Chapitre 8 (suite)

Les jours passèrent dans un tourbillon de découvertes, rythmés par le bruit des vagues, les éclats de rires et la chaleur moite qui collait à la peau.

Les matins, le groupe se réveillait doucement, bercé par l'odeur du café, des fruits tropicaux fraîchement coupés et des éclats de voix encore ensommeillées. Loin du stress habituel de leurs vies parisiennes, chacun se laissait aller au rythme du voyage, oscillant entre détente et exploration.

Leurs journées se partageaient entre excursions organisées et moments de flânerie, le programme finement équilibré entre l'envie de tout voir et celle de simplement profiter.

Chaque soir, le groupe se retrouvait autour de mets délicieux, découvrant ensemble la richesse de la cuisine thaïlandaise.

Ils s'aventurèrent dans les marchés animés, où les stands débordaient de brochettes grillées, de nouilles sautées et de fruits aux couleurs éclatantes.

Les lanternes suspendues illuminaient la nuit, et le brouhaha des marchands se mêlait aux rires des voyageurs.

Lorsque Eva et Charlie s'éclipsèrent pour profiter d'un rooftop en amoureux, Alix et Ezra continuèrent à déambuler entre les stands.

Ils testèrent des plats au hasard, riant lorsqu'un curry se révélait plus épicé que prévu.

Les choses étaient simples, sans arrière-pensée.

Ils étaient juste là, ensemble, dans l'instant.

L'un des temps forts du voyage fut leur visite du Big Buddha de Phuket. Au sommet de la colline de Nakkerd, le groupe se tenait face à l'imposante statue de marbre blanc, majestueuse, dominant l'île de toute sa sérénité. Le vent soufflait doucement, emportant avec lui un parfum de nature et de sel marin.

Face à ce panorama à couper le souffle, chacun semblait absorbé dans ses pensées, comme si, pour la première fois depuis le début du voyage, le tumulte s'était tu pour laisser place à un moment de pure contemplation.

Le vent chaud effleurait leur visage, portant avec lui des effluves salins et le parfum de la végétation alentour.

Malgré la majesté du lieu, Ezra peinait à s'imprégner de l'instant. Son regard, trop souvent attiré dans la même direction, s'était de nouveau posé sur Alix.

Elle riait, la tête légèrement rejetée en arrière, taquinant Charlie avec cette légèreté naturelle qui le captivait un peu plus chaque jour.

Eva, occupée à capturer la beauté du paysage, s'immobilisa lorsqu'elle perçut l'air distrait de son cousin. Fronçant légèrement les sourcils, elle abaissa son appareil photo et s'approcha.

— Ok, qu'est-ce qui te tracasse ? demanda-t-elle doucement, scrutant son visage comme pour lire à travers lui.

Ezra hésita. Puis, inspirant profondément, il lâcha enfin, la voix plus grave qu'il ne l'aurait voulu :

— J'aime Alix.

Eva haussa un sourcil, clairement peu impressionnée.

— Merci, capitaine évidence. Ça, on avait remarqué depuis un moment.

— Non, tu comprends pas... commença-t-il, la gorge nouée.

Il baissa les yeux sur le sol de pierre sous ses pieds, cherchant ses mots.

— Je suis... éperdument amoureux d'elle.

Sa voix se brisa légèrement.

— C'est comme si... comme si elle faisait battre mon cœur d'une façon que je n'avais jamais ressentie avant.

Il rit nerveusement, secouant la tête.

— Je comprends Balzac, maintenant. Elle donne un sens à tout ce que je ressens quand elle est là.

Un silence.

Eva resta figée, prise au dépourvu par la sincérité désarmante de son cousin.

Son regard se perdit un instant sur la statue du Bouddha, dont la sérénité contrastait violemment avec la tempête émotionnelle d'Ezra.

Quand elle reprit enfin la parole, ce fut avec une douceur qu'elle ne lui offrait que rarement.

— Ezra...

Elle s'approcha un peu plus, posant une main sur son bras.

— Je sais. Et je sais aussi que c'est pas facile pour toi.

Il releva les yeux vers elle.

— Je comprends que t'aies peur, continua-t-elle. T'as mis ton cœur dans cette histoire et t'as aucune idée d'où ça va mener.

Elle serra légèrement sa prise sur son bras, un sourire triste au coin des lèvres.

— Mais, Ezra... l'amour, c'est des incertitudes.

Ezra ne répondit pas tout de suite.

Son souffle était légèrement saccadé, comme s'il retenait quelque chose.

— Et si elle me repousse ? finit-il par murmurer.

Eva lâcha un léger rire, baissant les yeux une seconde avant de les planter à nouveau dans les siens.

— Alors, tu te relèveras.

Elle lâcha son bras, croisant les siens contre sa poitrine.

— Tu sais, aimer quelqu'un, c'est pas toujours avoir une fin heureuse. Mais c'est jamais une erreur.

Ezra serra les mâchoires, secouant lentement la tête.

— J'ai pas envie de perdre ce qu'on a déjà.

— Et si tu gagnais quelque chose d'encore mieux ?

Ezra ouvrit la bouche, mais aucun mot ne vint.

Eva l'observa un instant, cherchant à deviner ce qui se passait dans sa tête. Elle vit ce regard perdu, cette façon qu'il avait à fixer Alix sans même se rendre compte. Elle esquissa un sourire moqueur, mais au fond elle comprenait.

— T'es déjà foutu, Ez, souffla-t-elle, le ton léger mais empreint de certitude.

Ezra expira lentement, passant une main sur son visage, comme pour reprendre ses esprits.

— Tu crois que j'ai une chance ?

Eva ne répondit pas immédiatement.

Elle jeta un coup d'œil à Alix, observant sa posture, son langage corporel, ces petits riens qu'Ezra ne remarquait peut-être pas.

Ce n'était pas encore de l'amour, mais c'était une ouverture.

— Je crois qu'elle ne serait pas aussi proche de toi si elle n'avait pas envie que tu sois là.

Ezra haussa un sourcil, sceptique.

— T'appelles ça "proche" ?

Elle haussa les épaule. Elle lui avait partagé son ressentit. Il était libre de l'accepter ou pas.

Il laissa ses yeux revenir vers Alix.

Elle riait à quelque chose que Charlie venait de dire, un rire court, sincère.

Il aimait ce son.

Il l'aimait, tout court.

— Au lieu de la dévorer du regard... va prier. Ça te fera pas de mal, hein ?

Ezra tourna la tête vers Eva, l'air faussement outré.

— Prier ? Sérieusement ?

Eva haussa les épaules, le regard malicieux.

— Tu t'es jamais dit que peut-être, ce voyage c'était un signe du destin ?

Ezra roula des yeux, amusé malgré lui.

— Si le destin voulait m'aider, il aurait fait en sorte qu'elle tombe déjà amoureuse de moi.

— Ou alors, il veut que tu travailles un peu pour l'avoir.

Elle lui donna une tape sur l'épaule, mi-taquine, mi-encourageante.

Ezra souffla un rire léger, mais au fond, il savait qu'elle n'avait pas tort.

Son sourire s'atténua légèrement lorsqu'il porta son regard vers la statue de Bouddha.

Majestueuse, imposante, elle dominait le paysage avec une sérénité absolue.

Un contraste frappant avec la tempête qui battait dans sa poitrine.

Il s'approcha lentement, comme attiré par une force invisible.

Le vent chaud caressa sa peau, et le silence du temple l'enveloppa entièrement.

Il n'avait rien préparé.
Aucune offrande.
Aucune prière formelle.

Juste un souhait.

Un simple vœu silencieux.

Faites qu'elle me voie un jour... vraiment.

Il resta là quelques secondes, les yeux fermés, laissant le calme du lieu l'envahir.

Puis, il rouvrit les yeux et recula lentement.

Quand il rejoignit Eva, elle l'attendait bras croisés, un sourire amusé étirant ses lèvres.

— Alors ?

Ezra haussa les épaules.

— Je te dirai quand ça se réalisera.

Eva souffla un rire bref, secouant la tête.

— T'es irrécupérable, Ez.

Ezra ne répondit rien, gardant son regard tourné vers l'horizon.

Il n'était pas du genre à croire aux miracles.

Mais cette fois...

Peut-être qu'un peu de foi ne ferait pas de mal.

Le reste de la journée fut consacré à l'exploration de la vieille ville de Phuket. Ses ruelles aux façades sino-portugaises aux teintes pastel semblaient figées dans le temps, bordées de petites boutiques d'artisans et d'étals de souvenirs colorés.

La dernière soirée en Thaïlande baignait dans une lumière tamisée, rythmée par le clapotis des vagues au loin et les murmures des conversations dispersées.

La villa, habituellement animée, était plus calme ce soir.

Charlie et Eva étaient installées à une table sur la terrasse, un cocktail à la main, profitant de leur dernier moment ensemble avant le retour à la réalité.

Ezra, lui, était assis sur un transat près de la piscine, un verre de bière posé à côté de lui.

Il observait les reflets des lumières sur l'eau, laissant ses pensées dériver.

Il aurait dû profiter plus.

Il aurait dû trouver plus d'occasions de se retrouver avec elle.

Parce que demain, cette bulle éclaterait.

Et il ne savait pas où ils en seraient une fois rentrés.

— T'as l'air ailleurs.

La voix d'Alix le tira de ses pensées.

Elle venait de s'installer sur le transat à côté du sien, jambes repliées, un verre de vin blanc entre les doigts.

Il la regarda une seconde, surpris.

Il n'avait même pas vu qu'elle s'approchait.

— Je réalise juste que les vacances sont déjà terminées.

Elle hocha la tête, soufflant légèrement.

— Ouais... c'est passé vite.

Ezra esquissa un sourire en coin.

— Ça veut dire que t'as aimé ?

Elle prit une gorgée de son verre, réfléchissant.

— Ouais, c'était cool.

Elle tourna la tête vers lui, un sourcil levé.

— Même si tu m'as fait marcher plus que nécessaire.

Ezra laissa échapper un rire.

— T'aurais préféré qu'on reste dans la villa à rien faire ?

— Non.

Elle répondit sans hésitation, ce qui le surprit légèrement.

Elle s'appuya contre le dossier du transat, posant son verre sur sa cuisse.

— J'ai aimé l'exploration. Juste... j'ai pas l'habitude de passer autant de temps avec les mêmes personnes.

Ezra la fixa une seconde, puis secoua doucement la tête.

— Et pourtant, t'es encore là, sur ce transat, à discuter avec moi.

Alix roula les yeux.

— T'emballe pas.

— Trop tard.

Un sourire effleura ses lèvres, discret mais bien présent.

Ezra sentit une drôle de sensation le traverser.

Elle n'aurait jamais fait ça au début du voyage.

Mais là, elle était là.

Et elle ne semblait pas vouloir partir.

Ezra porta son verre à ses lèvres, prenant le temps d'observer ce qui se passait réellement sous ses yeux.

C'était subtil.

Elle ne lui donnait pas tout, mais elle lui laissait plus d'espace qu'avant.

Il aurait aimé que ces vacances durent plus longtemps.

Que ce moment ne soit pas le dernier avant le retour à Paris, où tout serait probablement différent.

Il regrettait de ne pas avoir saisi plus d'occasions d'être seul avec elle.

Parce qu'ici, dans cette villa sous les étoiles, loin de tout, ils étaient dans une bulle.

Et demain, cette bulle disparaîtrait.

Alix soupira doucement, observant l'eau scintiller sous la lumière des lanternes.

— J'vais me coucher.

Elle se leva sans précipitation, attrapa son verre, puis jeta un dernier regard vers lui.

— Bonne nuit, Pham.

Ezra la suivit du regard tandis qu'elle s'éloignait, une main dans les cheveux, toujours aussi décontractée.

Il resta assis un moment encore, seul avec ses pensées.

Il ne savait pas ce qui les attendait une fois rentrés.

Mais une chose était sûre :

Il n'était pas prêt à laisser cette proximitédisparaître.

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