Chapitre 2
Point de vue Gabriel
— Et le Louvre comme point de rencontre ? Tu en penses quoi ? C'est au milieu de Paris et...
— Et j'aimerais beaucoup utiliser ta douche. Vraiment.
Je lui balance un coussin, à cette petite merdeuse. Merde alors, quitte à me planter un couteau dans le cœur, elle aurait au moins pu me choisir des compagnons de galère acceptables.
— Putain, mais Kat, concentre-toi un peu ! Il faut qu'on fasse le bilan.
— Tu veux que je t'aide ?
— Oui !
— Alors, retire ce balai de ton postérieur et indique-moi où se trouve ta douche.
Je ne parviens pas à refermer ma bouche. Je n'en peux plus. Ça fait à peine une heure que cette putain de SDF est chez moi et je n'arrive déjà plus à la supporter. Je sais que j'ai besoin d'elle pour réussir à éclaircir la situation, mais je ne sais toujours pas comment je vais faire pour supporter cette folle.
— Kat... je t'en prie... concentre-toi...
Elle s'assoit en tailleur sur mon lit à côté de moi et soupire. Je n'y fais pas attention jusqu'à ce qu'elle recommence. Je décide encore de l'ignorer, mais elle répète son manège.
— Bon qu'est-ce que t'as ?
— T'es chiant...
Je vais la tuer.
— Kat. Il faut qu'on trouve un point de rencontre dans Paris où tout le monde peut aller. En sachant qu'ils ne sont pas majeurs et qu'on habite tous aux quatre coins de Paris. Je ne m'éclate pas là, je cherche une solution.
— Pourquoi tu as besoin de tout commander ? Tu peux pas laisser les choses se faire sans te casser la tête ? C'est trop dur ?
— Si on ne fait rien, ça ne va pas s'arranger. Tu ne veux pas savoir ce qu'il se passe ?
— Si... mais avant je veux prendre une douche.
Et moi, je veux me réveiller.
Point de vue Mélanie
— Oui ?
— Salut, je ne sais pas comment aborder le sujet donc je ne vais pas tourner autour du pot. Je suis Gabriel et je pense qu'il faut qu'on s'explique tous les quatre. Donc, si jamais tu as le temps pour venir demain vers dix-sept heures au Louvre, ce serait sympa. Je ne sais pas si tu peux demander à ta mère ou à ton père de te conduire, mais si tu ne peux pas, je peux venir te chercher. On est d'accord ?
Je réfléchis en vitesse avant de répondre. Moi, au Louvre, demain, avec trois inconnus. Ça me parait possible.
— Je pense, oui. Mais je veux bien que tu viennes me chercher, si ça ne te dérange pas.
— Ça me va. 16 h 30 ?
— 16 h 30. Je t'envoie l'adresse de mon lycée, ce sera plus rapide.
— Très bien. À demain alors.
— À demain.
Je raccroche et je reste un instant immobile en fixant mon téléphone. On dirait une mauvaise blague, un canular ou un cauchemar. Tout ce que j'espère, c'est que rencontrer ces gens m'aidera à comprendre la vérité.
Point de vue Axel
— Maman ?
Ma mère se retourne vers moi. Elle a le nez dans les papiers comme d'habitude.
— Est-ce que tu penses que tu pourrais m'emmener au Louvre demain ?
— Tu peux répéter ?
— Est-ce que m'emmener au Louvre demain, c'est dans tes cordes ?
Elle lève les yeux vers moi, penche un peu la tête comme si elle ne comprenait pas totalement ce que je lui demandais. Ce n'est pas étonnant, ça sera ma première sortie depuis des mois.
— Pourquoi ?
— Envie d'une petite sortie culturelle.
Elle hausse un sourcil, se demandant certainement ce que je vais bien pouvoir faire au Louvre, seul et après tous ces mois d'isolement. Ça se comprend.
— Très bien... après tout, ça te fera du bien de sortir.
— Tout à fait.
Mirage était d'accord avec ça. Elle me fait un sourire affectueux et je sens déjà une boule qui se forme dans ma gorge à l'idée de lui avoir menti. Je remonte les escaliers, la laissant seule dans le salon. Elle se fait trop de souci pour moi comme toujours. Mon père va bientôt rentrer et je profite de cet instant de paix pour réfléchir à ce qu'il risque de se passer au Louvre. Ça fait bien longtemps que ma vie sociale est morte et enterrée, j'ai bien peur de ne plus savoir comment parler aux autres. Ni même si j'ai un jour su. À chaque fois, je panique et je dis n'importe quoi. Ou rien du tout. Ou dans le pire des cas, je m'enfuis.
Mais aujourd'hui je ne veux plus fuir. Je ne peux plus.
Point de vue Kat
Je me glisse sous la douche et j'allume l'eau, je ne peux même plus réfléchir tellement la sensation est exquise. Depuis combien de temps je rêve de ce moment ?
Oh on s'en fiche.
Je reste cinq minutes sous le jet d'eau bouillant pour ensuite m'intéresser aux produits du flic. Je parcours le panier mural des yeux et remarque qu'il possède un grand nombre de produits cosmétiques tous différents les uns des autres. Un sourire me monte aux lèvres, alors comme ça monsieur-gros-bras aime se pomponner ? Ou alors il y a une madame-gros-bras ? Ensuite, tous les produits sont parfaitement alignés dans le panier. Déjà, qui a un panier mural pour ranger ses produits ? Qui ? Parce que là, tout de suite, je ne vois qu'une personne. Mais bien sûr, monsieur-gros-bras ne peut pas se satisfaire de poser ses nombreux cosmétiques sur le sol comme tout le monde. Non. Monsieur-gros-bras a besoin d'un panier mural. Ou alors encore une fois c'est madame-gros-bras qui est quelque peu maniaque. Je choisis un gel douche et un shampoing et je me lave. Ça peut sembler bête, mais ça fait tellement longtemps que je n'ai pas pris une douche aussi chaude, aussi longtemps et dans d'aussi bonnes conditions que je me mets a faire des bulles de savon sur ma peau, à les laisser glisser, à en apprécier la texture vaporeuse. Et puis j'essaie d'en faire des plus grosses, de les faire s'envoler en soufflant dessus. Je ris comme une gamine de mes bêtises et ça me fait du bien. Ça me fait tellement de bien.
— Kat ? Tu vas bien ?
Ah, je riais trop fort apparemment.
— Oui, je vais bien. On peut pas rire ici non plus ?
Le flic ne répond pas, mais je sens son exaspération jusqu'ici. Après avoir passé dix bonnes minutes sous l'eau, je fixe le miroir embué quelques secondes. Je distingue une silhouette aux cheveux blonds, une serviette enroulée autour d'elle. Je n'ose pas essuyer la buée de peur de croiser son regard, cela fait bien longtemps que je n'ai plus vu son visage. J'ai peur de tomber de très haut. Je passe la tête dans l'entrebâillement de la porte et remarque monsieur-gros-bras assis dans la cuisine en train de s'arracher les cheveux.
— Hey ! Gérard !
— Gabriel, je te l'ai déjà dit et...
Il s'arrête en me voyant. Ses yeux s'écarquillent et je mets de longues secondes à comprendre que c'est sans doute la surprise de me voir aussi peu habillée et aussi propre.
— T'as fini de me mater ? Je peux parler maintenant ?
Il secoue la tête énergiquement et rougit vivement. Ça en serait presque attendrissant.
— Non je... c'est pas que...
— Oui oui, bien sûr. Tu peux me prêter une fringue ? N'importe quoi.
— Je n'ai rien à te prêter.
— Un t-shirt ? T'as pas un t-shirt ? Tu vis nu à longueur de temps ? Je suis une clocharde, je me contente de peu. T'as des draps aussi ? J'ai pas dormi dans des draps propres depuis une éternité.
— Ah parce que tu prends le lit ?
— Évidemment. Je suis une foutue clocharde, si quelqu'un doit profiter du lit, c'est moi. Alors ? J'attends.
Il soupire, finit par se lever et va chercher ma commande dans son armoire. Il en sort un t-shirt blanc, sans imprimé. Je lui fais un grand sourire.
— Merci, Gérard !
Point de vue Gérard
Je reste cinq minutes devant la porte, bouche bée. En quelques heures, j'ai découvert que ma meilleure amie est en fait une menteuse qui n'est sans doute pas ce qu'elle prétend être, j'ai menti sur mon rapport d'intervention, falsifié un dépôt de plainte, emmené la SDF la plus sans-gêne de Paris chez moi et parlé à des gamins que je ne connais pas.
Tout va bien, je vais bien.
Kat sort de la salle de bain. J'ai encore le choc que j'ai eu en la voyant tout à l'heure sortir de la douche. En dehors du fait qu'elle est maigre et fatiguée, elle a un très beau visage et de très beaux yeux. Un regard vraiment saisissant. Cela me fait bizarre de voir une femme porter mon t-shirt, mais j'imagine que je vais devoir m'y habituer. Je sors de la chambre et m'allonge sur le canapé en doutant fortement de ma capacité à m'endormir.
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