Chapitre 21 : Reborn
Puis après la rechute, il y a le sevrage.
Je ne sais pas depuis combien de temps je suis planté devant sa maison. Deux heures ? Peut-être plus ? Ou au contraire, moins, mais le temps me paraît si long. Je ne sais pas pour sûr, mais en tout cas j'ai eu le temps de voir passer trois fois le même homme qui promenait son chien, alors je peux déduire que cela fait un moment.
J'appréhende, c'est évident. J'ai peur. J'appréhende la réaction d'Eliott, j'appréhende ce que cela va impliquer dans l'instant présent mais aussi l'après. J'appréhende comment je vais pouvoir me reconstruire et j'appréhende tous les détails auxquels on ne pense pas avant de les vivre.
Mais je ne veux pas reculer : je veux le faire. Peut-être que je vais pleurer, peut-être que je vais crier, peut-être que je n'ai même pas idée de ce qui m'attend à l'intérieur, mais je dois le faire.
En réalité, je n'ai encore jamais quitté quelqu'un.
J'ai déjà repoussé gentiment les quelques filles qui m'ont fait des avances dans ma vie, leur disant simplement que je préfère les garçons, et elles ne l'ont jamais mal pris... bon, Briana était un peu outrée lorsque je l'ai repoussée en 4ème parce que mais comment tu peux être sûre si tu n'as pas essayé ?! mais je ne m'attendais pas à une réaction très intelligente de sa part de toute manière. Je ne suis pas un briseur de coeur ; je ne compte pas beaucoup de conquêtes à mon compteur — deux seulement — mais je n'ai jamais quitté. Pourtant, aujourd'hui, c'est ce que je m'apprête à faire. C'est ce que je veux faire, c'est ce que je dois faire et c'est ce que je vais faire.
Après tout, peut-être qu'il s'en doute ? Je ne réponds plus à ses appels et ses messages depuis un moment maintenant... Il me l'a assez reproché et Eliott est loin d'être bête ; il doit se douter de quelque chose.
Pendant un temps, je me demande comment je réagirais si quelqu'un me quittait. Je commence à sympathiser avec ce que je m'apprête à faire, avec les ressentis d'Eliott et la façade qu'il aborde. Mais je me raisonne rapidement. Son coeur ne sera pas déchiré, juste sa fierté. Il ne m'aime plus depuis un moment. Je ne l'aime plus non plus depuis presque autant de temps. Et le plus triste, c'est peut-être que cela n'a jamais été une question d'amour.
Je secoue la tête afin de me sortir de mes pensées et je fais finalement un pas en avant pour me diriger vers la porte de derrière. Une fois devant celle-ci, je souffle un bon coup. C'est bon, ça va aller. Je ne suis pas sûr de croire à ces mots, mais je me les répète.
Je lève mon bras et toque à la porte. Un peu d'agitation se fait entendre à l'intérieur et quelques secondes plus tard, Eliott m'ouvre la porte. Il me regarde de haut en bas, puis il se décale pour me laisser entrer. Il sait. Évidemment qu'il sait.
— Hey, je dis une fois à l'intérieur.
— Harry.
Il referme la porte et au lieu de s'asseoir sur le canapé comme il fait constamment lorsque je viens, il se dirige vers le petit réfrigérateur et sort deux bières, puis il m'en tend une. Pas de remarques, d'insultes, une bière gentiment proposée. Je déglutis.
— Non merci, je décline. Je ne vais pas... rester longtemps.
Il acquiesce silencieusement et la remet au frais puis il pose la sienne et se met devant moi. J'ai du mal à garder la tête haute et ressens autant de peur que de gêne. Comment je fais ? C'est fini entre nous. Non, trop direct, j'en serais incapable. Je te quitte. Non, personne ne fait ça ! T'es célibataire ! Oh, je suis un désastre...
— Je vais pas te laisser faire Harry, tu le sais ?
Sa voix me sort de mes pensées et je fronce légèrement les sourcils.
— Quoi ? je demande.
— Je sais pourquoi tu es là. Et je ne vais pas te laisser faire.
Je referme ma bouche entrouverte et hoche lentement la tête, puis je fronce davantage les sourcils, et là, je l'ouvre. Je ne suis pas là pour me dégonfler — putain, ça a assez duré.
— En fait, je commence. Tu n'as pas ton mot à dire.
— Si, oh que si. Tu es mon copain, tu ne me quittes pas pour un espèce d'enfoiré d'anglais qui te connait à peine.
Je secoue la tête de confusion.
— Tu crois que je te quitte pour Louis ? Ça n'a aucun rapport avec lui.
Il ne me croit pas et lâche un rire forcé.
— Je te quitte parce que j'en ai marre, Eliott... je parviens à dire entre deux battements de coeur. C'est fini, on est fini.
Je ne sais pas ce qui m'a pris de penser qu'il y aurait éventuellement un peu de tristesse lisible dans ses yeux, car il n'y en a pas une seule trace. Il a juste les yeux noirs de colère, son égo touché et sa fierté ramassée.
— Personne ne m'a jamais quitté, il répond entre ses dents.
— Je n'ai jamais quitté personne, je soupire. C'est juste...
— Tu ne sais pas ce que tu fais, me coupe t-il. Tu vas mal en ce moment et tu dérailles ?
— Quoi ? Je répète, incrédule. Eliott... c'est parce que je vais enfin bien que je suis ici pour faire ça ! Je désigne lui et moi avec mes mains. C'est parce que... je vais bien. Je vais mieux. C'est pas encore parfait mais... je vais bien. Je souffle. Ecoute, je...
— Non, c'est toi qui va m'écouter, il crache puis il pointe son index vers moi. Je t'ai déjà dit que tu n'es rien sans moi et tu le sais, au plus profond de toi tu le sais, tu vas juste t'écrouler, chaque petite partie de toi va s'effondrer sans moi ! Tu crois que tu vas retrouver quelqu'un ? Personne ne veut de toi, ouvre les yeux ! Tu n'es rien, tu vas t'écrouler.
Je ne baisse pas les yeux, je ne recule pas. Cela me demande une force folle, que je ne savais même pas posséder. Le roux est très proche, son doigt est sur mon torse et il me regarde méchamment mais je n'ai pas de réaction craintive. Je me force à ne pas en avoir et j'y parviens. Mon coeur est prêt à sortir de ma poitrine mais je ne veux pas reculer devant la situation. Je demeure silencieux un instant, calmant mon intérieur, puis je hausse les épaules et garde le contact visuel.
— Alors j'apprendrais à me reconstruire tout seul.
Avec ma main, je pousse la sienne afin qu'il ne me touche plus.
— Je t'aimais vraiment, je continue. Tu m'épatais. Tu étais... Tu as été un idéal pour moi, même quand j'étais avec Matt. Tu étais tellement mystérieux et... je t'ai admiré avant de te connaitre. Je t'ai tout confié... tu as été un des seuls à savoir pour Matt, à savoir ma version des faits. Mais tout n'était qu'une façade... tout n'a été qu'une façade Eliott, tu n'es pas qui tu prétends être.
Il me fusille du regard ; j'essaie de chasser les larmes qui veulent prendre place dans mes yeux. De la peur, du soulagement, de l'appréhension ; de la délivrance.
— Tu as abusé de moi, je reprends.
— Ne raconte pas de conneries, crache t-il.
— Tu as abusé de moi de tellement de manières, et bordel, je l'ai jamais dit à haute voix — qu'est-ce que ça fait du bien putain.
— Tu dérailles complètement ! Il crie. Tu as raconté ces conneries à quelqu'un ?
Son pied tape dans sa table basse en bois, ce qui me fait sursauter. Il passe ses mains sur son visage rouge de colère. Pour la première fois depuis que je le connais, je crois que je vois Eliott avoir peur de ce que je détiens. Je ne sais pas si c'est bien, mais je jubile d'avoir ce pouvoir sur lui.
Je reste silencieux et examine son expression.
— Toi et moi, c'est fini, je dis finalement.
— Non !
— C'est terminé. Ne me force pas à le redire encore une fois. Il n'y a plus de nous et il n'y en aura plus. Je ne te quitte pas pour quelqu'un et je ne t'ai jamais trompé, mais aujourd'hui je mets un terme à tout ça. Je me libère et c'est fini.
— Tu ne peux pas me faire ça, insiste t-il, la mâchoire contractée. Je vais te détruire. Ça va faire un an qu'on est ensemble.
— Un an ou douze, le résultat est le même ! Je hausse la voix.
Il reste de marbre. Il ne me regarde même pas. Ses bras sont désormais croisés sur son torse, il est dur de visage. Je fais un pas en arrière, puis deux.
— Au revoir, Eliott.
Mon coeur semble tomber dans mes chaussures alors que je tourne les talons sans me retourner. Ma main attrape la poignée et j'ouvre la porte. Le vent frais tape mon visage et je prends une grande bouffée, synonyme de liberté. Je m'apprête à faire un pas en avant lorsque une main vient serrer mon poignet afin de me retourner. A la seconde où mon visage tourne, le poing d'Eliott me frappe en plein visage.
Dans le choc et la douleur, je m'effondre totalement au sol. Automatiquement, je mets ma main sur mon oeil et mon nez. En reculant mes doigts tremblants, je constate du sang qui doit couler de mon nez. J'ouvre la bouche et je relève les yeux vers lui. Il respire si vite qu'on dirait un pauvre lévrier après une course. Ses poings sont serrés.
Tandis que je me redresse sur mon coude, Eliott part s'asseoir sur son canapé.
— Maintenant viens t'asseoir. Je t'achèterai tes fleurs préférées demain. On oublie ça et je te pardonne.
C'est à travers les larmes que je le regarde être si monstrueux. Des larmes de tristesse, de douleur, de rancoeur, de haine.
Personne ne devrait jamais avoir à vivre cela.
Je ne veux plus endurer cela.
Ma main quitte mon visage et je me redresse. Une partie de moi semble être éteinte tandis qu'une autre, inconnue, se réveille. Le côté battant. Tout se bascule dans ma tête.
Je comprends à quel point les gens ont raison lorsqu'ils disent que de l'amour à la haine, il n'y a qu'un pas. Parfois, il ne faut qu'un coup.
— Quoi ? Dit-il en tournant la tête vers moi. Oh, je vois ; il se lève pour venir face à moi. Tu veux que je te soigne moi-même ? Ou tu en veux encore un ?
D'un coup, sans pouvoir me contrôler, je lui assigne le même coup. Sa tête part en arrière mais je ne lui laisse pas le temps, je frappe à nouveau. Il tombe au sol et je me penche sur lui, et je frappe. Je frappe.
Droite, gauche, droite, gauche. Sa tête virevolte, ses cheveux lui tombent sur le front. Sa lèvre s'ouvre légèrement alors un peu de sang coule sur cette zone de son visage. Ses yeux s'entrouvrent ; il est sonné, autant qu'il doit être défoncé par les joints qu'il s'est enfilé.
Je n'entends rien. Mon coeur résonne dans mes oreilles comme un tambour acharné. Je vide tout ; je lui en veux tellement, tellement — j'ai été si stupide, j'ai été si faible, j'ai été si torturé, il m'a fait tant de mal, il m'a pris tant d'énergie, il m'a pris tant de jolies nuits, il m'a pris tant de parties de mon corps, il m'a pris tant de temps de ma vie que je pourrais jamais récupérer.
Il m'a tout pris.
Je refuse de lui en donner davantage.
D'un coup, je me recule et prends une énorme respiration. Mortifié par ce que je viens de faire, par comment je viens d'agir, je regarde Eliott. Je baisse les yeux vers mes phalanges rouges de sang. Je suis devenu incontrôlable.
Je me relève et regarde le roux étendu sur le sol. Il n'est pas inconscient, il bouge, mais ses paupières semblent lourdes et mes coups vont se marquer sur son visage ; comme le mien sera également légèrement amoché, mais tellement moins. Même si mon corps porte des centaines de cicatrices invisibles. Qu'est-ce que je viens de faire ?
— Ne m'approche plus jamais, j'articule, tremblant.
Puis comme une tornade, je quitte la propriété.
»
Je claque la porte d'entrée et traverse en furie afin de monter dans ma chambre.
— Harry ? La voix de Louis provient de la cuisine. Harry... Harry, qu'est-ce qu'il y a ?
Je ne prête pas attention à sa question et m'engage dans les escaliers mais je n'ai pas le temps d'arriver en haut ; une main m'enveloppe le poignet alors automatiquement, je me retourne. J'apprécie que Louis ne me tienne plus le bras lorsqu'il me retourne si brusquement, mais là, je n'ai pas la force de noter les petites attentions. Je veux juste être tranquille.
— Oh putain, il réagit automatiquement, qu'est-ce qui est arrivé à ton visage ? Putain, est-ce que... j'y crois pas ! Louis monte en puissance. C'est ce connard qui t'a fait ça, c'est ça ? Oh je vais aller lui faire si mal...
— Non ! je rétorque fort pour le couper. Il m'a fait ça. Mais je me suis pas laissé faire. Pas cette fois.
— J'en ai rien à foutre, il n'a pas à te toucher, pour aucune raison. Putain, dis-moi immédiatement où il est et...
— Je l'ai quitté, Louis.
— Et je vais aller le défoncer, vraiment, je vais aller le... attends quoi ?
Son expression change soudainement. Sa colère disparaît et ses traits redeviennent fins. Il me regarde avec des yeux confus. De la surprise se lit, ainsi qu'un peu de fierté, je crois.
— Je l'ai quitté, je répète.
— Tu l'as quitté ?
— Oui, c'est ce que je viens de dire.
— Et il t'a... c'est pour ça qu'il t'a fait ça ?
— Il m'a mit son poing dans la gueule, oui, je rétorque. Il pensait que ça... arrangerait les choses. Mais je l'ai fait, je me suis défendu puis je suis parti... tu peux me lâcher maintenant ?
Louis entrouvre la bouche pour la refermer.
Je n'ai pas la force d'affronter les yeux alors je garde le regard rivé sur un point aléatoire de la pièce. Je n'ai pas la tête baissée, je ne veux pas que davantage de larmes coulent pour aujourd'hui.
— Mais pourquoi tu te sens si mal ? il demande en commençant à tracer de petits ronds sur mon poignet. Il te traitait tellement mal, tu es enfin parti. Mais tu pleurs.
D'un coup de manche, j'essuie mes yeux. Ce ne sont pas des larmes de tristesse : c'est du regret, beaucoup beaucoup de regrets et énormément de rage. Ainsi qu'un peu de choc d'avoir été si violent.
— Lâche-moi, je murmure. Je veux être seul.
— Tu ne devrais pas être seul Harry. Pas après ça.
— Je suis assez grand pour savoir si j'ai envie d'être tranquille ou pas.
Il hoche doucement la tête et à contrecoeur, ses doigts quittent mon fin poignet. J'acquiesce en guise de remerciements et je me retourne, monte deux marches, puis...
— Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ? Je ne te laisserai pas passer au dessus de ça tout seul.
Je m'arrête et me retourne.
— Il n'y a rien que tu puisses faire là tout de suite. S'il te plaît, j'aime ta compagnie et ton inquiétude Louis, vraiment, mais j'ai besoin d'être seul avec moi-même. Je vais devenir fou si je n'ai pas ce moment.
Pendant quelques secondes il n'a aucune réaction, puis il finit par hocher très lentement la tête. Après ça, je finis de monter l'escalier, je traverse le couloir, et j'arrive dans ma chambre. J'enlève mes chaussures par le talon, puis je lance mon manteau quelque part et je réfugie dans mon lit.
Je sais exactement pourquoi je me sens si mal et le fait de ne pouvoir rien faire à part laisser cela me submerger me rend fou. J'aimerais réécrire le passé et changer tellement de détails de ma destinée. Je dois subir les choix que j'ai fait et vivre avec ceux-ci.
Du bruit se fait entendre dans le couloir et j'entends la porte de ma chambre s'ouvrir. Je me retourne pour pester mais je remarque ma mère refermer la porte derrière elle.
— J'aimerais être seul maman, je couine.
— Ne me dis pas ce que je dois faire mon garçon, elle répond. On ne commande pas une femme enceinte.
— Tu es enceinte d'un mois.
— Oui mais mes sautes d'humeur vont arriver plus vite que tu ne le crois. Laisse-moi voir.
Je soupire mais elle s'approche tout de même et prend place à côté. Puis sans me demander mon avis, elle tourne ma tête.
— Outch, elle murmure.
— Je me suis pris la porte vitrée de Liam, j'explique.
— Elle devrait être sacrément énervée cette porte vitrée alors...
Je hausse doucement les épaules et ma mère touche du bout des doigts.
— Aïe ! je réagis.
— Ça va laisser une sacrée marque. Tu auras un coquard demain.
— Super...
— Il faut au moins essayer ce sang séché. Tu vas me dire ce qui est arrivé ?
— Je marchais pour aller dans le jardin et les vitres sont si propres chez Liam que je me suis écrasé contre la porte vitrée, Liam a rigolé mais moi j'ai eu mal. Fin de l'histoire.
Elle secoue la tête et soupire, désespérée. Je n'ai pas la force de lui parler — pas ainsi, pas comme ça.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demande Niall dans l'encadrement de la porte.
— Rien, je réponds. Vous pouvez partir ? S'il vous plaît.
— Tu es malade ?
— Non Niall... s'il te plaît.
Il hausse les épaules.
— Ok, comme tu veux. Toute façon j'étais juste de passage, j'ai faim, je descends grignoter. À plus !
— Ne touche pas aux gâteaux apéro ! crie ma mère, puis elle soupire. Ce garçon est une tornade de nourriture je te jure, si seulement j'avais su.
Elle me caresse tendrement la joue et je ferme les yeux.
— Est-ce que tu veux que je reste avec toi ? Demande t-elle doucement.
J'apprécie son inquiétude, j'apprécie son effort. J'apprécie que c'est tendre et que je ne me braque pas au point de jeter des objets dans la pièce comme je pouvais le faire quand quelqu'un venait me parler de Matt. J'apprécie, au fond ; mais je n'ai pas la force d'en faire davantage.
— Je veux juste... un peu de paix.
Et finalement, tout le monde m'en donne.
»
— Hey, princesse, laisse-moi une place.
Je me décale légèrement et le matelas s'affaisse.
— Je ne suis pas une princesse.
— Tu préfères beau prince bouclé ? rétorque Louis en posant sa tête sur mon épaule et en croisant ses bras sur mon ventre étant donné que je suis dos à lui.
À en juger par la chaleur que je sens, je devine qu'il est torse nu, tout comme moi.
— C'est ok si je fais ça ? Murmure t-il.
Très faiblement, je hoche la tête. Je n'ai plus peur de ces contacts, lorsque c'est Louis.
— Je ne viendrais pas te sauver dans une haute tour protégée par un dragon, reprend-il. J'ai le vertige et la phobie des reptiles.
Il rit légèrement et je me prends à sourire stupidement malgré mes larmes.
— Alors tu n'es pas un très bon prince, je dis.
— La perfection n'existe pas, moi j'endors le dragon avec des somnifères et je grimpe dans la tour par l'escalier de secours. Chacun sa tactique.
Louis m'embrasse sous l'oreille et il commence à frotter son nez dans les cheveux de ma nuque. Mon coeur s'enveloppe dans une chaleur réconfortante et j'ai envie de pleurer encore plus, pour des raisons différentes. De pleurer tellement je suis bien, tellement je me sens soutenu, tellement Louis est particulier.
— Dis-moi ce qu'il se passe, il murmure doucement.
J'aime la faculté de Louis à être doux quand il faut. Lorsque nous passons un bon moment, il est bruyant et il ne se passe pas une minute sans qu'il rit à gorge déployée, mais il sait exactement quand il doit être ce garçon calme et posé qui va venir utiliser sa voix cristalline pour poser de jolis mots rassurants.
— Je me sens tellement stupide.
— Pourquoi ? C'est normal de pleurer.
— Non, pas ça, je rétorque. Enfin oui, je me sens stupide de pleurer, mais pas juste de le faire... je déteste de pleurer pour lui.
— Je peux te câliner jusqu'à ce que t'arrêtes de pleurer.
Contre mon gré, un fin sourire se dessine sur mon visage. Mais il retombe doucement. Je me retourne doucement afin de faire face à Louis.
— En fait, je commence en frottant mes yeux pour essuyer l'humidité, je m'en veux de ne pas avoir écouté Liam plus tôt. Tu as essayé de m'expliquer toi aussi, j'ai absolument rien écouté. J'étais aveuglé par... je sais même pas ce que c'était.
— De l'emprise, parle Louis. Tu y es allé à ton rythme Harry. Tu ne pouvais pas quitter ce garçon simplement parce que tes amis te le disaient, d'accord on avait raison, mais il te fallait du temps pour t'en rendre compte par toi-même. Pour te libérer.
Il apporte sa main à ma joue et il bouge juste très délicatement son pouce. Je baisse les yeux et hausse légèrement les épaules.
— J'ai surtout honte de moi.
— Honte de quoi ? Demande t-il et même si je ne le regarde pas je pourrais jurer qu'il fronce les sourcils. Tu n'as pas à avoir honte, tu n'as rien fait de mal, au contraire. Ce n'est pas ta faute.
— Non, pas comme ça, je le coupe. J'ai pas honte d'avoir mis autant de temps à m'en rendre compte — enfin, il y a de ça... mais je m'en veux surtout d'avoir osé croire en l'amour.
Le mouvement de pouce de Louis cesse d'un coup.
— Harry, hey, Harry, regarde-moi.
Doucement, je lève les yeux vers les siens même s'il fait sombre.
— Je refuse que tu arrêtes de croire en l'amour simplement parce que tu as croisé la route d'une mauvaise personne.
— Je me suis tellement fait avoir... je marmonne.
— Oui, mais ce n'est pas ta faute. Tu ne peux pas stopper tous tes beaux discours sur le parfait et réel amour, c'est ce qui me nourrit. Je pouffe légèrement. Harry, Eliott ne mérite pas que tu pleures davantage pour lui.
— Je ne pleure pas que pour lui. Je pleure parce que je me sens vraiment, vraiment con.
— C'est de sa faute.
— Louis non c'est pas ça c'est...
— C'est de sa faute, il répète. Il a laissé passé une perle, une belle perle verte brillante. C'est de sa faute s'il n'a pas pris sa chance, s'il a joué au con. Ne sois pas si dur avec toi-même.
— J'aurais pu le quitter avant...
— Tu aurais pu, mais tu lui as laissé une chance encore et encore parce que tu es un amour. Parce que c'est comme ça que tu es.
— J'ai juste été naïf à croire qu'il m'aimait encore. De croire que c'était de l'amour.
— Tu crois en l'amour, Harry. Tu y crois sincèrement. C'est normal que tu t'accroches à ce sentiment, même si parfois il t'arrive de te tromper.
Je hausse doucement les épaules. Ça, oui, je me suis bien trompé pour le coup.
— C'est mon Moby Dick, pas vrai ? j'ajoute. Et je suis le capitaine Achab. C'est pour ça que tu voulais que je lise le livre ? Pour que je comprenne.
Il acquiesce très doucement.
— À la base, je ne voulais pas pour ça, parce que je n'étais même pas au courant. Mais quand j'ai appris et compris qu'il se comportait comme ça avec toi... j'ai pensé qu'il fallait urgemment que tu lises ce livre.
— Ça m'a sauté aux yeux, je rétorque. Le capitaine Achab est hanté par Moby Dick et pourtant il continue de lui courir après... mais il souffre et c'est une longue descente aux enfers pour lui. Je ne voulais pas finir comme lui, je ne coulerais pas avec Moby Dick. Je ne coulerais pas avec Eliott.
— C'est une allégorie du mal.
— Oui, j'ai compris. Je t'avais dit que j'aimerais la symbolique du bouquin.
Il sourit tendrement, puis je m'approche de lui et passe mes bras autour de sa nuque. Je cale ma tête dans son cou. Ce n'est jamais moi qui initie nos contacts, qui est tactile avec lui, car je suis trop marqué. Ce soir, cela me fait me sentir en sécurité. Louis met un temps à réagir, puis enroule délicatement ses bras autour de moi.
— Tu es important pour moi, je murmure. Tu es vraiment très important.
— À ton service bouclettes.
Je frotte mon nez contre son cou, m'imbibe de son odeur. Il est important et dans un jour normal, une telle situation avec lui me ferait peur. Si j'étais en pleine forme, je paniquerais peut-être un peu. Mais je suis vulnérable et il ne profite pas de cela. Je suis vulnérable et il est juste présent pour que je lâche toutes mes forces.
Louis me fait reculer et il embrasse mon front.
— Sèche tes larmes et on va aller voir l'état de ton oeil d'accord ? Puis on ira en bas pour que tu manges un bout puisque t'as loupé le dîner.
— Ok, je réponds doucement.
Un fin sourire étire les lèvres de Louis et je sens ses doigts s'emmêler aux miens. Il se redresse et m'entraîne par ma main. Et je le suis, le laisse vouloir prendre soin de moi. Car cette idée ne me déplaît pas.
#
Pas de question en cette fin de chapitre.
J'espère que vous allez tou.te.s bien. L'édition papier de l'œuvre avance bien et j'ai hâte de terminer pour vous partager la couverture. 🤍
Nous sommes à peu près à la moitié de l'histoire.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top