Chapitre 7
Chapitre 7 : Tentations et doutes
La musique pulsait dans l'air, résonnant contre les murs de l'appartement bondé.
Les basses vibraient sous ses pieds.
Et pourtant, Ezra était ailleurs.
Un verre à la main, il observait distraitement la foule, échangeant des banalités avec un ami sans vraiment écouter.
Trois mois.
Trois mois qu'il avançait à tâtons avec Alix.
Trois mois qu'il suivait les règles imposées, qu'il ne la contactait que pour leurs rendez-vous.
Trois mois qu'il n'avait pas eu de relations sexuelles.
Lui qui, d'habitude, trouvait son équilibre dans ce lâcher-prise physique,
Lui qui, d'habitude, évacuait ses frustrations dans des nuits éphémères, sans attaches, sans complications.
Et ce soir, pour la première fois depuis longtemps, il baissait sa garde.
Ce n'était pas prémédité.
Mais c'était arrivé.
Elle l'avait trouvé avant qu'il ne la remarque.
Une brune, belle, sûre d'elle, l'aura de quelqu'un qui savait ce qu'elle voulait.
Elle lui avait parlé avec l'aisance de ceux qui ne doutent jamais de leur impact, un sourire effleurant ses lèvres, un regard trop appuyé.
Et Ezra, dans un moment d'égarement, ne l'avait pas repoussée.
Pas tout de suite.
Il n'y avait rien de mal à parler, non ?
Mais la conversation avait évolué trop vite.
Sa main avait glissé le long de son bras, puis sur son torse.
Elle riait un peu trop fort, un peu trop près.
Ezra n'était pas stupide. Il savait où ça allait.
Et pourtant, il ne bougea pas immédiatement.
C'était si facile de se laisser aller.
Après des mois de retenue, de tension contenue, cette proximité avait un goût d'interdit.
— T'as l'air tendu.
Sa voix était douce, mais il y avait autre chose derrière.
Une assurance.
Une promesse.
Ezra sentit son corps réagir avant son esprit.
Un frisson. Une vague de chaleur brusque, dangereuse.
Il n'était qu'un homme, après tout.
Le manque de contact, la tentation d'un instant sans conséquences...
Une seconde d'abandon.
Et puis, la seconde de trop.
La main de la brune descendit sur son abdomen, effleurant la ceinture de son jean.
L'instant d'après, Ezra se réveilla enfin.
Son cerveau reprit le contrôle, chassa la brume de l'alcool et du manque.
Il attrapa la main de la femme et la repoussa doucement.
— Je peux pas.
La femme haussa un sourcil, surprise.
— Tu peux pas... ou tu veux pas ?
Ezra expira lentement, cherchant à remettre de l'ordre dans son esprit.
— J'ai quelqu'un dans ma vie.
Il l'avait dit sans réfléchir, sans détour.
Comme une évidence.
La brune le scruta, décontenancée.
— T'es en couple ?
Ezra hésita une fraction de seconde.
Puis il hocha la tête.
— Pas encore. Mais j'ai quelqu'un qui compte pour moi.
Les mots sonnèrent plus vrais qu'il ne l'aurait cru.
Comme s'ils avaient toujours été là, prêts à sortir.
La femme roula des yeux, vexée, peut-être blessée dans son égo.
— Dommage.
Elle effleura son bras une dernière fois, puis tourna les talons et disparut dans la foule.
Ezra, lui, resta figé.
Son cœur battait trop fort.
Pas à cause d'elle.
À cause de lui-même.
À cause de ce qu'il avait failli faire.
À cause de ce qu'il venait d'admettre.
Il inspira profondément, passant une main sur son visage brûlant, son crâne trop plein.
Trois mois.
Trois mois qu'il se battait contre ce qui était en train de devenir une évidence.
Mais ce n'était pas un jeu.
Ce n'était pas un défi.
C'était elle.
Il ne voulait pas juste gagner.
Il voulait Alix.
Pas parce qu'il l'avait décidé.
Mais parce qu'il ne pouvait plus faire autrement.
Il ferma les yeux une seconde, tentant de reprendre contenance.
*
À quelques mètres à peine, cachée par la foule, Alix l'observait.
Elle avait tout vu.
Chaque hésitation.
Chaque geste.
Chaque mot.
Et alors qu'elle aurait dû détourner le regard et s'éloigner sans y penser un sourire discret étira ses lèvres.
Sans un bruit, sans un mot, elle fit demi-tour.
Ezra ne saurait jamais qu'il venait de marquer un point.
Ne saurait jamais que ce soir-là, sans même le savoir...
Il venait de se rapprocher d'elle.
*
Ezra quitta la fête bien plus tôt que prévu.
L'air de la nuit lui tomba dessus comme une douche froide, contrastant avec la chaleur moite de l'appartement bondé.
Il avait besoin d'espace.
D'air.
De mettre de l'ordre dans sa tête.
Alors il marcha, sans but précis, les mains enfoncées dans ses poches, tendu comme un arc.
Son esprit n'arrivait pas à décrocher.
Les doigts sur son torse.
Le parfum entêtant.
Les lèvres étirées d'un sourire trop assuré.
Et surtout, les mots qu'il avait prononcés sans réfléchir.
"J'ai quelqu'un dans ma vie."
Putain.
Il aurait pu dire qu'il n'était pas intéressé.
Il aurait pu trouver une excuse, fuir la conversation.
Mais non.
C'est cette vérité-là qui était sortie sans effort, sans détour.
Et le pire ?
C'était réellement ce qu'il ressentait.
Il finit par s'arrêter devant un bar encore ouvert.
Sans trop réfléchir, il entra, s'installa à une table isolée, se passa une main dans les cheveux, puis sortit son téléphone.
Rien.
Aucune notification.
Évidemment.
Pourquoi est-ce qu'il aurait espéré quoi que ce soit ?
Il poussa un soupir agacé contre lui-même et pianota machinalement sur l'écran, jusqu'à ouvrir le profil Instagram d'Alix.
Une story.
Une photo prise dans la soirée, un cocktail en arrière-plan, flou.
"Petite sortie improvisée 🍸"
Son cœur rata un battement.
Elle était là.
À la même fête.
Si proche.
Est-ce qu'elle l'avait vu ?
La pensée le traversa comme une onde glacée.
Il baissa son téléphone, fixa le vide pendant une longue minute.
Si elle avait vu...
Non.
Elle aurait réagi.
Ou peut-être pas ?
Peut-être qu'il était juste en train de devenir fou à force d'analyser chaque putain de détail.
Il se massa les tempes, puis appela le serveur pour commander un whisky sec.
Son verre en main, il laissa la brûlure de l'alcool lui rappeler qu'il était bien là, ancré.
Il devait arrêter.
Arrêter de la surinterpréter.
Arrêter de vouloir absolument capter le moindre signe.
Mais plus il essayait de ne pas penser à elle, plus elle s'imposait à lui.
Ses rires légers.
Sa voix mordante.
Sa façon de froncer le nez quand elle était contrariée.
Et puis, ses lèvres.
Un putain de cercle vicieux.
Ezra expira bruyamment, irrité contre lui-même.
Il allait se rendre malade à force de fonctionner comme ça.
Alors, dans une tentative désespérée d'échapper à ses pensées, il ouvrit son téléphone et fit l'erreur de trop.
Il tapa son prénom dans la barre de messages.
Ses doigts hésitèrent.
L'espace d'un instant, il pensa envoyer un message.
Quelque chose de léger. De banal.
Mais c'était idiot.
Ce n'était pas comme ça que ça marchait entre eux.
Il effaça tout, verrouilla son écran et but son verre d'un trait.
Non.
Il allait attendre.
Alix viendrait à lui.
Ou elle ne viendrait pas.
Mais il ne briserait pas la règle implicite entre eux.
*
Il s'était endormi tard, l'esprit toujours en vrac, et se réveilla avec un mal de crâne carabiné. Son premier réflexe fut de chercher son téléphone.
Aucun message d'Alix.
Évidemment.
Pourquoi aurait-elle écrit ?
Il se leva, se traîna jusqu'à la cuisine, ouvrit un tiroir et attrapa un cachet d'aspirine, qu'il fit glisser dans un verre d'eau.
Alors qu'il se frottait les yeux, son téléphone vibra sur le comptoir.
Un message.
Eva.
D'Eva - 10h21
Tu veux bruncher ? J'ai des trucs à te raconter.
Ezra grogna.
Il n'avait aucune envie de socialiser.
Mais s'il restait chez lui, il savait que son esprit tournerait en boucle sur la soirée d'hier.
Alors il répondit simplement.
À Eva - 10h23
Ok. Dis-moi où et à quelle heure.
Il laissa tomber son téléphone sur la table, croisa les bras et fixa son reflet dans la vitre.
Il ne savait pas encore ce que la soirée précédente allait changer.
Il savait juste qu'il était en train de perdre pied. Et il détestait cette sensation.
*
Ezra arriva avec dix minutes de retard au café qu'Eva lui avait indiqué.
Il passa une main sur son visage encore fatigué, repoussa ses lunettes de soleil sur son nez et chercha sa cousine parmi les tables en terrasse.
Il la repéra facilement : Eva était installée à une table au fond, un cappuccino devant elle, son téléphone à la main.
Dès qu'elle le vit approcher, elle leva un sourcil, mi-amusée, mi-exaspérée.
— T'as une sale tête.
Ezra s'assit avec un soupir.
— Merci du compliment.
Eva haussa les épaules, un sourire en coin.
— J'observe, c'est tout.
Elle lui tendit une carte du menu, mais il se contenta de commander un café noir, incapable d'avaler quoi que ce soit de solide pour l'instant.
Le silence s'étira quelques secondes.
Puis, Eva posa son téléphone sur la table et croisa les bras.
— Bon, raconte.
Ezra arqua un sourcil.
— Raconter quoi ?
— Pourquoi t'as l'air d'avoir lutté contre un typhon toute la nuit ?
Il grogna, prenant une gorgée de son café brûlant.
— Je suis sorti hier soir.
Eva ne dit rien, mais il sentit immédiatement son regard analytique sur lui.
— Et ?
Ezra pinça les lèvres, hésitant.
Il ne voulait pas entrer dans les détails, pas maintenant.
Il reposa sa tasse et haussa les épaules.
— Rien. Juste... une soirée.
Eva haussa un sourcil sceptique.
— Tu me prends pour une idiote, Ez ?
Il la fixa une seconde, puis détourna les yeux.
Il détestait à quel point elle pouvait le percer à jour.
Eva, elle, n'insista pas tout de suite.
Elle prit une gorgée de son cappuccino avant de souffler, plus doucement :
— C'est à cause d'Alix, hein ?
Ezra ne répondit pas immédiatement.
Mais il sentit son ventre se contracter légèrement.
— C'est compliqué, finit-il par dire.
Eva lâcha un rire léger, secouant la tête.
— Non, c'est pas compliqué. C'est dans ta tête que ça l'est.
Elle posa son coude sur la table, appuyant son menton sur sa main.
— T'as encore combien de temps ?
Ezra releva les yeux vers elle, surpris.
— Avant quoi ?
— Avant que ton "défi" ridicule se termine.
Il soupira, massant ses tempes.
— Neuf mois.
Eva roula des yeux.
— Putain, c'est long.
Ezra lâcha un petit rire amer.
— Ouais.
Un silence s'installa.
Puis, Eva reprit, plus sérieuse cette fois :
— Et la Thaïlande ?
Ezra releva les yeux vers Eva, intrigué.
— Quoi, la Thaïlande ?
Elle haussa les épaules, son café à la main, l'air faussement détaché.
— J'espère que tu vas en profiter.
Elle prit une gorgée avant d'ajouter avec un sourire en coin :
— Moi, je compte bien passer mes meilleures vacances avec ma copine.
Ezra roula des yeux.
— Super, je suis ravi pour toi.
— Non mais sérieusement.
Elle posa sa tasse, le fixa.
— Tu veux dire quoi par "profite de la Thaïlande" ?
Eva croisa les bras sur la table, penchant légèrement la tête.
— T'es trop mécanique, Ezra.
Il fronça les sourcils.
— Pardon ?
— T'agis comme si séduire Alix était un projet, un putain de business plan avec des objectifs mensuels et des échéances.
Elle haussa un sourcil, le défiant.
— Mais c'est pas comme ça que ça marche.
Ezra ne dit rien.
Mais il sentit son ventre se contracter légèrement.
Il avait transformé cette histoire en un plan bien ficelé, une stratégie qu'il appliquait à la lettre.
Sauf qu'Alix n'était pas un problème à résoudre.
— Alors, je fais quoi ? lâcha-t-il, légèrement sur la défensive.
Eva soupira comme si elle parlait à un enfant borné.
— Tu vas en Thaïlande.
Elle marqua une pause avant d'ajouter d'un ton plus posé :
— Et au lieu de penser à ce que tu dois faire pour la séduire... pense juste à être avec elle.
Ezra haussa un sourcil.
— C'est pareil.
— Non.
Eva posa ses coudes sur la table, plongeant son regard dans le sien.
— Tu t'es déjà demandé pourquoi elle ne tombe pas amoureuse de toi ?
Ezra serra la mâchoire.
— C'est parce que j'ai pas encore réussi à...
— Non, le coupa-t-elle immédiatement. C'est parce que tu veux trop la convaincre au lieu de juste exister avec elle.
Il ouvrit la bouche pour protester, puis se ravisa.
Parce que ça le frappait.
Il était tellement obsédé par ce qu'il devait faire, par les étapes à franchir, par l'attente d'un résultat, qu'il n'avait jamais juste vécu le moment avec Alix.
Tout avait toujours été calculé.
— T'as encore neuf mois, Ezra.
Eva souffla, plus doucement.
— Et si, au lieu de cocher des cases, tu laissais juste les choses arriver naturellement ?
Il n'avait pas de réponse à ça.
Parce que c'était un truc qu'il ne savait pas faire.
Mais peut-être qu'il devait apprendre.
Eva observa son silence, puis lâcha d'un ton plus léger :
— Et puis franchement... la Thaïlande.
Elle haussa les sourcils, un sourire en coin.
— Les plages, les paysages, l'ambiance... Si tu rates ça pour faire ton rendez-vous mensuel foireux, je te jure que je t'étrangle.
Ezra étouffa un rire.
— T'es pas censée être contre la violence ?
— Pas avec les cas désespérés.
Elle reprit une gorgée de son cappuccino avant de poser sa main sur son bras, plus sérieuse cette fois.
— T'as une chance, là-bas.
Elle marqua une pause.
— Saisis-la.
Ezra hocha la tête lentement, pensif.
La Thaïlande.
Un terrain neutre.
Loin de Paris.
Peut-être que, pour la première fois, il pourrait essayer quelque chose de différent.
Et voir ce qui arriverait.
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