9 vies
Point de vue omniscient
Le soleil se lève sur une magnifique demeure aux murs blancs et aux poutres apparentes. Les rayons du soleil viennent réchauffer chaque recoin de la maison ce qui la rend un peu plus chaleureuse. Cette lumière naturelle, vient chatouiller le visage d'une petite fille de huit ans aux cheveux d'or. Ce qui la réveille tout doucement. Elle s'étire avec dans l'une de ses minuscules mains un doudou rempli d'histoire qu'elle ne connait pas. Un ourson plus particulièrement. La jeune fille frotte ses beaux yeux bleus pour ensuite sortir de son lit.
Elle descend voir ses parents, leur fait un câlin en guise de bonjour.
Cette famille-modèle prend le déjeuner dans la joie et la bonne humeur. Cependant, un lourd passé pèse sur leurs épaules. Notamment celles des parents. La jeune fille, elle, n'est pas au courant. Un lourd passé ? Pourquoi ? Une infidélité ? Une trahison ? Un meurtre ? Tant d'options possible et inimaginable. Mais seuls les parents ont la réponse. L'homme est rongé par cette histoire, il en souffre, car pour lui, tout est de sa faute. Il voit ces images en boucle au point de faire des insomnies. Quant à la femme, au début, elle pleurait chaque nuit, mais plus les jours passaient et plus la douleur filait vers de nouveaux horizons. Aujourd'hui, sa souffrance est enfouie au plus profond de son être et attend le meilleur moment pour ressortir.
Après le déjeuner, la jeune fille et sa mère décide de faire un gâteau au chocolat pour le goûter. Après plusieurs minutes de préparation, de rire et de bêtises en tout genre, le gâteau est prêt. La petite adore ces petits moments de joie qu'elle partage avec sa mère. C'est pour elle un petit truc entre filles. Dans ces moments-là, elle peut parler de tout et de rien avec sa maman. De ses joies comme de ses peines. En attendant l'heure du goûter, la petite fille décide de retourner dans sa chambre pour aller jouer avec son doudou.
Après être arrivée dans sa chambre, elle se dirige directement vers son coin jeu où est installée une table basse en bois ainsi qu'une toute petite chaise pour son doudou. Ils ont été faits sur-mesure par son père, qui les lui a offerts pour son anniversaire. Elle installe alors son ourson sur la chaise, et s'assoit à côté de lui. Après plusieurs minutes de discussion avec son doudou, plusieurs tasses de faux thé, l'enfant s'ennuie. C'est à ce moment qu'elle se dit que cela serait beaucoup plus drôle si elle avait un petit frère ou une petite sœur.
Avant qu'elle ne réfléchisse à d'autres choses, elle entend une voix. Celle de sa mère qui l'appelle pour le goûter. Alors, elle se précipite, sans oublier son doudou, pour aller prendre le goûter. Sa mère a déjà mis une assiette avec une part de gâteau pour sa fille. Pendant qu'elle mange, la petite fille se demande pourquoi n'a t'elle pas de frère ou de sœur. Elle décide donc de le demander à sa mère :
- Maman ? Est-ce qu'un jour je vais avoir un petit frère ou une petite sœur ?
En entendant la question, la femme se met à sangloter. Elle savait que ce jour allait arriver mais elle ne pensait pas que ceci arriverait quand sa fille aurait huit ans. La petite fille est, quant à elle, confuse, elle ne comprend pas pourquoi sa maman pleure.
- Écoute Emma... Ton père et moi, nous n'avons pas voulu que tu le saches car tu es trop jeune pour comprendre. On s'est donc dit que tant que tu ne nous pose pas de questions, on ne mentionne pas le sujet. Mais oui, Emma, tu as une grande sœur. Enfin tu avais une grande sœur. Elle est décédée il y a de cela 10 ans maintenant... Elle s'appelait Emilie. Quand c'est arrivé, elle n'avait que 19 ans...
La petite fille n'en revient pas de ce qu'elle venait d'apprendre. Elle avait une grande sœur, comment était-elle ? À quoi elle ressemblait ? Pourquoi n'est-elle plus là ? Des milliers de questions tournent dans sa tête.
- Elle était comment Émilie ?
Sa mère baisse les yeux. Elle ne peut pas parler d'Émilie, c'est impossible, surhumain pour elle. Elle a donc une idée.
- Écoute Emma, je n'étais pas autant proche d'Émilie que ton père... Tu devrais aller le voir. Il répondra à toutes tes questions.
La petite fille est d'abord surprise par les paroles de sa mère, mais acquiesce.
Après avoir fini son goûter, la petite remonte dans sa chambre.
Elle s'installe sur son lit et se met à parler à son doudou :- Tu te rends compte, nounours, j'avais une grande sœur et ils ne m'en ont jamais parlé... Pourquoi me l'avoir caché... ? Ça se trouve ils me mentent sur d'autres choses... Tout ça parce que je suis trop petite, ce n'est pas juste ! Ça se trouve, je ne suis même pas leur fille... Je raconte n'importe quoi, surtout que maman et moi on se ressemble beaucoup.
Emilie... À quoi tu ressemblais ? Comment serait ma vie si tu étais encore parmi nous ? J'ai la réponse. On s'amuserait tous les jours et tu jouerais à la dînette avec moi et on rigolerait à chaque fois qu'on est ensemble.
La jeune fille sourit en pensant aux bons moments qu'elle aurait pu passer avec sa sœur. Ce qui lui brise aussi le cœur car Émilie n'était plus de ce monde.
Pourquoi n'es-tu plus là, Émilie ? J'aurais aimé te connaître... Ce n'est pas juste !Sur ces derniers mots, la petite pleure à chaudes larmes. Elle s'allonge sur son lit en enfouissant sa tête dans son oreiller. En gardant son doudou près d'elle pour la consoler. Son petit cœur est triste. Et sa tête remplie de questionnement. Va-t-elle réussir à poser ses questions à son père ? Va-t-il lui répondre ?
Après avoir pleuré pendant plusieurs minutes, Emma a enfin réussi à calmer sa peine. Elle s'est même endormie quelques instants.
Encore somnolente, la petite fille entend son père l'appeler. C'est l'heure du dîner. La fillette se met à stresser. C'est bientôt le moment des révélations.
Emma se précipite hors de sa chambre et se dirige vers la salle à manger. Elle met la table avec ses parents. Aux menus de ce soir : haricots verts, Steak haché, yaourt avec un soupçon de révélation. Le repas se passe dans le plus grand des calmes. La femme est encore toute retournée de la demande de sa fille. L'homme, lui, est rentré après une dure journée de travail. Et Emma est très silencieuse, car elle se pose encore et toujours les mêmes questions. C'est l'un des rares repas où le silence est présent tout le long du dîner. Ça devient pesant pour la famille. Mais aucun d'eux ne veux parler. Le silence a pris le dessus.
À la fin du repas, la famille débarrasse la table. L'homme se met à la vaisselle et les deux femmes de la maison se sont mises devant un film Disney. Pendant qu'Emma regarde Raiponce avec sa mère, elle se demande si sa sœur aimait aussi les films Disney. Si elle avait des passions, ce qu'elle adorait faire. Mais elle se pose aussi des questions sur son apparence. Était-elle comme sa maman et elle ? C'est-à-dire blonde aux yeux bleus. Ou bien comme son père, brun aux yeux bleus ? Le dessin animé se termine et la jeune fille n'a vu aucune image car elle était beaucoup trop concentrée. Elle est curieuse. Elle veut des réponses. Elle les veut maintenant.
La jeune fille a donc prise sa peluche, s'est levé du canapé pour se diriger vers son père qui est dans la cuisine. En train de faire la vaisselle.
Point de vue du père
Émilie... Ma belle Émilie. Dire qu'aujourd'hui ça fait dix ans que tu es partie de ce monde... Dix ans que j'ai des remords.
-Papa ?
Je prends quelques secondes pour reprendre mes esprits, à l'entente de ma douce fille. J'éteins l'eau du robinet et me retourne vers elle tout en gardant l'assiette sale, que j'étais en train de laver, dans les mains. Je lui donne toute mon attention.
- Oui, ma chérie, que veux-tu ?
Elle me regarde de ses beaux yeux azurs, l'œil droit recouvert par l'une de ses mèches blondes.
- Tu pourrais me raconter comment était Émilie, s'il te plaît ?
À l'entente de ce prénom interdit, mon visage perd soudain toute expression. Ma gorge se noue, mes yeux s'embrument. Je m'apprête à pleurer. Sous le choc, je laisse échapper l'assiette, qui se brise en milliers de petits morceaux. Je reprends mes esprits tant bien que mal et ramasse ces derniers, les mets à la poubelle et m'agenouille en face d'Emma, encore tout ému.
- Emma...
Ma voix déraille à cause de l'émotion. Je l'éclaircis.
Comment as-tu pris connaissance de l'existence d'Émilie ?
- C'est maman qui me l'a dit. En fait, je lui ai demandé si un jour j'aurais un petit frère ou une petite sœur. Quand je lui ai posé la question, maman avait un regard très triste... Et elle m'a dit que j'avais une grande sœur, mais... Qu'elle n'était plus de ce monde... J'ai commencé à lui poser des questions sur ma grande sœur. Mais elle m'a dit d'aller te voir si je veux connaître plus de détails sur elle, parce que tu étais plus proche d'Émilie que maman.
Je pousse une longue expiration. Avec mon pouce, je caresse sa petite joue ronde et rose comme celle d'une poupée en porcelaine. Dois-je lui en parler sachant qu'elle est encore jeune... ? Je ne veux pas qu'elle se fasse une mauvaise image d'Émilie. Surtout que cette histoire pourrait être dure à entendre. Je ne peux pas, pas maintenant, elle est encore trop jeune pour cela.
- Je suis désolé, Emma, mais... Tu es trop jeune pour que je t'en parle...
Je détourne mes yeux de son regard, attristé par la situation, me relève. Je reprends la vaisselle.
- Mais s'il te plaît papa...
Je m'arrête une seconde fois. Je pose mes mains de part et d'autre du lavabo, l'éponge dans la main droite, la tête baissée. Je soupire légèrement, qu'est-ce qu'elle peut être têtue parfois ! Je me retourne vers elle.
À ce moment précis, elle me fait sa petite tête d'ange. Celle qui peut percer le cœur de n'importe qui. Je souris légèrement, elle sait comment faire du charme à son père pour qu'il cède... Elle me fait beaucoup penser à sa grande sœur. Ma toute première fille, Émilie, et comment ne pas céder devant ce petit visage tellement craquant ?
Je soupire légèrement et cède finalement pour la lui raconter.
- D'accord... Tu as gagné, mais je te le raconte qu'une seule fois compris ?
Elle hoche alors de la tête pour me montrer son accord. Elle replace l'une de ses mèches dorées derrière son oreille, ce qui la rend encore plus mignonne qu'elle ne l'est déjà.
- Aller... Prépare-toi et va dans ton lit, je finis ce que je fais et j'arrive.
Son visage s'illumine et ses yeux pétillent de mille feux. Ce qui me décroche un sourire.
- Ouiiiii, merci mon papa d'amouuuuuur.
Me dit-elle avec son visage de petit ange.
Emma se rapproche de moi et me fait un câlin. Comme elle n'est pas très grande, elle enlace mes jambes. Je souris légèrement tout en lui caressant doucement la tête. Après ce gros câlin, elle se précipite dans sa chambre pour se mettre en pyjama, avec son doudou, nounours, qui a le corps qui vole pendant que ma fille court. Je rigole de la situation, pauvre nounours heureusement qu'il n'est pas vivant parce que sinon le pauvre je le plains. Si elle savait qu'avant cet ourson appartenait à Émilie... Avec ma femme, on voulait qu'une part d'elle soit auprès d'Emma. Je retourne à mon activité tout en repensant à la situation. Comment je vais faire pour en parler à Emma ? Est-ce que j'en suis capable ?
Après avoir fini la vaisselle, je l'essuie et la range dans les placards prévus à cet effet. Pour finir, je m'essuie les mains et rejoint Emma dans sa chambre. C'est une vraie petite chambre de princesse. Trois de ses murs sont de couleur rose pâle et le dernier, où est placé son grand lit baldaquin, est de couleur mauve. Sur son plafond se situe des petites étoiles phosphorescentes. Elle a absolument tenu à les avoir, car pour elle c'est comme si elle pouvait regarder les étoiles à n'importe quel moment de la journée. Il lui suffit de fermer ses volets et d'éteindre la lumière pour les admirer. Elle m'a aussi dit que comme ça, sa grand-mère, qu'elle appelait mamie gâteau, qui est décédée il y a de cela trois ans, pourra toujours veiller sur elle. Ma fille a toujours été d'une grande sagesse.
Pour terminer, son lustre ressemble aux lustres des grands châteaux, ceux en cristal. Bien sûr le sien n'est pas en cristal mais en synthétique. Ça serait trop dangereux pour elle. Surtout s'il se met à tomber.
Je la vois dans son petit pyjama Roi Lion. Assise par terre à jouer à la dînette avec nounours, qui est, lui, assis sur sa petite chaise en bois. Il a une petite couronne sur la tête. Emma est en train de servir du faux thé à nounours.
Je tousse légèrement pour qu'elle remarque ma présence. En m'entendant, ma fille se retourne. Quand elle me voit, un grand sourire se forme sur son visage. Elle se relève et se dirige rapidement dans son lit sans oublier de prendre nounours au passage.
Une fois qu'elle est installée, je m'assois au bord de son lit tout rose et commence mon récit :
- Ta sœur était sublime, tout comme toi d'ailleurs. Elle était brune aux reflets roux, avec de magnifiques yeux bleus tel un ciel d'été. Elle était toujours souriante, elle respirait la joie de vivre et elle adorait danser.
Je souris au simple souvenir de son sourire inoubliable et resplendissant.
La danse pour elle était vitale. Elle dansait tout le temps. Même à table quand elle se levait pour aller chercher quelque chose, elle ne pouvait s'empêcher de renouveler les mouvements qu'elle apprenait à chaque cours.
À cette simple phrase, un souvenir me revient en tête. Ce qui me décroche à nouveau un sourire.
Une fois, en revenant avec le plat de spaghetti à la sauce bolognaise, elle avait fait un faux pas et avait renversé les pâtes sur ta maman. Émilie s'est excusée plusieurs fois. De mon côté je me suis mis à rire, car ta mère était très drôle à voir. Ses cheveux étaient recouverts de pâtes et de sauces. Au début, elle était très en colère, tellement qu'elle avait sa veine sur le front qui ressortait et qu'elle était rouge pivoine. Puis elle s'est mise à avoir un fou rire. Une ambiance conviviale et chaleureuse s'était donc installée pendant le reste du repas.
En entendant cela, Emma se met à rigoler. Je la suis dans son rire mais une larme ruisselle le long de ma joue face à ce merveilleux souvenir. C'est la seule chose qu'il me reste d'elle... Des souvenirs...
- Pourquoi tu pleures papa ?
Je lève alors mon regard, qui jusqu'à présent fixait le sol, vers elle. Je vois que son sourire a disparu laissant place à un regard interrogateur. Sa tête est légèrement penchée sur la droite. Elle fait toujours ça quand elle ne comprend pas quelque chose. Elle a le même réflexe qu'Émilie...
- Ne t'inquiète pas ma chérie ce n'est rien.
Je lui offre un sourire qui se veut rassurant. J'essuie mes larmes en un coup de main. Bordel ça me fait toujours aussi mal de me souvenir d'elle, de revoir ce sourire, ce visage. Tous ces souvenirs hantent mes pensées. Ils me font tout autant plaisir qu'ils me font du mal. Et ces images de son accident... Je la revois en plein milieu de la rue, complètement nue. Tous ses membres, sans exception, sont brisés comme nos cœurs face à cette scène... Et enfin son corps baignant dans une mare de sang. De son propre sang. Ces affreux souvenirs suivent toujours les plus merveilleux. Ces images qui me font faire des cauchemars pratiquement à chaque nuit, au point de devenir insomniaque.
Je reprends mes esprits en me rappelant qu'Emma est à mes côtés, attendant la suite de l'histoire.
Ta sœur était une fille qui adorait s'amuser, rire avec les gens qu'elle aimait. Elle n'aimait pas quand ses proches étaient tristes et elle était prête à n'importe quoi pour rendre le sourire aux gens, c'était un amour. Cependant, ta sœur était aussi têtue. Quand elle avait une idée en tête, elle ne l'avait pas ailleurs. Emilie était une fille perspicace et voulais toujours réussir ce qu'elle entreprenait. Son travail devait toujours être parfait dans les moindres détails.
Et par-dessus tout, elle adorait faire la fête. À chaque fois qu'elle rentrait elle... Comment te le dire... Elle n'était pas dans son état normal, comme la majorité des personnes qui font des grandes fêtes. Pour terminer, ta sœur avait une très grande particularité. Elle avait neuf vies.
- Neuf vies ? C'est possible ça ?
Emma me regarde avec ses sourcils froncés, signifiant qu'elle doute de mes paroles.
- Normalement non, c'est impossible, mais Emilie avait ce don très particulier. Elle avait énormément de chances de l'avoir, surtout qu'elle aurait pu vivre beaucoup plus longtemps... Mais, malheureusement son envie de s'amuser a pris le dessus...
Mon regard se fait alors triste. Je revois encore ces images, celle de sa dernière mort. Je la revois encore écroulée par terre dans son propre sang...
- Comment ça ?
Je reprends soudain mes esprits et repose mon regard sur ma douce fille.
- Elle a perdu toutes ses vies à cause de son envie de s'amuser, des fêtes.
La première vie, qu'elle avait perdue était lors d'une fête justement...
Je me souviens que le lendemain elle m'avait raconté comment ça c'était passé. Elle m'avait dit que c'était à cause d'un cocktail c'est plutôt bête hein... ?
Elle voulait goûter un nouveau cocktail. Dans celui-ci, se trouvait une olive. Mais elle s'en était aperçu qu'au moment où elle s'étouffait avec... Personnes ne voulait l'aider... Ils l'avaient regardé et ils n'avaient pas réagi, aucune réaction, rien... Quels encu...
Avant de finir mon mot, je me rappelle que je parle à Emma. Je me coupe dans ma lancée pour changer de mot, qui est plus adapté pour son âge.
Quels enquiquineurs...
Je regarde Emma inquiet en espérant qu'elle n'a rien vu. À mon plus grand bonheur, elle sourit. Je soupire intérieurement, c'est bon elle n'a rien vu. Heureusement, sinon elle aurait été capable de répéter inconsciemment ce mot à sa mère, ma femme. Je pense qu'elle m'aurait donné une bonne leçon...
Elle était tombée par terre, pliée en deux et c'est sur le sol qu'elle perdit sa première vie...
- Ça veut dire qu'il lui en restait huit autres ?
Elle me regarde pour que je puisse confirmer.
- Oui c'est ça, tu as tout compris, ma princesse.
Je replace l'une de ses éternelles mèches rebelles derrière son oreille.
Ses autres vies, elle les a perdues bêtement... À cause de choses qui n'étaient pas très bonne pour sa santé. Une fois à cause d'un saut de l'ange où le câble, qui la retenait, s'était coupé, alors que c'est très rare que ça arrive...
Je prononce ces phrases avec dépit. J'aurais dû faire attention. J'aurais dû compter ses vies, fait chier !
- Papa ?
Je reprends de nouveaux mes esprits.
- Oui ma chérie ?
- Je peux te poser une question ?
Je commence à avoir peur de la question qu'elle va me poser, surtout qu'elle est très curieuse. C'est normal pour son âge, c'est l'âge où on pose pas mal de questions. Elle ne peut pas sauter ces années ? Comme ça aucun problème et je n'ai pas besoin de lui en parler. Qu'est-ce que je raconte ? De toute façon elle a le droit de le savoir. Je ne peux pas lui cacher sa sœur éternellement et si ça arrivait, elle grandirait beaucoup trop vite. En plus de ça, des garçons vont lui tourner autour. Autour de mon petit bébé. En fin de compte, reste éternellement à l'âge de huit ans je préfère ça. Sinon je jure que si un garçon s'approche trop de mon bébé, il va m'avoir sur le dos. Merde, reprends tes esprits, Emma veux te poser une question.
- Bien sûr, ma princesse, que veux-tu me demander ?
Au début elle se fait hésitante, mais prononce tout de même sa question :
- Pourquoi Émilie n'est pas avec nous ?
À l'entente de cette dernière, la plus redoutable pour moi, mon visage perds toutes expressions. Mes yeux me brûle de tristesses, mon cœur s'accélère. Mon regard se fait vide et je ressens des milliers de picotements dans ma gorge, comme si des fourmis étaient rentrées dans celle-ci. C'est le signe que je vais me mettre à pleurer, mais je ne veux pas, pas devant ma fille... Surtout que si Émilie n'est plus ici c'est parce que j'ai été stupide... Je n'ai pas su lui mettre des barrières alors que j'aurai dû putain !
Je m'en veux tellement et... Et merde ! Je serre mes poings tellement forts que mes phalanges deviennent blanches.
-Elle... Elle a perdu sa dernière vie... À cause d'un foutu pari...
Je mets mon visage entre mes mains en soupirant, désespéré par cette histoire. Je relève ma tête, toujours sans regarder Emma et continu mon récit avec le regard dans le vide.
Nous étions partis au restaurant avec ta mère pour notre anniversaire de mariage. Pour cette occasion, on lui avait autorisés à organiser une soirée à la maison. Même si, on n'aurait jamais dû, si j'avais su !
Je commence à hausser la voix, à cause de la colère.
Si j'avais su le nombre de vies qu'il lui restait je ne l'aurais jamais laissé faire !!
Je prononce cette phrase en criant.
- P-papa, tu me fais peur...
Surpris par ce qu'elle me dit, je reprends mes esprits. Je m'aperçois que sur le coup de la colère je me suis relevé.
Après m'être souvenu des paroles de ma fille, je l'observe. Je vois des larmes sur son visage de poupée et je peux lire dans ses yeux de la peur. Non. Non, je ne veux pas de ça, surtout pas ça. Mon cœur s'accélère, effrayé par le fait que ma fille ai peur de son père. Je respire doucement pour me calmer. Je décide alors de m'approcher doucement d'elle pour qu'elle n'ait pas encore plus peur. Ensuite, je la prends dans mes bras et je lui caresse délicatement ses cheveux blonds pour la consoler.
- Je suis désolée, ma belle, je ne voulais pas... Mais c'est compliqué pour moi de parler d'Émilie... Tu vois ma chérie, c'est une histoire très compliquée pour papa et il arrive que ça rende papa très triste. Pour moi ce qu'il s'est passé est entièrement de ma faute. Ta mère m'a dit plus d'une fois que ce n'est pas de ma faute, que je ne pouvais pas savoir. Mais que veux tu, papa est aussi têtu qu'un âne.
Et voilà que je m'insulte tout seul. Mais, Emma m'observe et je sens dans son regard océan qu'elle hésite.
Quelques secondes après, je la vois sourire de toutes ses dents. Enfin avec les deux de devant en moins. Elles sont tombées en même temps la semaine dernière. Je me souviens qu'elle avait pleuré toutes les larmes de son corps. Ensuite, elle était venue me voir en pleurs avec ses deux minuscules dents qu'elle avait mis dans ses petites mains. Elle m'avait dit que maintenant elle n'était plus belle.
À ce moment, je n'avais pas compris pourquoi cette réflexion. Quand elle m'avait dit la raison, je m'étais mis à sourire car pour elle, elle allait avoir ce trou pour toujours. Ce qui m'avait valu une bonne heure d'explication car au début elle ne voulait pas croire que les dents repoussaient. Ce souvenir me fait sourire. J'adore ma fille et quand elle a eu peur de moi, j'ai commencé à paniquer. Je ne veux pas perdre ma fille... Pas une deuxième fois...
- Tu me pardonnes, mon cœur ?
Je la regarde en espérant qu'elle le fasse.
- Oui.
Elle se remet à sourire. Je suis prêt à tout faire pour qu'elle garde le sourire. Elle se jette donc sur moi afin d'avoir un câlin. Je la recouvre alors de mes bras pour y répondre.
Après quelques minutes dans cette position, elle se défait de mon étreinte et me regarde. Je sens dans son regard qu'elle hésite à me parler. C'est étrange venant d'elle.
- Emma ? Tu veux me parler de quelque chose ?
- Oui, j'aimerais que tu me racontes la suite...
Elle ajoute précipitamment.
Sauf si tu ne veux pas...
Je réfléchis. Est-ce que je suis capable de continuer ? Si je m'emporte de nouveau, je vais lui faire peur une seconde fois. Je ne veux pas que ça arrive...
Je la regarde. Son regard est insistant et rempli de curiosité. Et merde, je ne peux pas la laisser comme ça, faut qu'elle le sache. Je décide alors de prendre sur moi et de continuer mon récit, pour elle, pour ma fille.
- C'était lors de cette soirée qu'elle perdit la vie...
Juste en prononçant cette phrase, mon cœur se brise face à la dure réalité. Ça fait dix ans que je n'ai jamais réussi à le dire à haute voix. Je sens une larme perler le long de ma joue. Je l'essuie d'un revers de main.
Ce soir-là, ta sœur s'était beaucoup trop amusée et n'était plus dans son état normal, comme à chacune de ses fêtes... Et chancelait dans le salon en chantant de toutes ses forces sa chanson préférée. Elle avait vu un groupe de personnes, qui était installé par terre, au milieu du salon. En la voyant, le groupe lui avait proposé de jouer à action ou vérité. Bien sûr, comme ta sœur était une grande joueuse, elle avait accepté, même si ce soir-là elle n'aurait jamais dû...
Mes larmes coulent à flot le long de mes joues. Je sens que mon cœur bat à tout allure. Mon estomac se noue tout comme ma gorge. Mon regard est vide mais malgré tout je continue mon récit. Pour Emma, elle doit le savoir.
L'un d'entre eux lui avait posé la question et elle avait choisi action. Après quelques minutes de concertation, le petit groupe lui avait proposé comme défi de...
Ma voix se brise, je n'arrive plus à parler, je suis comme bloqué. Je regarde ma petite Emma, ma princesse. Je sens dans son regard qu'elle veut savoir la suite. Alors j'essaye comme je peux de reprendre mon récit.
L-le petit groupe lui avait proposé comme défi de sortir nue et de courir dans la rue en criant : je suis une prostituée, venez je le fais gratuitement !!
Elle me regarde surprise, avec ses sourcils froncés. Une de ses mèches rebelles s'est installé entre ses yeux. Elle me demande :
- C'est quoi une prostituée ?
Qu'est-ce que je peux être con parfois, j'aurais dû dire ça autrement. Ne voulant pas lui expliquer car à l'âge de huit ans, elle ne doit pas le savoir. Je ne réponds pas à sa question et continue en espérant qu'elle ne va pas s'en apercevoir.
- Bien sûr, comme elle n'était pas dans son état normal ce soir-là, elle avait accepté ce défi. Elle s'est mise dehors pour faire son défi, mais malheureusement... Avant qu'elle ne puisse s'en apercevoir, ta sœur se fit renverser ...
Je ferme les yeux et serre les poings pour ne pas éclater en sanglots. Ma gorge me picote de plus en plus. Je sens que je ne pourrais pas tenir plus longtemps. Continue, il le faut, tu en es capable, vas-y.
Le lendemain avec ta mère, nous étions rentrés et nous l'avions retrouvée nue en plein milieu de la rue.
Mes larmes coulent de plus en plus et j'éclate en sanglots. Je relâche toute la pression, tous mes regrets, toute ma peine, ma tristesse. Depuis que je l'ai vue étalée par terre, je n'ai jamais voulu reparler de cette histoire. Et je me suis toujours promis de protéger ma femme, mon prochain enfant, de ne jamais faire les mêmes erreurs que j'ai faites avec Émilie.
Elle avait perdu la vie et cette fois-ci c'était pour de bon elle ne pouvait plus revivre...
Dis-je en sanglots. Ça fait énormément de bien de pouvoir enfin en parler à quelqu'un.
Emma se relève de son lit avec nounours dans sa main droite. Avec son doudou, elle essuie l'une de mes larmes, pour ensuite me faire un câlin.
- Je ne veux pas que tu pleures papa...
Je plonge mon regard, embrumé par les larmes, dans ses yeux bleus. Ils sont rougis par la tristesse. J'enroule mes bras autour de son petit corps fragile et lui caresse délicatement ses beaux cheveux blonds.
- Je t'aime papa.
- Moi aussi je t'aime ma chérie et je ferai tout pour que tu restes auprès de moi...
Je resserre mon emprise et nous nous endormons. Tous les deux, dans son lit. Ma fille dans mes bras, c'est-à-dire ceux de son père.
Fin
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