Chapitre 6

Chapitre 6 : Juin

L'été était aux portes de Paris. Le soleil baignait la terrasse d'une douce chaleur. Une légère brise faisait frémir les feuilles des platanes au-dessus de la petite brasserie. Assis à une table en bois, Ezra tapotait d'agacement le bord de son verre de limonade. Il jeta un coup d'œil à sa montre, augmentant son mécontentement.

Un soupir lui échappa. Son rendez-vous mensuel semblait bien décidé à se faire attendre. Les glaçons avaient fondu dans son verre, et la paille mâchouillée témoignait de l'interminable attente.

Il n'était certes pas un modèle de ponctualité lui-même, mais cette fois, le retard de son informatrice paraissait presque... calculé. Elle semblait prendre un malin plaisir à le faire poireauter, trouvant sans doute une satisfaction dans l'agacement qu'elle lui causait.

Monsieur, l'interpela le serveur, voulez-vous un autre verre en attendant votre amie ?

Non c'est bon. Je pense qu'elle ne va pas tarder, répondit Ezra, tentant de masquer son impatience. »

Le serveur acquiesça et s'éloigna. Une autre table venait de l'appeler, et Ezra sentit la frustration monter en lui. Ça en était trop. Il dégaina son téléphone, prêt à envoyer un message rempli de reproches à Charlie, mais se ravisa à la dernière minute. Après tout, il ne gagnerait rien à l'attaquer. La raison l'emporta sur ses émotions, et il rangea son téléphone dans sa poche, se résignant à attendre.

Tu attends depuis longtemps ? Résonna soudainement un voix enjouée.

Ezra leva les yeux et croisa son regard. Un immense sourire malicieux illuminait le visage de Charlie, qui prit place face à lui avec une décontraction nonchalante, sans un brin de remords pour son retard. Elle n'avait même pas essayé de dissimuler son plaisir de le voir poireauter.

Il la fixa, un éclat d'agacement dans les yeux, mais répondit d'un ton qu'il s'efforça de garder neutre :

— Juste un peu.

— J'adore te voir dépendant de moi,  répliqua-t-elle sans la moindre gêne, tout en appelant d'un geste le serveur.

Elle commanda un Spritz et quelques tapas, comme si son retard n'avait pas la moindre importance. Ezra, l'observant en silence, la comparait mentalement à une vipère. Tout en elle, du regard rieur aux remarques piquantes, trahissait une cruauté amusée.

Pourtant, malgré son tempérament difficile, il savait qu'elle avait été d'une aide précieuse. Grâce à ses conseils, il apprenait chaque jour à mieux comprendre Alix, et cette perspective lui donnait l'envie de continuer, même s'il devait côtoyer Charlie une fois par mois.

Charlie, parfaitement installée, prit une longue gorgée de son Spritz, savourant chaque instant avant de lancer la conversation.

— Ton dernier rendez-vous, il s'est bien passé ? Demanda-t-elle innocemment tandis qu'elle savourait son Spritz.

Un soupir d'exaspération passa la barrière de ses lèvres. Il anticipait déjà les remarques acérées de Charlie. Il inspira, prêt à faire face au débrief.

— Alix a adoré le pique-nique. La balade autour de l'étang a fait son effet. Elle m'a même confié qu'elle aimerait revoir la mer... Les falaises d'Étretat sont l'un de ses endroits préférés.

Charlie arqua un sourcil, visiblement intriguée. Alix lui avait déjà parlé de cette envie de s'évader de la jungle urbaine pour un endroit plus calme, plus apaisant. 

— Étretat, hein ? La mer, les falaises... c'est romantique.

Ezra acquiesça, sentant qu'il avait pris une bonne direction.

— Oui, et j'ai réussi à lui proposer qu'on y aille ensemble un jour.

Il ne pouvait s'empêcher de sourire en repensant à ce moment. Charlie laissa échapper un sifflement, légèrement impressionnée, même si elle se garda bien de le montrer. Malgré ses piques, elle ne pouvait nier qu'il faisait des efforts.

— Pas mal, pas mal. Mais ne te repose pas trop sur tes lauriers. Ce n'est que le début.

— Et c'est pour ça que je suis là, répliqua Ezra, attendant le prochain indice qu'elle n'allait pas tarder à lui donner.

Le sourire de Charlie, plus large que jamais - ressemblant à celui du chat Cheshire - ne présageait rien de bon. Ezra se mit instinctivement sur la défensive, sentant que l'idée qu'elle allait lui proposer allait le déstabiliser.

— Faites un Escape Game ensemble.

Ezra plissa les yeux, surpris. Il connaissait vaguement le concept mais n'avait jamais envisagé d'y participer, encore moins avec Alix.

— Un Escape Game ? Répéta-t-il, dubitatif. Tu veux dire, ces endroits où on est enfermé dans une pièce et on doit résoudre des énigmes pour en sortir ?

— C'est qu'il en a là-dedans ! répondit-elle avec ironie. Alix adore ça. Elle est du genre à aimer les défis mentaux, et crois-moi, elle prend ça très au sérieux. Je l'ai déjà vue se transformer en Sherlock Holmes plus d'une fois.

Ezra inspira profondément pour ne pas réagir à la provocation évidente de Charlie. Elle savait le pousser dans ses retranchements. L'idée de cette nouvelle activité, l'enchantait guère. Il n'arrivait pas à imaginer Alix dans ce genre de contexte.

— Honnêtement, je ne pensais pas qu'elle aimait ce genre de choses, avoua-t-il en levant un sourcil, pas convaincu.

— Eh bien, c'est justement pour ça que je suis là, non ? Pour te donner ce genre d'infos. Elle adore ça. L'adrénaline, la réflexion intense, et bien sûr, le plaisir de résoudre l'énigme avant tout le monde, dit-elle avant de soupirer en levant les yeux au ciel. Et pour ne rien arranger, Eva est tout aussi accro.

Intrigué, Ezra plissa les yeux.

— Attends, tu veux dire qu'Eva fait partie de ce... cercle de "détectives amateurs" ?

Charlie poussa un petit rire tout en croquant dans son beignet de crevettes. "Détectives amateurs" le nom était bien trouvé. 

— Oui, exactement. Eva me tanne souvent pour les accompagner. Mais, entre nous, c'est vraiment pas mon délire.

Ezra haussa un sourcil .

— Je suppose que tu les accompagnes la plupart du temps.

— Tu supposes bien, répondit-elle au tac au tac.

— Alors, pourquoi elles tiennent tellement à ce que tu les rejoignes si tu déteste ça ? Pas que je m'inquiète pour toi, mais juste je ne comprends pas.

Charlie jouait avec sa paille. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles Charlie les accompagnait souvent. Une d'elle concernait le nombre de participants.

— Le nombre idéal pour elles, c'est quatre, pas moins, pas plus. Elles préfèrent jouer en groupe, ça rend l'expérience plus intense. En duo, ça les amuse moins.

Ezra soupira, réalisant l'implication.

— Bon, d'accord, j'ai compris. Je vais chercher un bon endroit pour l'Escape Game. Mais... où je trouve les deux autres personnes ?

Charlie haussa les épaules avec une indifférence.

— Je pensais que tu avais des amis, excuse-moi si je me suis trompée, répondit-elle, un sourire sarcastique aux lèvres...

Ezra leva les yeux au ciel, sentant l'agacement lui monter aux joues. Elle est vraiment là pour me faire craquer, ou quoi ? pensa-t-il, serrant les dents pour ne pas céder.

Charlie avait ce don exaspérant : pointer avec précision ses failles, appuyer là où ça faisait mal, toujours avec ce mélange d'arrogance et de provocation parfaitement dosé. Mais cette fois, il ne comptait pas lui donner le plaisir de le voir perdre pied. Pas aujourd'hui.

Inspirant discrètement, Ezra força un sourire à s'étirer sur ses lèvres, un sourire qu'il voulait délibérément calme, presque... confiant.

Le léger changement d'attitude ne passa pas inaperçu. Charlie haussa un sourcil, son sarcasme vacillant l'espace d'un instant.

— Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça ? T'as soudainement trouvé la solution miracle ? lança-t-elle, toujours sur un ton moqueur, mais une lueur d'intrigue perçant malgré elle dans sa voix.

Ezra laissa un silence s'installer, prenant le temps de savourer l'inversion des rôles. Pour une fois, elle n'avait plus l'ascendant total sur la conversation. Et ça, c'était presque jouissif.

— Disons que... je sais exactement qui embarquer avec nous, répondit-il enfin, son regard s'ancrant dans le sien avec assurance. On va faire de cet Escape Game un moment qu'Alix n'oubliera pas.

*

Un groupe de quatre amis attendit devant l'Escape Game le plus connu de Paris. La façade du bâtiment était discrète, avec une simple enseigne en néon indiquant Évasion au-dessus de la porte. La session réservée avait été un véritable parcours du combattant, les créneaux partant rapidement.

Pour la première fois, Ezra allait participer à un jeu d'évasion. Un mélange d'excitation et de nervosité l'habitait. Depuis qu'il avait commencé ses rendez-vous avec Alix, il avait expérimenté de nombreuses premières fois. Loin de le déplaire, il attendait avec impatience le début de cette nouvelle expérience.

L'enthousiasme conquit également Alix qui avait accepté immédiatement l'invitation du jeune homme. Les jeux d'évasions lui provoquaient un shoot d'adrénaline et ce sentiment, elle appréciait beaucoup. Elle ne tenait plus en place, empressée de rentrer pour commencer la mission.

—Tu as eu une super idée Ezra, lui dit-elle pour la énième fois, merci pour l'invitation.

— Ouais super idée Ezra, bougonna Charlie, très peu contente d'être là.

Il ricana satisfait de la voir contrariée. L'inviter était la meilleure idée qu'il eut pour se venger. Ça lui apprendra à l'embêter. Lorsqu'il proposa à sa cousine de se joindre à lui pour cet Escape Game, il savait qu'elle allait accepter et ramener avec elle Charlie. Ainsi, il avait son équipe de 4. Eva lui donna une tape amicale sur l'épaule.

— Arrête de bouder dans ton coin. On va bien s'amuser tous ensemble.

La porte s'ouvrit soudainement, ne laissant pas l'occasion à Charlie de répliquer. Un maître du jeu, vêtu d'un uniforme de la RATP, fit son apparition.

— Groupe pour la mission métro ? appela-t-il, son regard scrutant les participants présents dans la ruelle.

Les trois amis échangèrent un regard complice avant de se rapprocher de l'animateur, suivi de Charlie, avançant à reculons.

— C'est nous, répondit Alix avec assurance.

Vite, dépêchez-vous, on vous attendait. La situation est catastrophique à la station Stalingrad.

Prit par l'énergie de l'animateur, le groupe emboîta le pas, descendant les escaliers deux par deux pour ne pas perdre de vue leur guide. Une fois au sous-sol, il leur fit face soudainement énonçant leur mission.

— Pas de temps à perdre. Le conducteur du métro M4268 nous à signalé une panne sur sa rame. Cela a provoqué l'arrêt d'urgence à la station Stalingrad. Il semblerait que le problème soit assez grave. J'ai entendu dire que vous êtes les meilleurs techniciens de la RATP. Nous voilà soulagés. Pouvons-nous compter sur vous ? Demanda le Game Master.

— Avons-nous vraiment le choix ? Répondu Charlie.

Cela lui valut un coup dans les côtes de la part d'Alix et un regard réprobateur de sa copine. L'intervention de sa cliente fit rire le Game master, mais il repris rapidement une mine sérieuse, poursuivant son speech.

— Je vois bien votre motivation. Il est urgent de le réparer, car le risque de collision est assez important. Je ne vais pas vous apprendre votre métier, mais faudrait tirer l'interrupteur rouge pour redémarrer les systèmes. Voilà à quoi il ressemble. Vous avez une heure pour débloquer la situation. Au-delà, le risque d'un accident augmente considérable et c'est un échec de la mission. Avez-vous des questions ?

Aucune, annonça Alix, enthousiaste de commencer la partie.

On est prêt à réparer ce métro, poursuit Ezra, souriant à Alix qui avait les yeux pétillant.

Une fois les règles énoncées, l'animateur les dirigea vers un portillon avant de leur souhaiter bonne chance. La partie commença alors.

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