Chapitre 5 (suite)
Après avoir savouré les différentes douceurs qu'il avait préparées, Alix proposa une promenade autour de l'étang. Ezra accepta aussitôt, et ils plièrent tranquillement le paréo avant de ranger les restes des món nhậu dans le panier. Le cliquetis du verre et des boîtes résonna doucement, rythmé par la légèreté du moment.
Côte à côte, ils s'avancèrent sur le sentier, leurs pas amortis par le crépitement des feuilles sèches sous leurs chaussures. L'air tiède de l'après-midi vibrait des rires lointains et du chant discret des oiseaux.
Ils parlaient de tout et de rien : un concert auquel Alix voulait assister, une anecdote sur le dernier shooting photo d'Ezra, la météo capricieuse du printemps... Une conversation simple, fluide, où les mots coulaient sans effort.
Puis, soudain, Alix sembla se souvenir de quelque chose. Elle s'arrêta net, tournant la tête vers lui avec un éclat dans les yeux qui le fit aussitôt froncer les sourcils, intrigué.
— Oh, j'y pense ! s'exclama-t-elle, comme si l'idée venait de la frapper. En juillet, on avait prévu de partir en Thaïlande à quatre... Mais Mika a dû annuler, il n'a pas pu se libérer. Du coup, il reste une place libre. Ça te dirait de venir avec nous ?
Ezra marqua un temps d'arrêt. Le sourire qu'il affichait jusqu'ici s'effaça légèrement, remplacé par un mélange d'hésitation et de réflexion.
Une invitation ? Bien sûr, c'était flatteur. Mais au fond, une part de lui n'aimait pas ce que ça impliquait. Un remplacement. Une roue de secours.
Il se mordit l'intérieur de la joue, tentant d'étouffer cette pointe d'inconfort qui lui nouait le ventre. Elle n'a pas fait exprès, se répéta-t-il, cherchant à rationaliser. C'était sincère, il en était presque sûr. Du moins... c'est ce qu'il s'efforçait de croire.
Et puis... c'était la Thaïlande.
Juillet, c'était dans deux mois. Son agenda ? Blindé. Il avait déjà des contrats jusqu'à la fin de l'été, et Doan, sa patronne, ne lui pardonnerait probablement pas d'annuler. Tout indiquait qu'il devrait refuser.
Tout.
Sauf cette petite voix en lui. Celle qui lui soufflait que parfois, il fallait juste... oser. Arrêter de tout calculer.
Il releva enfin la tête, un sourire en coin.
— Je ne te promets rien... mais j'essaierai de me libérer.
Alix hocha la tête, visiblement soulagée.
— Tu me sauves ! Franchement, j'avais pas envie de jouer la troisième roue du carrosse entre Charlie et Eva.
Un éclat taquin dans la voix, mais Ezra nota le détail. Troisième roue. Il espérait qu'un jour, elle cesserait de le voir comme ça.
Mais pour l'instant, c'était déjà une ouverture. Et il était prêt à la saisir.
Réajustant le panier sur son bras, Ezra emboîta le pas à Alix, qui avait repris la route d'un pas léger. Pourtant, malgré la douceur de l'instant, son esprit s'emballait, divaguant malgré lui. Il s'imaginait déjà les plages de sable fin de Thaïlande, les temples majestueux, les marchés colorés et, surtout, ces moments qu'il pourrait partager avec elle, loin des repères familiers de Paris.
Ce voyage... C'était plus qu'une simple invitation. Une opportunité inespérée de se rapprocher d'elle. Hors de leur routine, dans un cadre nouveau, peut-être — juste peut-être — qu'elle finirait par le voir autrement.
Alors qu'ils avançaient en silence, Alix s'immobilisa soudain, le regard captivé par le paysage devant eux. L'étang miroitait sous la lumière dorée de l'après-midi, et le vent jouait doucement avec les branches fleuries, projetant des ombres mouvantes sur l'herbe.
— On dirait un tableau, murmura-t-elle, presque pour elle-même. Comme une peinture tout droit sortie de l'imagination de Monet... Tu connais L'Allée dans le jardin de Giverny ?
Ezra, pris au dépourvu, secoua la tête.
— Pas vraiment, admit-il, haussant les épaules. Je crois que je me suis jamais vraiment intéressé à la peinture...
L'art, pour lui, s'était toujours résumé à l'objectif de son appareil photo. Capturer l'instant, figer l'émotion brute. Il n'avait jamais pris le temps de comprendre la beauté figée sur une toile, ces nuances et textures qui racontaient, sans mots, des histoires entières.
— Je ne savais pas que tu t'intéressais à la peinture.
Alix, elle, éclata de rire, un éclat cristallin qui fit vibrer l'air autour d'eux. Puis, sans prévenir, elle s'accroupit pour cueillir quelques narcisses et pâquerettes, qu'elle rassembla dans un petit bouquet improvisé.
— J'apprécie beaucoup de choses, monsieur Pham. L'impressionnisme en fait partie, lança-t-elle avec une lueur taquine dans les yeux.
Elle observa un instant les fleurs dans sa main, les faisant tourner entre ses doigts, avant d'ajouter d'une voix plus douce :
— Monet est l'un de mes préférés. Ses Nymphéas... c'est comme un rêve. Un monde flottant, un instant figé et pourtant vivant.
Ezra, fasciné malgré lui, sentit son regard s'adoucir. Elle lui dévoilait une part d'elle.
Et lui, toujours avide d'en apprendre plus, se pencha légèrement vers elle, sincèrement curieux.
— Alors... Si tu pouvais peindre n'importe quel paysage, Alix, lequel tu choisirais ?
Son regard se perdit au loin, fixant un point invisible à l'horizon, et pendant un instant, le silence sembla s'étirer entre eux. Ses yeux s'illuminèrent d'une lueur nostalgique.
— Les falaises d'Étretat, répondit-elle finalement, sa voix plus basse, empreinte de sincérité. La mer me manque tellement dans cette jungle de béton qu'est Paris... Là-bas, face à l'immensité, tu te sens... libre. C'est apaisant.
Ezra l'écoutait, captivé, comme suspendu à chacun de ses mots. Ce n'était pas qu'une simple description. C'était un fragment de ce qu'elle était, de ce qu'elle rêvait. Un besoin profond d'évasion, de simplicité, loin de l'agitation constante du quotidien.
Il comprit, à cet instant, qu'Alix n'était pas seulement en quête de beauté — elle cherchait l'espace. La respiration. La liberté.
— C'est vrai que ces falaises ont l'air magnifiques, admit-il, la voix plus douce. J'en ai beaucoup entendu parler, mais... je n'y suis jamais allé.
Alix se tourna vers lui, un sourire sincère aux lèvres, presque enfantin dans sa spontanéité.
— Tu devrais vraiment. L'air marin, le bruit des vagues qui s'écrasent... C'est le genre de lieu qui te remet à ta place. Majestueux.
Ezra pouvait sentir à quel point cet endroit comptait pour elle. Et l'idée de partager cette expérience avec elle, d'être témoin de cette émotion qu'elle décrivait, naquit presque malgré lui.
— On pourrait... y aller ensemble ? lâcha-t-il, presque trop vite, réalisant à peine l'audace de sa propre suggestion.
Il se figea, déjà prêt à essuyer un refus poli, à voir Alix détourner le sujet comme elle savait si bien le faire quand il tentait de flirter trop ouvertement. Mais au lieu de ça, elle le fixa, visiblement prise au dépourvu... avant qu'un sourire amusé ne revienne effleurer ses lèvres.
— Fais attention, Ezra. Proposer une escapade comme ça, c'est sérieux. Tu te sens prêt à passer la journée entière à capturer le paysage juste pour moi ?
Sa taquinerie ne parvint pas à masquer l'éclat d'intérêt dans son regard. Et cette fois, c'était son cœur à lui qui s'emballa.
— Attends... tu veux dire... tu serais partante ?
Elle haussa les épaules, feignant l'indifférence.
— Pourquoi pas ? Ça fait longtemps que je n'ai pas voyagé autrement qu'avec des potes ou pour le boulot. Un week-end tranquille, à explorer, à se perdre dans des endroits calmes... ça me tente bien.
Ezra s'efforça de garder son calme, jouant la désinvolture, mais son esprit s'emballait déjà, imaginant ce voyage, les moments partagés, la possibilité de se rapprocher encore un peu plus d'elle.
Ils passèrent le reste de l'après-midi à grignoter les tapas — préparés avec soin par Ezra... et surtout par Eva. Leurs éclats de rire se mêlèrent au chant des oiseaux, et pour une fois, Ezra ne chercha pas à impressionner. Juste à savourer l'instant.
Et peut-être qu'au fond, c'était ça, le secret.
Pakkum
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