1| Cinq fois où Dazai a fui et deux fois où il est resté

Ici Pika pour ce premier jour ! Sachez que cet OS a été écrit dans une voiture entre les deadlines de la Kacchako Week, aussi je ne garantis pas que ce soit un de mes meilleurs djdj

Nonobstant, il a été très fun à écrire et j'espère donc que vous l'apprécierez autant que j'ai aimé le rédiger ~


1

Entre l'instant où il décida d'utiliser Corruption, quitte à crever de toute manière, et le moment où il tomba violemment au sol alors que ses jambes refusaient de soutenir son poids, Chuuya n'avait qu'une notion confuse de ce qui était arrivé. Il remarquait vaguement avec des yeux voilés par la douleur que la cave où ils étaient enfermés quelques minutes plus tôt ne ressemblait plus à grand-chose, le sol ravagé par divers impacts, de grands sillons ayant creusé les murs. Tandis que sa gorge se remplissait de bile et de sang qu'il cracha par terre, ce fut à peine s'il se préoccupa des formes à peine humaines qui gisaient çà et là, effroyablement immobiles. Il était bien trop occupé à essayer de se débarrasser de la main qui enserrait son bras.

- Oh là, tout doux, l'en empêcha une voix familière, qui le fit grogner de frustration et de soulagement mêlés.

Les derniers restes d'adrénaline disparaissant totalement alors que son cerveau enregistrait qu'il n'y avait plus de danger, Chuuya sentit tout son corps se détendre brusquement et il se laissa tomber en arrière. Pas vraiment de manière volontaire ceci dit, il ne réussissait simplement plus à se maintenir droit.

L'adolescent vit sa chute arrêtée par une paire de bras couverts de bandages et un torse maigre, Dazai accusant le coup avec un oof plaintif.

Quelques secondes s'écoulèrent, le brun se taisant et son partenaire tentant de comprendre pourquoi il n'avait pas continué d'utiliser son pouvoir jusqu'à ce que ce dernier le consume. Une soudaine réalisation le frappa, et s'il avait été en meilleur forme il se serait redressé d'un bon, mais en l'état des choses il ne put qu'ouvrir péniblement les yeux pour affirmer en mangeant à moitié ses mots :

- C'toi qui m'as sauvé.

Seul un marmonnement évasif lui répondit, assez cependant pour que l'incarnation d'Arahabaki comprenne qu'il venait de mettre le doigt sur la vérité. Chuuya, malheureusement, se sentait glisser inexorablement vers une inconscience qui le clamait, son organisme épuisé cherchant à se ressourcer.

- On en parle quand j'reviens, marmotta t-il d'une voix à peine audible.

Dazai se contenta de lui glisser la main sur le visage pour l'encourager à fermer les paupières, et ses mots furent les derniers que Chuuya entendit avant de se laisser aller au sommeil qui l'engouffrait.

- Oui, mais chut, repose-toi maintenant. C'est pas le moment d'avoir cette conversation.

Quand Chuuya reprit conscience, il était emmailloté sous les couvertures d'un lit d'hôpital, Koyo endormie à son chevet. Il lui semblait que chaque cellule de son corps s'offusquait contre la manière dont il avait repoussé ses limites, et se redresser pour observer la pièce lui parut presque impossible.

À côté de son lit, son chapeau nettoyé reposait avec une note à l'écriture familière.

Pas l'ombre de Dazai cependant.

Le rouquin serra les dents.

Lâche.

2

Il était tard, vraiment tard. Ces heures de la nuit où plus aucune activité ne faisait résonner les quais du port de Yokohama, quand la mer elle-même réduisait ses vagues à un doux chuchotement caressant la grève à intervalles réguliers.

Ces heures de la nuit où l'innommable pouvait arriver et être aussitôt étouffé par les ténèbres silencieuses et complices. Le ciel était beau pourtant, avec ses étoiles toutes de sortie. N'importe qui l'ayant vu s'en serait fait la remarque. Du moins c'était ce que Dazai aurait lancé s'il avait voulu briser le mur de silence qui s'était érigé entre son compagnon et lui.

Assis sur la digue aux côtés du rouquin, il ne trouvait cependant en lui aucune envie de changer la manière dont leur relation progressait. Chuuya attrapa la bouteille de vin entre eux pour y boire au goulot -une marque obscure au goût médiocre, mais l'alcool faisait effet et c'était vraiment tout ce qu'ils demandaient.

Le Double Noir venait de frapper et leur mission accomplie les laissait à errer sur quais déserts. Ils n'auraient pas dû être ensemble, ils ne le voulaient même pas, ne trouvaient aucun plaisir dans la compagnie l'un de l'autre. Mais leurs pas les avaient conduit au même endroit, sur ce muret de pierres moussues surplombant une eau morne et sale, alors ils s'étaient juste assis. Sans un mot.

L'un des deux avait apporté l'alcool. Ils ne savaient plus qui. On fêtait une date importante. Ils ne savaient plus laquelle, ou pourquoi.

- Tu sais c'quoi l'pire ? J'leur f'sait confiance à ces bâtards, s'éleva la voix de Chuuya dans le silence de tombeau.

Il mangeait ses syllabes, sous l'effet de l'alcool sûrement, et la main qui ne tenait pas la bouteille serrait le tissu de son pull au niveau de son ventre. Dazai remarqua d'une manière un peu absente les jointures blanches et le regard plein de rage de son coéquipier. Il haussa les épaules.

Le silence ne l'avait pas dérangé, mais il aurait dû savoir que Chuuya finirait par le briser. Il fallait toujours qu'il parle.

- C'est pour ça que ça s'appelle trahison. On peut pas être blessé par quelqu'un qu'on soupçonne, répondit-il donc, assez rationnellement, à ce qui n'avait pas été une question.

Son ton était neutre. Son visage sans expression. Pourtant quelque chose dut déranger le rouquin, peut-être justement cette attitude trop soigneusement insensible. Un masque trop parfait.

- Qui ? s'aventura à demander le réceptacle d'Arahabaki.

Ses yeux bleus reflétaient la lumière de la lune sur les vagues. Il regardait Dazai avec une intensité qui lui fit peur.

Chuuya parlait. Il criait même, plus souvent qu'à son tour, à propos de tout ce qui lui arrivait.

Dazai se détourna, attrapa la bouteille, et se contenta d'y boire.

3

Tout était allé horriblement de travers. Mori leur avait spécifiquement ordonné de laisser le bâtiment intact. Ils avaient fragilisé les murs porteurs et fait s'effondrer l'immeuble. Dazai avait promis de ne pas laisser Chuuya contrôlé par Corruption trop longtemps, mais ils avaient tous les deux des opinions différentes de ce que "trop longtemps" signifiait véritablement.

Ils s'étaient disputés, plus violemment que d'ordinaire. Le plus jeune capitaine de la Mafia Portuaire, comme souvent quand il en venait à son coéquipier, ne savait pas que faire de ce sentiment de contrariété, cette frustration qui l'envahissait à l'idée que le rouquin refusait de lui adresser la parole.

Pire que tout, les membres de l'organisation qu'on les avait envoyés détruire avaient fait partie d'une société secrète au courant de l'existence d'Arahabaki -une des raisons pour laquelle Mori les voulait anéantis. Plus particulièrement, ils avaient cherché à tuer son hôte, jugeant la chose un viol des lois de la nature. Inutile de dire que quand ils avaient compris que l'adolescent ténu se dressant devant eux pouvait accéder à tout le pouvoir d'une divinité en claquant des doigts, la situation était devenue extrêmement tendue.

Ils avaient traité Chuuya d'abomination, de monstre. Le rouquin les avait massacrés, et même Dazai pouvait voir que l'enchaînement de ces événements avait grandement ébranlé son partenaire. Son équilibre était déjà fragile et il venait juste d'entrer dans la Mafia, le brun se serait menti s'il n'avait pas avoué avoir peur de ce que Chuuya faisait exactement derrière la porte close de son appartement.

Il avait attrapé une bouteille d'alcool avant de s'enfermer.

Dazai se tint longtemps sur le seuil, à fixer le bois comme s'il avait pu lui livrer les réponses tant désirées. Il hésita même à frapper, poing suspendu dans l'air.

Toute la nuit il attendit, mais quand la serrure commença à tourner, il fit volte-face.

4

Il avait à peine eu le temps de comprendre les bruits de couloirs qui enflaient, comme quoi Gide avait été éliminé par un plan du Boss, qu'Ango l'attrapait par le bras. Il semblait si terrifié, vêtements d'ordinaire impeccables complètement froissés, lunettes de travers et peau bien trop pâle, que Chuuya n'essaya même pas de se libérer de son emprise. C'était le regard d'un homme traqué, il le connaissait bien.

À demi-mots le vingtenaire, alarmé, essaya de le prévenir d'un chamboulement imminent. Il mentionna Dazai, une idée stupide, mais ne put en dire plus puisque des cris retentirent dans le QG. Ango s'empressa de lâcher le jeune homme, s'éclipsant silencieusement dans les couloirs, pas rapide et tête baissée. Bientôt il ne fut plus qu'un point dans la foule qui ne cessait de croître, avant de totalement disparaître.

Confusément, Chuuya sentait dans ses tripes que c'était la dernière fois qu'il le croisait. Étrange homme. Ils n'avaient jamais été proches.

L'avertissement qu'il avait tenté de lui transmettre à propos de son partenaire tournait dans l'esprit du rouquin sans lui laisser de répit, de concert avec les yeux agrandis de frayeur du si stoïque Ango. Quelque chose d'important se tramait définitivement, et l'hôte d'Arahabaki commençait à se sentir fébrile.

Il avait peur que son idiot de partenaire ne tente encore de mettre fin à ses jours.

Chuuya se précipita à contre-sens de la foule, se frayant un chemin en jouant des coudes et aboyant des ordres. Il était craint et haut-placé. Les mafiosi s'écartèrent d'un seul élan. Il s'efforça de ne rien laisser paraître de la panique qui commençait à le gagner, alimentée par la frénésie apparente de tous ceux autour de lui. Son masque d'irritation permanente lui assura un passage rapide jusqu'aux escaliers, puisque nul n'osa lui poser des questions.

Il descendit les marches quatre à quatre, observant l'état désert des étages où les bureaux fourmillaient habituellement de vie. Ango avait été vague, au mieux, mais Chuuya savait lire entre les lignes. Un seul mot, garage, et il savait exactement où trouver Dazai.

Comme le reste du QG, les parkings étaient vides. Le rouquin courut plus qu'il ne marcha vers les boxes privés que Mori avait accordés à ses plus utiles pions. Comme il s'y était attendu, la porte était relevée, et il apercevait la haute silhouette de Dazai se découper en contre jour devant la lumière des phares.

- Hey, Maquereau ! Qu'est-ce que tu fous ? hurla-t-il, l'agacement cette fois véritable.

Il haïssait sentir cette inquiétude l'étreindre quand on en venait à son partenaire. Il haïssait se savoir attaché. Il n'y avait rien de plus dangereux.

Dazai sursauta, quelque chose de si rare que Chuuya s'en trouva décontenancé. Enfin, le rouquin analysa proprement la scène à laquelle il faisait face, et sa confusion augmenta au moins autant que sa peur.

Ses cheveux se dressaient sur sa nuque et l'adrénaline commençait à faire accélérer son rythme cardiaque. Quelque chose de terrible était sur le point d'arriver, il le sentait au plus profond de ses os.

La moto de Dazai était allumée. Il ne l'avait jamais utilisée depuis qu'Oda lui en avait fait cadeau peu après les évènements de Dragon Head. Les questions de Chuuya moururent sur sa langue tandis qu'il regardait, incapable de bouger, incapable de comprendre, son coéquipier enfourcher le véhicule.

Quand il croisa le regard de Dazai, ses deux yeux plantés dans les siens sans ce bandage qui depuis qu'il le connaissait avait mangé la moitié de son visage, il comprit. Sans mots, il sut ce qui arrivait, pourquoi toutes les cellules de son corps paraissaient frémir et se préparer à un combat.

Chuuya avait fixé son meilleur ami dans les yeux alors que ce dernier lui enfonçait un poignard dans le ventre. Il reconnaissait quand quelqu'un était en train de le trahir.

- Essaye même pas de partir, espèce de connard ! Tu m'as fait signer ici, t'as pas le droit de t'échapper alors que je suis coincé par ta putain de faute ! gronda t-il avec une furie qu'il ne se connaissait pas, l'esprit d'Arahabaki faisant pulser son pouvoir dans ses veines et donnant à sa peau une déstabilisante lueur rouge.

C'était comme si son sang lui-même avait pris feu, mais Dazai l'ignora. Il lui lança son manteau en pleine figure, et dans un affreux crissement de roues démarra l'engin.

Chuuya eut à peine le temps de distinguer la trace d'une larme sur sa joue qui brilla sous la lumière des néons artificiels avant que sa propre moto n'explose.

Soufflé par la chaleur, la tête ayant heurté un pilier bétonné, le rouquin ne put qu'observer, à peine conscient, alors que Dazai lui tournait le dos pour la dernière fois.

5

Cette fois-ci, Chuuya savait qu'il avait exagéré. Tous ses membres hurlaient leur douleur, et il se demandait même pourquoi il persistait à se faire tant de mal, à écouter son stupide ex-partenaire quand il suggérait des idées idiotes. Enfin non, il ne se demandait pas, il avait la réponse. Mais elle le mettait tellement en rogne qu'il refusait de l'accepter.

Il ne faisait pas confiance à Dazai. Il n'avait pas aimé prétendre que tout était revenu à la normale, que le Double Black était ressuscité.

Le sourire moins gardé, soulagé presque, du mafioso-reconverti-détective entra dans son champ de vision et malgré le sang qui lui brouillait la vue, ses yeux troublés de larmes de douleur, Chuuya sourit à son tour. Dazai avait promis de toujours l'arrêter, une éternité plus tôt, et il tenait ses promesses.

Il s'en serait fallu d'une fois pourtant et le brun aurait été libéré de ses serments, de la menace à sa nouvelle vie que le rouquin représentait. Chuuya se demandait s'il avait été tenté de le laisser se détruire.

Impossible à dire quand Dazai souriait comme ça, avec tendresse il aurait pu dire, s'il ne savait pas très bien que son ancien partenaire n'aurait jamais gâché ses maigres réserves d'humanité et d'empathie sur lui. Chuuya le frappa faiblement sur l'épaule, lever le bras lui demandant bien trop d'effort pour ce que c'était, et encouragé peut-être par l'expression ouverte de Dazai, lui demanda de le ramener au QG.

Quelque chose au fond de lui savait pourtant que ç'aurait été stupide pour le détective de s'aventurer ainsi dans ce qui était désormais territoire ennemi, mais il voulait prétendre encore un peu. Dazai paru le comprendre, et Chuuya, encore troublé par les souvenirs que ses deux yeux fixés sur lui faisaient remonter, se demanda si lui aussi aimait se mentir encore un peu à lui-même.

Retarder l'inévitable, se bercer d'illusions, juste pour quelques secondes, quelques minutes.

Lorsque Chuuya bascula en avant, il sentit vaguement Dazai essuyer le sang qui séchait sur son visage, passant peut-être trop de temps à le décoller de ses cheveux. Quand la chaleur de ses mains le quitta, le rouquin sut qu'il s'était levé.

Qu'il allait partir. Encore.

Chuuya avait appris sa leçon. Cette fois il n'essaya pas de le retenir.

+1

Akutagawa paraissait aussi peu stable sur ses jambes que lui, et Chuuya fit de son mieux pour lui épargner trop de peine. Son corps était à ses limites cependant, et les deux mafiosi se soutinrent mutuellement plus qu'autre chose en se dirigeant vers le QG, serrant les dents à chaque pas. La respiration de l'ancien disciple de Dazai sifflait vilainement.

Dazai. Stupide, téméraire, brillant Dazai.

Chuuya venait juste de lui sauver la peau. Il peinait encore à comprendre comment son cerveau sous l'influence de Corruption avait pu ne serait-ce que penser au brun, mais ce dernier apparemment n'avait pas douté qu'une telle chose soit possible. Le rouquin suspectait fortement qu'à ce stade son instinct l'avait fait agir, et il ne savait que faire de la réalisation que son subconscient paraissait se concentrer sur son ancien partenaire plutôt que sur un putain de dragon en chair et en os quand le choix lui était présenté.

Chuuya soupira, grimaçant sous l'effet de la douleur que ce simple mouvement venait de faire irradier dans son corps entier. Plus le temps passait, plus il devenait las de ce jeu. Las de ne pouvoir tourner la page, de devoir dépendre de son ex-coéquipier pour utiliser son pouvoir. Plus que tout, las de toujours le voir se détourner, de le voir sourire comme s'il savait des choses que le rouquin ne pourrait jamais comprendre ou deviner.

C'était sûrement le cas, à bien y réfléchir. Chuuya en avait marre d'être entouré de génies qui s'affrontaient, tout devenait toujours bien trop confus. Et comme d'ordinaire il était celui qui prenait de plein fouet les conséquences.

Pendant les heures d'attente angoissante, il l'avait crié à Dazai, qui n'avait pas daigné le relâcher pour autant, n'avait pas bougé la main de sa nuque. Le brun l'avait regardé comme on examinait une pièce sur le sol. Quelque chose de surprenant mais bienvenu. Se rappeler ce regard donnait juste envie à Chuuya de fracasser le premier mur se présentant à lui.

Tu sauras tout, bientôt.

Le brun avait-il murmuré, la texture rêche de ses bandages contre sa joue rappelant au mafioso d'autres conversations du même genre qu'ils avaient eu, quelque chose comme une vie plus tôt. Le protégé de Koyo se considérait en général comme quelqu'un de raisonnablement confiant, pour un type dans le crime organisé. Mais il n'était pas non plus né de la dernière pluie.

Ces mots, aussi agréables à entendre soient-ils, étaient creux. Rien ne lui serait révélé, et il resterait comme d'ordinaire dans l'ignorance la plus totale jusqu'à ce que Mori, Dostoïevsky ou Dazai ne décident de bouger un pion dans ce jeu avec leurs vies auquel ils jouaient depuis bien trop longtemps.

Une fois le QG atteint, Chuuya fit mécaniquement son rapport à Mori, qui jouait avec un bout de tissu vert et semblait perdu dans ses pensées. Le rouquin avait depuis longtemps appris à ne pas commenter, à la place il s'éclipsa pour se faire prendre en charge à l'infirmerie. Il laissa même Koyo s'agiter à son chevet, pour la rassurer autant que s'assurer de son propre bien-être. Une fois certain qu'il n'avait plus de responsabilités, Chuuya n'essaya même pas de prétendre qu'il n'était pas épuisé.

Il se traîna jusqu'à son appartement, dans un état tel qu'il remarqua à peine que la porte semblait mal fermer, comme si la serrure avait été forcée.

Il se serait probablement effondré sur son canapé si Dazai n'avait pas été paisiblement assis dessus.

- Je crois que cette conversation a quelques années de retard, ma limace, sourit-il simplement.

Chuuya aurait pu hurler. S'enfuir. Pleurer.

Il sourit.

+2

Ses souvenirs se superposaient presque à la réalité tant Dazai fut frappé par une sensation de déjà-vu quand, une fois que tout fut dit et expliqué, Chuuya le gifla. Fort.

Plus jeune, il avait ri, félicité son partenaire sur son crochet du droit en se massant la mâchoire. Désormais il comprenait mieux l'homme en face de lui, et ne fit pas l'erreur de prendre ses tremblements pour de la colère contenue.

Il ne sut pas si ce fut son étreinte ou ses excuses qui provoquèrent enfin une réaction, mais Chuuya s'agrippa à sa chemise, et refusa de lâcher.

S'il ne pleura pas, c'est qu'aucun d'eux n'avait encore de larmes à verser.

Longtemps, Dazai avait évité ce moment. Avait évité Chuuya, et la vulnérabilité qu'il apportait avec lui. Mais son partenaire avait toujours été pour lui une plaie émotionnelle béante que rien ne parvenait à cicatriser, une honte et un regret qui, la nuit, se saisissaient de lui et l'étouffaient lentement.

Il se demandait si le rouquin l'avait haït autant qu'il avait voulu se débarrasser de lui, juste pour ne plus subir ce rappel incessant du passé.

Dazai savait fuir. La mafia. Ses amis. Ses sentiments. La confrontation à laquelle il venait de se soumettre pour exposer à son ancien coéquipier ce qu'il savait de ce qui venait de se passer avec cette soudaine perte de contrôle des pouvoirs et Shibuzawa était un tout nouveau terrain pour lui. Il y entrait avec précaution, pas vraiment sûr de la manière dont il devait se comporter.

Chuuya ne l'aida pas en tirant brusquement sur son col pour écraser ses lèvres contre les siennes sans aucune finesse. Un peu de désespoir se mêla à leur baiser tandis qu'ils cherchaient tous deux une preuve que cette fois était différente, mains agrippant et froissant les vêtements, yeux dorés sous les ampoules cherchant des iris bleus.

Toute conversation à propos de stratégie ou d'ennemis communs fut oubliée au profit d'autres mots, plus doux, plus dangereux.

Dazai n'avait rien de prévu de tout cela quand il s'était imaginé tentant d'établir un nouveau lien avec Chuuya. Il eut un pressentiment que la surprise constante était en passe de devenir son nouveau standard alors qu'il se laissait guider hors du salon.

D'autres souvenirs remontèrent une fois qu'ils ne furent plus couverts par rien d'autre qu'un drap. Ces derniers étaient moins vieux. Plus amers.

Dazai fixa un instant l'homme à ses côtés, hôte d'une force qui n'aurait dû appartenir à aucun mortel. Sous la lumière de la lampe de chevet, sa peau paraissait émettre une lueur dorée, et quand il se tourna et surpris le brun perdu dans ses pensées, il sourit de ce sourire taquin et secret qui ne manquait jamais de donner à son partenaire la nette impression qu'il était à deux doigts du malaise vagal.

Quand Dazai amorça le geste de se lever, comme il le faisait depuis leur première nuit, Chuuya se redressa brusquement pour lui attraper le poignet. Ses boucles rousses, collées par la transpiration à son front, lui frappèrent le visage tandis qu'il secouait la tête.

- Reste ? proposa t-il simplement.

Dazai sentit nettement quelque chose changer dans l'air entre eux.

Il se rassit contre les coussins.

Peut-être était-ce aussi simple que cela.

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