Chapitre 17 : Hope
Les gouttes de pluie sont si nombreuses qu'en atterrissant sur le bitume, elles créent un bruit monstrueux.
Ce n'est pas étonnant pour un mois d'octobre, mais je n'aime pas ce genre de journée qui se finit à attendre le bus sous une averse. A attendre au seul arrêt de bus cassé depuis des semaines.
Niall a fini les cours plus tôt, je crois que son professeur de sport n'était pas là. Étant donné qu'il a prit volley alors que Louis et moi avons opté pour le basket, nous ne sommes pas dans le même cours ; et c'est dans ce genre de moment que je me maudis de ne pas préférer le volley au basket. Si c'était le cas, je ne serai pas en train de sentir les gouttes me tomber dessus et traverser mes vêtements pour entrer en contact avec ma peau.
Louis est à mes côtés, silencieux. Je n'ai pas envie de briser le silence ; lui non plus. La journée a été rude, les derniers jours ont été complexes pour moi.
— Il arrive ce putain de bus ou quoi là.
Finalement, c'est Louis qui brise le silence, même si ce n'en est pas vraiment un ; la pluie fait un tel vacarme que ça pourrait presque m'empêcher de dormir.
Je ne réponds pas à sa phrase et je ne pense pas qu'il s'attende à ce que je le fasse. Il fait juste un constat : le bus est en retard et ce n'est franchement pas le bon jour pour cela. Et puis, pourquoi sommes-nous les seuls à attendre ce véhicule ?
Ma pensée du nous sommes seuls change bien vite étant donné que je vois quelqu'un arriver. A sa démarche je peux reconnaître un lycéen, ou du moins un étudiant. Je me dis qu'il doit être bien fou pour attendre sous la pluie comme nous, mais je stoppe mes réflexions lorsqu'il est à une distance assez raisonnable pour que j'aperçoive un tant soit peu ses traits.
Eliott.
Mon coeur rate un battement et il m'est désormais impossible d'ignorer cette sensation. Ce n'est pas normal que je réagisse comme cela, bordel, je le sais.
Je regarde furtivement Louis qui ne prête absolument pas attention au garçon qui s'approche de plus en plus. Après tout, Louis ne sait pas qui c'est, mais ma panique augmente à mesure que je réalise qu'il va savoir. Qu'à nouveau, Eliott va m'arracher un douloureux secret du coeur pour directement s'en servir.
Le roux finit par arriver à notre niveau. Je garde la tête baissée quelques instants jusqu'à oser croiser ses yeux qui m'envoient des éclairs. Je n'ose pas regarder Louis, affronter son regard plein de questions, affronter sa douceur face à la brutalité ; mais je pourrais jurer qu'il est plein d'incompréhension et que les interrogations dansent dans sa tête.
Les cheveux d'Eliott ne sont pas relevés comme habituellement. A cause du mauvais temps, ils sont plaqués sur son visage tandis que ses vêtements sont trempés. Cela lui donne un air encore plus dur. Mais je crois que sa colère surpasse cela.
— Rien à me dire ? Démarre t-il.
— Excuse-moi, mais t'es qui ? intervient Louis en se plaçant à côté de moi.
— Bonne question tiens, qui suis-je Harry ?
Je ferme les yeux et serre la mâchoire.
Pourquoi je me sens si mal ? Liam a raison, Louis va m'accepter, que je sois gay et en couple ; il ne va pas du tout juger. Pourquoi cette boule dans ma gorge ne veut-elle pas me quitter ?
— Eliott... Arrête, je murmure.
— Quoi arrête ? réagit celui-ci. Cela m'étonne presque qu'il ait entendu à cause des cordes qui tombent. Tu me fais le coup de la dernière fois dans ton jardin, puis tu ignores mes appels et messages pendant des jours et tu me demandes d'arrêter quand je fais le plus intelligent de nous deux à venir communiquer avec toi ? Mais tu m'as pris pour qui Harry pour jouer avec moi comme ça ? T'es une telle pute !
— Mais putain t'es qui pour lui parler comme ça ?
Mon coeur ne devrait pas se sentir mitigé à ce point face aux deux garçons devant moi, parce que normalement je ne devrais même pas l'être un tant soit peu. Ça ne devrait même pas me venir à l'esprit.
Eliott regarde Louis une fraction de seconde mais il retourne à mes yeux aussitôt, comme s'il se sentait supérieur au châtain.
— Eliott, je... j'attends mon bus, j'explique. Je vais rentrer chez moi et on s'expliquera au téléphone et...
— Non ! il me coupe. Non, putain non. Tu crois que je sais pas que tu vas disparaitre encore ? Tu te rends compte comme tu me mens et derrière tu fais comme si j'étais le méchant. Maintenant tu arrêtes tes conneries et tu m'écoutes. T'es vraiment un énorme...
— Ne finis même pas cette phrase, grince Louis et j'ai envie de couiner tellement je déteste cette situation. N'ose même pas. Putain de merde, t'es qui à la fin ?
— Tu veux qu'on aille régler ça plus loin peut-être ? provoque Eliott.
Honnêtement, je n'en voudrais pas à Louis de voûter les épaules et se faire petit. Après tout, Eliott n'est pas vraiment baraqué mais il fait quelques centimètres de plus que lui et son visage fin le rend effrayant. Je n'ai pas envie de les voir se battre. Alors non, je n'en voudrais pas à Louis de s'écraser et de simplement rebrousser chemin en rentrant tranquillement à la maison, me laissant là. J'ai l'habitude.
Mais non. Il maintient le contact visuel, son expression faciale est toujours aussi dure et ses yeux sont si noirs qu'un nuage orageux ne pourrait pas rivaliser avec leur couleur.
— Ouais, il répond finalement. Ouais putain, si ça peut te calmer et te faire arrêter de lui parler comme une merde alors que t'es rien, ouais, on va définitivement le faire.
— Arrête.
Les quatre yeux bleus se tournent au même moment vers moi. Je crois qu'ils ont tous les deux de l'incompréhension, ne s'attendant probablement pas à ce que je dise ça.
— Arrête, je répète. Louis, je précise. Juste... je soupire. Arrête.
— Mais il n'a pas à te parler comme ça ! s'offusque le mécheux.
— Arrête, d'accord ? Ses prunelles crient pour des explications. S'il te plaît. Attends le bus, tranquillement, ne m'attends pas. Juste... Arrête. On va aller discuter là-bas.
Mon coeur se serre à nouveau : ce n'est pas en voyant Eliott approcher cette fois, mais simplement en remarquant ce qui traverse les yeux de Louis l'espace d'une seconde.
Je n'arrive même pas à lire le ressenti qu'il dégage mais il est terrible, et me touche en pleine face.
Eliott m'attrape le bras et commence à marcher, m'éloignant ainsi de l'endroit, désirant me parler à l'abri des regards, soit à l'abri de Louis. Je ne lâche pas ce dernier des yeux même quand mon petit-ami m'éloigne et je vois qu'il a envie de me rejoindre, qu'il a envie de comprendre, mais je ne fais rien pour lui permettre. Finalement, le garçon me tourne violemment par les épaules pour que je lui fasse face. Ce n'est pas joli à voir ; la colère réside sur son visage pâle. Ses mains restent bloquées sur mes épaules et je baisse les yeux, le corps raide.
— Putain de merde j'en ai marre de tes conneries, crache-t-il. Tu me fais le coup de j'ai besoin de temps pourquoi là ? Puis tu me donnes pas de nouvelles et tu crois que je vais fermer les yeux ? Putain Harry tu m'as pris pour qui ? Pour quelqu'un avec qui tu pouvais jouer ?
— Je ne joue pas avec toi, je murmure, mais je ne le regarde pas.
— Tu me fais passer pour un gros méchant, je suis sûr que tu te dis que c'est moi le méchant, mais tu ne donnes pas toute l'histoire. Tu me réponds pas, tu pourrais mourir que j'en saurais rien. Et en plus tu me trompes !
Je secoue la tête plusieurs fois.
— Je ne te trompe pas...
— Je ne te crois pas une seconde ! Tu crois vraiment qu'il te défend et te regarde comme ça par amitié ?
Il crie si fort que je pense que Louis l'entend ; ou peut-être pas, en fait, la pluie est toujours aussi bruyante. Pour le coup, je ne sais pas si c'est une bonne chose. Est-ce que j'ai envie que Louis entende ça et agisse pour me sortir de là ? Est-ce que j'ai envie qu'au contraire, il n'entende rien tellement j'ai honte ?
— T'es juste insupportable, enchérit Eliott. T'es une pute, c'est dingue... Je sors avec une pute.
— Alors quitte-moi, je chuchote.
— Je sors avec une pute et une pute pas chère en plus !
Là, je maudis la pluie, parce que j'aurais aimé qu'il m'entende.
— T'es juste une horreur. T'es pas si beau que ça mais putain t'es gentil, t'es calme, t'es droit, pourquoi il faut que ça change ? Pourquoi il faut que tu gâches tout ? Je te reconnais plus, t'es juste arrogant. J'espère qu'il baise bien hein, parce que pour que t'ignores mes appels des jours entiers, c'est qu'il doit te garder occupé.
— Tout n'est pas question de sexe.
— Avec toi si. Ne fais pas comme si tu ne m'avais pas sauté dessus la première fois.
Je lève les yeux mais pas pour regarder Eliott, juste pour regarder un peu plus haut afin d'empêcher les larmes de couler. Ma gorge me serre tellement que j'ai l'impression de perdre ma voix.
Une partie de moi a envie de crier : je dormais. Je me suis collé à toi dans mon sommeil. Tu as pensé à une invitation. Tu m'as pris comme si je t'avais invité. Ce n'était pas le cas.
Mais la plus grande partie, écrasée par le poids de toute la culpabilité, ne fait que se répéter : il a raison. Il a eu raison. Si mon corps s'est collé à lui, alors je l'ai invité.
— Maintenant, tu n'ignoreras plus mes messages et appels, c'est compris ? crache Eliott.
— Ne me dis pas ce que je dois faire.
Je ne sais pas d'où est sorti cet élan de courage mais je peux dire qu'il repart aussitôt.
— Ne me tiens pas tête Harry. Tu sais que tu vas perdre à ce jeu.
Je ne dis rien. Je fixe toujours un point vide au dessus de son épaule et j'essaie de m'occuper l'esprit. Je ne parviens pas à le regarder. Je ne pourrais pas le supporter ; je crois que je ne peux plus.
— Putain mais regarde-moi quand je te parle !
Ses mains sur mes épaules me secouent jusqu'à ce que mes yeux se posent sur lui.
J'ai toujours eu du mal à lire dans les yeux d'Eliott, mais cette fois il laisse tout paraitre. La colère est belle et bien présente, la rancune, presque la haine. J'ai connu ce garçon si timide et réservé et je suis désormais coincé avec un monstre. Pourtant je suis censé aimer chaque partie de lui, pas vrai ? Je suis censé le prendre pour ses qualités et défauts, ses hauts et ses bas ? Je connais ses bas, je connais ses difficultés, et j'ai envie de l'aider, de l'aimer ; mais il est juste devenu ainsi.
L'est-il vraiment devenu ? Ne l'était-il pas simplement ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Mais je sais simplement une chose : je n'arrive définitivement pas à aimer cette partie de lui. Au plus profond de mon être, je la déteste même.
— Tu es inutile dans ce monde. N'oublie jamais ça. En sortant avec moi, tu te donnes un peu d'importance sur la planète, mais tu n'es rien Harry. Tu n'es rien. Ne crois pas que tu deviens quelque chose. Ne crois pas que ce garçon — il fait un signe de tête vers Louis — va t'apporter quelque chose de stable et bien. Il n'y a que moi qui est capable de t'aimer après ce que tu as fait. Il n'y a que moi qui sait pour Matt. Il n'y a que moi qui sait ce que tu as fait à Matt, c'est bien clair ?
— Arrête... ma voix est tremblante. Ne parle pas de lui, n'en parle pas. Laisse-le en dehors de tout ça. S'il te plait.
— Il n'y a que moi qui sait, il répète. Et il n'y a que moi qui t'acceptera pour ça. Ce Louis là, il va fuir lorsqu'il apprendra.
— Ce n'était pas ma faute... je marmonne.
— Bien-sûr que ça l'était, et tu le sais. Tu le répétais toi-même pendant des jours après ce qui est arrivé. Alors ne me fais pas le coup d'avoir besoin de temps — ne me fais pas le coup d'oser me quitter. Tu y perdrais bien plus que moi.
Je ne réagis pas, mon âme semble quitter mon corps pour flotter au-dessus de la scène. Les larmes noient ma vision et je ne sais même pas si Eliott a vraiment remarqué que je pleure ou s'il croit que cela est toujours la pluie qui mouille nos visages respectifs. Mais je pleure, ma gorge me fait atrocement mal, mes dents claquent entre elles. J'ai froid, je veux rentrer chez moi, je me sens mal. Pourquoi a-t-il fallu qu'il prononce le prénom de Matt ?
— Alors n'oublie pas qui tu es, il conclut.
Je me rends compte que je ne l'ai probablement pas écouté pendant quelques instants.
— Et n'oublie pas non plus à qui tu es.
Je ne fais pas preuve de plus de réaction et même si Eliott semble en attendre une, je ne lui donne pas. J'en suis présentement incapable.
— Il n'y a que toi et moi. Malgré ton affrontement, tu sais que je t'aime ? Je suis le seul à t'aimer autant. Je suis le seul qui t'aimera autant. Tu as de la chance d'avoir quelqu'un comme moi qui t'aime comme tu es.
Toujours aucune réaction. Mon regard est toujours aussi vide, toujours aussi flou. Mon âme ne semble pas vouloir regagner mon corps. Mon esprit veut prendre sa liberté, mon corps se sait prisonnier. Telle est la vérité. Eliott est mon bourreau et je ne pourrais jamais le fuir. Peu importe ce que j'essaie ; il ne me laissera pas partir. Car peut-être a-t-il raison, peut-être ne suis-je assez bien pour personne.
— Harry, insiste Eliott. Réponds.
— Je sais, je marmonne uniquement pour qu'il me laisse en paix. Je sais.
Celui-ci hoche la tête, soudainement satisfait. Mais de quoi ? De m'avoir marqué au fer rouge pour la centième fois, de m'avoir offert un bon quart d'heure d'explications avec Louis, et probablement une prochaine visite de ma grande soeur ?
— Harry ! Cette fois, c'est la voix de Louis. Le bus est là.
Je sursaute tandis que je reprends mes esprits. Eliott me fixe durement, me dit en silence de ne pas bouger. Puis il fait d'un seul coup un signe de tête, comme pour dire à un chien de partir au panier. Je ne le regarde pas, je tourne les talons, les épaules voutées. J'essuie du revers de ma main mes joues et je marche vite. Je suis presque sûr que Louis me regarde avec toujours autant d'incompréhension, mais je n'y change rien.
Je ne monte pas dans le bus. Je continue à marcher sous la pluie battante.
— Harry, qu'est-ce que tu fais ?
Je ne réponds pas et continue à marcher.
J'accélère l'allure. L'averse est toujours aussi forte et cela commence à me faire tourner la tête. Pourquoi le monde s'acharne contre moi aujourd'hui ? Pourquoi le monde s'est acharné contre moi cette dernière année ? Pourquoi mon père est-il parti, pourquoi Matt n'a t-il pas pu rester ? Ce n'est qu'une journée banale d'octobre, pourquoi cela tombe sur moi ? Suis-je si monstrueux ? Eliott a-t-il raison à ce point ? Je n'ai rien demandé, je ne fais pas de mal aux gens. J'essaie juste de faire du mieux que je peux, est-ce si compliqué ? C'est donc trop demander, que d'être simplement tranquille, l'esprit libre et le sourire sincère ?
— Harry, s'il te plaît, explique-moi.
À l'entente de la voix de Louis si proche, je devine qu'il a abandonné l'idée de prendre le bus également. Mais ce n'est pas pour autant que je m'arrête ; au contraire, j'accélère davantage.
— Arrête toi.
Non.
— Harry.
Toujours pas.
— S'il te plaît.
Je continue à avancer.
— Putain, Harry, explique-moi ! Bordel, pourquoi ce connard te parle-t-il comme ça ?
Je suis obligé de m'arrêter et de me retourner subitement parce que Louis m'agrippe le poignet. Pas violemment ni méchamment ; juste pour que je m'arrête, que je lui fasse face, que j'arrête de me terrer dans mon silence, tout en prenant en compte le fait que je n'aime pas qu'on m'attrape ainsi. De nouvelles larmes coulent alors que je fais face à son visage dévoré par la pluie, à ses traits creusés par l'inquiétude, à ses yeux bleus qui brillent davantage en contrastant avec le ciel gris ; à la douceur de son pouce contre mon poignet.
Face à moi, ses yeux changent, car ce qu'il voit dans les miens ne semble pas lui plaire. Dans mes iris nage un mélange de confusion, de tristesse, mais surtout de beaucoup de colère ; contre moi-même, contre Eliott, contre Matt, contre le monde entier.
— Personne ne doit te parler comme ça, reprend Louis.
— Tu ne sais pas de quoi tu parles !
Je suis si énervé que je crie pour sortir ma peine. Cela me désole que cela doive tomber sur Louis.
— Personne ne doit te parler comme ça ! Il crie en retour. Putain mais pourquoi il te parle comme ça ?
— Ce n'est pas ton problème, Louis ! Ce n'est pas ton combat à mener !
— Conneries ! Je vais le mener ce combat. Je vais aller au front et je vais le mener. Personne ne doit — putain, personne Harry, tu m'entends ? Ce n'est pas juste, ce n'est pas normal, qu'est-ce qui lui donne le droit, qu'est-ce qui lui permet de faire ça ? Rien ! Il n'est personne ! Il n'est rien ! Il ne doit pas ! Pourquoi il...
— Parce que c'est mon petit-ami, Louis !
La bouche de celui-ci se ferme instantanément face au choc de ma voix qui casse, et je respire fort, si fort, reprenant ma respiration après avoir crié si fort.
Pendant un instant, le temps semble flotter. Les gouttes semblent retourner dans le ciel, le vent semble retourner dans le sol, les mers semblent s'assécher. Il n'y a plus de peine, plus de douleur, plus de sentiments. Le vide et la paix. Louis ouvre la bouche, la referme. Puis il secoue la tête très lentement alors que des larmes se glissent au coin de ses yeux. Son pouce trace doucement mon poignet. Puis, la pluie reprend. Le bruit revient. Et Louis répond finalement :
— Raison de plus.
Sa voix est si douce, si posée, comme s'il venait de se réveiller. Comme s'il ne voulait pas me brusquer davantage.
Je dégage mon poignet, puis je tourne à nouveau les talons et ma marche rapide reprend de plus belle.
»
Je jette mon sac dans l'entrée et lance mes clés sur la commode avant de me précipiter dans l'escalier. Louis rentre derrière moi et ferme la porte d'entrée. J'ignore le regard de ma mère et je fonce à l'étage.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
— C'est juste... J'en sais rien. Je, putain...
Je les entends depuis le couloir de l'étage. Je jette un oeil à mes mains : je tremble encore. J'amène celles-ci à mon visage. trempé.
— Est-ce qu'il s'est passé quelque chose de grave ? interroge ma mère à Louis.
— C'est juste, je sais pas. Non, j'en sais rien Anne je... Je suis un peu dépassé. C'était une dure journée pour nous tous.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé Louis s'il te plaît ?
Je prie tous les dieux possibles pour que Louis ne dise rien à ma mère. Je ne suis pas prêt à affronter cela encore une fois. Je ne suis pas encore prêt à revivre tout cela. Et je crois que Louis ne sait pas non plus comment gérer cette question, ou même cette situation entière, car il reste silencieux quelques instants.
— Rien, dit finalement Louis. Harry est très fatigué. Il...
— S'il te plaît Louis, ne me fais pas ça. L'inquiétude d'une maman est terrible. Dis moi au moins si c'est grave ?
— Non Anne. Ce n'est pas grave. Il marque une pause. Ça ne le sera plus longtemps du moins.
Je devine que ma mère hoche la tête et quelques secondes plus tard j'entends la première marche de l'escalier être enfoncée, alors je m'active et rejoins ma chambre, et plus précisément ma salle de bain, où je m'enferme à clé.
Mes mains sont un désastre, je pense que je ne peux même pas tenir un objet. Mes joues affichent un champ de bataille, les larmes se battent entre elles ; je suis épuisé, je veux disparaitre. J'ai tellement, tellement honte. De moi, de ma vie, mes décisions, ma faiblesse ; mon existence. Que Louis ait assisté à ça.
J'éclate à nouveau en sanglots et je commence à tituber. Je m'adosse contre le mur à côté de la porte et me laisse petit à petit glisser.
J'entends des pas dans ma chambre mais le reste de la maison est calme. A la démarche, je reconnais Louis.
Les pas vont jusque devant la porte de la salle de bain et je l'entends s'asseoir devant. Il ne parle pas, reste silencieux. Mes sanglots, eux, ne le sont pas. Je pleure, fort, je sais qu'il m'entend à travers la porte. Je ne parviens même pas à m'arrêter ; je n'essaie pas, je sais à quel point cela est inutile. Je pleure pour ce que je viens de vivre, je pleure pour tout ce que j'ai pu faire de mal dans ma vie, pour tout ce que j'ai dû affronter ; je pleure pour ce que je n'ai pas eu, ce que j'ai eu sans le vouloir, ce que j'ai presque eu et ce que je n'aurais plus jamais.
Au milieu de ma crise de larmes sans fin, je trouve la force de lever ma main tremblante. Je pose doucement celle-ci à plat contre le bois de la porte. Au fond de moi, je pourrais jurer que Louis fait de même.
»
785.
C'est le nombre de gouttes d'eau tombées dans l'évier depuis que j'ai arrêté de pleurer. En réalité, c'est commencer à compter qui m'a permis d'arrêter de pleurer ; je dirais qu'à la fréquence où ça tombe, je suis là depuis des heures.
Mes yeux peinent à rester ouverts et je suis toujours en boule dans la pièce. Étonnement, ma mère n'est pas venue à un seul instant dans la chambre, tout comme Niall. Je n'ai pas entendu Louis bouger.
Je finis par puiser la force de retirer ma main de la porte et me relève, serrant et desserrant les doigts plusieurs fois car cela me fait mal. Je ne regarde même pas ma tête dans le miroir. J'évite ce nouveau combat pour ce soir. Je vais juste aller me coucher... et demain sera un nouveau jour.
Avec un peu de chance, Louis fermera les yeux sur ce qu'il a vu et je pourrais presque prétendre que j'ai à peine été affecté.
À peine je pense à cela que je secoue la tête et renifle un peu. Je sais que ce soir a tout changé. Je sais que je ne peux pas rester dans une telle situation, je sais qu'il va falloir que je commence à me battre pour me sortir de là. Je sais que je vais devoir être brave, et je sais que cela me terrifie. Je sais que je ne peux pas continuer à prétendre.
Je tourne la poignée et pousse un peu la porte mais quelque chose bloque. Louis. J'expire, à tel point que mes épaules s'affaissent. Il s'est réellement endormi derrière la porte, silencieux. Il m'a écouté pleuré, et il n'a pas bougé.
J'arrive à ouvrir suffisamment pour pouvoir rentrer le ventre et passer au ras du mur. Une fois dans ma chambre, je vois bien Louis. Il est endormi dans une position ridicule, un peu en boule. Il n'est pas paisible. Je peux voir qu'il s'est endormi la tête pleine de pensées. Mais la chose que je remarque en première reste quand même sa main, plaquée contre le bois de la porte. Elle est bien là, tout comme la mienne l'était de l'autre côté il y a encore quelques minutes.
Cette simple vision pourrait me faire pleurer, si j'avais encore une quelconque force dans le corps. Mais je me dois tout de même de réunir le peu qu'il me reste pour lui. Pour Louis.
Je me baisse jusqu'à ce que mes genoux touchent le sol. Je passe un bras sous ses genoux et un autre au niveau de son dos, puis je le soulève. Cela ne le réveille pas totalement, mais il réagit assez pour s'accrocher à moi.
— Viens là, je chuchote.
— Tu es sorti... répond-il tout aussi bas.
— Je suis sorti, et tu as attendu, je souris doucement.
Il acquiesce et je contracte afin de me relever.
— C'est pas vrai, il marmonne.
— Je vais te mettre dans ton lit, tu vas dormir.
— Non, c'est pas vrai. Ce qu'il a dit.
Je m'arrête une seconde. Les yeux de Louis sont toujours fermés mais il reste accroché à mon cou.
— Ce qu'il a dit, c'est pas vrai, il marmonne à nouveau. Tu n'es pas inutile, tu n'es pas tout ça. Tu ne le seras jamais.
— Tu as entendu... ?
Louis hoche faiblement la tête et je l'amène jusqu'à son lit, puis je le dépose avec délicatesse. Mais il ne lâche pas mon cou.
— Tu n'es pas tout ça, il ajoute. Ne le crois pas.
— Il faut que tu me lâches Louis.
— Je veux que tu me crois moi Harry, tu n'es pas tout ce qu'il a dit. Dis que tu me crois moi, et pas lui.
Je sens mon coeur se serrer.
— D'accord Louis, je te crois.
— Je veux que tu le penses, je veux que tu dises que tu es d'accord, parce que tu le penses. Crois-moi, parce que c'est la vérité.
Ma main sur son dos, son souffle contre mon cou, j'hoche lentement la tête.
— D'accord, je réponds en un murmure. D'accord, je te crois.
— Non... c'est faux.
— Je vais vraiment essayer de te croire, ça te va ? Je vais essayer fort. Je veux te croire.
— Je vais t'aider et tu vas réussir.
— D'accord... d'accord. Faisons ça.
Louis hoche à nouveau la tête et il lâche finalement mon cou, puis il s'enroule dans sa couette. Je crois qu'il s'endort dans les secondes qui suivent.
Dans mon lit, je ferme les yeux tout en serrant mon oreiller contre ma cage thoracique. Ma tête tourne un instant en repensant à toute la scène, à Eliott, à la pluie, au maudit bus.
À Louis.
Peut-être ne s'en rappellera t-il pas demain.
Ou peut-être deviendra t-il le plus brave des soldats et en fera-t-il son combat.
#
Je n'ai pas de questions à poser en cette fin de — lourd — chapitre. J'en profite simplement pour vous rappeler que vous êtes tou.te.s valides et que ce que les mauvaises personnes vous ont fait subir n'est jamais votre faute. Jamais.
Si vous êtes victimes d'un quelconque abus conjugal, parlez-en. Peu importe votre âge, votre situation. Vous ne méritez pas cela.
Le numéro d'urgence est le suivant : 3919
Je vous aime et vous êtes fort.e.s.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top