Bonheur articiel et amis imaginaires
Kurt, qu'il s'appelait donc, ce garçon dont les seules convictions étaient apparemment d'être heureux artificiellement.
Il ôta son bras de mes épaules - la chaleur ouate de son pull laissant place à un vide irremplaçable - puis continua son récit :
- Une adolescence de merde, un divorce de merde, une société de merde... Ce qui me fait survivre c'est ça, dit-il en soulevant la manche de son haut jusqu'au coude.
Au revers de son coude, la peau y était boursouflée, un peu cicatrisée. Je n'étais pas une junkie, mais je n'étais pas stupide non plus ; mon Kurt était un adepte de l'héroïne.
- Avant l'H, il y avait Boddah, continua-t-il. Boddah est encore là. Il sera présent jusque ma mort, voire même encore après, je le sens. Je le vois.
- Boddah est un ami ?
Je fis mine de ne pas comprendre alors que moi-même était une adepte.
- Ouais, c'est ça ! s'empressa-t-il. Un ami, un confident. Les gens disent que je suis fou quand je leur parle de Boddah. Toi tu me comprends, Léna.
Moi, je te comprends hein.
Sur ces paroles, j'eus encore plus envie d'être sur la même longueur d'onde que lui, lui qui semblait, aussi bizarre que cela puisse paraître, heureux. J'eus soudainement le fantasme étrange de partager la même seringue que lui. Que les gouttes de son sang infiltrent mes veines en même temps que ce sucre magique.
Léna, reprends tes esprits ! me sermonna Scotty.
- Je te comprends, je poursuivis, car mon Boddah à moi se prénomme Scotty. J'aimerais beaucoup que tu puisses le voir, seulement il est timide.
Scotty leva les yeux au ciel, pensant sûrement que si Kurt ne pouvait le voir c'était simplement car seule sa tarée de créatrice pouvait le faire.
- Tu joues de la guitare ? je demandai, passant du coq à l'âne.
Il prit place sur le tabouret à ma droite et me répondit, sourire pré-fabriqué aux lèvres :
- Je suis musicien, Léna ! Je compose, tiens, t'as qu'à venir chez moi demain pour que je te montre ! Oh non, mieux ! Je donnerai un concert rien pour toi au bar, ça te convient ?
Si seulement il avait pas été sous H.
Il se mit à jouer avec mes cheveux bruns - jaunes fluo aux reflets du néon - entremêlant ses doigts si délicats dans ces tissus capillaires.
- Je reviens demain, même heure. Tu seras là ?
Kurt passa une main dans ses cheveux sales puis acquiesça :
- Bien sûr, ici c'est chez moi, rigola-t-il.
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