Chapitre 2 (suite)
La question, bien qu'attendue, le frappa comme un coup direct. C'était presque cliché, digne d'un roman à l'eau de rose ou d'un téléfilm du dimanche. Mais il savait qu'il ne pourrait pas y échapper. Pourquoi aimait-il Alix ?
Parce qu'elle était belle ? Non, il avait croisé des femmes répondant à tous les critères de beauté, peut-être même plus qu'elle. Parce qu'elle était drôle ? Si l'humour suffisait, il aurait envisagé une relation avec son meilleur ami depuis longtemps. Parce que leurs moments intimes étaient inoubliables ? Bien qu'intenses, il savait que ce n'était pas ce qui le poussait vers elle avec autant de force.
Il chercha une réponse, quelque chose qui aurait du sens, mais rien de simple ou de logique ne lui venait.
— Tu l'aimes ou tu ne l'aimes pas ? Pourquoi il te faut autant de temps pour répondre à une seule question ? Ce n'est pas si compliqué, lança Charlie, une pointe de dédain dans la voix, comme si la lenteur d'Ezra l'insupportait profondément.
Jusque-là, Ezra avait gardé son calme, encaissant les piques acérées de son interlocutrice. Mais tout le monde a ses limites, et il venait d'atteindre les siennes. Le feu qu'il s'efforçait de contenir s'embrasa soudainement.
— C'est facile pour toi de poser la question, Charlie, toi qui sais toujours comment montrer ton amour à Eva, répliqua-t-il, l'agacement marquant chaque mot.
Cette remarque fit mouche. Charlie se redressa brusquement, ses yeux lançant des éclairs. Un avertissement clair : il ne valait mieux pas continuer sur ce terrain glissant.
— Eh, l'abruti fini, tu es venu chercher de l'aide ou m'insulter ? Siffla-t-elle, sa voix glaciale et ses dents serrées.
Mais Ezra ne recula pas. Il planta son regard dans le sien, refusant de céder à cette intimidation qu'il connaissait si bien. Sa patience était épuisée, et son mécontentement montait en flèche.
— Toi qui penses tout savoir sur l'amour... pourquoi tu te plantes autant ? Hein ? Pourquoi tu fais autant d'erreurs si t'es si parfaite ? cracha-t-il, les poings serrés et la voix tremblant d'une colère qu'il n'essayait même plus de dissimuler.
Le silence tomba comme une chape de plomb. Charlie, d'ordinaire moqueuse et pleine de répartie, resta figée. Son expression impassible se fissura légèrement, laissant entrevoir une lueur d'irritation, mais aussi peut-être quelque chose de plus profond : une blessure qu'elle ne voulait pas montrer. Elle se redressa complètement, effaçant toute trace de son attitude désinvolte.
— Fais attention à ce que tu dis, Ezra, avertit-elle, sa voix basse mais tranchante. Tu veux jouer à ce jeu ? Tu n'es pas prêt pour ça.
Eva, qui jusque-là observait la scène avec prudence, sentit la tension atteindre un niveau critique. Elle posa doucement sa tasse sur la table, son regard passant de Charlie à Ezra, hésitant à intervenir.
— Ce n'ai pas moi qui est blessé ma copine. Même pas capable de gérer son couple et elle veut me faire des remarques sur mes sentiment.
Finalement, elle se leva, son ton ferme mais apaisant.
— Stop, vous deux. Vous n'allez nulle part comme ça. Ezra, si tu veux vraiment qu'elle t'aide, tu dois calmer ton arrogance. Et Charlie, arrête de le provoquer juste parce que tu peux. On est tous dans la même pièce pour une raison, non ?
Charlie lança un dernier regard noir à Ezra avant de croiser les bras, visiblement pas prête à lâcher son irritation. Ezra, de son côté, prit une profonde inspiration, essayant de retrouver son calme.
— Ok, concéda-t-il, les mâchoires encore serrées. J'ai peut-être dépassé les bornes. Désolé.
Charlie haussa un sourcil, sceptique, mais ne dit rien. Eva soupira de soulagement, voyant la tension légèrement retomber.
— Bon, on peut peut-être reprendre ? demanda en reprenant sa place sur le canapé. Charlie, tu aides ou pas ?
Le ton ferme de sa petite amie ne laissa aucune place à l'esquive. L'échange houleux qui venait de se dérouler avait éteint chez Charlie toute envie d'aider Ezra. Collaborer avec lui ressemblait davantage à un cauchemar qu'à une idée raisonnable. Mais un simple regard d'Eva, mêlant affection, suffit à fissurer cette carapace d'hostilité.
Elle soupira profondément, comme si ce simple acte drainait son énergie, avant de s'effondrer dans son pouf rose.
— Réponds, insista-t-elle, plongeant un regard sombre dans celui d'Ezra. Je t'aiderai seulement si tu me donnes une bonne raison de le faire.
Le jeune homme sentit le poids de l'attention de toute la pièce se poser sur lui. Il fouilla son esprit, essayant de rassembler des pensées éparses et des émotions qu'il avait longtemps étouffées. Mais aucune réponse logique ne semblait convenir. Finalement, poussé par un élan sincère, il prit une grande inspiration et laissa ses mots se frayer un chemin.
— Pourquoi j'aime Alix... ? répéta-t-il, hésitant. Franchement, je ne sais pas si j'ai une réponse parfaite. Ce n'est pas quelque chose de logique, pas quelque chose que je peux mettre en mots comme ça.
Il marqua une pause, ses doigts se crispant légèrement sur ses genoux. Charlie, toujours recroquevillée dans son pouf, fronça légèrement les sourcils, attentive malgré elle.
— Alix, elle est... spéciale pour moi, continua-t-il, sa voix plus douce. Comme Eva l'est pour toi, j'imagine. Quand elle est là, tout paraît plus simple, plus léger. Quand elle rit, c'est comme si tout ce qui pèse sur mes épaules disparaît. Je veux être celui qui lui donne ce sourire, celui qui la fait se sentir bien. Et oui, j'ai peur de tout gâcher. C'est pour ça que je suis ici, devant toi, malgré tout. Je veux faire les choses correctement cette fois. C'est tout.
Il releva les yeux, ancrant son regard brun dans celui de Charlie, espérant que ses mots atteindraient leur cible. Son ton, bien que calme, portait une charge émotionnelle qu'il ne pouvait dissimuler. Eva, silencieuse, observait sa copine, guettant sa réaction.
Charlie, elle, ne bougeait pas, scrutant Ezra comme pour détecter la moindre trace de mensonge ou d'exagération. Finalement, elle détourna le regard, fixant un point abstrait devant elle, comme pour digérer ce qu'elle venait d'entendre.
— Ok, souffla-t-elle enfin, sa voix dépourvue de sarcasme. T'as l'air sincère, et je déteste l'admettre, mais... t'as pas totalement tort. Alix mérite quelqu'un qui se donne à fond pour elle. Si tu veux vraiment essayer, alors je vais te donner une chance. Une seule.
Ezra relâcha un souffle qu'il ne savait même pas retenir. Il savait que cette collaboration serait tout sauf simple, mais pour Alix, il était prêt à affronter la tempête qu'était Charlie.
— Merci, dit-il simplement, sa voix empreinte de gratitude.
Charlie leva une main pour l'interrompre.
— Ne me remercie pas trop vite Ezra, on fera ça à ma façon et si ça te déplait, tant pis. C'est à prendre ou à laisser.
Ezra sentit ses muscles se tendre instinctivement. Il n'avait pas besoin d'une longue réflexion pour anticiper que ce qu'elle préparait n'allait pas lui plaire. Il restait silencieux, attendant qu'elle dévoile enfin ses intentions.
— Tu connais les douze travaux d'Héraclès ? demanda-t-elle soudain, son regard brillant d'une lueur espiègle et calculatrice.
— Oui... vaguement. Pourquoi ? répondit-il, méfiant.
Il soupira, passant une main sur son visage, déjà fatigué de ce qu'il imaginait venir. Charlie savourait sa confusion, le regardant comme un prédateur prêt à donner le coup de grâce.
— Eh bien, comme Héraclès, tu vas devoir passer par des épreuves pour prouver ta valeur, continua-t-elle avec une douceur feinte.
Eva, qui observait la scène depuis son coin, sentit un frisson d'appréhension. Elle comprenait immédiatement où sa compagne voulait en venir. Mais avant qu'elle n'ait pu intervenir, Charlie poursuivit, son sourire carnassier s'élargissant encore.
— Pendant douze mois, je te donnerai une information par mois sur Alix. À partir de là, tu devras organiser un rendez-vous qui la surprenne et la séduise. Douze rendez-vous, douze mois. Et si tu réussis, peut-être qu'Alix sera ta Omphale. Si tu échoues... eh bien, dis adieu à ta Mégara.
Ezra resta bouche bée, les mots de Charlie résonnant comme une sentence irrévocable.
— Tu plaisantes, Charlie. Tu veux me faire subir un an de torture juste pour ton plaisir personnel ? s'indigna-t-il en se levant brusquement, manquant de renverser les tasses de thé sur la table basse.
— Oh non, je ne plaisante jamais avec ce genre de choses, répondit-elle calmement, son ton presque trop agréable. Considère ça comme ma manière de t'aider... et aussi de m'amuser.
Il la fixa, incrédule. L'aplomb de Charlie le désarmait complètement, mais il savait qu'elle tenait les cartes en main. Avec une résignation palpable, il tourna un regard désespéré vers Eva, qui lui répondit par un sourire d'excuse. Son silence en disait long : Charlie était intransigeante, et elle ne comptait pas revenir sur ses conditions.
— Douze mois... murmura-t-il, un soupir lourd s'échappant de ses lèvres tandis qu'il retombait sur le canapé.
Il prit une profonde inspiration, ravalant son agacement, et finit par céder.
— D'accord, dit-il enfin, chaque mot semblant lui coûter une partie de sa fierté. Je vais jouer à ton jeu.
Un sourire satisfait illumina le visage de Charlie. Elle savourait pleinement sa victoire, sachant qu'Ezra n'avait d'autre choix que d'accepter son défi.
— Mais tu te rends bien compte que je pourrais réussir avant la fin de ces douze mois, n'est-ce pas ? tenta-t-il de lancer, essayant de récupérer un semblant de contrôle sur la situation.
— On verra bien, répondit-elle en croisant les bras, son ton délibérément provocateur.
Les douze travaux d'Ezra venaient officiellement de commencer.
Pakkum
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top