Chapitre 11
Le jour-même. 20h.
June.
Depuis la révélation de Jane, j'occupe une des tables de la bibliothèque. Je croule sous les grimoires, les listes de sortilèges et les idées de potions.
Malheureusement, rien de tout cela ne sera utile. La plupart n'ont aucune véritable valeur défensive ou offensive. Je suis coincée. Aussi douée qu'elle soit, sans plan d'attaque concret, Jane ne s'en sortira pas.
L'échec n'est pas admissible, je ne peux revenir à elle les mains vides. Ma jambe tapote nerveusement le sol.
Un léger raclement de gorge m'est adressé. Je le reconnaitrais entre mille, ce n'est pas la première fois qu'elle me le destine et sûrement pas la dernière. McGonagall.
Je sécurise d'un regard la zone. À cette heure-ci, personne ne nous surprendra.
-Pourquoi n'es-tu pas à table avec les autres June ? Tu ne rates jamais le jeudi soir, c'est le jour des lasagnes.
-Je n'en raffole pas tant que cela.
Ma tutrice arque un sourcil. Elle s'attable à mes côtés.
-Je t'ai surprise plusieurs fois courant presque pour y goûter, tu ne me duperas pas jeune fille.
Elle peut se montrer si entêtée lorsqu'elle le souhaite. Je soupire,
-Je l'admets, je les adore. Je ne savais pas que tu faisais attention à ce genre de choses.
-Lorsqu'il s'agit de toi, je fais toujours attention. Tu es ma petite après tout.
-Nous avons toujours été claires à ce sujet. Vous n'êtes pas ma...
-Je ne suis pas ta mère, je le sais parfaitement.
Son ton est calme, sans jugement pour ma froideur. Tout comme moi, Minerva n'excelle pas dans les émotions. Pourtant, elle dévoile occasionnellement des brides de ses sentiments de façon imprévue. Elle n'exige aucune réponse, aucun sourire, je crois qu'il lui suffit que je le sache. Je poursuis mes recherches.
-Pourquoi rater ce repas alors ? Qu'est-ce qui te tracasse ? Je te trouve un peu pâlotte June.
Avec la paume de ma main, je survole l'ensemble des manuels. Ma tutrice en empoigne un, surprise.
-Est-ce pour un devoir ? C'est bien la première fois que je te vois réviser.
-Ce n'est pas pour un devoir.
Minerva clos brutalement le grimoire,
-June, que se passe-t-il ? As-tu des problèmes ? Quelqu'un t'intimide ?
La vitesse à laquelle son visage passe de la candeur à l'inquiétude m'impressionnera toujours. J'exclue son idée d'un revers de tête.
-Aucun, tout va bien. J'ai juste une affaire à régler.
Elle croise les bras, peu convaincue. Un silence envahit la bibliothèque. Pour seule nuisance, mon pied qui continue de tapoter frénétiquement le sol malgré lui. Son cri soudain me fait tressaillir,
-Je le savais quelqu'un t'intimide ! Donne-le moi nom de cet avorton, je...
Je roule des yeux. Si je ne l'interromps pas maintenant, je suis condamnée.
-Celui qui m'intimidera n'est pas né! Ce n'est pas pour rien qu'uniquement dix personnes osent m'adresser la parole dans le château. Je vais très bien, je t'assure.
-Sincèrement ?
-Tu ne veux pas non plus que j'émette un serment inviolable ?
-Très bien...
Ses épaules se relâchent. Les autres élèves seraient surpris de découvrir la femme qui se dissimule sous ses traits sévères. Je me surprends parfois à penser qu'il est dommage qu'elle n'ait pas eu d'enfants. Elle aurait sûrement été parfaite dans ce rôle.
-Et cette affaire, pourrais-je t'aider à la résoudre ?
Le clapotis de ma jambe cesse. Je la contemple un instant. Une minute d'hésitation. Je serais presque tentée de m'épancher sur elle. Mes doigts arrêteraient sans doute de trembler en tournant les pages si je le faisais. Je me sens responsable de ce qu'il arrivera à Jane si je ne la forme pas suffisamment. Cette fois, il ne s'agit pas d'un simple examen, mon amie n'aura probablement pas de seconde chance si les choses venaient à dégénérer.
À la place, je me contente de demander,
-Tu ne me penses pas capable de résoudre mes problèmes seule ?
Sa bouche s'entrouvre, elle ne devait pas s'attendre à cette question.
Je suis nullement vexée. C'est une réelle interrogation. Pour la première fois depuis longtemps, un autre point de vue sur ma personne m'importe. En cet instant, j'ai moi-même l'impression de ne pas être à la hauteur. C'est effrayant de ne pas avoir de coup d'avance, de ne posséder aucune certitude que les choses fonctionneront comme nous le souhaitons. Jane aurait peut-être dû s'adresser à une personne plus qualifiée.
-June... souffle-t-elle. Je ne te tends pas la main parce que je ne crois pas en toi voyons. Je sais pertinemment que tu sors toujours la tête de l'eau, peu importe ce qui te tombe dessus.
-Alors pourquoi ?
Minerva me sourit. Elle caresse le dos de ma main tendrement.
-Sans doute car cela m'inquiète de toujours te voir te débattre seule. J'aimerai t'être d'une quelconque utilité, rien qu'une seule fois. Je souhaiterai que tu me demandes mon aide lorsque tu en ressens le besoin. Tu es bien trop jeune pour traverser tant d'épreuves seule.
Une onde de chaleur. Ma poitrine en est submergée. Ce sont des simples mots, pourtant ils m'enveloppent dans mon intégralité. Cette douceur, elle seule sait me l'apporter. Dans des moments comme celui-ci, son réconfort me fait tellement de bien qu'il serait presque douloureux. Il me donne envie de flancher, de la laisser prendre les commandes, de lui confier un peu de mes fardeaux. Je ne l'ai jamais autorisée à me serrer dans ses bras. Je ne deviendrais pas la femme forte que je souhaite bâtir si je craquais.
-Vous devenez un vrai cœur d'artichaut avec les années professeure McGonagall.
Son rire cristallin calme un peu l'ouragan qui agite mes pensées.
-Tu n'as pas tort là-dessus, je deviens plus mielleuse avec la vieillesse. Je dois te laisser, je suis de garde ce soir.
Sa main quitte doucement la mienne. J'aurai souhaité qu'elle reste plus longtemps, mais ça, je ne lui confesserai sans doute jamais.
-Minerva?
Son chapeau de sorcière s'oriente vers moi. Elle se tourne, toute ouïe.
-Tout à l'heure, tu as dit que tu aimerais m'être utile, rien qu'une fois.
-Exact.
-Tu l'as été, en fait tu l'es toujours. Je n'aime pas beaucoup la magie, c'est vrai, toutefois si tu n'avais pas été là, je ne serais pas à Poudlard aujourd'hui et je n'aurai jamais rencontré les filles. Alors merci pour cela.
-Oh.
Ses pupilles s'humidifient. Cette scène me fait étrangement mal au cœur. C'est le premier compliment que je lui accorde après toutes ces années. Minerva tapote son visage de son mouchoir en dentelle,
-Je suis décidément un véritable cœur d'artichaut, sanglote-t-elle, tu avais raison. Courage pour ton "affaire", ne te couches pas trop tard, d'accord ?
Au loin, je la vois saluer Fred. Le Weasley, désorienté, marche jusqu'à moi.
-Tu sais ce qu'il se passe avec le professeur McGonagall? Elle n'avait pas l'air dans son assiette.
Je hausse les épaules,
-Aucune idée.
-Sinon,
le rouquin glisse son postérieur sur le siège voisin. Son visage se fourre contre sa main, ses sourcils ont enclenché le mode séducteur.
-tu as réfléchis à ce que je t'ai dit ce matin à ce que je vois. Je suis ravi que tu veuilles aussi qu'on passe plus de temps ensemble.
J'en conclu qu'il a eu le temps de s'imaginer bien des choses avant son arrivée ici.
-Que dirais-tu de passer cette nuit en ma compagnie pour commencer ?
Ma proposition prend de court le grand charmeur. Dire que le Weasley est estomaqué serait un euphémisme. Je profite de sa stupéfaction pour ordonner les piles de documents empruntées à madame Pince.
-Waouh... je ne m'y attendais pas à celle-là. Ce n'est pas la première fois que je ne te suis pas, mais là...
-Donc c'est non ?
-Ce...ce n'est pas ce que j'ai dit !
Enthousiasmée, je me lève d'un bond.
-Tant mieux !
Je confie au rouquin une des piles à remettre sur les étagères.
-Toi et moi avons des documents à emprunter dans la réserve cette nuit, tiens-toi prêt.
-PARDON ?
Le corridor menant à la bibliothèque est plongé dans la pénombre. Les fragments de lumière que nous offre la lune ne seront plus suffisants une fois arrivés à la réserve.
-Tu es vraiment sûre de toi ? insiste Fred.
-Certaine ! Allons emprunter ses parchemins interdits Weasley.
Bien que nous soyons parvenus à déjouer la surveillance de Paige, cela ne nous assure pas la réussite de ce plan pour autant.
-Pourquoi ne pas avoir mise Malfoy dans la confidence ?
-Si on venait à se faire surprendre, elle devrait endosser une partie de notre punition. Son dossier irréprochable serait compromis.
-C'est sûr que les nôtres ne risquent pas grand-chose, concède-t-il.
En constatant l'espace entre nos deux corps, le Weasley s'empresse de se rapprocher.
-C'est étrange. Georges me propose des plans plus que foireux à longueur de temps et je ne flippe jamais d'ordinaire.
J'hésite à me retourner pour contempler l'expression mal assurée du garçon, seulement cela lui laisserait le champ libre sur la fierté qui domine la mienne. Je bombe la poitrine, le menton haut, la posture confiante. Le gryffondor critique mon idée, toutefois il me suit à la trace.
-Alors comme ça je t'intimide Weasley?
Fred vérifie une fois de plus que nous ne sommes pas suivi avant de répondre,
-Disons simplement que je connais les limites de mon jumeau, pas les tiennes. Ce n'est pas le fait d'aller dans la réserve qui m'inquiète, mais plutôt l'utilité que tu réserves à tes trouvailles. Qu'as-tu en tête exactement ?
-Imagines le pire et tu seras encore loin.
-Tu me rassures vachement... Donc si je comprends bien nous...
Le rouquin m'empoigne soudain par la taille. Il me pousse dans une impasse aussi étroite que l'esprit de Lucius Malfoy. Fred vient ensuite agglutiner son épaule contre la mienne. L'obscurité est telle qu'il serait impossible pour un surveillant de nous détecter à moins d'illuminer précisément l'endroit.
-Ta poche arrière droite, articule-t-il.
L'urgence qu'il exprime réprime la moindre question. Je me mouve douloureusement. Du bout des doigts, je parviens à retirer une minuscule boite en acier de ma poche. Une autre de leurs drôles d'inventions.
-Qu'est-ce que c'est ?
-Je n'ai pas le temps de t'expliquer. Tu m'as choisi comme complice, je te rappelle. Je connais ce château et ses gardes mieux que certains professeurs, fais-moi donc un peu confiance ! Miss teigne surveille cette partie du château, dépêches toi de l'ouvrir !
-Un tel drame pour une simple chatte ? Nous n'avons qu'à la faire fuir avec de grands gestes.
Je ne peux le voir pourtant je devine le jugement qu'il me porte. Fred marmonne comme un vieillard le ferait sur l'inconscience des nouvelles générations. Ses doigts viennent effleurer les miens afin de dégoupiller l'objet.
-Pff, encore si naïve. Tu penses sincèrement que Dumbledore confie la garde de cette école à Rusard pour ses compétences ? Cette chatte, comme tu la surnommes, est un véritable tyran. Georges et moi avons payé le prix fort pour l'avoir sous-estimé durant notre première année. Nous la redoutons bien plus que son maître.
Un léger cliquetis. Je clos mes paupières, me préservant du moindre choc. Aucune détonation, pas le moindre faisceau lumineux. J'entrouvre un œil.
-Ton bidule est défectueux?
-Défectueux ? s'offense le gryffondor. Pour qui me prends-tu voyons ? À l'heure qu'il est la boule de poils est loin d'ici.
-Indétectable aux sens humain, intelligent.
-Je sais.
-Vantard.
-Les termes appropriés sont " conscient de l'envergure de son talent".
-Si tu y tiens...
Nous nous séparons de notre cachette.
-Nira me trouve fantastique tu sais.
Je me projette intérieurement les visages des filles de Poudlard avant de me rappeler que l'effort est inutile. Je n'ai jamais prit la peine de retenir leurs prénoms.
-Qui est Nira? Une gryffondor?
Il rit,
-Tu n'as pas encore rencontrée l'elfe de maison de Lancaster? Elles ne sont pas quittées de la journée.
Décidément, je ne cesse d'en apprendre sur Jane aujourd'hui.
-Et dire que je suis considérée comme l'un des personnalités les plus étranges de Poudlard. Après Abby et ses buffets à volonté, voilà que Paige se trimballe avec sa plante et la troisième avec son elfe. Ils me mettent en seconde position après Lovegood, ils devraient sérieusement repenser leur podium.
-Qui se ressemble, s'assemble.
La réserve est à portée de main. Miss Teigne était la seule barrière encore dressée sur notre chemin. Nous disposons de quelques minutes de tranquillité. J'ouvre avec une prudence infinie chaque œuvre et retranscrit les informations intéressantes sur un bout de papier. Le garçon n'a aucune conscience de ce que je recherche, il ne peut donc m'apporter la moindre aide. Les bras ballants, le gryffondor détend l'atmosphère par les plaisanteries dont il a le don.
-June, est-ce que tu sors avec la brute de Durmstrang?
Je lève le nez des consignes d'un puissant sortilège. Pour seule réponse, je me contente de grimacer.
-Tu crois sincèrement que c'est le moment pour ça ?
-Tu n'as pas tort.
J'ai à peine le temps de me plonger dans une nouvelle étude qu'une seconde offensive paraît.
-Et Lavande alors ?
-Mais qu'est-ce qu'elle vient faire là-dedans Brown ?
Fred ne fuit pas la conversation cette fois. À son expression, je comprends qu'il garde ses questions depuis un moment.
-Elle meurt de jalousie dès que nous nous parlons et elle n'a pas cessé de dévisager la brute de la semaine.
-Arrêtes de l'appeler la brute par pitié. Il n'a rien de quelqu'un de violent.
Il coopère.
-Pour Brown, je pensais qu'elle était passée à autre chose. Je flirtais un peu avec elle l'année dernière, l'histoire s'est résumé à quelques nuits. On s'était mises d'accord avant.
-Oh.
-Ça te dérange ? Je suis aussi attirée par les filles, tu l'as toujours su.
-Non, ce n'est pas ça.
Je finis de retranscrire le septième sortilège de ma liste.
-Alors qu'est-ce que c'est ?
Des bruits de pas. Rusard relaie sa chatte. Nous désactivons précipitamment la lueur de nos baguettes.
Je n'ai aucune idée de comment au juste Fred a pu nous sortir de ce bourbier pourtant il y est parvenu. Le rouquin me raccompagne à mes dortoirs. Mes trouvailles ont été fructueuses, il ne me reste plus qu'à mettre en pratique mes idées avec Jane.
-Au fait ?
Le rouge et or qui demeurait silencieux, m'accorde enfin son attention.
-Nous n'avons pas terminé notre conversation de tout à l'heure. Que voulais-tu dire par " ce n'est pas ça ?"
-C'est juste que...
-Que ?
Fred soupire.
-Je n'ai jamais autant essayé de connaître quelqu'un avant tu sais. Je t'ai invité chez moi pour les vacances. À chaque pause, je me suis contenté de t'observer bouquiner parce que tu n'es pas du genre bavarde. Je me moque que tu t'intéresses également aux filles ou que tu sois aussi pudique sur tes sentiments. Seulement en ce moment, j'en viens à penser que tout cela n'a servi à rien, que tu ne me laisseras jamais t'approcher June. Plus je creuse, plus je me rends compte de mon ignorance à ton sujet.
Il ne s'était jamais ouvert à moi, pas de la sorte. Je suis contradictoire, je ne peux le démentir. Il joue avec ses pouces, embarrassé.
-Ça ne sert pas à rien.
Le rouquin lève brusquement la tête.
-Tes efforts ne servent pas à rien, d'accord? Seulement je comprendrais si tu voulais renoncer. Je trouvais Lavande mignonne alors j'ai conclu avec elle sans me poser de question et Liam est mon seul ami en dehors des filles. Mais toi, je ne sais pas trop ce que tu es. Je ne peux pas te cataloguer dans une case. Je ne suis pas totalement sûre que ce soit mauvais signe.
-C'est un commencement,
Le garçon lie nos mains du bout des doigts,
-un bon commencement.
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