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Il pleuvait, j'étais perdu. Cherchant une quelconque aide, j'ai croisé ton sourire qui paraissait plutôt détendu, j'ai voulu t'accoster pour te demander mon chemin, tu m'avais répondu que toi aussi allait à la gare pour prendre ce train.

Ce que tu ne m'avais pas avoué, c'était que tu étais tout aussi perdu, je t'avais donc suivis, heureux de savoir que j'aurai mon train, c'était beaucoup trop facile, j'aurai du m'en douter, mais je ne l'ai compris seulement quand tu me l'as avoué. Tu semblais si sûr de toi, comment ne pas te faire confiance ? La prochaine fois je le saurais, je me débrouillerai par moi-même.

Alors, on s'était mis a courir sans vraiment savoir où nous allions, il fallait simplement qu'on trouve cette foutue gare.

En suivant les quelques panneaux, on l'avait trouvée, cette foutue gare, mais le train ne nous avait pas attendu.

Il était vraiment tard, il faisait nuit et c'était le dernier train pour Busan, tu m'avais d'ailleurs fait une blague que je n'ai jamais comprise à ce propos, malheureusement pour toi, je n'ai jamais eu de culture cinématographique.

On s'était retrouvés seul, dans la grande ville qu'est Seoul, sans aucun logement et aucune nourriture. Je t'avais alors demandé ce que tu comptais faire, et tu avais simplement haussé les épaules, me faisant comprendre que tu étais dans la même situation que la mienne.

Je revenais de mon voyage de famille, tu semblais être un simple jeune à l'aventure, ton sourire me rassurait, oui, ça m'avait détendu. Puis je réfléchissais, encore et encore, je n'avais plus un sous en poche, plus une miette, plus un espoir.

Tu avais alors marché vers la sortie, vers la ville. Je t'avais suivi sans vraiment m'en rendre compte, quitte à être tous les deux seuls, autant l'être ensemble.

Tu m'avais simplement sourit et t'étais assis sur un banc, les yeux clos, l'air apaisé, tu semblais déjà dormir.
A ce moment, je t'avais traité de fou, ce n'était pas possible, tu ne pouvais décemment pas dormir dans la rue, sous la pluie, dans cette grande ville sans savoir ce qu'il pourrait t'arriver.

Pourtant en entendant ton ronflement, tu m'avais prouvé le contraire, tu t'étais endormi sans inquiétude, laissant ton sac traîner à tes pieds, n'importe qui pouvait te le voler ou t'agresser.

Était-ce de la curiosité ou simplement de l'inquiétude ? Je n'en sais rien, mais la carte d'identité que j'avais trouvé dans la petite poche de ce si grand sac, m'affirmait ton identité.

Lee Minho, voici qui tu étais. J'avais remis tes papiers entre les bricoles, les trucs, tes clics et tes clacs, tu semblais tellement extravagant.

Je m'étais assis à tes côtés, refusant de te laisser seul dans la pénombre, qu'avais-je d'autre à faire de toutes façons ?

Quelques passants t'avaient dévisagés, pensant sûrement que tu revenais d'une soirée bien trop alcoolisée, il fallait dire que tu portais à confusion.

Combien de temps avais-tu dormi ? Je ne saurais te dire, mais c'était long, très long. Tu t'étais réveillé à cause d'une voiture qui avait klaxonné, tu m'avais regardé un instant, ne t'attendant sûrement pas à me trouver ici, et tu avais rit.

Ton rire était doux et calme, comme s'il tentait de m'apaiser. Tu m'avais demandé pourquoi est-ce que je n'étais pas allé dans un hôtel, pourquoi est-ce que j'étais resté assis à te surveiller alors que j'aurai simplement pu dormir. Je ne t'avais pas répondu.

Tu m'avais alors conseillé de me reposer, me disant de ne pas t'inquiéter, que tu me surveillerai à ton tour, je ne l'avais pas fait. J'étais fatigué, certes, mais je ne pouvais pas m'endormir en pleine rue comme tu venais de le faire, bien trop stressé parce qu'il pouvait se passer.

Aurai-je du faire confiance à un inconnu dont je ne connaissais le nom seulement après avoir farfouillé dans ses affaires ? Je ne pense pas.

Pourtant, tu m'avais fait confiance sans connaître mon identité, tu t'étais endormi devant moins, et n'avais pas semblé un seul instant te méfier de quelque chose.

Ton ventre avait fortement gargouillé, mettant fin à notre échange inintéressant,  je t'avais sourit sans pouvoir te donner grand chose, je n'avais ni logement, ni argent, ni nourriture.

Tu m'avais dit de ne pas m'en faire et tu avais couru vers des jeunes qui sortaient d'un bar, je n'entendais pas ce que tu leurs disais, mais tu étais revenu avec l'équivalent de dix euros en wons.

Les adolescents t'avaient salués comme s'ils te connaissaient depuis toujours, puis tu m'avais emmené dans une petite épicerie qui restait ouverte lors de la nuit, tu avais acheté deux grands sandwiches et deux bouteilles d'eau et des paquets de bonbons, nos dix euros y étaient passés.

Tu m'avais offert un sandwich et je t'avais remercié, continuant de te suivre sans vraiment savoir où aller.
C'était presque une évidence, nous avions commencé ensemble, nous devons terminer ensemble, de toutes manières, nous nous serions retrouvés le lendemain dans la gare, essayant en vain d'échanger nos billets devenus invalides.

Le sandwich était au thon, tu semblais apprécier alors que je n'en tenais pas compte dû à ma faim soudaine. Tu avais commencé à me raconter quelques anecdotes, me précisant que ce n'était pas la première fois que cette situation t'arrivait. J'ai appris que tu aimais énormément voyager et que ça t'arrivais souvent de partir seul dans toute la Corée du Sud en aventure de nouveaux paysages, tu n'avais pas beaucoup d'argent, avait arrêté les études tôt et tu n'aimais pas beaucoup travailler, pourtant, tu continuais de partir sans te soucier de rien. Tu étais un vagabond heureux qui voyageait toujours positivement, et cette gare était ton point de départ.

Je te trouvais incroyable, à seulement dix-neuf ans tu semblais déjà tellement épanouie sans avoir de grande richesse, laissant tes valeurs les remplacer aisément, elles étaient ta richesse.

Tu m'avais raconté toute sorte d'anecdotes sur tes voyages, tu m'avais montré tes plus belles photos, tes plus belles expériences, tu m'avais raconté tes meilleures rencontres, me disant qu'on t'avait déjà hébergé, nourris, tu partais sans certitude d'être logé et nourris, tu n'y pensais jamais avant, ne voulant pas te prendre la tête, et quelques fois, ça t'arrivait de sortir un plaid de ton gigantesque sac à dos et de dormir à même le sol.

Beaucoup te connaissait dans cette ville, elle était ton repère, ton point de retour et de départ. Tu avais de nouvelles connaissances et ça t'amusais toujours plus.

En me racontant ton histoire, tu m'avais demandé mon nom, te rendant compte que tu parlais depuis quelques heures déjà sans connaître mon identité, tu avais dit :

« - Han Jisung, voici un autre nom à ajouter à ma liste de rencontres. »

Tu avais sorti un petit carnet bleu et blanc de ton sac, petit carnet remplît de noms suivis d'un lieu, plus de huit pages étaient recouvertes

"... Choi Yeonjun, Daegu, Copain du bar.
Bang Chan, Taebaek, coloc loufoque.
Seo Changbin, Taebaek , coloc loufoque.
Hwang Hyunjin, Namwon, confondu avec un SDF.
Kim Seungmin, Jeju, ami de Changbin et Chan.
Lee Félix, Yeosu, serveur du restaurant.
Yang Jeongin, Mokp, lycéen en panique.
Han Jisung, Seoul, copain de la gare."

Je n'avais pas pu lire plus que tu avais déjà commencé à m'expliquer chaque rencontre t'ayant marqué, l'histoire de ce fameux Yeonjun avec qui tu avais discuté pendant des heures et des heures, Chan et Changbin qui sont des colocataires ayant accepté de t'héberger et de te nourrir, Hyunjin qui t'a confondu avec un sans abris et qui t'avais payé un restaurant pour se faire pardonner, Seungmin que Chan et Changbin avaient appelé pour qu'il puisse t'héberger, Félix le serveur d'un restaurant où tu avais passé des heures, et Jeongin le lycéen en panique avant de passer son bac qu'il a d'ailleurs eu la main levée.

Tu ne t'arrêtais plus et me racontais dans les plus grands détails chaque expériences avec chaque personnes, et désormais, j'étais inscrit dans la liste et je savais qu'un jour ou l'autre notre histoire serait racontée à quelqu'un.

Pourtant qu'avais-je fais de si spécial pour mériter d'être dans ce carnet ? J'avais simplement veillé sur toi afin qu'on ne te fasse aucun mal, tu avais l'amitié facile, et je trouvais cela adorable.

Comme quoi nous n'avions pas besoin de grand chose pour s'apprécier à nos justes valeurs, la preuve était que tu connaissais mon nom depuis seulement quelques minutes.

Alors, sachant que tu connaissais la ville sur le bout des doigts, je t'avais demandé de me faire visiter les plus beaux lieux accessibles à quatre heures du matin, cette demande t'avait fait sourire et tu m'avais emmené voir ces parc et ces quartiers que tu trouvais beaux par leurs souvenirs, tu me disais réussir à voir les enfants courir et les parents rire, tu réussissais à voir ses adolescents sortir de cours, un paquet de biscuit à la main, tu me disais voir ces animaux geindre de peur après une approche trop brutale d'un primaire, tu voyais les sorties scolaires prévues afin d'évaluer la faune et la flore d'un environnement ainsi que sa biodiversité. Tu voyais cette jeune fille tout droit sortie d'une série romantique, les joues rouges entrain de faire sa déclaration à celui qu'elle aime, puis tu voyais les larmes de celle qui venait de le quitter, et au milieu, au tout milieu de cette incroyable vision, tu nous voyais nous, entouré de ce rêve émerveillé que tu me décrivais, et grâce à toi, ce parc pourtant si sombre et vide semblait s'illuminer petit à petit devant moi, me prouvant qu'il suffisait d'arrêter de penser un instant afin de ne voir que la vie du bon côté et de ses points positifs.

Exceptionnel, tu étais vraiment exceptionnel, et je savais parce ces quelques phrases que la plupart de la population t'ayant rencontré devait penser de même, je l'espérais.

Tu apportais une sensation de bien être et d'importance aux inconnus sans ne jamais rien demander en retour, alors oui, Lee Minho, tu était  quelqu'un d'exceptionnel.

Ce que je ne t'avais pas dit, c'était qu'aujourd'hui était ma six mille neuf cent trente cinquième nuit, ou plus simplement, l'anniversaire de mes dix-neuf ans. J'étais censé passer cet anniversaire seul dans mon appartement, n'ayant même pas un animal pour m'accompagner, à réviser, mais grâce à toi, j'ai sans aucun doute passé le meilleur anniversaire de ma vie, tu m'as appris à revoir la vie du bon côté, à savoir lâcher prise à quelques instants oubliant mes tracas quotidiens. Ces quelques heures avec toi étaient bien plus efficace que ces cours ridicules de yoga que ma mère m'avait payé, alors, même si je ne sais plus où te trouver, même si tu ne m'as pas donné ton adresse pour que je t'écrive, même si je ne t'ai pas réveillé avant de descendre du train, sachant pertinemment que nous ne descendions pas au même arrêt et que nos adieux seraient trop difficiles, j'espère d'ailleurs que les contrôleurs ne t'ont pas attrapé sans billet, j'aimerais de tout cœur te recroiser un jour si le destin nous le permet.

J'aurai aimé dire que nous nous reverrons, Lee Minho, mais je crois que je ne veux pas te revoir, je veux profiter de cette unique rencontre et la savourer de mes souvenirs comme tu m'as appris à le faire.

J'espère profondément que la trop grande sagesse, l'inquiétude et le tracas ne rencontreront pas ta route de sitôt.

Merci, Lee Minho, merci pour tout ce que tu m'as apporté cette nuit.

Merci pour cette six mille neuf cent trente cinquième nuit.

OS datant de 2020 c'est émouvant j'ai même pas eu envie de le réécrire il est bien avec ses défauts

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