Concert et dose de trop

Je revenue donc comme convenu le lendemain soir – voire le surlendemain matin vu l'heure qu'il était – dans ce bar miteux à la réputation douteuse.
En y repensant, je ne savais même plus comment j'y avais atterri la dernière fois.

J'entrai dans la grand-salle moite et tamisée et y vu un jeune homme blond en train de raccorder sa guitare. C'est Kurt, pensai-je, ne pouvant empêcher l'excitation semer le trouble en moi.

Je m'installai sur une chaise en bois style pub anglais – ce bar avait le talent de mélanger toutes les ambiances du monde, du néon glauque aux tabourets british en passant par les poupées vaudous – puis observai longuement le prodige guitariste. Celui-ci ne m'avait pas encore remarqué.

Quand enfin il releva la tête de l'instrument, il accourut vers moi.

- Léna ! s'exclama-t-il. Le concert va bientôt débuter !
Mes yeux papillonnèrent aux quatre coins de la pièce.
- Mais, tu es tout seul ? Je veux dire, où sont le batteur ou, le bassiste par exemple ?

Tout en se grattant la nuque, il me répondit :
- Oh, Kris ne vient pas souvent et puis, j'aime bien composer seul. Commande-toi un truc à boire, j'arrive.

Ce qui serve ici est semblable à de la pisse, mais puisque tu insistes.

Je commandai un tequila sunrise, puis, tout en le sirotant avec amertume – tequila dégueulasse – Kurt débarqua enfin sur scène.

Il se mit à gratter quelques cordes en guise d'introduction puis articula :

C'est un être innocent
Courant à travers le temps
Une créature
Qui pensera mes blessures

Sa voix rauque et si douce apaisait en effet mes blessures, ces blessures du passé si difficile à soigner.
Plus les couplets passaient, et plus j'avais envie de me blottir contre cet être chétif.

À la fin de la chanson, j'applaudis fortement tandis que deux trois pèquenauds se mirent à brayer une langue qui m'était inconnue.

Le jeune homme me rejoignit et me demanda comment est-ce que j'avais trouvé son interprétation. J'aurais aimé lui répondre Oh mon Kurt ! Si tu savais à quel point tes mots transcendent mon âme...
Mais je me contentai d'un simple Génial !

Ses mains tremblaient énormément, je sentis qu'il avait besoin de sa dose. Alors qu'il se dirigeait vers une petite pièce derrière le comptoir afin de subvenir à ses besoins, je lui criai :

- Hé ! Je peux venir avec toi ?

Dans son regard, je remarquai qu'il avait comprit mon intention, ce qui le brusqua légèrement – la culpabilité, que veux-tu. Mais il hocha tout de même la tête en guise de oui.

Je l'observais planter allègrement la seringue fine et froide transportant la dose magique dans ses veines quand il me demanda, brisant l'espace :
- Tu veux goûter, hein ?
Sa voix était presque inquiétée, coupable.

L'héroïne, c'était pas n'importe quoi. C'était même pas un bad trip que je risquais, mais l'overdose. (Je pensai immédiatement au regretté Jim Morrison)

Mais l'occasion qui se présentait à moi était trop tentante, incontrôlable. Et puis surtout, il était là. Je répondis donc un timide oui.

Il coinça le sachet de H entre ses dents avant de soulever ma manche jusqu'au coude. Je le regardais faire avec admiration et angoisse. Il passa plusieurs fois la paume de sa main sur ma peau afin de l'applatir un maximum puis sortit l'aiguille qui venait de servir de sa poche.

Ça y est. L'aiguille était rentrée. Le mal était fait. Quelques minutes passèrent et je ne ressentais pourtant rien.

C'est alors que, tout à coup, je me mise à avoir des nausées et à voir le monde de plus en plus flou. Le visage de Kurt me paraissait désormais loin, loin, loin, et sa voix si tendre résonnait désormais difficilement dans ma boîte crânienne. J'ai vraiment cru que j'allais y passer, que ça y est, mon heure avait sonné.

Ce moment aurait été un pur cauchemar si Kurt ne m'avait pas consolé. Durant tout le trip, je le sentais à mes côtés, me chuchotant des ça va aller, ça va aller. Il était si soucieux de mon état qu'à un moment donné, j'ai même cru sentir qu'il m'embrassait.

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