《 La vraie mélancolie, c'est quand la vie vous manque, alors que vous l'avez encore 》

Jacques Dor

" Personne ne doit voir mon visage... "

Si son visage et son corps sont cachés, c'est simple de faire passer une personne dans la nuit noire, une fois 22h30 passé.

Ce qui est moins aisé est de faire passer une personne seule, qui ne veut pas être vu, dans un attroupement de personnes, bien trop curieuses, qui veulent justement vous voir et vous parler...

Alertés par les gyrophares de Police de Jin, au moins le quart de mon quartier était attroupé devant la maison comme un troupeau de mouton. Ces personnes n'avaient rien d'autre à faire ?!

La jeune fille qui s'était levée, avait finalement quitté sa prison en ma compagnie et celle de Jin. Elle portait sur elle une de mes vieilles doudoune longue, qui recouvrait presque tout son corps, laissant juste voir ses mains et cuisses. Elle avait aussi un bob qui lui cachait la moitié du visage. C'était impeccable.

Mais lorsqu'elle vit le monde à la porte de "sa" maison, elle se tendit d'un coup. N'ayant pas vu l'expression d'horreur qu'elle arborait à ce moment-là, mon attention et celle de mon collègue se portèrent sur elle lorsqu'elle recula légèrement. Regardant le peu de personnes qu'on pouvait apercevoir, elle semblait loin d'être tranquille. Comme si elle se sentait menacé.

Jin: Je suis désolé, mais nous devons te faire rentrer dans la voiture. Ces personnes ne vont pas partir. Elles ne te veulent pas de mal, elles sont juste trop curieuses...

Un peu trop crispé, elle fit quelques lourds pas vers nous, essayant de nous suivre du mieux qu'elle pouvait à l'extérieur de cette maison... Tout ça, en baissant la tête et tirant sur le bob au maximum.

PDV ...

J'étais sortie... Je l'avais enfin fait... J'avais peur, mais j'étais en dehors de cette prison de béton. Devrais-je y retourner ?

On m'avait pourtant juré que... Seul là-bas, je serai en paix... On m'avait menti,. Cet homme aux cheveux rouges m'avait trouvé... Je n'étais en sécurité nul part... Malgré tout, il m'avait sauvé... Je ne savais pas quel genre de sentiment je devais exprimer, j'étais si mauvaise pour ça... Hantée par ma peur, je n'arrivais pas réellement à générer une réelle émotion à ce moment...

J'étais si heureuse mais en même temps terrorisée. Tout le monde allait me trouver... Je devais me protéger seule à présent, je n'avais plus aucun mur pour le faire à ma place. Le monde entier me regardait désormais...

Des flashs bleus m'aveuglèrent. Ils venaient de cette voiture de Police. J'étais soulagée et libre. Le poids de mon passé, ou plutôt de leurs erreurs et de leurs échecs, pesait sur mes épaules, certes, mais je me sentais revivre avec cet air froid. Je me sentais vivante, ça faisait si longtemps... Ces deux hommes étaient là pour m'aider... Devais-je réellement les croire ?

Leur faire confiance...

Avais je vraiment le choix, maintenant que la Police m'avait découvert ? Maintenant que j'étais sortie de ma tour de béton... Je devais trouver une solution pour vivre en sûreté...

Comment faire...

Marchant vers cette voiture sous les regards surpris des habitants de cette rue, je ne me sentais pas vraiment à l'aise... Je m'étais rapprochée le plus possible du policier aux cheveux rouges qu'on avait nommé Jimin précédemment... Il n'avait pas l'air bien méchant... Alors, je me cachais le plus possible derrière lui, le souffle coupé par l'angoisse de la foule.

Le grand brun ouvrit la portière, alors je me faufilais rapidement dedans pour m'installer sur les sièges confortables, bien plus que mon vieux matelas pour enfant qui était déjà bien usé. Je me sentais mieux, j'avais sur moi moins de regard. J'arrivais enfin à respirer correctement...

Je n'avais plus la sensation d'être oppressée par les quatre murs dont j'étais constamment entourée... Je sentais même une sensation de joie et de fierté pour moi-même. Avoir réussi à traverser cette foule... Encore quelques heures auparavant je n'en aurai pas été capable... Si ils n'avaient pas été là tous les deux... Je n'en aurais pas été capable... Mais je me sentais épuisé désormais. Mes yeux étaient lourds...

Je regardais mes maigres mains, un petit sourire aux lèvres. Je tournais la tête et vis ce Jimin parler à une vieille dame. Jin, quant à lui, vint s'installer au volant, me jetant un bref coup d'œil dans le rétroviseur intérieur.

Jin: Tu es attachée ?

...: Hum.

La deuxième portière s'ouvrit et l'homme aux cheveux rouges s'installa rapidement en se frottant les mains, voulant se réchauffer.

Jimin: Mets le chauffage, ça caille !

Il se tourna vers moi et avec de grands yeux lumineux, trahissant sa soif de réponse à mon sujet , il me demanda...

Jimin: Tu as froid ?

Je fis un léger signe de tête indiquant "oui".

M'emmenant loin de ma cachette... De mon foyer... Je ressentis un petit pincement au cœur. J'avais vécu une courte, sombre et triste existence dans cette maison, mais elle avait été un refuge.

Entourant mes bras autour de ma personne, je calais ma tête contre la vitre de la portière, et regardais les lignes blanches de la route défiler à toute vitesse. Je fermais doucement les yeux, me sentant vidée de toute mon énergie et écoutais les légers clapotis de la pluie, qui venait d'arriver, contre la vitre alors qu'il n'y avait aucun bruit dans la voiture, aucune discussion, juste le bruit du moteur. Je me sentais bercée... Comme une enfant...

Seul ce policier aux cheveux rouges se retournait de temps en temps pour me regarder. Je savais, je sentais que tout cela l'intriguait et qu'il voulait connaître mon passé, mon histoire... Ce policier qui avait encore foi en l'humanité, le soleil l'illuminait encore. Alors que moi, mon passé était plongé dans l'ombre. La vie m'avait abandonné, je n'étais qu'un déchet errant... Cette lueur qu'il avait dans les yeux, d'homme de justice qui croyait encore en l'être humain et qui pensait que malgré tout, tout individu a une part de lumière en lui... Aussi mauvais soit-il... Je ne voulais pas lui enlever cette vision des choses, je voulais qu'il garde cette étincelle, qu'il garde celle que moi j'avais perdu...

Le lendemain, 9h30 du matin

PDV Jimin

Je n'avais pas dormi de la nuit. A ce moment-là, j'étais devant la machine à café pour la troisième fois depuis mon arrivée à 8h. Passant ma main sur mon visage à m'en tirer la peau, je listais dans ma tête toutes les choses à faire. Si je ne réglais pas vite cette affaire, j'allais avoir mon patron sur le dos . Et je pense que ce serait pire que de voir un cadavre un beau jour ensoleillé...

Je me demandais si cette affaire de meurtre n'avait pas un lien avec la fille d'hier... Ça serait possible comme improbable... Mais comment la personne aurait pu savoir qu'elle était enfermée dans cette pièce ? L'avait elle entendu crier ? Certainement, c'était plus que probable même.

Mais pourquoi le coupable l'aurait épargné ? Par pitié ? Non... Pas après avoir abattu cet homme de cette façon... Pourquoi ne l'aurait il pas sortie de cette pièce si il savait qu'elle était là. Il voulait la laisser mourir comme ça ? Qu'est-ce que je racontais... Je réfléchissais trop... Ça n'avait ni queue, ni tête ce que je disais... Tout ça me dépassait totalement...

Au meilleur des cas, il l'aurait sorti de là. Au pire, il l'aurait éliminé aussi. Si il l'avait emmené, ça aurait été plutôt compliqué pour nous. On pouvait peut-être tirer d'elle des informations essentielles... Ou peut-être pas, si elle côtoyait seulement son mur...

J'étais juste fatigué. Je n'arrivais pas vraiment à réfléchir.

Je retournais m'asseoir. Je devais... Je devais faire quoi déjà ? Ah oui, appeler la fille de ma voisine.

Mais comment cela se faisait que cet assassin n'avait pas trouvé cette fille !? Ça allait me creuser la tête !

Je pris mon téléphone posé à côté de mon écran d'un geste très lent et sans conviction... Et composais à nouveau le numéro de la fille de ma voisine...

...

...

...

" Votre correspondant est momentanément indisponible, veuillez rappelez plus tard. "

Cette fois, j'en avais marre ! J'allais aller dire deux mots à ma voisine ! Et croyez-moi que je comptais bien me faire payer mes heures supplémentaires !