Chapitre 20 : Discussion
Je suis une personne qui pense trop. C'est ainsi.
Ma mère dit que c'est parce que je suis curieux, Robin dit que c'est parce que je suis un garçon intelligent. Liam pense plutôt que c'est parce que j'aime me prendre la tête et me compliquer la vie, et ma grande soeur Gemma opte plus pour l'option toi ? penser trop ? Il faudrait déjà que tu aies un cerveau pour ça, Harry !
Comme tout le monde, je pense ; mais je pense trop.
J'aime essayer d'aller plus loin que les choses, je tente de lire entre les lignes, je me creuse la cervelle constamment. J'aime comme cela me fait fonctionner, à tenter de voir plus loin que les apparences.
Cependant, cela a ses mauvais côtés également. Je déteste comme cela peut me rendre rêveur, me faire décrocher d'une conversation, me faire décupler des pensées après une dispute minime ou un ressenti minuscule.
— Harry ? Chéri, qu'est-ce que tu fais là ?
Je me retourne vers ma mère qui vient d'entrer dans la pièce, puis mon regard passe de la pile de linge entre mes bras et ma mère, trois ou quatre fois. Je pense définitivement trop, et à cet instant précis, je pense trop alors que je me tiens dans le sellier et m'apprête à faire la lessive.
— Eh bien... je mets une machine en route.
— Mais je fais la lessive chaque mardi, vendredi et samedi. Et même si j'apprécie ton élan soudain, tu n'es jamais intéressé par les lessives. Qu'est-ce qu'il te prend à vouloir en faire une un mercredi après-midi ?
— Eh bien, je...
Je ne sais même pas, en vérité. Je suis bel et bien devant la machine à laver, avec du linge sale dans mes bras, mais je ne sais pas. Mes pensées ont été si fortes que j'ai été emmené loin.
Je secoue la tête et quitte la petite pièce avant de m'arrêter soudainement. Je me pince les lèvres et ferme les yeux un court instant.
Je ne suis pas sûr de pouvoir prétendre être prêt, mais je réalise à cet instant que je ne pourrais jamais être prêt à totalement avancer sur ma relation avec ma mère si je ne fais pas ce pas. J'ai cru que ce pas serait lorsque je serais prêt ; mais je me suis trompé. Ce pas est la dernière étape à franchir avant d'être prêt. Alors je me retourne et reviens aux côtés de ma mère. Pour lui parler. Lui demander conseil. Lui ouvrir mon coeur et accepter la main qu'elle a tendu après les maladresses dont nous avons fait preuve auparavant. Si je veux aller de l'avant, cela doit passer par là aussi.
— Maman, je souffle en laissant tomber le linge, qu'est-ce que tu ferais si plusieurs personnes te disaient un truc, et au fond de toi tu penses qu'ils ont raison, mais c'est qu'à, disons... 87% alors tu as les 13 autres pour-cents. Tu sais pas quoi faire, t'es juste mitigé entre deux choses, on te fout un peu la pression, puis tu te la fous toi-même, tu... tu ferais quoi ?
Ma mère fronce les sourcils une seconde, puis elle les hausse et son visage redevient normal. Elle examine un instant mon expression (probablement désespérée même si j'essaie de rester stoïque) et alors qu'elle s'apprête à répondre, je la devance.
— Non, tu sais quoi, désolé, c'était stupide de te demander ça. Désolé, je vais remonter dans ma chambre et, ouais...
— Non, non, Harry, reste là.
Je m'arrête sur le palier de la porte et me retourne vers ma mère.
— Je pense que je les écouterais, elle dit finalement. Enfin, cela dépend évidemment. Mais si tu veux mon avis, 87% c'est déjà beaucoup et ce n'est pas anodin. C'est même suffisant. Après ça dépend de ton coeur, c'est...
— C'est pour un ami, pas pour moi.
— Pour un ami. Bien-sûr.
Je soupire.
— Alors c'est ce que tu ferais ? je reprends. Tu les écouterais simplement ? Comme ça, sans réfléchir ?
— Je sais que je t'ai éduqué en disant qu'il faut réfléchir avant d'agir, mais parfois trop réfléchir peut nuire. Ça, oui. Alors certaines fois, la vie nous confronte à des moments où nous devons juste... tu sais, agir sans réfléchir. Ou alors réfléchir un tout petit peu, juste assez pour arriver à la conclusion à laquelle on pense...
J'acquiesce doucement.
— Et si... si mon ami a peur ? Je demande. Qu'ils aient raison, je veux dire. S'il a peur d'avoir été, tout ce temps... pris pour un con. D'avoir gâché beaucoup de temps, d'avoir déçu des personnes. Qu'il a peur d'enfin être mis face à tout ça.
— Alors tu... elle ferme les yeux une seconde. Ton ami, il ne peut pas remonter le temps. S'il a fait toutes ces choses, s'il les a faites sans s'en rendre compte, alors est-ce que c'est vraiment sa faute ? La culpabilité est un sentiment ravageur, mais il ne faut pas la ressentir lorsque ce n'est pas de notre faute.
— Tu ne sais pas de quoi tu parles maman... je soupire.
— Non, je n'en sais rien. Mais j'ai vécu quelques petites choses aussi et j'ai tout de même mon avis, et tant pis si je me trompe, je ne vais pas en mourir. Tout comme, ton ami, elle roule des yeux, ne mourra pas s'il a fait des erreurs. Au contraire.
Je baisse les yeux et soupire. Qu'est-ce que j'ai pu être naïf.
— Je m'en veux simplement d'avoir été si aveugle, je souffle.
— Mais c'est humain. On tombe pour mieux se relever. Qu'est-ce que serait la vie sans erreurs chéri ? On en fait, on apprend, on les évite à l'avenir. C'est comme ça. Maintenant, tu sauras. J'hoche lentement la tête. Tu n'as rien fait de mal, pas vrai ?
— Non, non ! Je secoue fermement la tête. Non, ne t'en fais pas, ce n'est pas illégal, ni rien. Non. Aucun rapport avec tout ça.
— Ça a un rapport avec ton état lorsque tu es rentré l'autre soir ?
Elle n'a pas besoin de me préciser le jour, je sais très bien qu'elle parle de la fois où Louis a rencontré Eliott à l'arrêt de bus.
— Ouais, je réponds. Ouais. Mais ne t'inquiète pas maman, j'ai compris, je crois.
— Louis m'a dit qu'il règlerait le problème.
— Non, il ne fera rien. C'est à moi de régler ça, il n'y a personne d'autre qui peut le faire. J'ai mis tellement de temps à comprendre que... je secoue la tête. Laisse tomber maman. Merci de m'avoir écouté. Je t'aime.
Je lui embrasse la joue et quitte le sellier à la quatrième vitesse, mais une main me saisit le poignet. Évidemment, c'est la même personne.
— Pas si vite jeune homme, je n'ai pas fini, elle dit.
— D'accord mais, tu sais, notre conversation est suffisante, j'avais juste besoin d'avoir un dernier avis, de quoi savoir si je prends la bonne décision et...
— Je vais changer de sujet Harry. Ça n'a aucun rapport avec ça.
— Oh. Ok. Je t'écoute.
Je hoche fermement la tête et souris légèrement, prêt à entendre ce que ma mère a à me dire.
— Je te remercie de m'avoir parlé de cela. Merci de le faire. Moi aussi je vais t'ouvrir mon coeur maintenant... Ce n'est quelque chose qui nécessite ta philosophie, elle explique. Je veux juste... tu sais. T'en parler. À toi, et à ta soeur.
Je fronce les sourcils.
— Qu'est-ce que Gemma a à voir là-dedans ?
— Théoriquement, rien et toi non plus. C'est une décision que j'ai prise avec Robin, alors vous n'avez pas votre mot à dire, mais je trouve cela normal de vous en parler parce que vous êtes mes bébés et...
Je grossis les yeux même si ma mère continue à parler, légèrement nerveuse.
— T'es enceinte ? je lâche.
Elle expire un peu et ne quitte pas mes yeux. Je crois qu'elle a peur que ma réaction soit mauvaise, que mon étonnement soit signe d'hystérie, que j'associe les erreurs qu'elle a pu commettre à cette nouvelle vie.
— C'est une si terrible nouvelle que ça ? elle demande.
— Non, non. Maman, ne pense pas ça ! Je suis juste... je ne m'y attendais pas.
— Moi non plus, elle ajoute. Enfin, je veux cet enfant mais tu sais... on n'a pas fait comme tous ces couples de 25 ans qui en discutent avant et essaient pendant des semaines, c'est juste...
— Pitié, passe-moi les détails, je dis, les yeux ronds.
— Oui, évidemment, elle rit.
— Tu as... encore l'âge pour ça ?
— Ah bah je te remercie ! Je n'ai que 40 ans jeune homme, j'ai tout juste encore l'âge. Bientôt, ça ne sera plus le cas. Mais avoir un enfant... Un autre, je veux dire, j'en ai toujours voulu trois, et j'aime Robin alors...
J'enregistre l'information en silence puis hoche doucement la tête.
— C'est bon maman, je la coupe tendrement, c'est bon. Tu as ma totale bénédiction.
Je n'aurais peut-être pas été si ravi il y a quelques mois de cela, lorsque notre famille est devenue dysfonctionnelle après avoir passé la terrible épreuve. Mais nous avons tous parcouru du chemin. Je lui embrasse la joue ; elle soupire d'aise.
— J'avais vraiment peur que tu le prennes mal, elle avoue. Tu sais, il y a des enfants qui refusent que la famille s'agrandisse...
— Ce n'est pas leur décision. Ces enfants sont des cons.
— Tu y vas peut-être un peu fort. Mais je suppose qu'ils n'ont simplement pas leur mot à dire.
J'acquiesce puis un sourire radieux prend place sur le visage de ma mère.
— Et puis tu sais, elle dit en sortant du sellier en se dandinant dramatiquement, en vrai, ce n'est pas ta petite tête bouclée qui m'aurait fait changer d'avis. Ne prends pas la confiance avec moi.
Je ne peux retenir mon rire. Ça, c'est ma mère.
»
— Ma mère veut un bébé.
À ma droite, Liam recrache la gorgée de bière qu'il était en train de boire. Il se tourne vers moi, les yeux écarquillés.
— Ta mère veut quoi ?
— Un bébé. Tu sais, un humain fripé qui peut pas parler ni tenir sa tête tout seul, qui pleure la moitié de la nuit, qui est incontinent. Un bébé, quoi.
— Mais... wow, mec !
— C'était à peu près ma réaction dans ma tête. J'étais genre quoi ? T'as encore l'âge ? mais ouais, elle peut encore, tout ça. Et ça a vraiment l'air de lui tenir à coeur donc, ouais.
Liam semble sonné un instant, mais ce n'est pas le genre c'est du n'importe quoi, c'est plus je m'y attendais pas et qu'est-ce qu'il te prend de me lâcher ça comme ça ? Mais je trouve cela normal de lui dire car après tout, il est une partie de la famille dans nos coeurs.
— Enfin, je reprends. Elle ne veut pas un bébé, elle attend un bébé.
— Wow, répète Liam, les sourcils haussés. C'est du sérieux alors.
— Ouais, ouais... Je vais vraiment avoir un petit frère ou une petite soeur. C'est plutôt... ouais.
— Tu le vis comment ?
— Je suis super content. Je veux dire elle a fait beaucoup d'efforts tu sais... Je n'y aurais pas cru si on me l'avait dit il y a plusieurs mois, mais elle essaie. Elle me parle quand je vais mal et je crois que je vais mieux aussi, alors je comprends qu'elle n'a jamais voulu mal faire... Elle a été maladroite, elle ne savait pas quoi me dire, elle n'a pas été présente car cela fait peur d'avoir un enfant dans cet état mais en même temps, merde, j'étais pas un cadeau. J'ai cassé les meubles de ma chambre trois fois en l'espace de trois mois, tellement j'étais mal...
— Ouais, c'était flippant mec, soupire Liam.
— J'ai plus de recul maintenant. Et elle a plus de patience. Si ils ont pris cette décision c'est leur truc à eux et je n'ai rien à dire mais je suis content. Puis Gemma et moi on est grands, alors... ouais.
Mon meilleur ami hoche la tête et un silence s'abat sur nous. Lorsque c'est le cas, en été, il y a toujours des bruits de la nature pour ne pas rendre un silence total. Là, au mois de novembre, c'est assez vide et cela va bien avec la saison.
Puis, pendant la fin de l'été, le jardin n'était jamais silencieux puisque Louis passait son temps dans la piscine à crier, hurler, rire, et Niall faisait à peu près la même. Tiens, tant que j'y pense...
— D'ailleurs, où est Niall ? je demande en me tournant vers Liam. Il n'était pas censé passer l'après-midi avec toi ?
— Si, mais alors qu'on se faisait une partie de Fifa il s'est rappelé qu'il a un devoir de bio à rendre demain avec Paul. Alors il a filé. C'est mieux que de se taper un zéro. Je hoche la tête. Et où est Louis ?
— Chez Calvin, il a filé après les cours et je suis rentré à la maison. Puis je suis revenu ici. Louis devrait nous rejoindre ici bientôt, il m'avait dit qu'il viendrait vers 16h30 alors...
— Il est presque 17h.
— Il ne va pas tarder. Tu connais Louis, pas très ponctuel.
Un rire quitte les lèvres de Liam puis le silence retombe.
Mon regard se pose sur le jardin et je passe quelques secondes à le regarder sans plus. Mes yeux se posent à nouveau sur la bière que je tiens dans ma main droite puis je brise ce silence.
— J'ai pas mal réfléchi ces derniers jours, j'avoue.
Avec mon doigt, je trace le contour de ma bière et je regarde cela afin d'éviter les yeux de mon ami.
— À certaines choses, tu sais... J'ai vraiment réfléchi, beaucoup, j'ai... Je souffle. Ouais. Et...
— Tu ne l'aimes plus.
Je soupire et lève finalement les yeux vers Liam.
— Je pense le quitter ce week-end.
Il m'est arrivé d'imaginer le jour où j'annonçais à Liam que j'allais quitter Eliott. Étant donné qu'il ne l'aime pas, je l'avais imaginé sauter de joie, crier sa victoire, ou simplement chuchoter un oui en regardant le ciel. Je me suis souvent dit que le jour venu, mon meilleur ami ne cacherait pas sa joie et se donnerait à coeur joie de me montrer que c'est la bonne décision. Mais là, il n'y a rien de tout ça. Simplement ses yeux dans les miens, une expression normale. Pas de surprise, pas de joie, ni même de tristesse. Rien. Juste du sérieux.
— Tu es sûr Harry ?
Je fronce les sourcils.
— Tu me dis pendant des mois qu'il n'est pas fait pour moi et tu me fais comprendre que je ne dois pas rester avec lui pour finalement me demander si je suis sûr ? Ne me dis pas que tu vas me dissuader.
— Non, c'est pas ça. Il n'est pas fait pour toi, je ne suis même pas sûr que ce type soit fait pour quelqu'un. Il lève les yeux au ciel. Ce que je veux dire, c'est est-ce que tu es sûr ?
— Liam je viens de te dire que...
— Non, pas comme ça Harry. Je veux savoir si tu es sûr, dans le sens est-ce que c'est vraiment ta décision ? Tu t'es rendu compte de ça tout seul ou c'est simplement Louis et moi qui t'avons poussé à bout ?
Mon regard se pose à nouveau sur ma bière à moitié vide, mais je devine que le brun continue de me regarder.
— Cela fait longtemps que j'y pense. Encore plus ces derniers jours. Puis quand ma mère m'a dit pour le bébé, j'ai réfléchi. J'ai réalisé que je vais avoir un petit-frère ou une petite-soeur... et j'ai réfléchi. Je me suis posé une seule question : comment est-ce que j'aurais réagi si ce bébé, quand il grandira, a un petit-ami ou une petite-amie comme Eliott ? Je soupire. La réponse était simple : je casserais la gueule du connard ou de la connasse de merde qui ferait du mal à mon petit frère ou ma petite soeur de la sorte. Alors je crois que ça a répondu à mes interrogations.
— Ce bébé est encore une cellule et tu l'aimes déjà.
— Oui, je suppose. J'hausse les épaules. C'est grâce à cette future vie que j'ai enfin osé mettre un point à la phrase... je crois que je lui en dois une. Ah et à un bouquin aussi. Mais c'est une autre histoire.
Peut-être que j'ai mis du temps à m'en rendre compte et peut-être que je ne suis pas encore totalement sûr à 100% de comment je vais l'annoncer à Eliott, peut-être que je suis terrifié aussi et que certains doutes demeurent ; mais pour la première fois depuis longtemps, j'ai la certitude que je serai mieux sans lui.
Car l'amour cela ne doit pas être ainsi. L'amour, ce ne doit pas être la crainte et autant de souffrance. Je le réalise désormais.
Je m'apprête à ajouter quelque chose mais mon attention est sollicitée dans mon dos. Je me retourne et je vois la baie vitrée s'ouvrir, puis Louis apparaît.
— Je me suis permis de faire le code tout seul comme un grand. Salut Hazza.
Il vient derrière le transat et croise ses bras sur mon torse, puis pose son menton sur le dessus de ma tête. Je jette un oeil vers Liam qui hausse un sourcil.
— Hazza, ok, je vois, dit celui-ci.
— T'es jaloux parce que son surnom a plus de classe que le tien, rétorque Louis avant d'enlever ses bras et son menton de moi. On va dans le jacuzzi ?
— Ouais, bien-sûr, je réponds. Va te changer, on te rejoint.
Il hoche la tête et il repart dans la maison aussi vite qu'il est arrivé.
— Ce mec a une passion pour l'eau, dit mon meilleur ami. Quand il faisait encore beau il passait sa vie dans ma piscine et maintenant que l'hiver est proche il vit dans le jacuzzi.
— Il faut bien que le fric de tes parents serve à quelqu'un.
— Ouais, c'est clair. Enfin bref, revenons à la conversation avant que le poisson humain revienne.
Je pouffe de rire et Liam reprend.
— Tu penses qu'il va le prendre comment ? Eliott, je veux dire.
— J'en sais rien. Je ne le vois pas... bien réagir.
— Tu veux que je vienne avec toi ?
— Non, c'est quelque chose que je dois faire seul.
— Vu comme il est, tu ne devrais pas y aller seul. Il faut que tu fasses attention à toi.
— C'est justement ce que j'ai décidé de commencer à faire, Liam.
Il acquiesce, un petit sourire au coin des lèvres. Je peux facilement lire de la fierté sur son visage ; et je pense que je peux être un peu fier de moi aussi, pas vrai ? C'est terrifiant, mais aussi vivifiant.
— Bon alors les gars vous venez ?
Je tourne les yeux vers Louis lorsque j'entends sa voix et j'écarquille immédiatement les yeux.
— Tu te changes en trois secondes chrono ou quoi ? s'étonne Liam.
— Putain de merde il fait dix degrés, je m'exclame, rentre tout de suite à l'intérieur Lou !
— Lou, reprend Liam en haussant un sourcil, je vois, ok.
Je souris légèrement et sans attendre, je rejoins la maison, suivi de mon meilleur ami, en direction du jacuzzi.
»
Allongé sur mon lit, je traîne sur mon téléphone. J'ai des tas de messages non lus, principalement d'Eliott. Je n'ai pas envie d'y mettre une telle énergie. Pas ce soir. Pas alors que je me sens si bien.
Je me mords la lèvre, pensif. À ma droite, Louis est installé ; les oreillers sont calés dans son dos comme dans le mien et il est concentré aussi sur ce qu'il tient entre les mains. Ce n'est pas son téléphone, mais un livre. Pas Moby Dick : le même livre que l'autre jour. L'étrange histoire de Benjamin Button.
Je tourne ma tête vers lui après avoir verrouillé mon téléphone. Il est concentré, ses sourcils sont légèrement froncés, son expression est neutre. Soit ce qu'il lit est vraiment très sérieux, soit il est tellement concentré qu'il ne peut même pas sourire un peu. Sa cage thoracique se soulève à un rythme lent mais régulier et il ne fait strictement aucun bruit. Il est juste étendu à côté de moi, le dos appuyé contre les coussins contre le mur, et je l'observe, installé exactement comme lui.
— Louis ?
— Hm, il réagit sans bouger d'un poil.
Je me mets sur mon flanc gauche et mets mes deux mains sous ma tête.
— Tu veux des enfants plus tard ?
Il fronce les sourcils et pose le livre ouvert sur ses jambes, puis il tourne les yeux vers moi.
— Tu poses souvent des questions dans le genre ?
J'hausse les épaules.
— Je suis juste curieux.
— Eh bien, c'est cool bouclettes, mais tu ne demandes pas à la bonne personne là.
Il remonte son livre et se replonge dans la lecture.
— Pourquoi ça ?
Il le baisse à nouveau et soupire, puis il me regarde.
— Premièrement, j'ai 18 ans dans un mois alors je ne réfléchis pas encore à si mon enfant a besoin que je lui change sa couche. Et puis Harry, je n'ai jamais été amoureux... qu'est-ce que tu veux que je pense à avoir des enfants ?
— Je te demande pas si tu penses à en avoir, je réponds. Je te demande si tu en veux.
Il se mord les joues et hoche la tête.
— Ouais, j'en veux, bien-sûr, il finit par dire. Pas toi ?
— Si, je suppose.
— Tu supposes ?
— Non, je ne suppose pas. J'en veux, c'est évident. Mais je n'y pense pas encore... sérieusement. Je n'ai pas l'âge. Mais j'en veux.
À vrai dire, j'y ai beaucoup réfléchi aujourd'hui. Les enfants, la paternité, les biberons ; j'y ai pensé. Depuis l'annonce de ma mère, cela me trotte dans la tête. Je n'y suis pas encore, évidemment ; il faut d'abord que je me pose avec quelqu'un, que je finisse mes études, que je sois prêt dans ma stabilité financière et mentale, mais j'ai simplement réfléchi aux étapes de la vie.
Ma mère m'a d'ailleurs dit qu'elle l'annoncerait à tous un peu plus tard. Seul Liam est au courant, elle veut l'annoncer à Gemma en personne ainsi qu'aux autres en temps voulu.
Louis lève de nouveau le livre et se remet à lire.
Je le regarde encore quelques secondes, j'observe ses yeux rouler de gauche à droite, de bas en haut, puis changer de page.
— Ça parle de quoi ton livre ?
— Tu sais que tu es un véritable parasite pour quelqu'un qui lit ? il rétorque, ne quittant pas son livre des yeux, mais il a un sourire en coin.
— Ouais, je souris également en coin, mais choisis bien tes mots avant que je te fasse rouler du lit.
Il lève les yeux au ciel, amusé.
— C'est l'histoire d'un homme différent, il explique. Il naît vieux, avec l'apparence d'un bébé, mais tout fripé et il a genre 80 ans. Et plus le temps passe, plus son corps rajeunit.
— C'est horrible !
— Je suppose. Il hausse les épaules. Mais cela ne l'empêche pas de vivre. C'est ça que j'aime. Il a quand même une famille, il voyage malgré tout, il tombe amoureux. Il vit.
— Tu as une obsession avec l'amour, pas vrai ?
Louis corne la page de son livre et le ferme définitivement, puis il le pose sur ma table de nuit. Ensuite, il se place sur son flanc droit et met ses mains sous sa tête, juste comme je l'ai fait il y a quelques instants ; ainsi il se retrouve face à moi.
— Je crois qu'on en a déjà discuté lorsque je défendais Grease comme ma vie, il répond une fois installé.
— Oui, c'est vrai. Mais pourquoi ça te tient autant à coeur ?
— Je te l'ai déjà dit je crois.
Il avance sa main et amène ses doigts dans mes cheveux, puis il commence à tordre son doigt autour d'une de mes boucles. Quand c'est une fille qui bave sur Louis qui fait ça à ses propres cheveux, je trouve cela ridicule, mais lorsque Louis me le fait, cela n'a rien de ridicule.
— Tu sais, j'ai juste peur de mourir seul. Mais pas juste seul genre sans personne dans ma vie, j'ai peur de mourir seul dans mon coeur. N'avoir jamais aimé... ou n'avoir jamais été aimé.
— Tu vas me faire croire qu'aucune fille n'est jamais tombée amoureuse de toi ? je dis, joueur. Je ne te croirais pas même si tu me le disais Tomlinson. T'as des yeux à faire couler le Titanic.
— Wow, Louis dit en riant bruyamment, t'es vraiment nul en flirt Harry. Je hausse les épaules en souriant, et petit à petit Louis reprend son sérieux. Pas que je sache, non. Personne n'est tombé amoureux de moi.
— Et la fille avec qui tu as fait ta première fois ? C'était pas genre, ta copine depuis quelques mois et c'était une grande étape pour votre couple ?
À en juger par l'expression de Louis, j'ai déjà ma réponse avant qu'il n'ouvre à nouveau la bouche.
— Elle s'appelait Hannah, il explique. Elle était assez jolie, pas un canon de beauté mais j'avais 16 ans, je la trouvais mignonne. Elle était gentille, c'est important. C'était la soirée d'entrée au lycée et... bref, tu vois quoi.
— Tu as fait ta première fois à une soirée ? je m'étonne.
— Il y a plus classe je sais. C'était pas sa première à elle, dieu merci, je n'aurais jamais accepté de le faire avec elle sinon parce que, tu sais... il faut que ça soit quelqu'un qu'on aime qui fasse ça.
— Ce que tu dis n'a aucun sens Lou. Tu ne l'as pas fait avec quelqu'un que tu aimais.
— Non mais moi, tu sais, je suis l'exception qui confirme la règle, il rit jaune. Et toi ? il reprend sérieusement.
— Et moi ?
— Toi, ta première fois ? Tu avais quel âge ?
Je grimace au flash qui passe dans ma tête. Ce n'est pas que c'était un mauvais jour, pas du tout. C'est juste que j'essaie de ne pas trop penser à cette période là de ma vie ; même si en réalité, elle me hante.
— 15 ans, je réponds finalement et j'ajoute un petit rire. Ouais, c'est un peu jeune mais j'étais amoureux, alors... C'était normal je suppose.
Louis hoche la tête et même si je sais que la question tu étais en dessous ou au dessus ? lui brûle les lèvres, tout comme celle c'était avec une fille ou un garçon ? mais il a la politesse de ne pas me les poser.
— On devrait peut-être dormir, il chuchote finalement. On a cours dans huit heures.
— Je suis pas fatigué.
— Moi non plus Haz. Mais si on s'endort encore dans le cours de madame Breston, elle va nous jeter par la fenêtre.
Je ne peux m'empêcher de rire.
— Elle en serait capable, je réponds, souriant. Elle est maléfique.
— Oui, ça c'est sûr. C'est pour ça que les anglais sont meilleurs, pas de profs folles. Ça doit être pour ça qu'elle m'aime pas, j'ai pas le même sang que vous, enfants de l'Amérique.
— Elle m'aime moins que toi Louis.
— C'est parce qu'elle est stupide.
Je lève les yeux au ciel et me redresse puis j'enlève mon t-shirt.
— Il est temps de dormir, enfant de Doncaster. Au lit.
Louis roule également des yeux, amusé, puis il se lève.
— Je sens que je vais faire des cauchemars, il dit, joueur. Tu ne me laisseras pas dans une telle détresse, pas vrai ?
— Peut-être que oui, peut-être que non. Mais si tu rentres dans mon lit sans mon autorisation, je te mords.
— J'attends de voir ça Styles.
Et je ne fais rien d'autre qu'enlever mon jean et me glisser sous ma couette.
»
— Bouge, grand garçon.
Je grogne mais ne bouge pas. Je n'ai pas besoin de le faire, je suis poussé davantage contre la fenêtre et le matelas s'affaisse.
— T'es chiant Louis, je marmonne.
— Tu as littéralement ton bras autour de moi Harry, ne fais pas comme si tu ne profitais pas de la situation.
Je hausse paresseusement les épaules. Depuis que j'ai été vraiment malade l'autre fois, il arrive à Louis et moi de dormir ensemble. Pas tous les soirs, bien-sûr ; c'est comme on le sent, sans qu'on en discute réellement. En discuter rendrait la chose trop réelle, étrange. Parfois il s'endort dans mon lit, parfois il me rejoint dans la nuit, comme maintenant. Ce n'est pas quelque chose qu'on organise, ce n'est pas quelque chose dont on parle comme une affaire particulière. Cela me fait me sentir bien, cela me montre que cela peut faire du bien d'être prêt de quelqu'un de gentil. C'est arrivé et je suis heureux.
— Pas de morsure constatée, ajoute Louis. Des menaces en l'air.
— Lou, j'ai envie de dormir, je grogne.
— Ouais, mais moi je retiens que tu fais des menaces en l'air. T'es aussi effrayant qu'un mouton énervé.
— T'es un emmerdeur. Laisse-moi me rendormir.
— Des menaces en l'aiiir... il chantonne.
Je lui jette un oreiller à la figure et il rigole avant de se caler plus confortablement dans le lit, son corps parallèle au mien. Très rapidement, je suis à nouveau endormi.
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QUESTION N*20 : Avez-vous des frères et sœurs ?
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