Chapitre 23 : Deep

New-York ?

Oui.

New-York, genre New-York ?

C'est ce que je viens de dire, oui...

New-York...

Me voilà de retour dans le sellier avec ma mère à crier en chuchotant.

Pourquoi tu dois être comme ça ? Je souffle.

Quoi ? S'offusque t-elle.

Pourquoi tu ne peux pas simplement me parler ou me forcer à aller chez un psy, pourquoi tu dois m'envoyer ma soeur faire le sale boulot et toujours partir en vacances pour étouffer ma peine ?

Ma mère ouvre la bouche et la referme aussitôt. Nous ne nous sommes jamais vraiment affrontés à ce sujet ; trop peureux pour surmonter la douleur interne.

Je croyais qu'on avait surmonté nos problèmes, je reprends. Qu'on était une famille à peu près... normale.

Nous le sommes Harry, dit-elle. Ce qui s'est passé avant n'a pas d'importance...

Ça en a ! Ça doit en avoir. Pour ne pas qu'on répète les erreurs, il faut que cela compte. Toutes les familles sont maladroites je crois, toutes les familles sont imparfaites et ont du mal mais il faut que ça compte. J'avais besoin d'aide et tu as fui. J'avais besoin d'aide et ma mère m'a ignorée. Cela a doublé ma peine, ce qui m'a rendu terrible, ce qui t'a fait fuir encore plus. On a été tous les deux un problème et on va mieux maintenant, on parle, on communique. Pourquoi on doit répéter les choses qui posent problème ? Pourquoi on doit partir en voyage pour faire comme si tout allait bien alors qu'on pourrait juste se poser et parler ? Je sais que parfois je n'ai pas envie de parler, je sais que parfois le moment tombe mal... mais on pourrait juste se poser et parler, tous les deux, comme une mère et son fils.

Lorsque je finis mon monologue, je suis essoufflé. J'ai parlé à une vitesse folle, j'ai laissé mon coeur s'exprimer et pousser tout le poids accumulé depuis tout ce temps. Je culpabilise aussitôt de m'être adressé à ma mère de la sorte — mais dans ses yeux à elle, règne une certaine tristesse, mais surtout une immense fierté. Je crois qu'au fond, elle a été très patiente et a attendu longuement que je puisse extérioriser tout cela. Même si cela fait mal, même si cela écorche, même si cela nous touche tous les deux ; c'est sorti, c'est fini.

Dans un geste extrêmement lent, qui semble mettre le point final à ce long chapitre, ma mère me prend dans ses bras. Son étreinte est douce et je m'autorise à me détendre.

Tu as raison, dit-elle. Les choses doivent avancer. Ce voyage sera le dernier dans la série des voyages pour camoufler les problèmes.

Je ferme les yeux et acquiesce. Au bout de quelques minutes, nous nous reculons de notre câlin. Ma mère pose sa main sur ma joue et m'adresse un petit sourire.

Niall ? je reprends. Et Louis ? Ils font quoi ?

Ils viennent, elle répond tout naturellement. On ne va quand même pas les laisser à la maison alors que nous partons une semaine à New-York.

Une semaine ?

Oui, une semaine sur les congés de Noël. Ça te va ?

J'aime New-York. J'ai toujours rêvé d'aller à New-York. Cela semble grand, lumineux, intéressant, merveilleux. Je ne pensais pas y aller dans ces circonstances là, c'est tout. Mais je dois arrêter de me bercer d'illusions. Cela fait des années.

Ma mère regarde mon visage, silencieuse. Elle détaille ce que je laisse paraître et tente probablement de deviner mes pensées. Son pouce commence à tracer ma joue dans un geste se voulant rassurant.

Tu as peur d'y croiser ton père, c'est ça ?

Comme c'est ma mère, qu'elle me connaît très bien sur certains aspects malgré tout, elle y arrive. Je soupire.

Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire ?

Ce n'est pas à toi de lui dire quoi que ce soit Harry, elle rétorque, ferme. Il t'a abandonné, tout comme ta soeur. C'est à lui de se manifester. Si tu le croises à New-York, ne sois pas celui qui va le voir.

Il ne me reconnaîtra même pas s'il me croise.

Si, il le fera. Car même si c'est un père merdique, il t'a à moitié fait. Et les parents ont ce lien très fort... Lorsqu'on  voit notre enfant, même des années après... Il y a ce truc dans notre poitrine. On reconnaît notre chair entre mille.

Peut-être que c'est uniquement un truc de bon parent, ça.

Honnêtement, je doute que mon père soit ainsi. Il m'a à moitié fait, je lui dois à moitié la vie, mais cela fait la moitié de la mienne que je ne l'ai pas vu. J'ai été si proche de lui étant enfant, je le voyais comme un héros, mon super-héros. Il a fait tellement de choses pour moi, il m'emmenait loin dans les contrées américaines parce qu'il savait à quel point j'aime le désert et ses alentours. Il était prêt à énormément pour me voir sourire et en sa présence, mes yeux verts brillaient constamment. Quand je me rappelle de ces moments, je souris, je souris car c'est l'histoire de ma vie, ma vie d'enfant révolue. Puis mon sourire se fane, car je me souviens qu'il était aussi dur, qu'il me jugeait si cela ne lui convenait pas, qu'il voulait que j'aille dehors sous l'orage ; qu'il faisait sûrement toutes ces choses avec ses enfants d'une autre femme. Et que c'est eux, qu'il a choisi.

C'est un bon père, je réponds, les yeux dans le vide. Mais je ne suis pas le fils qui puisse en témoigner.

Ma mère se rapproche et enroule à nouveau ses bras autour de moi.

Cela nous affecte tous les deux, même si pas de la même manière. Ma mère s'est faite trahir par l'homme qu'elle aimait, découvrant qu'il menait une double vie, et moi j'ai perdu mon père lorsqu'il a choisi l'autre famille. Avec le recul, je ne sais pas s'il aurait mieux fait de nous choisir ; je ne sais pas si la vie serait plus agréable. Mais j'aurais aimé avoir un peu plus de temps avec lui. Robin est important dans la famille, mais il n'est pas mon père et ne le sera jamais. Cela reste un vide en moi et une peur constante de le croiser, d'affronter un fantôme. J'aime New-York, je rêve d'aller à New-York, mais je crains aussi l'endroit.

En nous abandonnant, il a fait le mauvais choix, me murmure ma mère en me caressant le dos, toujours en train de m'enlacer.

Ça, on ne peut pas savoir.

Si. Il a fait le mauvais choix, c'est tout. Et je suis sûre que chaque jour, il s'en mord les doigts, elle murmure avant de mettre fin au câlin.

Je ne réponds rien, car elle me contredirait ; mais j'ai envie de dire que non, il ne s'en mord pas les doigts. Je ne peux pas savoir pour sûr, je ne suis pas dans sa tête. J'aimerais parfois l'être, pour comprendre pourquoi il a fait ce choix, ou alors simplement comprendre pourquoi il a fondé deux familles au lieu d'être directement honnête. Mais je suis sûr qu'il ne s'en mord pas les doigts, car une personne qui regrette réellement est une personne qui essaie. De réparer, de revenir, de réapprendre. Il a juste abandonné.

Ma mère ne veut plus entendre parler de lui, ce que je comprends. Mais je crois qu'au fond, j'ai toujours besoin de mon père. Je suis en colère et je ne veux pas le voir, mais la vérité est que je n'ai pas totalement su le laisser partir.

Je vais appeler Liam, est ma seule réponse.

D'accord, fais donc ça.

Je hoche doucement la tête et après avoir offert un petit sourire à ma mère, je quitte le sellier. Je passe très rapidement dans la cuisine, donc devant Robin, Gemma, Zayn, Louis et Niall, puis je monte en furie dans ma chambre.

Je compose le numéro de mon meilleur ami.

Yep ? il répond aussitôt.

Mec, on va à New-York.

Évidemment, il éclate de rire. Je n'en attendais pas moins de sa part.

C'est pas drôle, je râle.

Ça l'est. Noël enneigé ça doit être sympa.

J'aime pas le froid tu le sais bien.

T'aimes surtout te plaindre ouais.

Je hausse les épaules.

N'empêche, j'avais raison, il reprend.

Oui...

C'était évident...

Pas tant que ça. Je pensais pas que ma mère jugerait nécessaire ce genre de voyage... on a discuté, aussi. Je lui ai dit que je ne voulais plus que ça arrive. Le fait de faire venir Gemma, de partir en vacances pour camoufler ce qui va pas. Elle a compris.

Ok, c'est bien. Mais bon, Liam a encore eu raison. Liam est le meilleur. Liam est votre maître à tous et...

Non, arrête-toi.

Ouais, c'est mieux je pense.

Il me décroche un sourire en coin.

Elle n'est pas venue seule, je rétorque après un petit moment. Ma soeur.

Ah ?

Ouais, elle est avec son petit-ami, il s'appelle Zayn.

Zayn ?

Ouais, un anglais un peu typé. Il a l'air vraiment cool. Tu verras.

Ok.

Ils ont un problème d'appart à Londres ou je sais pas quoi... Ils vont sûrement pas rester juste quelques jours...

— Cool.

Ouais mais, eh, t'as perdu ta langue ou quoi ? Tu me réponds par des onomatopées.

Non, non, désolé. J'étais distrait. Vas-y, je t'écoute.

J'ai fini en fait, je dis.

Oh, eh bien... C'est si grave que ça de vivre un peu avec eux ?

Non, Zayn a l'air cool donc non, mais... Tu sais. Gem va fouiner et chaque faux pas va passer pour ce qu'il n'est pas et... Imagine elle rentre dans la chambre quand je suis avec Louis dans le lit ? Elle va mal interpréter.

Un silence s'installe quelques secondes.

Attends, quoi ? Quand je suis avec Louis dans le lit ? Oh putain, j'ai raté un épisode ou la série entière, non ? Oh. Mon. Dieu.

Non, Liam, arrête tout de suite tes pensées, je roule des yeux. On dort ensemble, parfois... Comme ça. Rien d'autre. C'est naturel... on dort juste.

Mon dieu, c'est si difficile de te croire, il soupire.

Liam, s'il te plaît, je supplie. Arrête de tourner ça comme ça.

Ok, ok. J'arrête, je ne te mets pas mal à l'aise.

Je hoche la tête et un agréable silence s'installe au téléphone. Les meilleures amitiés sont celles qui perdurent malgré les moments de silence. Liam le brise finalement :

Mais, qui dit Gemma et son gars là, Zayn ; dit repas de famille, n'est-ce pas ?

Je roule des yeux. Je sais très bien où il veut en venir.

Ouais, je confirme.

Alors tu sais que ça veut dire gage...

Oui, je sais. Balance.

Une tradition a commencé quand nous étions enfants. À chaque repas de famille, l'ennui était si présent, qu'on a trouvé une occupation. Celui qui a un repas de famille se voit donné un gage par l'autre. Souvent, c'est plus un défi pour occuper. C'est souvent stupide, pas marrant, très embrassant et cela a déjà énervé nos mères respectives — mais nous continuons. C'est la tradition.

Tu devras faire du pied à la personne devant toi.

Si j'avais été en train de boire, j'aurais sans aucun doute tout recraché.

Pardon ? Je réponds, les yeux écarquillés. Mais si c'est ma soeur ? Ou son mec !

Liam se contente de rire légèrement en guise de réponse. Je soupire, tandis que lui semble vraiment fier de ce gage. Stupide tradition.

Je te jure Liam, je soupire, je me demande parfois pourquoi tu es mon meilleur ami...

Ça va être amusant, il répond. Tu verras. Fais-moi confiance.

Je me contente de lever les yeux au ciel.

»

Harry, va chercher la salade dans la cuisine veux-tu.

Je me lève de table suite à la demande de ma mère et file dans la cuisine sans un mot. Nous sommes attablés depuis peu et ma mère a évidemment placé les gens ; c'est presque sa partie préférée des repas de famille.

Je suis en face de Louis.

Louis est en face de moi.

Nous sommes assis l'un en face de l'autre. Lui. Devant moi. Moi. Devant lui.

J'ouvre le réfrigérateur et jette un coup d'oeil aux étages avant de finalement repérer le saladier, que je sors. En fermant la porte, Louis est juste derrière ; je sursaute.

Tu m'as fait peur. Qu'est-ce qu'il y a ? je dis.

Oh, ta mère m'a demandé de venir chercher sel et poivre, il répond. Elle a dû oublier de mettre la moitié de la table, enfin bon.

Je souris en coin et lui montre d'un signe de tête où sont les assaisonnements. Il les prend sur l'étagère et alors qu'il s'apprête à contourner le bar pour retourner à la salle à manger, j'attrape son sweat-shirt de ma main libre.

Attends, je dis.

Quoi ?

Je... dois te dire un truc.

Je lâche le petit bout de vêtement que j'ai attrapé et Louis se retourne afin de me faire face, les petits pots de sel et poivre dans chaque main. Alors je le regarde, le saladier dans les miennes et je me mordille peut-être un peu la lèvre parce que, comment dire à quelqu'un qu'on va lui faire du pied ?

Je crois que les gens qui le font ne préviennent pas, mais je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas risquer que quelque chose se brise. Je ne peux pas risquer de faire quelque chose contre son gré et son consentement.

Avec Liam, on a une tradition un peu stupide, j'explique. À chaque repas de famille, celui qui n'y va pas donne un gage à l'autre... C'est un peu stupide, mais ça occupe et... Ouais. Je soupire. Aujourd'hui Liam m'a demandé de faire du pied... À mon voisin d'en face.

Louis met quelques petites secondes à percuter et lorsqu'il le fait, il ouvre la bouche, pour finalement la refermer. Le bout de ses joues changent légèrement de couleur mais encore une fois, sa gêne est justifiée.

Oh, euh...

C'est stupide, je sais. Mais j'ai pensé qu'il était mieux de... Tu sais. Te prévenir.

Je crois que cela rend la chose encore plus bizarre de prévenir, il rigole doucement.

Tu as raison... Eh d'ailleurs, je poursuis en fronçant les sourcils, je peux ne pas le faire et faire croire à Liam, puis...

Non, t'inquiète pas. Ouais, après tout, du pied, c'est rien ?

Je hoche vivement la tête lorsque je comprends qu'il attend une réponse de ma part.

Bon, reprend Louis. Du pied... Ok. Il hausse un sourcil. Liam est un peu.. Joueur, tu penses pas ?

Il pensait pas à mal, je soupire. C'est juste... Franchement, si Zayn avait été en face de moi, ça aurait été le pire repas de famille de ma vie.

Louis pouffe.

Ça, c'est clair. T'aurais eu des problèmes avec ta soeur.

Surtout si ça avait été elle, en face...

Louis rit, mais juste un peu. Ses joues sont toujours légèrement rosées ; je ne crois pas l'avoir déjà vu aussi calme. Puis nous décidons de retourner à table, où nous prenons place.

»

Niall, tu viens d'Irlande alors ?

Gemma prend la parole et je continue à manger ma viande en silence. J'écoute les conversations sans trop y prendre part.

Oui, il répond. Irlande du Sud.

J'adore l'Irlande, reprend ma soeur. Je n'y ai jamais été... enfin, quand j'étais encore dans le ventre de ma mère.

Peut-être qu'un jour vous pourrez venir en voyage chez moi ? Il propose gentiment, sa voix posée et innocente. C'est pas le plus bel endroit de l'Irlande mais... Si en fait !

Oh, Niall, on ne va pas s'inviter, intervient ma mère, bienveillante.

Non, ça serait avec plaisir. Mes parents seraient ravis, après tout j'ai été accueilli ici des mois.

C'est vrai que je ne cracherais pas sur l'idée d'aller en vacances chez Niall, surtout en Irlande.

On s'organisera ça, reprend ma mère. Éventuellement. Si tes parents ne sont pas dérangés.

Niall hoche la tête, légèrement souriant. Je ne peux m'empêcher d'avoir la pensée que si ces vacances se font un jour, les choses seront différentes. Les garçons seront rentrés chez eux, j'aurais probablement fini le lycée, ma mère aura accouché. Cela me fait peur l'espace d'un instant alors que je chasse ces idées.

Et moi, je pourrais venir ? ajoute Zayn quelques secondes après. T'es mon frère de coloration.

Évidemment que tu viendras !

Zayn et Niall se connaissent littéralement depuis quatre heures.

Et toi Robin ? reprend ma soeur. J'ai vu que ton dernier roman est partout dans les librairies, c'est dingue.

Ce n'est pas que ce sujet de discussion ne m'intéresse pas, car si, il m'intéresse. Mais je le connais par coeur. Robin va parler de son dernier roman (qui s'avère être policier avec un mélange d'intense histoire d'amour), des droits d'auteurs salés qu'il touche, de l'avancée de son roman actuel, des séances de dédicaces qu'il a prévu...

Doucement, j'amène mon verre d'eau à ma bouche et étire ma jambe. Les assiettes sont presque vides, il est donc temps que je le fasse...

Au moment où mon pied (ma chaussette) entre en contact avec la cheville (le jean) de Louis, ce dernier rougit violemment, d'un coup. Il baisse légèrement les yeux sur son assiette (vide) et ses lèvres se plissent.

La situation n'a rien de confortable.

Mais j'aime le piquant que cela procure.

Je comprends l'espace d'un instant l'excitation du public, l'adrénaline ressentie.

Honnêtement, je pensais pas que ça aurait un tel succès ! J'ai juste eu une idée un jour... Et devant mon écran les idées arrivaient encore et encore, c'était dingue.

Tu peux être fier de toi chéri, dit ma mère.

Je fais bouger de haut en bas mon pied. J'essaie d'aller lentement, d'être sensuel. Je sais que je n'ai pas à être bon dans l'action ni être crédible, mais je le veux.

Et vous alors ? dit Niall en finissant sa bouchée et désignant Zayn et ma soeur. Vous êtes ensemble depuis combien de temps ?

Eh bien, 7 mois, répond Zayn. Ça a été assez vite, on s'est installés vite il y a 4 mois... Mais on est très bien. Et si on peut se supporter au quotidien, c'est bon signe je pense.

Louis relève les yeux vers moi et même à travers ses longs cils, j'aperçois le bleu de ses yeux, qui contraste avec le léger rose pâle de ses joues. Comme un réflexe, je me mords la lèvre et je coule légèrement dans mon siège afin d'avoir une plus grande accessibilité pour tendre un peu plus ma jambe.

Tu vas bientôt rencontrer Liam, dit Robin à Zayn.

Honnêtement, je n'entends plus qu'une phrase sur trois.

Vous vous entendrez bien je pense !

Qui est Liam ? rétorque Zayn en regardant Gem.

Le meilleur ami de mon frère.

Doucement, je fais remonter mon pied et j'arrive au mollet de Louis. Je fais des allers et retours entre sa cheville et plus haut, pour finalement arriver à son genou. Je ne sais pas vraiment ce que je fais, je ne suis pas sûr de ce qu'il se passe ; mais j'apprécie ce moment. C'est une surprise pour moi, mais je crois que je ne suis pas au bout de celles-ci.

D'ailleurs, j'ai une nouvelle à vous annoncer... dit ma mère.

Mon pied remonte sur la cuisse de Louis et il décide à ce moment-là d'apporter son verre d'eau à sa bouche, probablement parce que Niall le regarde avec insistance.

Harry ?

Mon pied remonte, j'arrive au dessus de sa cuisse, au niveau de sa hanche gauche ; je décale un peu mon pied vers la gauche... puis je me fais attraper l'avant bras.

Harry !

J'enlève automatiquement mon pied et m'installe normalement sur ma chaise, mes jambes bien rangées. Puis je me tourne vers ma soeur, qui me lâche le bras.

Euh, ouais ? je dis, tentant d'aborder un regard totalement normal.

Maman t'a appelé deux fois.

Désolé, j'étais... ouais. Je hoche la tête. Un peu ailleurs. Tu disais maman ?

Le sourire de celle-ci se trace, même s'il se veut fragile. Je me rappelle ce que j'ai plus ou moins entendu il y a quelques instants ; elle doit juger que c'est le bon moment pour annoncer la venue future d'un bébé dans la famille. Alors je la regarde, lui offre tout mon soutien alors qu'elle commence son discours. Parfois je tourne les yeux vers Louis, qui ne me regarde pas. Et lorsque je tourne la tête, je sens son regard sur moi.

»

Harry ? Je peux entrer ?

Je tourne la tête vers la porte de ma chambre où je vois Gemma.

Tu l'as fait avant d'avoir ma réponse, je réponds.

Elle roule des yeux, puis ferme la porte.

J'aimerais te parler.

Je sais. C'était évident. T'es pas là pour rien.

Elle aborde un petit sourire compatissant.

Alors, tu vas me dire pourquoi tu ressembles à Rocky Balboa ?

Je ne peux m'empêcher de pouffer. Malgré tout ce qui peut nous diviser, je m'estime heureux d'avoir une soeur comme Gemma.

C'est rien, je réponds. C'est la baie vitrée de...

Liam, je sais, elle me coupe. Maman m'a dit.

Voilà.

Et maintenant la version officielle ?

Je soupire.

J'ai juste eu, dernièrement, des... Mauvaises fréquentations. Mais c'est fini maintenant... D'où ça.

Je montre mon oeil puis roule des yeux.

Quelqu'un a mal parlé de Matt et tu as frappé ?

Je secoue négativement la tête. Non, ça, c'était il y a six mois...

Je pense que j'ai appris à passer au dessus, je réponds. Ils parlent mal de Matt... Tant pis. Ce sont des langues de vipère qui n'ont jamais eu les couilles de lui dire en face.

Et lorsque tu le défends, ils disent quelque chose ?

Il y a six mois, lorsque j'ai entendu ce garçon mal en parler dans le couloir et que je lui ai sauté dessus... Il disait juste que c'était ridicule et que je devais passer à autre chose.

Et ?

Je l'ai fait. Je suis passé à autre chose. Même avant que ça arrive, en fait. Je l'aimais, mais ça devait bien partir un jour.

Tu ne l'aimes plus, là maintenant ?

Gemma semble légèrement troublée que je lui dise ça, et pourtant c'est la vérité. À l'heure actuelle, non, je n'aime plus Matt. J'ai envie de le serrer dans mes bras, de sentir son odeur, de lui dire qu'il mérite tout le bonheur du monde, et que je veux à jamais rester en contact avec lui, mais je ne suis plus amoureux. Il reste cependant mon premier amour. Il est ancré en moi : le papillon. Éphémère. Comme la vie. Et comme Louis... Oh, pourquoi je pense à lui ?

T'inquiète pas Gem, je réponds simplement. Je vais bien. Mon oeil c'était... le bouquet final. Je vais mieux maintenant. Je vais aller de mieux en mieux.

Elle acquiesce lentement, très lentement, comme si son cerveau était en plein chargement et qu'elle enregistrait les informations petit à petit.

Et t'as pas autre chose à me dire ? elle reprend.

Non ?

Louis ? Maman m'a dit que vous vous entendez super bien.

C'est le cas.

Et c'est tout ?

Je soupire. Il m'appelle amour, peut-être seulement car les anglais disent beaucoup ce mot, mais j'adore l'entendre de sa voix et savoir que cela m'est adressé. Lorsque je suis triste, ou qu'il l'est parce que sa famille lui manque, il me caresse les cheveux. Et oui, on dort ensemble. La semaine dernière, nous avons fait une bataille de farine dans la cuisine. Ce soir, je lui ai fait du pied sous la table. C'est vrai que lorsqu'il n'est pas là, il me manque. Que j'aime notre petite tradition des films dans la salle de jeux, que j'aime qu'il ait changé depuis qu'il est arrivé ; ou peut-être simplement qu'il s'est révélé. Il est ouvert d'esprit, je l'ai jugé très, trop, vite au début. Mais je ne regrette aucunement qu'il soit là aujourd'hui. Malheureusement, ce n'est pas éternel ; il n'habite pas en face ou au pire à quelques rues, non, il est sur un autre continent. Éphémère, oui. Bientôt un souvenir.

Oui, c'est tout.

Voilà ce je rétorque. Plus simple, moins encombrant. La réponse à laquelle je devrais penser tout de suite.

D'accord, répond doucement ma soeur.

Vous vous organisez comment pour dormir ? je demande, détournant subtilement le sujet.

Matelas dans le salon. Pas très classe, mais bon... Je vais pas virer Niall de ma chambre, enfin la sienne enfin, bref.

Vous pouvez prendre sa chambre et...

Je me coupe soudainement. Pas bonne idée.

Non, rien, je réponds. C'est vrai, c'est compliqué. Toute façon cette situation n'est pas pour toujours.

Oui, c'est clair, elle répond en se levant. Heureusement.

J'acquiesce.

Gem ?

Elle se retourne étant donné qu'elle était en chemin vers la porte.

Oui ?

Où est Louis ?

En bas, elle répond. Maman a parlé de la fois où elle est partie en vacances avec papa en Irlande, alors ça a dérivé sur la famille en général.

Ils parlent de papa ? je demande.

J'en sais rien, peut-être. Elle hausse les épaules. Va voir si t'as envie.

Je hoche la tête et ma soeur fait quelques pas supplémentaires vers la sortie.

Gemma, j'appelle à nouveau.

Quoi encore ? Rigole t-elle. Où est Niall, peut-être ?

Je reste stoïque, regarde ses traits fins, sa douceur éternelle.

Merci, je dis simplement.

La blonde m'offre un sourire compatissant.

»

Je coupe doucement l'eau de la douche et je me retrouve subitement à avoir froid. D'un pas, je sors et attrape la serviette la plus à ma portée. Je me sèche le corps — avant de passer un peu plus de temps sur mes cheveux — et une fois la tâche faite, je sens déjà des gouttes descendre mon dos.

J'enfile un caleçon et sors de la pièce. Je m'arrête dans ma lancée lorsque je vois Louis debout dans la chambre, penaud. Il a l'air mal à l'aise ; j'hausse un sourcil.

Hey, il dit après un silence. J'allais aller me coucher.

D'accord, je réponds simplement.

Louis hoche la tête et va vers son lit puis il arrête tout mouvement. Il ne se déshabille pas comme il fait chaque soir afin d'être en caleçon et de dormir, il ne discute pas. Il reste de marbre et nous sommes deux.

Tu dors dans ton lit ? est la seule question (stupide) qui me vient à l'esprit.

J'ai pensé que... Ouais.

Oui, d'accord. Pas de soucis. Tu fais ce que tu veux.

Un autre silence s'installe. La gêne peut se sentir dans la pièce et peut-être même dans la maison entière.

Louis tend le bras et éteint la lumière sans dire un mot de plus. Alors je me dirige jusqu'à mon lit et m'y installe. J'entends Louis bouger un peu, sûrement car il enlève son jean, puis plus rien. Je tends mon bras afin d'atteindre mon téléphone et très rapidement j'envoie un message à Liam, puis je me tourne.

Et je pense. Peut-être des heures, peut-être juste des minutes qui me paraissent éternelles. Je ne sais pas vraiment quand je m'endors, mais en tout cas, ce n'est pas paisiblement.

À : Liam

Stupide tradition.

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