Addiction dystopique

Kurt avait une manière de décrire le monde de telle sorte qu'on l'aurait cru conter une dystopie. Les chiens errants dans des impasses sombres, hurlant et morts de faim, les enfants de plus en plus paumés, de moins en moins sereins. Il allait jusque dire que les gouvernants de ce monde étaient tous plus manipulateurs les uns que les autres et que la population finirait contrôlée. Ce qui m'a le plus marqué était sûrement le fait que nous étions en 1984.

D'un autre côté, Kurt avait dans ces propos cette subjectivité que possèdent certains junkies. Qu'appelait-il la sérénité s'il ne l'avait jamais connue ? En effet, le petit être fragile qu'était Kurt n'avait, semble-t-il, jamais été en paix avec lui-même, et cela dès son plus jeune âge. Il s'était toujours montré réservé, trop précoce pour le reste de ses camarades, prisonnier de cet univers complexe qu'était le sien.

Mon fameux réveil dans sa caravane s'était poursuivi d'une longue discussion dans laquelle nous avions fait écho à notre enfance, nos problèmes et nos peurs de gosses. Il s'était alors confié sur la haine qu'il éprouvait à l'égard de ses paternels, sa mère plus particulièrement, cette dernière qui avait demandé le divorce alors que son fils n'avait que douze ans.

« J'ai eu honte, honte de mes parents, je voulais désespérément avoir une famille classique » affirma-t-il après un shot de vodka.

Je compris rapidement que Kurt était sans cesse à la recherche d'un échappatoire. Petit, son échappatoire avait été la musique, de plus qu'il obtenu sa première guitare à l'âge de raison. Mais en grandissant, la découverte des stupéfiants ne fut pas anodine pour lui, et son addiction à l'héroïne se fit de plus en plus grandissante. Je ne peux dire « son amour » pour l'héroïne car Mr. Cobain n'aime pas l'héroïne. L'héroïne est pour lui ce vieux médicament que vous ne supportez de part son goût ou son aspect mais que vous ingurgitez tout de même pour rester en vie et ne pas clamser de douleurs dans votre sommeil. Du moins, c'est comment est-ce que je l'interprète.

Il n'empêche qu'un soir, alors que je me rendais au bar miteux dans l'espoir d'écouter les psaumes musicaux de Kurt, j'appris par le patron de l'établissement que le jeune guitariste reposait en ce moment-même dans une chambre de la clinique de désintox la plus proche, cela suite à une overdose. Je sentis alors mes yeux se dilater d'effroi, puis ne pus m'empêcher de poser une main sur ma bouche.

- La faucheuse lui a foutu un lapin, ricana le plus âgé. Mais la prochaine fois elle sera au rendez-vous, croyez-moi ou non, mam'zelle.

Le commentaire du barman me foudroya et je sentis comme une baisse de tension en moi, une sensation de chute libre intérieure, comme si l'esprit que stockait mon cerveau s'était échappé jusque dans mes jambes.

Je décidai alors de me rendre à la chambre n°258, là où Kurt avait miraculeusement été laissé.

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