《 Le hasard a des intuitions qu'il ne faut pas prendre pour des coïncidences 》

Chris Marker

Au déjeuner avec Mary, j'avais la tête remplie de questions. Souriante comme à son habitude, elle mangeait la nourriture que je lui avais offert. De temps en temps, elle rougissait en me regardant, ce qui me faisait sourire sincèrement. C'était vraiment mignon. Elle était réellement comme Lisa me l'avait décrit ?

Nous étions seulement tous les deux dans une sorte de brasserie, proche du commissariat. Toujours dans mon uniforme de travail, j'attirais certains regards curieux, en majeure partie de jeune fille, comme ceux de jeunes lycéennes ricanant, intéressées et excitées par le fantasme du beau policier venant les arrêter. Ce qui rendait Mary nerveuse ou agacée, car, de temps en temps, elle leur lançait un regard assassin. Si ça continuait, ça allait être ma collègue que j'allais devoir arrêter mais réellement, pas juste pour s'amuser.

Jimin: Comment s'est passé ta matinée ?

Elle se focalisa à nouveau sur moi avec un regard pétillant.

Mary: Bien, merci ! Même si ça s'est un peu compliqué lorsque la foule est arrivée d'un coup.

Jimin: Oui, je veux bien te croire.

Mary: Mais la tempête est passée, haha. Il faut dire que beaucoup de gens soutiennent ton enquête et c'est plutôt une bonne chose. Ils étaient tous venus pour ça.

Jimin: Il faut parfois s'en méfier. Mais bon, oublions cet attroupement.

Il y eut ensuite une sorte de blanc. Alors que je venais de finir mon assiette, j'entendais, à nouveau, des petits rires, alors que des silhouettes s'avançaient à mes côtés. Tournant la tête, intrigué, je retrouvais les trois lycéennes qui me regardaient depuis le début et entendis Mary grogner de mécontentement.

Lycéenne: Bonjour, Monsieur l'agent !

Jimin: Bonjour.

Lycéenne: Hihi, vous savez que cet uniforme vous va très bien, vous êtes très beau dedans.

Jimin: Merci beaucoup.

Les trois filles se mirent à rire et d'une voix ironique, ne se souciant pas du regard de Mary et en n'oubliant pratiquement son existence, elles prirent une certaine liberté.

Lycéenne: Qu'est-ce que je dois faire pour me faire arrêter par vous, Monsieur l'agent ? Haha !

Je savais très bien où elles voulaient en venir. Avec ce ton humoristique, cette demande me fit légèrement rire et sourire d'amusement, pendant qu'elle rigolait à cœur joie avec ses amies. Étrange façon de faire du rentre-dedans, tout de même.

Mary: Excusez-moi mesdemoiselles de couper votre batifolage, mais vous dérangez !

Je regardais Mary, étonné de ce timbre de voix méchant qu'elle avait utilisé. C'était la première fois que je la voyais en colère à ce point. Habituellement, même en situation critique, elle restait très agréable et gentille. J'avais très vite compris que cela ne l'avait pas du tout amusé.

Jimin: Mary, elle plaisantait, tu sais. Détends-toi.

Mary: Je ne veux pas le savoir, ne rigole pas à ça, c'est grotesque.

Je fronçais les sourcils. Je n'avais pas aimé le ton qu'elle avait prit en m'adressant la parole.

Elle faisait une crise de jalousie, alors que nous n'étions que collègues et, pour le moment, rien de plus. En s'en prenant méchamment à ces jeunes lycéennes, qui étaient juste venues plaisanter, je compris que ça avait pu la froisser. Mais elle pouvait s'adresser à elles sans aboyer de façon déplacée et leur faire comprendre, avec un minimum de savoir-vivre, que leur commentaires étaient dérangeant pour elle.

Être un peu jalouse, en vue de ses sentiments, je pouvais l'accorder mais aller jusqu'à grogner comme si nous étions mariés, je ne l'acceptais pas.

Comme je l'avais dit, avant que quoi que ce soit ne se concrétise, je voulais apprendre à la connaître et ce que je voyais là ne me plaisait pas vraiment.

Lycéenne: Excusez-nous, nous ne voulions pas semer une dispute dans votre couple...

Jimin: Nous ne sommes pas en couple.

Mary: ?!

Ses yeux s'ouvrirent en grand en me regardant, alors que je la regardais sérieusement et fixement. Constatant mon agacement dû à ses phrases précédentes, elle baissa les yeux et comprit sa faute.

Lycéenne: Bonne journée...

Les trois filles partirent, nous laissant tous les deux. Sans une parole, je me levais pour quitter la table et me dirigeais vers la caisse pour payer, sous le regard désolé de Mary qui me rejoignit une fois la porte passée.

Je la raccompagnais devant la porte du poste de Police et elle me regardait de ses yeux de chien battu.

Mary: Jimin, je voulais te demander si un soir, tu voulais venir dîner chez moi ? Ce serait une façon de m'excuser de mon comportement de tout à l'heure...

Jimin: Je ne suis pas disponible les soirs, je dois m'occuper de Tomoe.

Mary: Tomo-?! D'accord. Alors, un midi ?

Jimin: J'ai du travail en ce moment, je ne sais pas.

Alors que notre conversation touchait à sa fin, je vis Jin arriver, ce qui me fit sourire. Sourire qui attira l'attention de Mary sur ma personne, mais elle comprit bien vite que ce sourire ne lui était pas destiné.

Jin: Ah ! Te revoilà enfin !

Jimin: Tu es prêt ? On peut y aller ?

Jin: C'est moi qui t'attend depuis tout à l'heure.

Jimin: Haha, excuse moi.

Mary: Jimin...

Je repris une expression neutre en redirigeant mon visage vers une Mary triste.

Mary: Je... Euh... Bonne journée...

Jimin: Merci. Pareillement.

Je lui tournais le dos et me dirigeais avec Jin jusqu'à ma voiture de fonction. Sans savoir qu'à ce moment-là, elle haïssait toutes les femmes de la ville, en particulier Tomoe, de tout son être.

Arrivant devant ma maison, nous sortions tous les deux de la voiture. En m'apprêtant à passer mon portail, je vis un homme marcher dans la rue calme et silencieuse.

Jusque là, rien d'anormal. J'attendais devant ma porte ouverte que Jin daigne contourner la voiture pour me rejoindre, se plaignant de son lacet défait. L'homme arriva à ma hauteur et tourna le visage vers moi.

Un homme grand, au visage jeune, aux cheveux châtains et aux allures de mannequin, ce qui était peut-être le cas, s'arrêta devant moi, ce que je trouvais très étrange. Il me donna un sourire, que je ne compris pas réellement sur le coup. Un sourire heureux et terriblement sincère, comme si il me remerciait de quelque chose dont je n'étais pas au courant. Ce visage me disait quelque chose...

Mais il finit par partir lorsque Jin se redressa et arrivait vers moi. On entra dans ma propriété et referma le portail.