer.

- Veuillez sortir s'il vous plaît.

Étrangement, ses mots étaient moins poignants que d'habitude. Elle était poli sans être froide ni désagréable.
J'ouvrais la bouche pour m'expliquer et elle me poussa jusqu'à l'extérieur.

- Désolée pour le désagrément.
Elle forçait un sourire et fermait sa porte.

Quel caractère !

Je ne voulais que l'aider et elle, elle m'avait chassée comme une mal propre. Ça m'apprendra à me mêler des histoires des autres !

Je marchais sans aucun but. Je n'avais pas de destination. D'abord Louis et maintenant, Adélaïde. Super !

Une servante m'interpella.

- Votre altesse. Me salua-t-elle Suivi d'une révérence.

- Oui.

- La Reine m'a envoyée à votre rencontre. Elle souhaiterait s'entretenir avec vous. Dit-elle en abaissant sa tête.

- D'accord, où se trouve-t-elle ?

- Elle a précisé que je devais vous emmener avec moi.

- Allons-y alors.

La Reine se trouvait à l'intérieur du château, au rez-de-chaussée, confortablement installée dans un fauteuil situé dans une pièce à la droite des escaliers.

- Veuillez prendre place.
Elle m'indiqua un fauteuil en face du sien.

- Du thé ? Me demanda-t-elle.

Je ne pouvais pas refuser.

- Volontiers.

- Janine, du Thé pour l'infant Anne, s'il vous plaît.

Je regardais ma future belle-mère et je n'arrivais pas à croire ce que m'avait  dit Rose plus tôt. Elle était toujours aussi élégante et s'était faite une bonne réputation durant toutes ses années. Comment pouvait-elle être aussi perfide comme le pense Rose ? sûrement un quiproquo.

- Y-a-t-il un problème, Anne ? Ai-je quelque chose sur le visage ?

Sa voix me faisait tressaillir. Elle me scrutait d'un regard curieux.

- Non ma Reine. Je vous trouve ravissante. J'étais justement en train de me demander quel était votre secret pour toujours paraître aussi parfaite.

Elle souriait et j'en étais soulagée. Cela prouvait que j'avais réussi à retourner la situation en ma faveur.

- Tout d'abord, appelez-moi Marie. Ensuite, je n'ai aucun secret... Je vous sens légèrement agitée qui y-a-t-il ?

Comment ne pas l'être ?

Marie Lezczynska regardait Janine servir le thé puis après, portait sa tasse jusqu'à sa bouche.

- Avant d'arriver ici, j'ai croisé votre fille, Adélaïde. Elle était si différente ...

L'ancienne princesse de Pologne, déposa délicatement sa tasse de thé sur la table basse sans avaler une gorgée, visiblement très inquiète.

- Différente comment ?

- Elle était en colère, brisait tout autour d'elle.

- A-t-elle dit pourquoi elle avait réagi ainsi ?

- Non. Elle m'a mise à la porte sans me fait part de l'origine de sa réaction.

Le visage de la Reine virait au soulagement. Étrange ... Elle devrait plutôt être inquiète.

- Je vous ai fait appeler dans le but de vous parler.

Elle avait les jambes croisés. Une jambe était derrière l'autre et les genoux, inclinés.
De sa main droite, elle prenait sa tasse de thé, la tenait entre le pouce et l'index tandis que le majeur se plaçait en dessous de l'anse et l'autre main soutenait la sous tasse en dessous.

- Vous savez, je suis excellente pour analyser les gens... depuis votre arrivée, je n'ai pas eu le temps de m'entretenir avec vous. Et entre-temps, il s'est passé tellement de choses que je crois vous devoir des explications. Ça nous fait deux points à aborder.

Elle avala une petite gorgée et je faisais pareil, en la fixant.

- Je peux imaginer comment vous vous sentez. J'ai vécu presque la même chose.

Elle déposa sa tasse de thé une fois de plus, enlaçait ses doigt, me jaugeait sans piper mot et d'un air songeur, exprimait son désir de me conter un événement.

- Je vais vous raconter une histoire.

La mère du dauphin plongea dans ses souvenirs, se projeta dedans puis, entama en se penchant légèrement à sa gauche :

- Il avait quinze ans, et moi, vingt-deux. Qu'importe! Le cinq septembre, Louis XV unissait son destin devant Dieu à moi, Marie Leszczynska, faisant de moi, la reine qui manquait à la France depuis plus de quarante ans. Soit depuis la mort de Marie-Thérèse d'Autriche le trente juillet. Louis XIV, l'époux de cette dernière, s'étant remarié secrètement après son décès avec sa favorite Madame de Maintenon, il n'avait pu faire d'elle une reine de France. Et lorsque le roi Soleil ( Louis XIV ) disparut à son tour, son arrière-petit-fils Louis XV, monté sur le trône à cinq ans, était un peu jeune pour prendre une femme. Les sujets du roi de France durent donc attendre qu'il ait l'âge requis pour le voir convoler et leur redonner une reine.

Marie s'arrêta avant de reprendre, et le regard triste et ailleurs, continuait :

- Mais quand vint le moment, je ne fus pas du goût des sujets du roi parmi la centaine de princesses d'Europe. Et pas seulement parce que j'étais plus âgée de sept ans que leur souverain. C'était ma naissance qui posait problème. Quelle idée d'offrir le rôle de première dame d'un des plus puissants Etats européens à la fille d'un roi détrôné, pensaient-ils? Mon père était en effet l'ancien roi Stanislas de Pologne, exilé en Lorraine depuis plusieurs années.

La fille de l'ancien de Roi de Pologne, souriait un instant avant de décrire son accoutrement :

- Ce jour là, je portais une jupe faite d'un velours violet parsemé de fleurs de lys d'or, bordée d'hermine. La robe était incrustée de pierreries et de diamants. Un manteau du même velours que la jupe est déposé sur mes épaules et se prolonge en une traîne longue de plus de onze mètres. J'étais coiffée d'une couronne de diamants fermée par une fleur de lys. Quant à Louis XV, il était aussi magnifiquement paré. Tout son habit est d'or, y compris le manteau. Au bord de son large chapeau, surmonté de plumes blanches, est agrafé un gros diamant. signale-t-elle.

Elle précisa :
- Cependant, j'avais mission d'assurer une descendance au jeune monarque. Mission que je remplis parfaitement puisque je donnais quelques années plus tard, neuf enfants en dix ans dont six filles et trois fils. Dont seuls trois d'entre eux moururent en bas âge.

- Vous devez vous questionner sur la raison pour laquelle je vous raconte ceci. Continua-t-elle.

J'hochais la tête.

- Éh bien, la raison est simple. Nous sommes toutes destinées à quelque chose. L'on ne vît pas toujours l'histoire qu'on aimerait vivre, vous savez. Je sais que l'union entre mon fils et vous, a été précipitée pour vous, qui semblez avoir, un esprit d'indépendance comme ma fille, Adélaïde. Mais sachez qu'en tant que princesse, on est toute destinée à répondre aux attentes des autres pas les nôtres. J'étais le seul espoir de ma famille en ce moment là. J'ai immédiatement sauté sur l'offre pour sauver les miens et aujourd'hui, je suis heureuse. Votre sacrifice ne sera pas en vain, rassurez-vous.

La Reine de France faisait mine de réfléchir.

- Vous avez sûrement dû rencontrer Eléonore.

J'acquiesçais d'un mouvement de tête.

- Comme vous pouvez l'imaginer, je ne la portais pas dans mon cœur. Mon père fut détrôné par le sien Auguste III, mais le Roi de France, qui entretient des relations avec la Pologne a jugé bon de lui donner à notre fils Benoît, une nouvelle des plus déplaisantes mais que pouvais-je bien y faire ? Je ne suis que la femme du Roi, pas sa conseillère. Mais, plus le temps passait, plus je découvrais une charmante jeune femme et ne dit-on pas que les enfants ne sont pas responsables des erreurs de leurs parents ?

La Reine Leszczynska prît sa tasse de thé et se redressait par la suite.
- Mon fils n'était pas du même avis que son père lorsqu'il apprît la nouvelle. Il déclarait dans une lettre, il y a quelques mois, qu'il ne l'aimerait jamais et qu'il ne voulait avoir de commerce avec cette dernière car fut-il amoureux d'une autre jeune femme. Une idée que le Roi et moi n'approuvons guère à cause de la classe de cette dernière. Notre refus n'a fait que transformer mon fils docile en rebelle. Il s'est rebellé et se rebelle toujours mais l'on sait qu'il finira bien par s'y faire. Il n'est ni le premier, encore moins le dernier à subir pareille chose.

Tout s'explique. Mais, n'était-elle pas trop dure ?

- Ma fille Adélaïde a toujours été très... particulière. Et on a essayé comme on pouvait de supporter ses crises. Son esprit libre est la principale cause de ses tourments. Ne vous perdez pas comme elle. Souligna-t-elle.
Benoît lui doit son esprit de rébellion. Mon fils Louis, quant-à-lui, est un mystérieux personnage. L'on ne sait jamais ce à quoi il pense, ce qui le tourmente. Il est très énigmatique et sait cacher ses émotions. Il peut paraître heureux, mais au fond, il est brisé, rempli de douleur et ne veut pas en parler. Moi, sa mère, j'arrive à le comprendre rien qu'avec un regard. -La description parfaite de Louis ! -Essayez de le comprendre s'il vous plaît, la vie n'a pas été un cadeau pour lui.

Elle avait beau me dire des choses mais ne m'apprenait rien. Elle savait plus qu'elle ne le prétendait et n'avait l'intention de me révéler quoique ce soit
. Je sais que ce sont des secrets de famille mais, Pourquoi autant de réserves ? Étaient-ce si graves?

- Notre rang ne nous permet pas d'être maître de notre destin. L'on dépend de notre titre. Je sais que vous l'avez compris et j'espère que vous vous intégrerez plus facilement et ne ferez pas un mauvais rapport sur la manière dont j'éduque mes enfants et comment ils se comportent. Je fais tout ce que je fais pour protéger ma famille, la garder unie et préserver les apparences. Notait-elle finalement avec un sourire.

Plus elle parlait, plus je voyais ma mère en elle.

Elle avalait une gorgée de sa tasse de thé.

- Ne vous inquiétez pas Marie. Aucune famille n'est parfaite. Répliquais-je finalement en faisant le même geste avec ma tasse.

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L'histoire relatée à Anne, de Marie Leszczynska est telle que Cécile Berly l'a racontée ( sauf quelques petites modifications) dans le livre : « les femmes de Louis XV».

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