Chapitre n°7: Longue nuit

Dorian

En sortant de la salle de repas le soir, j'aperçus Capucine, la nouvelle Feu parler avec un autre de son Élément. Elle avait l'air de boire ses paroles. Je serrai des poings. Pourquoi est-ce qu'elle avait l'air de s'amuser à ce point avec lui ? Pourquoi elle était suffisamment à l'aise pour parler avec lui et pas avec moi ? Pourtant c'était pas faute d'avoir essayé.

Il y eut une détonation et la terre se mit à trembler, les filles qui étaient dans le couloir se mirent à crier. Surpris par cette conséquence, je me calmai et les tremblements cessèrent.

Je profitai de cet instant d'incompréhension pour me faufiler dans ma chambre où je retrouvais Brendan, planté devant la porte les sourcils froncés. Tout le monde avait dû ressentir les effets du tremblement. Espérons que personne ne pensera que c'est moi.

Je lui fis un bref résumé de la scène avant d'aller à la douche. Si je voulais relire mes cours avant de me coucher il fallait que je me dépêche.

Point de vue Capucine

J'étais avec Camille et nous allions monter aux dortoirs quand il m'arrêta.

- Dis.

- Oui ?

- Je peux te demander quelque chose ?

- Bien sûr qu'est-ce qu'il y a?

- Tu veux pas qu'on aille faire un tour?

Je souriai : exactement comme l'avait dit Éléonore. Est-ce que c'était judicieux ? Je ne savais pas, mais j'avais besoin de sortir un peu, et si il pouvait me permettre de découvrir un peu des alentours de l'école ça serait parfait.

- Je... Fis-je en y réfléchissant

- Promis je ne t'emmène pas au lac.

J'allai craquer quand la terre se mit à trembler. Tout le monde paniqua mais ça se calma vite. À ce moment, je remarquai Dorian, le nouveau Terre, partir en direction des dortoirs comme s' il fuyait quelque chose.

- Alors ? S'impatienta Camille, comme si de rien était

- Ça marche.

Et nous sortîmes en dévalant les quelques marches que nous avions commencé à monter.


Julien

J'avais senti des secousses dans ma chambre au moment où mon coloc' entra dans celle-ci.

- T'en fais pas ça arrive souvent quand il y a un nouveau Terre. Me dit-il

Ca n'eu pas vraiment pour effet de me rassurer alors il continua :

- Ils ne savent pas contrôler leur énergie, comme nous tous au début.

Je détournais le regard et préparais mes affaires pour aller aux douches. Je savais très bien ce que c'était de ne pas se contrôler. Une fois dans la salle de bain, j'attendis qu'il y ait moins de monde pour aller me doucher. Je regardais la douche vide devant moi.

Au loin, je vis un Feu, voisin de chambre, partir de la salle de bain. Je me décidais enfin à ouvrir le jet. C'est là que je le vis, le même serpent d'eau que celui qui avait emporté mon frère. Je claquais la porte et il disparut en répandant de l'eau autour de la douche.


Hortense

Après l'intervention des Harponneurs, le reste de la journée se passa calmement. L'ambiance était tendue depuis leur entrée dans la salle de repas. Je n'avais pas compris pourquoi ni osé évoquer leur arrivée. Cet événement avait l'air de tous les affecter.

Le soir après manger, Carmen m'aida à faire mes devoirs pour le cours de Sting, la professeure de cohabitation avec les humains normaux. Elle avait l'air assez douée dans ce domaine, j'espérais qu'elle pourrait m'aider pour mes prochaines questions et difficultés dans les cours, je sentais que ça n'allait pas être de tout repos et que j'allais avoir besoin de ma colocataire.

Peu après le coup de main de Carmen je décidais d'aller trouver Julien. De mémoire il était dans la chambre treize. Je toquais un premier coup quand la porte s'ouvrit brusquement sur un grand blond à lunettes que je ne connaissais pas. Je reculais d'un pas. Il avait l'air aussi surpris que moi.

- Pardon, je croyais que c'était Camille qui venait nous faire chier. Dit-il en attrapant un tee-shirt derrière lui. Tu voulais ?

- Je croyais que c'était la chambre de mon frère. Dis-je en détournant les yeux

En détournant le regard je remarquais que c'était aussi la chambre de Dorian, l'autre nouveau. Il était en train de relire ses cours.

- Oh, oui, sa chambre c'est la douze, mais je crois qu'il est encore dans les douches. C'était le dernier quand je suis parti. Je pensais pas qu'on pouvait être plus long que moi. Dit-il pour plaisanter

Je relevais d'un coup les yeux vers lui.

- Où sont les douches ?

- Euh...Attends, suis-moi.

Voyant mon inquiétude, il referma la porte de sa chambre derrière lui et m'emmena jusqu'aux douches communes de leur étage en pressant le pas. J'entrais aussitôt sans me poser de questions. J'analysais rapidement la pièce : un mur de lavabo face à moi, sur la droite les douches, et en face de celle-ci une rangée de bancs. J'entendais l'eau d'une des douches couler et une des portes étaient ouvertes. Je courus vers la porte. J'entendais le blond sur mes talons.

Quand j'arrivais face à la porte je vis mon frère recroquevillé sur la marche qui séparait la douche de la salle, l'eau éclaboussait le bas de son dos.

- Julien. Soufflais-je

Il ne bougea pas, les mains sur son front, le regard fixé sur ses pieds. J'éteingnis la douche et le garçon qui m'avait accompagné me tendit une serviette. Je la posai sur les épaules de mon frère et m'accroupis auprès de lui, une main sur son genou.

- Eh, qu'est-ce qu'il se passe ?

J'essayais tant bien que mal d'attirer son attention mais il ne bougeait pas.

- S'il te plaît Julien, parle-moi.

Il ne réagissait toujours pas, je vis du coin de l'œil le grand blond bloquer la porte pour que personne ne vienne nous déranger. Profitant du fait qu'il se soit éloigné, je chuchotais, tentant le tout pour le tout :

- J'étais là, tu peux tout me dire.

Là, il redressa la tête, les mains tremblantes, il me regardait droit dans les yeux. Il avait l'air épuisé, vidé, et en proie à une tempête d'émotions que je ne connaissais que trop bien. C'est alors que la douche derrière nous se ralluma, l'eau qui en sortait était bouillante et vint s'écraser sur mon bras. Je lâchais un cri en reculant, les yeux écarquillés.

- Hortense ! Cria le garçon de la chambre treize avant de se précipiter pour faire barrière entre mon frère et moi

Je ne comprenais pas ce qu'il se passait. Quand l'eau s'était remise à couler, Julien avait explosé en sanglots et s'était remis en boule. Le garçon s'assit devant lui.

- Julien, Julien contrôle-toi. Dit-il d'un ton autoritaire

Le jet d'eau se fit plus fort, nous éclaboussant tous les trois.

- Recule Hortense. Me dit-il pour ne pas me brûler d'avantage

Il attrapa mon frère tant bien que mal pour que le jet ne l'atteigne plus, ferma la porte de la douche et l'enveloppa de plusieurs serviettes.

- Ok, maintenant écoute-moi. Tu vas respirer avec moi, d'accord ?

Je vis un mouvement imperceptible à travers les serviettes et je supposais que ça voulait dire oui. Alors je vis le garçon qui m'avait aidé à trouver mon frère respirer bruyamment et de plus en plus doucement, invitant Julien à faire de même. Et plus la respiration était calme, plus le bruit du jet se faisait moins fort. Jusqu'à ce qu'il s'éteigne complètement.

- Bien, maintenant habille toi. Continua-t-il d'une voix calme

Il lui tendit ses vêtements par-dessous les serviettes. Il s'habilla enfin, se redressa, retira les serviettes, et sans croiser mon regard partit en direction de sa chambre. Je tentais de l'intercepter pour être sûre qu'il allait bien mais le blond m'intima de le laisser faire.

Une fois Julien parti, je m'assis par terre, contre une des portes de douche.

- Ça va aller ? Me demanda le garçon

J'acquiesçais, incapable de parler, retenant mes larmes. Je n'avais jamais vu mon frère dans cet état. Est-ce que c'était une bonne idée de venir ici ? Est-ce que ça allait s'arranger ? Pourquoi est-ce qu'il ne voulait plus me parler ? Est-ce que je devrais parler de son comportement à quelqu'un ? Est-ce que... Et c'est là que je compris ce qui lui arrivait. L'eau, l'accident, Noam. Il n'avait rien contrôlé mais c'est son pouvoir qui avait maintenu notre petit frère sous l'eau. Et en venant ici il avait eu la certitude que ça venait bien de lui. C'était comme si je recevais un coup de poignard dans le ventre, je ne savais pas quoi en penser. Évidemment ce n'était pas de sa faute, il ne contrôlait visiblement rien de tout ça, mais il était pourtant à l'origine de l'accident qui avait détruit nos parents et tué notre frère. Pendant mon questionnement, le garçon à lunettes en avait profité pour s'asseoir à côté de moi. Il me tendit un mouchoir. Je le regardais, ne comprenant pas.

- Tu pleures.

Réalisant qu'il avait raison, je m'essuyais les yeux.

- Hortense.

Il prit doucement mon poignet dans sa main.

- Tu es brûlée.

- Ce n'est pas de sa faute. Fut la seule chose que je su répondre

- Je sais. Je vais t'arranger ça t'inquiète pas.

Il posa une main sur la brûlure à mon bras et je grimaçai. Je n'étais pas sûre que poser sa main dessus changeait quoi que ce soit. Mais ses yeux fixés sur mon bras virèrent au doré et une légère lueur de la même couleur s'échappa d'entre mon bras et sa main. Surprise, je retirai mon bras. Il n'y avait plus rien. Ses yeux reprirent leur couleur marron et il me sourit.

- Plus aucune trace. Maintenant si tu veux mon avis il ne vaudrait mieux pas parler de l'incident de ce soir autour de nous. Comme vous êtes nouveaux vous aurez des cours pour apprendre à canaliser votre énergie, il apprendra lui aussi, et ça s'arrangera tout seul.

- J'espère.

- T'en fais pas. Bon maintenant, il va falloir qu'on retourne à nos chambres, le couvre-feu a déjà dû commencer. Dit-il en se levant

Effectivement, on nous avait dit qu'à partir de vingt-trois heures trente nous ne pouvions plus sortir de nos chambres. Je le suivis alors jusque devant sa chambre où il me salua.

- Au fait, je m'appelle Brendan. Bonne nuit Hortense.

- Bonne nuit.

Et il disparut derrière sa porte de chambre.


Capucine

Camille m'avait emmené dans le parc de l'école et il s'était assis sur une balançoire accrochée à un chêne comme s'il attendait quelque chose.

- Tu te plais ici ? demanda-t-il

- Oui, pourquoi tu me demandes ça ? dis-je en m'asseyant en tailleur face à lui

- Je ne sais pas, je te trouve bizarre.

- Bizarre ? Comment ça ?

- Tu regardes souvent dans le vide, tu écris des choses...

- Des choses ?

J'essayais de me souvenir de quoi il pouvait bien parler mais rien ne me revenait.

- Feu, incendie, maison, parents...tout ça.

- Oh. dis-je en baissant les yeux

Je me rappelais alors de cet après-midi, j'avais décroché pendant un des cours et m'étais mise à écrire sans trop réfléchir. J'étais assise à côté de lui donc j'imagine que ses yeux avaient dû se balader sur ma feuille. Je ne m'étais même pas rendue compte de ça.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? s'enquit-il

- Rien. dis-je en me levant pour aller marcher plus loin

Comme s'il lisait dans mes pensées, il resta sur la balançoire. Et je partis entre les arbres, à l'abri des regards. Il me laissa quelques minutes avant de me rejoindre. Il gardait une distance, comme s'il savait.

- Tu sais, je suis un Feu moi aussi, je sais ce que ce genre de choses veulent dire. Mais si tu n'es pas prête à en parler ce n'est pas grave.

Il ne me laissa pas le temps de répondre et me proposa de rentrer pour avoir le temps de nous doucher avant le couvre-feu. Je décidai de le suivre, de toute façon je n'avais pas grand chose de mieux à faire.


Julien

Noam, je l'avais tué, j'en étais sûr à présent. Je le savais depuis que Rowling nous avait convaincu d'aller dans cette école. Comment réagirait Hortense si elle l'apprenait? Et les autres? Pierre, Abraham, Paul et Carmen? Me regarderaient-ils de la même façon? Me parleraient-ils toujours? Avaient-ils déjà été la cause d'un incident aussi grave au début ?

Je pris ma tête dans les mains et me recroquevillai sur moi-même. Caché sous mes couvertures. J'essuyais mes yeux du revers de la main. Il fallait que je prenne le dessus, que j'arrête d'y penser. Mais à chaque fois que je fermais les yeux je le revoyais.

Mon colocataire alluma brusquement sa lampe de chevet et je l'entendis s'asseoir dans son lit. Je décidai de l'ignorer. Je n'avais aucune envie de discuter.

- Écoute, je sais que tu n'es pas bavard, et je sais qu'il s'est passé quelque chose dans les douches, j'ai vu ta sœur y aller en courant tout à l'heure avec Brendan. Et quand tu es revenu tu n'avais vraiment pas l'air bien. Je ne te demande pas de m'en parler. Mais il faut que tu en parles à quelqu'un. Avec nos énergies, c'est super dangereux de garder ce genre de choses pour nous.

Il attendit quelques instants au cas où je souhaite lui répondre et il éteignit la lumière en me souhaitant une bonne nuit. Il avait raison, je devais en parler à quelqu'un. Mais à qui ?

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