Chapitre n°10 : A court d'énergie
Dorian
Ce week-end, je décidai de retrouver Julien à l'infirmerie avec Pierre, son colocataire. Nous avions décidé de ramener un jeu de cartes pour lui changer les idées en attendant qu'il ait l'autorisation de sortir. En principe, selon Mademoiselle Blois, il pourrait reprendre les cours lundi. Il lui restait tout un week-end à patienter, et Monsieur Winston nous avait fait comprendre qu'il fallait qu'il soit entouré. Il ne nous avait pas parlé de ce qu'il avait appris sur les raisons de sa noyade. En fait, les seuls à en parler c'étaient les autres élèves qui ne connaissaient pas Julien et avaient su ce qu'il s'était passé à cause de bruits de couloirs.
Nous le saluâmes et passâmes l'après-midi avec lui. Il ne parlait pas beaucoup plus que les jours précédents mais il était plus expressif. Les discussions entre Pierre et moi avaient l'air de l'amuser. Ça avait au moins l'air de lui changer les idées. J'espèrais seulement que ça l'aiderait vraiment à aller mieux. Il avait toujours le visage creusé et la peau très pâle, comme s' il ne dormait pas non plus. Exactement comme quand j'étais encore chez mes parents. Par chance les cauchemars c'étaient quelque peu espacés et j'avais réussi à éviter qu'ils prennent vie dans le réel et ne réveillent mon colocataire. La fatigue était, cela dit, toujours présente, et je m'endormais toujours aussi facilement. Je mis dans un coin de ma tête le fait que je doive en parler avec mon professeur principal lors de notre rendez-vous pour apprendre à gérer mon énergie.
Pierre me donna un coup de coude.
- C'est à toi de jouer.
Je piochais une carte, la défaussais directement et retournais mes deux cartes restantes pour les empiler sur la défausse.
- C'est dégueulasse, t'es même pas concentré et tu me gagnes quand même ! Lâcha mon colocataire
Je vis Julien sourire en coin. Il posa sa dernière carte, d'un même signe que les miennes. Ce qui signait la défaite de Pierre qui se leva de façon théâtrale pour nous faire son cinéma. C'est à ce moment qu'Hortense entra dans l'infirmerie, aidée de béquilles. Brendan m'avait expliqué que l'énergie qu'elle avait utilisée lors de la tempête l'avait complètement vidée et que pendant quelques jours elle aurait sûrement du mal à porter son propre poids. Il m'avait aussi dit qu'elle ne devrait pas pouvoir voir son frère avant lundi si elle avait le feu vert de l'infirmière.
Une ombre passa sur le visage de Julien quand ses yeux passèrent sur les béquilles. J'imagine qu'il se sentait coupable. Je me mettais à sa place et je ne doutais pas que je ressentirais la même chose si une chose similaire arrivait à Marine.
- Tu n'es pas censée être là. Grommela-t-il
Sa réaction eut pour effet de refermer complètement le visage de sa sœur.
- Mademoiselle Blois a demandé à me voir, je ne viens pas pour toi.
L'infirmière entra juste à temps, avant que la conversation ne devienne plus gênante. Elle emmena Hortense s'asseoir un peu plus loin pour l'ausculter. Elle ne parut pas vraiment satisfaite des résultats.
- Il faut que tu te contrôles Hortense, tu continues à puiser dans l'énergie, tu dois te détendre et rester tranquille. A ce rythme là je ne suis même pas sûre de pouvoir t'autoriser à reprendre les cours mercredi.
On entendit résonner un coup de tonnerre au loin. Et Hortense se leva sans demander son reste pour partir en claudiquant jusqu'à sa chambre. L'infirmière lui cria que c'était exactement ce qu'elle devait éviter, en parlant du tonnerre. Elle enchaîna ensuite sur les constantes de Julien avant de lui ordonner de boire une infusion qui avait l'air répugnante. De ce qu'elle disait ça allait permettre à son esprit et son énergie de se recaler sur la même longueur d'ondes. Je ne comprenais pas vraiment ce que ça voulait dire, et visiblement Pierre non plus. Notre ami allité bu l'infusion d'une traite en faisant la grimace, il reposa la tasse et se rallongea en nous tournant le dos, signe qu'il voulait être seul. Son colocataire lui indiqua qu'il repasserait plus tard avant qu'on franchisse le pas de la porte.
Capucine
J'avais appris que la disparition de Brendan, Julien, Hortense et Dorian l'autre soir avait un rapport avec le fait que Julien soit à l'infirmerie et que Hortense n'ait plus le droit de se déplacer sans ses béquilles. Mélinda avait essayé de questionner sa colocataire mais visiblement, même Carmen n'avait plus d'informations. Selon elle, Hortense ne voulait pas parler de ça et restait très évasive sur ce qu'il s'était passé cet après-midi là. Même Brendan n'avait pas voulu expliquer quoi que ce soit. Il allait pourtant s'assurer que notre amie Air allait bien au moins une fois par jour. Il savait forcément ce qui était le problème, il devait même avoir été présent. La seule chose que je savais c'était qu'elle se déplaçait en béquille parce que son énergie élémentaire était vidée et qu'elle ne pouvait pas tenir debout sans.
C'est en descendant les escaliers pour rejoindre Mélinda à la bibliothèque que je croisais justement Hortense en train de remonter les marches une à une avec beaucoup de difficultés. Je m'approchais d'elle.
- Tu veux de l'aide ?
- Non ça va, je vais y arriver. Dit-elle plus froide que jamais
Je décidais de ne pas insister et de continuer mon chemin jusqu'à la bibliothèque. L'orage avait repris ce matin, la chaleur était étouffante et humide, ce temps n'avait aucun sens. Mais ma colocataire m'avait expliqué que c'était Hortense qui faisait ça. Qu'il y avait des chances pour qu'elle ne le contrôle pas et que ça soit ça qui la vide de son énergie.
Hortense
Après dix minutes d'ascension jusqu'au premier étage, je décidai de faire une pause sur un banc, à l'entrée des dortoirs pour homme. Bien sûr que je n'avais pas repris en énergie, mais je ne savais pas comment faire pour arrêter ça. Depuis l'incident du lac il ne cessait de pleuvoir et d'y avoir du vent. Et plus je pensais à mon frère, plus l'orage était fort et proche. La conversation de ce matin, si on pouvait appeler ça comme ça, n'avait pas aidé. Je me sentais plus vidée qu'une fois arrivée en bas des marches pour aller à l'infirmerie. Julien ne voulait visiblement plus me parler pour une raison inconnue alors que je m'étais fait un sang d'encre pour lui. J'aurais aimé comprendre mais je sentais que je ne pouvais être à l'initiative de rien pour que la situation s'arrange. Que ça devait venir de lui. Je priais pour que ça vienne vite mais au vu de l'état psychologique dans lequel il se trouvait, je doutais que ça arrive dans les deux prochaines semaines.
Un coup de tonnerre retentit dans le parc. Je tentais de prendre une grande respiration pour me calmer mais chaque fois que je me calmais mon esprit en profitait pour revenir sur des choses qui me mettaient encore plus mal. Comme le fait que le téléphone de la directrice sonne dans le vide quand je tentais d'appeler mes parents, ou que mon petit frère me manquait.
Un nuage bien sombre était encore sur le point de s'abattre sur mes pensées quand Brendan vint s'asseoir à côté de moi, chassant une partie de ce qui me préoccupait.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda-t-il en souriant
- Je faisais une pause pour rentrer à ma chambre. Mademoiselle Blois voulait me voir, je ne pourrais pas reprendre les cours lundi.
- Et tu te sens d'attaque pour les dernières marches ?
- Pas vraiment...
Il me proposa d'aller discuter dans sa chambre après m'avoir expliqué que Dorian passerait sûrement l'après-midi avec Pierre dans la salle de jeux. Il me fit de la place sur son lit et je m'installai. Il me tendit une couverture, malgré la chaleur dont tout le monde se plaignait, j'avais assez froid. On m'avait expliqué que c'était une conséquence du manque d'énergie élémentaire.
La chambre de Brendan était un peu différente de la mienne. Il avait installé une étagère au-dessus de son lit pour y poser des plantes et des livres. Les murs étaient mauves et celui de la fenêtre était vert pâle. C'était assez lumineux malgré la pluie qui s'abattait sur les vitres.
Je me recroquevillais davantage sous la couverture et sentis quelque chose sous moi. J'avais dû m'asseoir dessus. Je l'attrapai et vis Brendan avec une expression de surprise face au carnet que je venais de trouver. Je n'eu pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il avait déjà utilisé son pouvoir pour me le prendre des mains et le mettre sous son oreiller.
- Désolé. Dit-il en se rendant compte de ce qu'il venait de faire. C'est juste, c'est personnel. Conclua-t-il
- Pas de problème.
Il me sourit. Il ne faisait pas aussi froid que dans ma chambre ici, je me demandais si c'était l'étage ou l'orientation de la chambre qui y changeait quelque chose. Je me blottis tout de même dans la couverture, le menton posé sur mes genoux.
- Je suis fatiguée.
- Je sais.
Il m'attira à lui et je m'endormis la tête sur ses genoux bouillants, sa main me caressant les cheveux.
Je fus réveillée par Dorian qui entra dans sa chambre. Ca n'avait visiblement pas réveillé Brendan qui s'était endormi peu de temps après moi. Je remarquais alors que le temps s'était amélioré. Au loin, on pouvait voir une éclaircie pointer le bout de son nez.
- Désolé, rendors-toi. Me dit Dorian
Il me sourit et sortit un manuel de sa table de nuit pour le lire sur son lit.
- Comment va mon frère ?
- Il va de mieux en mieux.
- Tant mieux.
J'allais fermer les yeux pour essayer de me rendormir, mais il rajouta :
- Tu sais, il se sent coupable de ton état, c'est pour ça qu'il a réagi aussi mal tout à l'heure. Il tient à toi Hortense, il veut juste que tu ailles bien.
- Moi aussi je veux qu'il aille bien.
Il sourit à nouveau et me dit qu'il lui transmettrait le message. Je sentis Brendan gigoter, il se remit à me caresser les cheveux comme il le faisait avant que je m'endorme, comme si son subconscient lui avait rappelé de le faire. Je me détendis et fermais les yeux pour profiter de ce temps de répit.
Ma mère me lançait un regard assassin, j'essayais de l'empêcher d'atteindre la porte de la chambre de Julien, derrière moi.
Comment est-ce que tu peux le protéger ? hurlait-elle. Il a tué ton frère !
Je continuais de lui faire barrage quand j'entendis une détonation. Je me retournai vers la porte de la chambre, paniquée, l'ouvris d'un grand geste et vit mon père, un revolver à la main, à genoux au-dessus du corps de mon frère baignant dans son sang.
Je me réveillais dans un hurlement, plusieurs éclairs s'écrasant autour de l'école. Brendan bondit de son fauteuil et Dorian faillit en tomber de son lit. Je fus instantanément prise d'une crise de larmes, ne sachant ni comment les arrêter, ni comment reprendre ma respiration. Mon cerveau n'était plus en mesure de réfléchir.
Brendan se précipita sur le lit et me serra contre lui en répétant que ce n'était qu'un cauchemar. Il faisait un léger mouvement de balancier dans l'espoir de me calmer.
Dans la pénombre, je vis Dorian essayer d'allumer sa lampe de chevet mais elle ne lui obéissait pas.
- Les plombs ont sauté. Lâcha-t-il
Capucine
Au milieu de la nuit, nous fûmes réveillées par trois coups de tonnerre consécutifs et un hurlement. Quand nous voulûmes allumer les lumières pour nous lever, il n'y avait plus d'électricité.
- Qu'est-ce que c'était ? Demandais-je
- Je crois que c'est encore Hortense. Dit Mélinda en se frottant les yeux
Éclairées par la lune, nous ouvrîmes la porte qui donnait sur le couloir pour avoir plus d'informations. Quelques filles Feu sortaient de leur chambre avec des bougies. Au fond du couloir, je vis Carmen, paniquée. Quand elle nous vit, elle courut aussitôt vers nous.
- C'est Hortense. Dit-elle alors, comme pour appuyer les propos de ma colocataire
- Elle n'est pas avec toi ? Lui demanda Mélinda
- Non, Dorian m'a dit qu'elle était avec Brendan et qu'elle avait dormi toute la journée.
L'inquiétude barrait son front, depuis quelques jours maintenant, elle ne savait plus comment aider sa colocataire. Elle ne voulait toujours pas lui parler de ce qu'il se passait et elle était devenue un vrai fantôme.
Selon l'horloge du couloir, il était trois heures trente quand les professeurs descendirent à notre étage pour nous distribuer des bougies. Monsieur Rowling, le professeur principal des Airs se précipita sur Carmen pour lui demander où était sa colocataire. Elle lui répondit, comme à nous, qu'elle était auprès de Brendan, et il dévala les marches en direction des dortoirs des hommes.
Dorian
La porte de la chambre s'ouvrit d'un coup sec. Rowling entra et parut soulagé de voir Hortense avec nous. Il me demanda de partir, et me donna l'autorisation de dormir dans le lit de ma voleuse de chambre pour les prochains jours. J'attrapai mon sweat et ne me fis pas prier. J'appréciais Hortense mais j'avais vraiment besoin de sommeil et ce genre d'événement n'allait pas m'aider à prendre le dessus sur mes rêves. Arrivé à l'étage du dessus, j'aperçus Carmen retourner à sa chambre. Je frappais à sa porte, à peine l'avait-elle fermée. Elle passa une tête dans le couloir :
- Qu'est-ce que-oh c'est toi ! Entre.
Elle m'ouvrit la porte en grand et je lui expliquai que Rowling m'avait laissé le lit d'Hortense pour les nuits à venir.
- Comment elle va ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Un cauchemar je crois, elle avait l'air complètement à l'ouest en se réveillant. Dis-je en baillant
- Pourquoi est-ce qu'elle est comme ça depuis mercredi ? Demanda-t-elle en me regardant avec gravité
- Elle ne te l'a pas dit ?
Elle me fit non de la tête, et vu son inquiétude, je sentais qu'il fallait que je lui explique ce que je savais. Après tout, c'était sa colocataire. Alors je commençais par le début : quand nous cherchions Julien dans la forêt, sa tentative de suicide, le fait que nous l'ayons ramené à l'infirmerie avec Winston sous une pluie torrentielle. J'enchaînais ensuite en lui expliquant qu'elle avait passé la semaine dans notre chambre. Brendan la laissait y passer une partie de ses journées, dès qu'il avait une pause dans ses cours il retournait dans les dortoirs pour ne pas la laisser seule.
- Et quand il avait cours toute la journée, il venait la voir dans notre chambre. Ajouta la jolie blonde
- Oui, il a l'air de savoir comment lui parler.
Elle me fit signe de continuer. Et donc je lui expliquais qu'hier elle avait été voir mademoiselle Blois, l'infirmière, pour qu'elle lui donne l'autorisation de reprendre les cours lundi mais qu'elle l'avait trouvée trop faible et lui avait fait comprendre qu'au rythme où elle se rétablissait il allait encore falloir attendre un moment. J'ajoutais également le comportement de Julien quand elle était venue à l'infirmerie.
Carmen commença à s'énerver contre lui mais je lui expliquais mon point de vue en lui disant qu'il avait sûrement peur pour elle et qu'il voulait qu'elle se rétablisse. Je savais bien que ce n'était pas la bonne façon de se comporter mais il y avait tout de même une explication à sa réaction. J'aurais sûrement été capable de bien pire si ça avait été Marine. Je comprenais ce qu'on pouvait ressentir quand il s'agissait de protéger sa sœur.
Après presque deux heures d'explications et de discussion, nous avons soufflé les bougies qui éclairaient encore faiblement la pièce et nous nous sommes endormis en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire.
Hortense
Entre deux sanglots, j'entendis Dorian partir de la chambre. Je me sentais mal de l'avoir forcé à partir de sa propre chambre mais j'étais incapable de bouger pour l'en empêcher. Je sentis une personne s'accroupir à côté du lit. Cette personne avait dû ramener des bougies car il y avait plus de lumière dans la chambre à présent. Brendan desserra doucement ses bras autour de moi mais je ne bougeais pas d'un millimètre, je n'étais pas prête à partir du cocon qu'il avait fait autour de moi. Chaque fois que je fermais les yeux, je revoyais le corps de Julien. Gardant une main sur mon dos, Brendan expliqua alors :
- Elle a fait un cauchemar, ça va aller.
- Il n'y a plus d'électricité Brendan.
- C'est déjà arrivé, tout va bien, je contrôle la situation.
- Il faut qu'elle s'apaise, à ce rythme là, son corps ne se remettra pas de pertes d'énergies pareilles.
Brendan ne répondit pas.
Et si ce n'était pas un rêve mais un message pour me prévenir ?
- Je dois voir Julien. Dis-je avant même que je n'ai eu le temps de réfléchir à ce que je disais
Je me levais d'un bond, mais fut vite rattrapée par la réalité et m'écroulais aussitôt, incapable de tenir debout. Rowling me rattrapa avant que je ne m'étale sur le sol et me fit asseoir sur le matelas. Je commençais à avoir à nouveau du mal à respirer mais Brendan posa une main sur la mienne pour m'apaiser.
- Écoute Hortense, tu ne tiens pas debout pour l'instant. Mais demain matin, je montrais te voir avec ton frère. D'accord ? me dit mon professeur principal sur un ton calme
- Et si c'était vrai ? Et s'il était mort ? dis-je, ma voix se brisant sur le dernier mot
Le professeur posa une main sur mon genou et me regarda dans les yeux :
- Je vais aller à l'infirmerie pour voir si tout va bien. Je remonterai juste après pour te dire ce qu'il en est. Ça te va ?
Les yeux remplis de larmes, je lui fis signe que j'étais d'accord. Il resta quelques instants pour parler avec Brendan, lui expliquant qu'il n'avait pas à s'occuper de moi comme il le faisait, que c'était son travail à lui, qu'en tant qu'élève il ferait mieux de se concentrer sur ses études...
- Sans vous manquer de respect, depuis qu'elle est arrivée j'ai été bien plus présent que vous. Maintenant je crois qu'elle a besoin de se reposer. Répondit mon protecteur d'un ton ferme
Rowling n'insista pas, et partit, nous indiquant qu'il remonterait dans quelques minutes nous informer de l'état de Julien. Quand il referma la porte derrière lui, Brendan m'aida à m'installer sous la couette. Je me sentais incapable de bouger, comme paralysée par des courbatures trop intenses dans tous le corps. Une migraine était en train d'exploser dans ma tête. En me sentant si faible, je comprenais la réponse négative de l'infirmière. En plus de toutes ses douleurs, j'étais frigorifiée et je sentais mon corps trembler légèrement de façon incontrôlée, je ne savais pas si ça venait du froid ou du manque d'énergie élémentaire. Me voyant toujours aussi frigorifiée une fois bordée sous la couette et la couverture, Brendan s'allongea à côté de moi, par-dessus les couvertures pour me tenir contre lui. Il y a quelques jours il m'avait expliqué que les Feux avaient généralement le corps très chaud à cause de l'énergie qu'ils renfermaient.
- Ferme les yeux, tout va bien se passer. chuchota-t-il pour me rassurer
- Je ne peux pas. Quand je ferme les yeux je le vois. dis-je, sentant une énième larme rouler sur ma joue
Il ne répondit rien, mais essuya mes yeux plein de larmes.
On toqua doucement à la porte, et je l'entendis s'ouvrir presque sans un bruit. Brendan s'était redressé. Rowling nous indiqua que tout allait bien à l'infirmerie et que nous pouvions être tranquille. Il referma la porte après avoir vu mon ami Feu acquiescer. Il se rallongea enfin, après avoir soufflé sur la bougie qui nous éclairait. J'avais besoin de me rapprocher de lui pour me sentir en sécurité et ne plus sentir ce froid, mais je n'avais pas la force de bouger.
- Tu peux me prendre dans tes bras ? lui demandai-je
Je le sentis entrer sous la couette et passer ses bras autour de moi. Je collais ma tête contre son torse, espérant que la chaleur de son corps face disparaître ma migraine et les images qui ne cessaient de passer devant mes yeux. D'épuisement, je finis par m'endormir, bercée par la respiration de Brendan.
Julien
Après une nuit qui n'avait rien de réparatrice, je me décidais à me lever. Mademoiselle Blois m'avait dit qu'il fallait que j'essaie de sortir de ma chambre si je voulais reprendre les cours rapidement. Je n'avais pas particulièrement envie de reprendre les cours mais j'avais une envie folle de partir de cet endroit. Certes, ce n'était pas aussi aseptisé qu'un hôpital, mais ça n'était franchement pas beaucoup plus accueillant. Et ma chambre avec mon colocataire me manquait presque. Mais pour être sûr que je n'étais plus un danger pour moi il fallait que je suive un emploi du temps strict de rendez-vous avec Monsieur Winston, mon professeur principal. J'avais eu mon premier rendez-vous la veille. C'était un peu comme une séance chez un psy, on était assis l'un en face de l'autre, et il attendait que je lui raconte ma vie. La seule chose que j'avais réussi à lui dire pour ce premier rendez-vous c'était que j'étais désolé. Il avait essayé plusieurs techniques pour déclencher la parole chez moi mais je ne me sentais pas capable de verbaliser tout ce que je ressentais.
En me levant après le petit déjeuner, mon premier réflexe fut de m'asseoir sur les marches extérieurs du bâtiment. Ce matin, il avait enfin arrêté de pleuvoir, et un rayon de soleil pointait son nez, scintillant en rebondissant sur toutes les gouttes et flaques qu'il restait ici et là. Je regardais un moineau se baigner dans une flaque depuis quelques minutes déjà quand je réalisais que toutes ces intempéries avaient été provoquées par ma sœur, et que si le temps se portait mieux, c'était qu'elle devait aller mieux elle aussi. Je me sentais soulagé à cette pensée. J'avais envie de la voir, de m'excuser, mais je ne pouvais pas affronter son regard, pas tout de suite, je ne me sentais pas assez fort.
- Tu devrais rentrer avant d'attraper froid. dit une voix derrière moi
En me retournant je remarquais Capucine, les bras croisés, appuyée sur le chambranle de la porte. Elle avait attaché ses cheveux en chignon légèrement éméché. Et portait sa veste d'uniforme sur un jean traditionnel. Je me relevais alors, sur ses conseils, et entrais avec elle dans le hall. Elle me proposa de venir étudier avec elle à la bibliothèque de la Maison, comme si je n'avais pas été enfermé à l'infirmerie depuis plusieurs jours déjà, comme si l'événement du lac n'avait pas eu lieu, comme si tout allait bien. Sa proposition me fit bien plus plaisir que je ne l'aurais cru, alors je l'acceptai.
C'était la première fois que j'entrais dans la bibliothèque. La partie livres paraissait assez ancienne. Les étagères croulaient sur d'anciens ouvrages qui paraissaient venir tout droit du Moyen-Âge. Au fond de la grande pièce se trouvait des tables disposées intelligemment auprès des différentes fenêtres, nous donnant une vue sur le parc de l'École. Nous nous installâmes à la toute dernière table et Capucine me tendit un exemplaire du livre d'histoire des Éléments que nous utilisions en cours. Elle ouvrit le sien et m'indiqua la page.
- Fait attention avec le livre, c'est celui de Mélinda, j'ai peut-être oublié de lui demander avant de l'apporter ici. m'informa-t-elle
Je souris en imaginant la scène de ma nouvelle amie en train de voler les livres de sa colocataire. Elle prit alors le temps de m'expliquer toutes les choses qu'elle avait apprises durant la semaine. Je me sentis suffisamment à l'aise pour lui poser quelques questions sur le sujet et elle y répondit du mieux qu'elle pouvait avec les informations qu'elle avait. Elle ne me dévisageait pas comme le faisaient Dorian et Pierre, elle était juste là, avec moi, comme si nous étions deux amis qui révisions ensemble.
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