Chapitre 7 : La Réponse de l'Exorciste
Oncle Oscar avait décidé de l'entrainer en Enfer. Littéralement.
Les ongles plantés dans son cou, il l'attira dans le miroir de poche avec une aisance qui fit monter un vent de colère en elle. Ha non ! Elle n'allait pas se laisser avoir si facilement !
-Lâche-moi ! cria-t-elle en saisissant le poignet d'Oscar, les talons plantés dans le sol pour éviter d'entrer dans son monde.
Les petits démons se mirent aussitôt à lui mordre les chevilles, pour lui faire lâcher prise. Non ! C'était bas, comme attaque ! Maudits...
-Tu vas regretter d'avoir choisi le pire des démons pour te protéger !
Le pire des démons ? Parlait-il de Bérith ?
-Je ne viendrais pas avec toi !
-Oh si...
Une dent se planta profondément dans son mollet, la déséquilibrant. Alors, Oscar en profita pour la tirer fortement en avant. Aliénor tomba tête la première dans le miroir. Juste avant de s'y engouffrer, elle se transforma en louve.
Elle ne sentit ni le passage, ni ne se demanda comment, avec sa taille, elle pouvait entrer dans un miroir de poche. Tout ce qu'elle vit, ce fut son Oncle. Vêtu de noir, ses cheveux blonds faisant ressortir le violet de ses yeux, il semblait plus démoniaque que jamais.
-Je te tiens, gamine, gronda-t-il.
Sa première réaction fut de mordre : malheureusement, la prise sur sa gorge l'en empêchait. Son Oncle éclata d'un rire cruel, faisant pointait l'affolement en elle. Ce qui, immanquablement, le fit se retransformer en humaine. Nue, pour arranger les choses.
-La deuxième fille des Millicent... Tu es déjà bien grande...
-Lâche-moi..., gargouilla-t-elle en battant des pieds.
Suspendue dans le vide, elle se trouvait vraiment en mauvaise posture.
-Tu vas être sacrifiée, Aliénor, ricana Oscar. Pour tout ce que tes parents m'ont fait. Pour t'être alliée à ce maudit Bérith !
-Vraiment ?
Le timbre fit rater un battement de cœur à Aliénor. La seconde suivante, un poignard se plantait dans l'avant-bras d'Oscar, lui faisant lâcher prise. Elle serait tombée si on ne l'avait pas empoignée par la taille. Deux bras l'enlacèrent, un souffle chaud à son oreille murmura :
-Surtout, ne crie pas.
Quoi ?
Elle comprit, à l'instant où ils furent propulsés en arrière. Oscar rugit de rage, et soudain, elle se retrouva dans le petit salon de la maison. Le miroir de poche se brisa en tombant sur le sol. Un sol calciné, empestant le souffre à l'instar du reste de la pièce.
Essoufflée au possible, toujours dans les bras de son sauveur providentiel, la jeune femme ne réagit même pas quand la porte s'ouvrit à la volée, sur Florentin.
-Alié... Heu...
Il se figea. Alors, elle réalisa une chose : les meubles renversés, sa nudité, et l'individu dans les bras duquel elle se trouvait. En se dandinant, elle croisa le regard de Bérith, dont le sourire confus était clair.
-Oups.
Et il se dématérialisa, la faisant s'étaler sur le sol.
-C'était quoi, ça !?Aliénor !
-Attends, Florentin ! Ce n'est pas ce que tu crois !
-Et qu'est-ce que je crois !? rugit-il en claquant la porte derrière lui... Aussitôt ouverte par leurs parents.
-Ouch, c'est quoi, cette odeur ?
-Pourquoi, ma fille, demanda calmement le Duc de Millicent, es-tu nue dans le salon ?
-Et pourquoi, ajouta Florentin, bras croisés, le Comte Jehan vient-il de sortir en courant de la pièce ?
Des sueurs froides coururent dans le dos de la jeune femme. Où se trouvait Bérith quand on avait besoin de lui !?
-Je...
-Un démon vient de l'attaquer. Ne sentez-vous pas cette odeur de soufre ?
Lord Abiscon fit sursauter tout le monde. Son haut-de-forme en biais sur sa tête, sa chemise légèrement déboutonnée, il avait vraisemblablement couru pour arriver jusqu'ici. Soudain gênée par sa nudité, Aliénor remercia le ciel que son père la couvre aussitôt de sa veste.
-Encore ce maudit Oscar !? explosa Angèle. Comment !?
-Par le miroir, s'exclama la jeune femme, ravie de l'intervention de Hawk. Des diablotins sont apparus pour m'immobiliser, quand l'un d'eux a positionné un miroir à main devant moi. Le bras de notre oncle en est sorti pour m'entrainer dans les Enfers.
Le regard que lui adressèrent ses parents fit figer son sourire sur ses lèvres.
-Tu es allée en Enfer, ma chérie ? fit Angèle d'une voix blanche.
Elle hocha du chef. Rodolphe blêmit, tandis que ses parents échangeaient un de ces regards dont ils avaient le secret. Puis sa mère tourna les talons, le dos bien droit.
-Je vais faire détruire tous les miroirs de cette maison, déclara-t-elle.
-Florentin, peux-tu effectuer une surveillance aérienne ? demanda le Duc de Millicent, une main sur l'épaule de sa fille. Il est de plus en plus urgent de mettre la main sur les satanistes.
Le Marquis déploya aussitôt ses ailes, avant de sortir par la fenêtre.
-Aliénor...
Son père baissa les yeux sur elle. La détermination qu'elle y lut l'inquiéta.
-Je ne te cacherai rien, ma chérie : mon frère Oscar tente par tous les moyens de revenir sur ce plan du monde. Pour les démons de sa puissance, seul un sacrifice peut lui permettre de passer les barrières. Malheureusement...
-Tu es celle qu'il tente de sacrifier, acheva Hawk, comme Rodolphe ne finissait pas sa phrase.
Oh. Oh... Oh ! Diantre ! Bigre ! Elle allait devoir se montrer beaucoup plus vigilante, à l'avenir ! Elle...
-Lord Abiscon, puis-je vous confier la garde de ma fille ?
Son cœur rata un battement. Encore. Faisait-elle de l'arythmie ?
-Bien entendu, Duc de Millicent.
*
Vraiment, un exorciste était parfaitement qualifié pour veiller sur une femme cible d'un démon plus psychopathe que les autres, et d'un autre à qui elle avait vendu son âme. Toutefois, une fois face à face dans l'antichambre de ses appartements, Aliénor sentit l'inquiétude poindre en elle.
Ils étaient seuls.
Seuls, et ils n'avaient toujours pas abordé les évènements sensuels de la nuit dernière. Événements avortés, par ailleurs.
De nouveau vêtue, la jeune femme posa sa tasse de chocolat chaud devant elle, l'odeur du soufre lui ayant tantôt coupé l'appétit. Elle mangerait au diner de ce soir.
-Alors, Hawk... Dis-moi, que s'est-il passé dans la chapelle ?
À cause de Bérith, elle n'avait pu rester. Maudit Bérith... Quoique, elle allait certainement devoir le remercier. Oh non... Allait-il réclamer un « paiement » comme la dernière fois ? Pour une fois, Hawk se méprit sur la rougeur à ses joues.
-Aliénor... Nous devons parler.
Nous devons parler... Rien de bon ne sortait d'une conversation commençant par cette phrase. Malgré elle, elle sentit le sang se retirer de ses joues. Les coudes posés sur ses genoux, penché en avant, Hawk avait une mine affreuse, des cernes noires sous ses beaux yeux vairons.
-Je... J'ai le regret de te dire que l'emportement de la dernière nuit... Ne se reproduira plus.
Étrange. Elle avait soudain l'impression d'être dissociée de son corps. Tout en s'y trouvant terriblement attachée. Puis, comprenant qu'elle devait répondre, elle y retourna brutalement, pour adresser un sourire amusé, bien que forcé, à l'exorciste.
-Tu considères cela comme une erreur, je présume ?
L'observant attentivement, il hocha la tête.
-Au nom d'un dieu qui considère toute mon existence comme païenne ? continua-t-elle en récupérant sa tasse de chocolat chaud.
-Je suis un exorciste, Aliénor. J'ai juré de servir Dieu jusqu'à ma mort.
-Vraiment ? Elle risque d'arriver bien plus tôt que prévu si tu restes une seconde de plus dans cette pièce.
Il fronça les sourcils. Le regard dur, elle le fixa par-dessus le rebord de sa tasse.
-Ne le prends pas ainsi. Tu sais ce que je veux dire...
-Dehors, lord Abiscon. Votre présence tout comme votre visage m'incommodent.
Sa bouche s'ouvrit se referma. Il marmonna quelque chose dans sa barbe. Elle fit mine de ne pas l'entendre, trop concentrée à avaler posément sa gorgée de chocolat sans s'étouffer avec. Juste avant qu'il ne sorte, elle ajouta :
-Sachez que je vous aimais. Mais c'est à présent du passé.
Il s'arrêta un instant, la main sur la poignée. Puis il sortit, sans même la regarder.
Elle contempla longuement l'horloge trônant sur le manteau de sa cheminée. Lorsqu'elle pensa de nouveau à boire son chocolat, il était glacial. Fichtre ! Combien de temps était-elle restée dans cet état végétatif, l'esprit complètement bloqué sur le visage de Hawk !? Un visage coupable, sans le moindre doute.
Sa main était ferme lorsqu'elle reposa sa tasse, peut être un peu fort. Quel cuistre ! Quel goujat ! Quel... Quel... Elle avait envie de lui mettre la raclée de sa vie ! De le battre comme plâtre jusqu'à lui faire comprendre qu'on ne joue pas ainsi avec le cœur d'une femme !
-Tu te décides enfin à bouger ?
Elle sursauta à peine en découvrant Bérith, l'épaule appuyée contre l'embrasure de la porte de sa chambre. Décontracté, empestant le soufre, il ne souriait pas.
-Depuis combien de temps es-tu là, toi ? cingla-t-elle, tout en envisageant de reporter sa colère sur lui.
-J'écoutais aux portes. C'est un sacré cuistre, ton petit exorciste.
-La ferme ! Ce n'est pas mon exorciste !
-Apparemment. Alors, dis-moi... Tu as essayé de faire des galipettes avec lui près de la chapelle, c'est ça ?
Il sourit. Il sourit, le scélérat !
-Va te faire foutre, Bérith !
-Ouh... Ma petite cochonne, tu insultes un démon ?
-Un démon, dieu, le ciel, la lune... Je crache sur tout ça pour les soixante prochaines minutes, ça te va !? J'ai pas assez de problèmes comme ça en ce moment, non !? Il faut en plus qu'il en rajoute une couche en me jetant son mépris à la figure !
-Tu parles de lord Abiscon, là ?
-Qui d'autre !? hurla-t-elle.
-Aliénor !?
Aurore de Millicent ouvrit la porte donnant sur le couloir, inquiète d'entendre sa sœur crier de la sorte. Cette dernière pivota vers elle en hurlant presque :
-Dehors !
Aussi s'exécuta-t-elle sans demander son reste, les sourcils haussés. Prête à faire la peau à Bérith, elle se retourna vers lui... Il en profita pour bloquer son visage entre ses grandes mains, et l'embrasser à pleine bouche. Surprise, elle chercha à se défaire de son emprise... Malheureusement, il savait y faire. En cinq secondes, elle perdit pied, entrant dans cette valse sensuelle à son tour. Quand leurs lèvres se séparèrent, à bout de souffle, elle se serait écroulée au milieu de ses jupons s'il ne l'avait pas enlacé. Un bras autour de sa taille, son autre main lui caressant doucement le dos, il ne pipa mot.
Elle mit ce moment de silence à profit pour se rappeler ce qu'elle faisait avant ce baiser.
-Heu... Bérith ? Pouvez-vous me lâcher ?
-Mmh ? Je réfléchis, Aliénor.
Pas de "petite cochonne" ? L'heure était grave. Inquiète, elle se dégagea, heureuse de tenir sur ses jambes. Ses yeux noirs rencontrèrent les siens, insondables. Puis il lui sourit, effaçant toute trace de tourment intérieur.
-Je me demandais à quelle torture j'allais soumettre ton exorciste.
-Quoi !?
-Oh, ne t'en fais pas, ce ne sera pas pour tout de suite. J'ai des affaires à régler en Enfer avant. C'est pour ça que je suis venue dans ta chambre, au départ : pour t'annoncer mon départ pour quelques jours.
-Fantastique. Je vais récupérer toute la place dans mon lit.
-En attendant, soit gentille. Cesse de tenter de donner ta virginité au premier imbécile venu.
Elle rougit jusqu'à la pointe de ses orteils.
-Bérith !
-Ne me prend pas pour un sot, ricana-t-il en reculant. Néanmoins, je ne te laisserai pas sans moyen de contact.
Il se pencha sur le sol, pour y apposer ses deux mains. Ses ailes marron mouchetées de blanc apparurent dans son dos, lui faisant craindre le retour imminent de sa sœur ainée. Un amant, elle pouvait encore trouver un mensonge pour expliquer la situation. Mais un démon ? Aurore risquait de lui arracher la tête !
-Qui a dit que je souhaiterai vous contacter ? crâna-t-elle en croisa les bras sous sa poitrine.
-As-tu seulement pensé à me remercier pour le sauvetage de tantôt, Aliénor ?
Oups. En réalisant son oubli, elle fit grise mine.
-Heu... Merci. Sans ça, Oscar aurait probablement...
-Ouvert ta gorge comme celle d'une truie sacrificielle.
-Hé !
Son exclamation se perdit dans une décharge de pouvoir, qui illumina la pièce de mille feux. Un instant aveuglée, elle papillonna des paupières. Sur le sol, aussi bien sur le parquet que sur le tapis, des symboles cabalistiques s'entrelaçaient, jusqu'à former un pentacle de la taille de la pièce.
-Heu...
-Appose tes mains dessus, lui lança-t-il en se redressant, et invoque-moi. Allez, à plus.
Sur quoi il disparut, la laissant sans voix face à l'état de son petit salon.
-Aliénor de Millicent !
Aurore revenait à la charge. Cette fois-ci elle entra de son propre chef, l'air relativement calme, les poings sur les hanches. Elle ne parut pas s'apercevoir de la présence des symboles sur le sol. Bon. Déjà un bon point.
Un peu sonnée par les récents évènements, elle avisa sa sœur d'un air un peu tendu. Qu'allait-il lui arriver, encore ? Le mariage était annulé ? Une bande de zombies attaquait dans le jardin ?
-Peux-tu me dire ce qu'un homme faisait dans ta chambre ?
Ha. Donc, elle l'avait vu.
-Et pourquoi Hawk est-il assis dans le couloir, l'air malheureux comme une pierre ? Tu l'as rejeté, c'est ça ?
-P... Pardon ?
Comment ça, rejeté ?
-Réponds ! Qui était cet homme !?
-Comment ça, Hawk a l'air malheureux !?
Le comble ! Le comble du comble !
-Ne cherche pas à détourner la conversation, jeune fille !
-Mais c'est toi qui...
-C'est pour l'autre, n'est-ce pas ? Celui qui est sur toutes les lèvres depuis son arrivée ?
L'air goguenard d'Aurore lui arracha un moment de silence... Avant qu'elle ne comprenne.
-Oh non, non, non ! s'exclama-t-elle en agitant un doigt négatif devant elle. Non ! Je ne suis pas amoureuse de Bérith ! Ce n'est pas ce que...
-Je crois ? Oh, petite sœur... Ton cœur de pierre s'est enfin ouvert !
Contre toute attente, elle la prit dans ses bras, pour la serrer contre sa volumineuse poitrine. Un peu surprise, Aliénor lui rendit son étreinte, tout en cherchant ses prochains mots. Il y avait maldonne. Ce n'était pas du démon, dont elle était amoureuse. C'était... Ce fut de...
-Ce n'est pas moi qui te blâmerai de l'avoir mis dans ton lit avant le mariage, continuait sa sœur avec emphase.
-Aurore ! Je ne suis pas...
-Vraiment ? Pourtant, je croyais.
-Non. Je ne suis pas... Oh, Aurore... Si tu savais !
Voilà ! Elle avait les larmes aux yeux, à présent. Uniquement à cause de Hawk ! Si seulement elle ne l'avait jamais aimé... Si seulement ils ne s'étaient pas rapprochés à Paris ! Si seulement... Il n'avait pas été un exorciste...
-Aliénor ? s'inquiéta Aurore. Si tu m'expliquais tout ?
Malheureusement, elle ne le pouvait pas. Cela impliquerait de révéler son pacte avec le démon. D'avouer avoir passé des nuits dans le même lit que lui. D'avoir tenté de perdre sa virginité avec l'homme qu'elle aimait. Homme qui venait de la repousser, définitivement.
-Ça te tente d'aller courir dans les bois ? proposa-t-elle à la place.
Aurore plissa les paupières.
-Non, trop dangereux. Si nous allions plutôt voir Mamie Millicent ? Une petite prédiction ne te ferait pas de mal, non ?
Un filet de sueur froide courut dans son dos. Mamie... Si elle voyait dans les cartes qu'elle allait donner son corps à un démon, elle ne donnait pas cher de sa peau.
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