Chapitre 3 : Gay
J'ouvre paresseusement les yeux, perturbé par la lumière, et je me maudis un instant de ne pas avoir fermé les volets avant d'aller dormir. Je m'apprête donc à me lever pour le faire et continuer ma nuit lorsque je remarque Louis, assis en tailleur sur son lit. C'est à ce moment-là que je me rappelle qu'en effet il est là, alors il y a certaines habitudes que je vais devoir oublier, comme dormir toute la journée ou Eliott qui débarque en douce. Au fond, même si je ne le reconnais pas, cela me fait plaisir.
Je me redresse en m'appuyant sur ma main et Louis lève les yeux vers moi.
— Tu aurais dû me réveiller, je lui dis en me frottant les yeux.
— Oh, non. Il ferme le livre qu'il était en train de lire. Tu étais si enfoncé dans tes couvertures que je me suis dit « Wow, on n'y va pas les gars, on ne ressortira pas vivant de cette aventure ! »
Je pouffe de rire avant de retomber sur mon lit, Louis rit aussi.
— Non, sérieux, je pense que tu dormais bien. T'en avais besoin. Je t'ai laissé.
— Tu es réveillé depuis quand ? je demande en regardant par la fenêtre.
— J'en sais rien, peut-être une heure ? Il hausse les épaules. J'en ai profité pour lire un peu.
— Tu lis quoi ? je me tourne pour le regarder.
— Oh, c'est stupide. Moby Dick.
Je fronce les sourcils.
— En quoi c'est stupide ?
— Je sais pas, il sourit, inévitablement gêné. Pourtant j'aime ce livre. C'est la troisième fois que je le lis. Tu l'as déjà lu ? Il a limite des étoiles dans les yeux.
— Non, je réponds sincèrement. Je sais juste que ça parle d'une baleine. Mais je me ferai un plaisir de le lire une fois ta troisième lecture terminée, enfin, tu voudras bien me le prêter ?
Il entrouvre d'abord la bouche, comme s'il était bouche bée que je lui demande une telle chose, et je me prends à penser que ses amis de Doncaster ne doivent pas être les meilleurs. J'ai l'impression qu'il a honte de lire ce conte philosophique, pourtant apparemment très intéressant du côté littéraire, et que personne ne lui a jamais demandé de le lire. C'est triste ; se cultiver est important à mon sens et parler de livres est mieux que de parler de filles. Mais ça, la bande de Louis ne doit pas le penser.
Après quelques secondes de silence et de choc, il hoche la tête frénétiquement.
— Bien sûr, ouais, quand tu veux. C'est assez symbolique, en vérité... J'espère que ça te plaira.
— J'en suis certain.
Il acquiesce, excité à l'idée que quelqu'un puisse s'intéresser à son livre préféré, et je suis content de le rendre heureux simplement en désirant lire.
Mais un grognement me sort de mes pensées et je réalise que cela provient de mon corps ; mon ventre, plus précisément.
— Tu as faim ? Je demande en me levant.
— Plutôt soif, il répond.
Nous descendons dans la cuisine. Louis s'installe sur un tabouret du bar tandis que je me dirige vers la cafetière.
— Tu prends ton café comment ?
— Café ? il s'étonne.
— Oui ?
— Pardon ?
— Tu sais, le truc en grains marrons que les gens boivent le matin. Café. Répète après moi, ca-fé, ca-
— Oh je t'en prie, il roule des yeux, je sais ce que c'est ! C'est juste... Satan en grains. Ne me dis pas que t'en bois !
J'ai l'impression que si je lui dis la vérité, soit que oui, j'en bois, il va me lancer un sortilège avec ses yeux bleus. Mais je prends quand même le risque.
— Bien sûr que si.
— Oh dieu !
Il met sa main sur son front, l'air dramatique, avant de s'adresser au ciel et je me retiens franchement de rire.
— Seigneur Dieu, je te demande de pardonner ce mouton égaré du droit chemin. Je ferai ma mission personnelle de le ramener dans la destinée du thé et...
— Louis, je le coupe, amusé, arrête ton cinéma.
— Mon cinéma ? Harry, c'est très sérieux ! Je vais mourir dans cet endroit de caféine, il s'écroule sur le bar tandis que j'explose de rire.
Je suis persuadé que Louis est le genre de garçon à amuser la galerie constamment. Ses soeurs doivent être dingues de son sens de l'humour, et je parie qu'il fait de sa mission personnelle le fait de distribuer des rires et sourires à son lycée à Doncaster.
Il se lève et contourne le bar puis commence à ouvrir les placards. Je le regarde, appuyé contre le mur, les bras croisés, amusé le voir petit à petit son expression se décomposer. Une fois son tour fini, il se tourne vers moi, désespéré.
— Il n'y a pas de thé, il conclut.
— Belle observation Sherlock. On n'est pas très thé à la maison.
— Mais moi si, il m'attrape l'avant-bras, alors...
Mon corps entier sursaute et disjoncte.
— LÂCHE-MOI ! J'hurle en me dégageant.
Les yeux de Louis deviennent des soucoupes et il se crispe, la main toujours dans les airs. Je me rends compte de ma réaction, de mon ton, du fait que c'est juste Louis, et je m'en veux aussitôt. Il semble tétanisé, presque devenu une statue.
— Excuse-moi, je parviens à dire, excuse-moi Louis. J'ai juste... je ferme les yeux une seconde. Désolé. Je n'aime pas être surpris comme ça. C'est vraiment pas contre toi.
— Je suis désolé.
Sa voix est encore plus aiguë et haute qu'habituellement, et il ne bouge pas. Il semble réellement apeuré, et surtout coupable ; mais non, non non non, cela n'a rien à voir avec lui.
— Non ! Je secoue la tête fermement. Non Louis, ne sois pas désolé. Évite juste de me prendre le bras fermement quand je m'y attends pas. C'est... c'est moi qui m'excuse.
— Je, euh... Tu as mal au bras ? Je t'ai fait mal ?
— Quoi ? Je secoue la tête. Non Louis, non. Hey, Louis, calme-toi. C'est ma faute. Pour appuyer mes propos, je remonte ma manche. Louis, regarde.
Doucement, il baisse le regard vers mon bras et le parcourt des yeux. D'une main incertaine, il touche du bout des doigts ma peau.
— Tu vois ? je dis, tentant de prendre une voix rassurante. Je n'ai rien. Du tout. Et tu ne m'as rien fait. Je n'aime juste pas être surpris.
— D'accord. Je ne recommencerai plus.
Il a retrouvé sa voix normale et cela me rassure. Il ne semble également plus en état de choc, et je suis content car il est vrai qu'il semblait vraiment déboussolé. J'ai dû crier trop fort, ou il ne s'y attendait simplement pas.
Il est vrai que cela reste anormal que quelqu'un réagisse de la sorte suite à un simple contact. Au fond, je le sais.
— Mais je disais - il attrape délicatement mon bras tout en me regardant pour voir si c'est ok, et commence à me tirer vers l'escalier - moi, si, j'aime le thé, alors allons en acheter tout de suite.
»
— Profite de cette victoire, je dis, parce que ça sera la seule. Personne ne me traîne au supermarché, et encore moins pour du thé, Tomlinson.
— Du thé du Yorkshire ! Il s'exclame.
— Mon dieu Louis - je roule des yeux, un sourire aux lèvres - on est dans le Nevada ici, pas au fin fond de ton Angleterre.
Il rit avant de se concentrer à nouveau sur les passants. Louis ressemble à un véritable enfant dans la rue, il ne me manquerait plus que la poussette et la tétine. Depuis que nous sommes partis de la maison, soit depuis dix bonnes minutes, il n'arrête pas de regarder les passants et toutes les façades. À croire qu'il vit dans une grotte. J'ai même eu le droit à plusieurs Harry ! Regarde, il y a des femmes à moitié nues partout... C'est le paradis ici ou quoi ? Je n'ai pas eu le courage de lui avouer que ce sont des strip-teaseuses puisque Las Vegas est à quelques kilomètres... je briserais les rêves de ce pauvre enfant.
Finalement, nous arrivons au supermarché. Louis semble à nouveau émerveillé, comme s'il n'en avait pas chez lui.
— Bon, où est le rayon thé que je fasse mes provisions, il dit en se frottant les mains.
— Alors déjà, on n'a pas de rayon spécifique pour le thé. Il semble faussement outré, je lève les yeux au ciel, amusé. Et deuxièmement, suis-moi.
Je guide Louis jusqu'au rayon en question - qui s'avère être le rayon café - et il commence à regarder chaque étiquette de thé tel un inspecteur en enquête. Je salue de tête les quelques personnes que je connais, tandis que j'attends qu'inspecteur Louis ait fini son investigation.
— On a un problème, il dit, maintenant accroupi à la hauteur de la dernière rangée.
— Hm ?
— J'en trouve pas.
— T'as regardé tout en haut ?
Il se tourne vers moi, l'air de dire tu te fous de moi ? et je ravale un rire sincère mais moqueur. C'est vrai qu'il n'est pas très grand, mais je ne fais pas non plus vingt centimètres de plus que lui.
— T'aurais dû me demander, je dis en m'approchant.
Je tends bien le cou pour regarder tous les produits.
— Ça ressemble à quoi ton truc ?
— Un paquet de thé. Avec marqué Thé du Yorkshire. Rien de bien étonnant.
Je cherche un instant et trouve finalement son bonheur. J'en prends un paquet et lui tend.
— Voilà. Heureux ? Allez, on y va.
— Wowowow doucement cow-boy ! Un paquet ? T'as oublié un ou deux zéros là. J'ai besoin de mes provisions j'ai dit.
— Quoi ? Mais - je fronce les sourcils - je n'ai que 12$ sur moi Louis. Il hausse les épaules.
— Ça fait toujours 12 de plus que moi, allez tiens.
Il me met le paquet de thé dans les bras et se met sur la pointe des pieds pour en attraper encore et encore, qu'il me fourre dans les bras. Pire que du travail à la chaîne.
— Louis - un paquet - Louis, arrête - encore un paquet - Louis ! Il s'arrête et croise les bras sur son torse.
— Harry ?
— On prend trois paquets. Comme c'est 3$, c'est tout ce que je peux me permettre avec les taxes. Je vais demander à ma mère d'en rependre chaque semaine lorsqu'elle ira en courses.
— Oh. Super.
Je roule des yeux et nous nous dirigeons vers la caisse. Nous nous greffons à la queue et Louis commence à me lister les mérites de sa ville natale, et je l'écoute au début, jusqu'à ce que je tourne la tête pour sonder le magasin et le vois.
Grand d'environ ma taille, roux, une peau pâle parsemée de tâches de rousseur, fin, longue veste noire qui lui arrive aux genoux. Il a les mains dans les poches, concentré, et tandis qu'il passe les portiques d'entrée je me dis qu'il ne va pas me voir, ce qui m'arrangerait vraiment, mais comme s'il m'avait senti, il tourne son regard vers moi.
Merde.
Mon coeur s'accélère et le temps semble ralentir. Je ne sais pas quoi faire ; je ne peux pas aller le voir au risque de vivre une scène comme je n'ai pas répondu à ses messages, et après coup la curiosité de Louis qui pourrait en parler à ma mère. Je ne peux pas non plus dire que je ne l'ai pas vu... mon regard est clairement plongé dans le sien actuellement, et je n'arrive pas à bouger.
Comme tétanisé par sa simple personne, ce qu'il implique et inculque.
Jusqu'à ce que Louis passe sa main devant mon champ de vision.
— Harry, hey, t'es avec moi ?
— Ouais, ouais, désolé. J'ai eu... ouais. Tu disais ?
La cliente devant nous s'en va, alors c'est notre tour. Je donne mon billet à la caissière qui me rend la monnaie et Louis prend les paquets de thé, visiblement comblé. Puis il continue à me dire qu'il est dans l'équipe de football de sa ville, qu'il aime ça etc, tandis que je me perds un peu dans mes pensées.
Avant de quitter le magasin, je regarde brièvement derrière moi. Le roux n'est plus là, mais je sais qu'il m'a vu.
Aujourd'hui, j'ai choisi d'ignorer Eliott. Je sens qu'il va amèrement me le faire regretter.
»
— Voilà, dit Louis en s'asseyant face à moi, on peut enfin avoir un petit-déjeuner normal maintenant que tout est rentré dans l'ordre.
Il souffle sur sa tasse que je devine chaude et je prends une gorgée de mon café quand mon téléphone vibre sur la table. Je note d'ailleurs que Louis n'a pas fait de remarques de mauvais goût sur ma coque rose, et j'apprécie.
Je regarde et ne suis pas étonné de voir deux messages non lus en provenance d'Eliott.
Eliott
> Alors maintenant tu m'ignores... Tu as honte de moi, H ?
Je me pince les lèvres en lisant ce premier message.
> Et c'était qui le gars avec qui tu étais ? C'est pour ça que je n'ai plus de nouvelles de toi ? Je te jure si j'apprends que tu couches avec...
> N'ignore pas non plus mes textos... Réponds-moi.
Je soupire et me passe la main dans les cheveux. Que répondre ? Je n'ai même pas envie de le faire, je n'ai pas la force. Quoi que je dise, cela n'arrangera rien. Cela n'arrange jamais rien, je n'évite jamais sa colère.
Alors j'essaie de paraître de marbre devant Louis et reprends une gorgée de mon café.
— Donc, je demande à Louis pour établir une conversation, tu fais du foot depuis que t'as quel âge ?
— Quatre ans je dirais ? Enfin, il hausse les épaules en souriant, tu sais à cet âge là c'était plus taper dans mon ballon que vraiment jouer au foot. Mais j'aimais déjà ça.
— Ah oui c'est pas une passion soudaine. Mon meilleur ami joue aussi mais juste chez lui, pas en club ni rien, je pense que vous vous entendrez...
Mon téléphone vibre à nouveau, je soupire.
— Réponds-lui, dit Louis en hochant la tête. Qui que soit cette nana, elle veut que tu lui répondes.
Je crois que je préférerais que ce soit une nana en vérité.
Je regarde tout de même le message d'Eliott même si je ne compte pas répondre.
> Tu sais que je vois quand tu lis mes messages ? C'est horrible d'aimer quelqu'un qui t'ignore Harry.
Puis un deuxième, qui lui, me serre le cœur jusqu'à avoir l'impression de ne plus en avoir.
> T'es en train de le sucer ou bien ? Tu sais faire que ça ou t'es capable de répondre ?
Je mets mon téléphone en silencieux et le pose sur le meuble derrière moi. J'essaie de ne pas montrer à Louis que tout ça m'atteint, mais je ne dois pas être très bon acteur puisqu'il me fixe pour deviner mes pensées. Il est loin de s'imaginer pourtant.
— Ta copine ?
— Il est bon ce thé ?
Louis roule des yeux.
— Harry. C'est ta copine ? Elle semble remontée pour t'envoyer autant de messages.
Je finis d'une traite ma tasse avant de me lever de ma chaise.
— Tu fais quoi ? demande Louis, confus.
— Viens, je réponds en prenant mes clés, on sort.
#
QUESTION N*3 : Vous êtes plutôt thé, ou café ? Ou joker : chocolat ?
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