Chapitre n°2: Repérés
Hortense
J'allai au lycée avec Julien. Il n'avait pas décoché un mot de tout le week-end. En fait, il n'avait pas décoché un mot depuis que Noam était mort. C'était tellement bizarre, Noam n'était plus là, Julien n'était plus que l'ombre de lui-même. J'essayais tant bien que mal de le faire sourire ou de s'ouvrir un peu mais il gardait les yeux dans le vide. Je ne savais même pas s' il m'entendait.
Arrivés à un croisement, à deux rues de notre établissement, un homme en costard gris chiné s'approcha de nous, comme si nous étions exactement les deux personnes qu'il souhaitait voir. Mon frère s'arrêta sans lever les yeux vers lui. Je lui laissais un énième regard inquiet avant de reporter mon attention sur cet homme bien trop apprêté pour se promener dans cette partie de la ville.
- Excusez-moi, êtes-vous Hortense et Julien Blanchard?
Julien leva la tête, comme s' il venait de se réveiller. J'acquiesçais pour répondre à la question de l'homme en face de nous.
- Bien, je m'appelle Edward Rowling.
- Enchantée. vous nous cherchiez ? demandai-je
- Votre frère est mort noyé. Dit-il
Ce n'était pas une question.
- Et il y a une tempête. Ajouta-t-il
Il avait dit ça comme si les deux étaient liés. Julien avait les poings serrés, et il ouvrit la bouche pour la première fois depuis des jours.
- Allez droit au but. Lâcha-t-il d'une voix rauque
Ses cernes paraissaient encore plus prononcées sous cet angle. Il était si pâle que dans cette rue aux peintures crème il avait presque l'air d'un revenant.
- J'y viens. il se racla la gorge. Vous êtes -il marqua une pause- des Éléments.
Il avait l'air de s'attendre à une réaction de notre part, nous continuions à le regarder, interloqué. Mon frère commençait à perdre patience, il bougeait sa jambe droite de façon frénétique, comme pour forcer l'homme à accélérer.
- L'Eau, la Terre, le Feu, l'Air, ce sont des éléments, vous êtes des Éléments.
- Ok, vous êtes dingue. Dit Julien
Il m'attrapa par la manche pour que je le suive. Il y a quelques semaines il ne se serait jamais comporté comme ça, même avec une personne complètement à côté de la plaque. L'homme, Rowling, nous barra rapidement la route, tentant le tout pour le tout.
- Écoutez, vous êtes des Éléments, vous devez me suivre. Vous pourrez apprendre à les contrôler dans une école spécialisée ! Argumenta-il comme si nous comprenions de quoi il parlait
- Vous êtes complètement fou ! Cracha mon frère.
Et il m'entraîna vers le lycée. L'homme n'avait pas cherché à nous suivre, mais avant que nous disparaissions au coin de la rue il nous cria :
- Réfléchissez-y ! Je vous recontacterai !
Dorian
J'étais en train de tondre la pelouse torse nu derrière chez moi quand ma sœur arriva vers moi en me balançant mon haut. Elle croisait les bras sur sa poitrine et fronçait les sourcils, agacée.
- Il y a quelqu'un pour toi. fit-elle
- C'est qui?
- Je sais pas, un vieux. J'espère que t'as rien fait Dorian!
Je secouais la tête, il fallait toujours que je sois le fautif depuis qu'elle était devenue amie avec les pétasses du lycée. Pourtant j'avais de bons résultats. Il était vrai que j'avais déjà fumé quelques pétards et que je faisais partie d'une bande qui ne savait pas à quoi servait une fête sans alcool, mais je n'avais jamais vraiment dépassé les limites ou fait quoi que ce soit de réellement répréhensible.
J'allai dans la cuisine. Ma mère était face à un homme chauve avec un smoking tout droit sortit du pressing. Cet homme, je ne le connaissais pas. J'étais cependant un peu rassuré que Clarisse ait tort, il n'avait pas du tout l'air du genre de personne annonciatrice de mauvaises nouvelles.
- Monsieur Dorian Legrand?
- C'est moi.
- Pourrais-je vous parler seul à seul?
- Ouais, suivez-moi.
Ma mère me fit les gros yeux l'air de dire "qu'est-ce que tu as encore fait?". Je soupirais et amenai l'homme dans la véranda pour être plus tranquille. J'étais aussi intrigué qu'elle quant à la venue de ce mystérieux inconnu.
- Qui êtes-vous? Fis-je, espérant mettre fin au suspens-
- Thomas Winston.
- Et vous voulez quoi?
Il me regarda dans les yeux. Il avait des yeux qui étaient en mesure de faire tourner de l'œil à n'importe quelle fille. Ma soeur aurait même fait partie de son fan club.
- Que vous me suiviez dans une école spécialisée. Lâcha-t-il sûr de lui
- Spécialisée en...?
Je pensais tout d'abord à des écoles pour jeunes un peu différents, qu'on aimait pas voir dans les lycées classiques, parce qu'ils faisaient tâche au milieu des autres élèves de bonne famille.
- Pouvoir des éléments. Dit-il avec franchise
Je haussais les sourcils. Ce n'était pas exactement la réponse à laquelle je m'attendais. Oui, il avait l'air de dire la vérité, ou en tout cas il avait réussi à s'en persuader, rien ne laissait paraître que c'était une sorte de blague ou quoi que ce soit.-
- Que...comment ça?
- Vous avez fait des rêves n'est-ce pas ?
Il remarqua ma surprise et continua :-
- La terre tremblait dans ces rêves n'est-ce pas?
- Mais...Tentai-je
- Et bien à chaque fois que vous faisiez ces rêves, la terre tremblait à un autre endroit de la planète, et vous en êtes la cause. Vous ne savez pas contrôler vos pouvoirs et cette école va vous y aider.
Je me surpris à croire à ce qu'il disait. Je veux dire, il avait l'air drôlement convaincant. Avant de dire quoi que ce soit, je me précipitais vers ma chambre, sentant qu'il me suivait. J'ouvris le tiroir de ma table de chevet : ils étaient tous là, à leur place, rien n'avait bougé. Les six livres étaient exactement à l'endroit où je les avais laissés. Il ne pouvait donc pas savoir. Pas de cette façon en tout cas. Personne n'avait lu mes carnets. Donc personne ne pouvait savoir. Il devait donc y avoir une part de vérité dans ce qu'il disait. Mais de toute façon ça ne répondait pas à la question : quel est le rapport avec mes rêves ?
- C'est bon ? Dit Winston
Je ne savais pas vraiment ce qu'il attendait.
- Ecoutez, si vous voulez en savoir plus, je vous offre une place dans notre école. Préparez vos affaires, une voiture viendra vous chercher ce soir à six heures.
Et il s'en alla après avoir serré ma main encore bandée de la veille, me laissant en plan avec une montagne de questions.
Julien
Le lendemain matin, quand Hortense et moi étions sur le chemin pour le lycée, Rowling vint à nouveau à notre rencontre.
- Vous avez réfléchi à ma proposition?
Je regardai ma sœur, elle avait pris la décision pour nous deux, jugeant que si nous restions ici, au lycée, avec les mêmes amis, avec nos parents, nous ne réussirions pas à nous relever. Elle avait sans doute raison.
- Nous venons.
Nous ne savions pas bien ce qui allait se passer mais c'était sans doute mieux de changer d'air, d'établissement. Je ne lui avais pas dit mais j'avais peur que ça soit seulement un moyen de fuir la situation. Peut-être que j'avais tort, j'imagine que nous le saurons rapidement.
- Une voiture viendra vous chercher ce soir à six heures. Soyez près. Prenez des vêtements et quelques effets personnels. Nous informa-t-il avant de tourner les talons et de partir
Je n'avais pas spécialement confiance en cet homme mais Hortense oui, et puis peut-être que tout cela m'aidera à faire une croix sur ce qu'il s'était passé à la mort de Noam. J'étais persuadé d'y être pour quelque chose. Et il fallait que quelque chose change pour aller de l'avant.
Capucine
Quand je sortis du foyer pour aller au lycée, je remarquai un homme à lunettes habillé en smoking de velours noir, il lisait le journal. Il paraissait totalement en décalage par rapport aux personnes qui l'entouraient. Soudain, il leva la tête, croisa mon regard et s'avança vers moi.
- Mademoiselle ! Mademoiselle Simon !
Je le regardais en me montrant du doigt l'air de dire "moi?". Il acquiesça et je m'approchai. Ma blessure au visage me faisait toujours mal mais la croûte avait commencé à partir. Pour mes bras c'était une autre histoire, quand les assistants sociaux m'avaient trouvée ils m'avaient emmené à l'hôpital pour soigner mes plaies. L'infirmier avait recouvert mes bras de bandages pour éviter toute infection. Il m'avait dit que la cicatrisation pouvait prendre quelques semaines voire quelques mois. Je voyais que l'homme face à moi était en train de sonder mes blessures. Je rétractais mes mains dans les manches de mon pull pour qu'il arrête de regarder les bandages à mes mains.
- Oui ? lui demandai-je une fois face à lui
- Capucine Simon. C'est ça?
- Tout à fait. Vous êtes?
- David Parkinson.
Il passa une main dans ses cheveux blonds. Il les avait assez longs et avait visiblement eu du mal à les coiffer ce matin.
- Et que me voulez-vous ? l'incitai-je à continuer
- J'aimerais que vous veniez dans l'école pour laquelle je travaille.
- Une école?
Décidément, je n'avais jamais été à l'école, et en deux semaines j'avais commencé le lycée et eu des cours pour la première fois de ma vie et on me démarchait déjà pour une autre école.
- Pour personnes spéciales.
- Des personnes spéciales ?
- Spécialisée dans les éléments. Feu air terre eau...
- Je sais ce que sont les quatre éléments, merci mais...Quoi? Dis-je en réalisant
- Vous avez très bien compris. Vous êtes déjà inscrite. Nous avons prévenu votre foyer. Vous n'avez qu'à préparer vos affaires et une voiture viendra vous chercher à six heures.
- Vous êtes en train de me dire que je n'ai pas le choix! Vous n'avez aucun droit.
- Quelque chose vous retient ici?
- Non. Admis-je
- Des amis...? Enchaîna-t-il
- Non.
- De la fa...
- Rien ne me retient ici, j'ai compris. Finis-je
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