1er Mois
Un mois s'était écoulé depuis cette soirée. Je n'avais plus eu l'occasion de sortir m'amuser. Entre les entretiens d'embauches qui s'enchaînaient, les repas de famille incontournables, et les journées à traîner en pyjama devant la télé, mes repères dans le temps avaient été quelques peu bousculés, si bien que je ne savais plus toujours si on était mardi ou samedi...Et ce ne sont pas mes petites culottes affublés de leur doux nom qui m'aidait à y voir plus clair, surtout quand Mardi se retrouvait fièrement sur mon popotin le Vendredi.
-Madame Grégoire... Madame Grégoire... C'est à vous.
Je me redressai pour faire face à une femme passablement agacée. A la voir, je compris que cela faisait plusieurs minutes qu'elle tentait de capter mon attention. En vain. Cela commençait mal, et je n'étais pas au bout de mes peines.
Comme je le pressentais, l'entretien ne se passa pas bien du tout. J'étais stressée, il faisait trop chaud, et les questions étaient bien trop pointues. J'en sortis aussi vite que possible en poussant un soupire de soulagement. Mais rapidement, ce dernier se changea en amertume. Je n'avais toujours pas trouvé de travail et les factures allaient finir par s'accumuler. Et comme si cela ne suffisait pas, je n'avais droit à aucune aide financière, que se soit de la part de la caisse d'allocations familiales ou du pôle emploi. Bien que pour ce dernier, j'avais déjà reçu tout ce qu'il me devait. Je pris mon téléphone et le tapota nerveusement contre ma lèvre inférieur, réfléchissant aux options qui s'offraient à moi. Je ne pourrai pas compter indéfiniment sur les revenus de mon père pour réparer mes erreurs. Je l'entendais encore me réprimander. «Marion, il va falloir couper le cordon. Je ne serais pas toujours là pour te sauver la mise. Il faut que tu grandisses, que tu prennes tes responsabilités.» Je soupirai d'avance tandis que je composais son numéro.
-Allo Papa, co-comment tu vas?
Allez, courage Marion, tu peux le faire, tu le fais tout le temps. C'est parti pour un nouveau sermon à la Grégoire. Pensais-je en me rongeant les ongles jusqu'au sang.
Mon père avait le don de te faire culpabiliser et te sentir tel un déchet de la société en quelques phrases. Bien qu'il n'ait jamais levé la main sur ses enfants, ses mots étaient parfois pires qu'une gifle. Je me rappelais de la fois où mon frère Louis avait eu la malheureuse idée de lui annoncer son homosexualité. On aurait dit qu'il venait d'avouer un meurtre. Mon père s'était mis dans une colère noire et l'avait mis à la porte. Depuis, Louis se rend aux repas familiaux uniquement pour notre mère. Il fait l'effort d'adresser la parole à mon père dans le seul but de ne pas créer d'esclandre. Mais leurs échanges se limitent à «passe moi le sel», «bonjour, au revoir». Et les rares fois où la vie privée de mon frère est évoquée, les repas se terminent à coup de grands cris et d'assiettes brisées. On peut même dire que de ses trois enfants, j'étais encore la seule à avoir gardé une certaine forme de relation avec lui. Souvent, Sophie, mon aînée, me disait que je devrais m'émanciper, ne plus me préoccuper de ce qu'il pense, et surtout ne plus rien lui demander...Facile à dire pour elle. Sa carrière avait été fulgurante. A peine sortie de l'école de commerce elle trouvait son premier emploi. Dés lors, elle ne fit que monter les échelons jusqu'à devenir directrice adjointe à Stand&Me, une enseigne de vêtements féminins en pleine expansion depuis une dizaine d'années. Elle était la fierté de notre père, même si ce dernier trouvait malgré tout à lui reprocher de n'être que l'adjointe. Ce fut d'ailleurs ces reproches à longueur de temps qui avaient créés de la distance entre Sophie et lui. Ma sœur avait alors commencé par espacer ses visites, puis finalement, elle avait fini par se contenter de rester vague quand à son travail et sa façon de gérer sa vie.
-Oui, merci papa. Je sais. C'est la dernière fois...oui, pardon papa. Je...Je trouverai un travail je te le promets. Mais non ce ne sont pas des paroles en...Oui, à dimanche papa.
Je raccrochai et poussai un soupir de soulagement. Cela n'avait pas été aussi terrible que je le pensais. Fatiguée de tout ça, je rentrai chez moi et me glissai sous la couette. Il n'était que midi, mais toute cette matinée, entre l'échec de mon entretien et la discussion avec mon père, m'avait coupé l'appétit.
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