Chapitre 15 (suite)

L'intérieur, baigné par une lumière tamisée, les enveloppa d'une chaleur réconfortante, contrastant avec le froid mordant de l'extérieur. L'air était chargé d'un parfum de bois chauffé et de verre fondu. Un artisan-verrier, vêtu d'un tablier marqué par des traces de poudre et de suie, les accueillit d'un sourire bienveillant.

Alix, fascinée, laissa son regard parcourir l'atelier. Des outils étincelants étaient soigneusement disposés sur l'établi, tandis qu'un four rougeoyant vibrait doucement au fond de la pièce. Sur les étagères, des pièces en verre coloré, toutes plus magnifiques les unes que les autres, semblaient danser sous les reflets orangés du feu.

— Alors, les amoureux, prêts à créer votre chef-d'œuvre ? lança l'artisan, un brin taquin.

Alix ouvrit la bouche, prête à répondre, mais Ezra la devança, les oreilles légèrement rouges :

— Oh, non, non... on est juste amis, corrigea-t-il un peu trop vite, sa voix trahissant un mélange de gêne et de nervosité.

L'artisan haussa un sourcil, clairement peu convaincu avant de les inviter à le suivre.

— Bien sûr... amis, répéta-t-il avec malice, tout en désignant l'espace de travail.

Face à eux, un établi brillait de mille outils : pinces, chalumeaux, tiges de verre coloré prêtes à être transformées. La chaleur du four pulsait doucement.

— Prêts ? murmura Ezra, glissant un regard vers Alix, qui lui répondit par un sourire plein de défi.

— Prête à te voir rater ton chef-d'œuvre, ouais.

— On verra qui de nous deux fera la plus belle création, Alix.

Avec des gestes mesurés et une voix posée, l'artisan expliqua chaque étape du soufflage du verre, ses mouvements précis semblant presque chorégraphiés. Des années de pratique transparaissaient dans cette gestuelle maîtrisée, tandis que ses explications étaient ponctuées d'anecdotes sur son métier et les traditions de l'art du verre.

— Très bien, à toi de jouer, jeune homme, déclara-t-il finalement en tendant une longue tige métallique à Ezra.

Ezra prit une grande inspiration, sentant déjà le regard d'Alix peser sur lui avec curiosité. Il posa ses lèvres sur l'extrémité de la tige et souffla lentement, presque avec révérence, concentré sur le souffle régulier qu'il devait maintenir. Sous son effort, la masse de verre en fusion commença à se gonfler, s'arrondissant progressivement dans un éclat incandescent, bien plus maîtrisé qu'il ne l'aurait imaginé.

L'artisan hocha la tête, visiblement impressionné.

— Pas mal du tout pour un débutant, commenta-t-il avec un sourire approbateur.

Ezra recula légèrement, observant le fruit de son travail. La boule, légèrement asymétrique, avait un charme brut, scintillant encore sous l'effet de la chaleur.

— Alors ? Qu'est-ce que tu en penses ? demanda-t-il, un sourire triomphant aux lèvres, lançant un regard à Alix.

Elle croisa les bras, haussant un sourcil, le défi brillant dans ses yeux.

— Honnêtement ? Je pense que je peux faire mieux.

— Vraiment ? Vas-y, prouve-le, répondit Ezra, un sourire provocateur au coin des lèvres, tout en lui tendant la tige avec défiance.

Alix avança d'un pas, la tête haute, bien décidée à relever le challenge. Elle attrapa la tige avec assurance, écoutant une dernière fois les conseils de l'artisan qui lui indiquait comment doser son souffle. Puis, concentrée, elle souffla lentement, contrôlant parfaitement son geste.

Sous ses yeux, le verre s'arrondit de manière plus régulière que celui d'Ezra, formant une sphère presque parfaite, légèrement nacrée par la lumière du four.

Elle se recula, un sourire victorieux aux lèvres.

— Voilà. Ça, c'est une boule de Noël, déclara-t-elle, satisfaite.

Ezra plissa les yeux, observant la création avec un faux air critique, avant de lâcher dans un soupir dramatique :

— Bon, d'accord... Tu gagnes. Cette fois.

— Est-ce que ça t'étonne ? répliqua Alix, clairement ravie de son succès.

Leur échange se suspendit un instant, alors qu'ils posaient côte à côte leurs créations sur l'établi. Deux sphères de verre, imparfaites mais uniques, scintillaient à la lueur chaude de la fournaise. Elles semblaient presque raconter une histoire — celle d'un moment partagé, à la fois maladroit et précieux, à l'image de leur relation.

— On pourrait dire que c'est... symbolique, non ? glissa Ezra, désignant les deux pièces.

Alix esquissa un sourire taquin, haussant les épaules.

— Hum... Peut-être. Mais la mienne reste clairement la plus belle, ajouta-t-elle avec un clin d'œil.

Ezra secoua la tête, amusé, prêt à riposter, mais avant qu'il ne puisse répondre, l'artisan revint vers eux, posant délicatement sur l'établi des pinceaux fins, des pots de peinture dorée et argentée, ainsi qu'une poignée de paillettes scintillantes.

— Il ne reste plus qu'à leur donner la touche finale, annonça-t-il avec un sourire. Une fois décorées, elles seront parfaites.

*

Après avoir terminé leurs créations, Ezra et Alix remercièrent chaleureusement l'artisan avant de quitter l'atelier, leurs précieuses boules de Noël soigneusement emballées dans du papier de soie.

Dehors, la neige s'était intensifiée, recouvrant le marché d'un épais manteau blanc. Les guirlandes lumineuses faisaient danser leurs reflets sur la poudreuse immaculée, et l'air était empli des mélodies lointaines de chants de Noël.

Alix leva les yeux vers les lumières scintillantes au loin, un sourire doux flottant sur ses lèvres.

— C'était... vraiment une idée géniale, murmura-t-elle. Je crois que c'est la première fois que je fais quelque chose d'aussi original pour Noël.

Ezra, satisfait de sa réaction, hocha simplement la tête, le cœur plus léger. Lui non plus n'avait jamais vécu un moment pareil durant les fêtes. Et pourtant, à cet instant précis, tout lui semblait plus... juste.

Ils avancèrent en silence, leurs pas crissant doucement sur la neige fraîche. L'air froid rosissait leurs joues, mais aucun d'eux ne semblait vouloir rompre cette bulle suspendue, ce calme paisible enveloppant le marché.

Finalement, ce fut Alix qui brisa le silence, sa voix plus grave, teintée de réflexion :

— C'est fou... Comme tout est différent, cette année.

Ezra tourna la tête vers elle, intrigué.

— Différent comment ?

Elle marqua un temps, cherchant visiblement ses mots, avant de répondre :

— Tout. Toi, moi... Ce qu'on est en train de faire là. Ce... rendez-vous.

Elle s'arrêta, plissant légèrement les yeux, comme si elle tentait de clarifier ses pensées.

— Avant, j'aurais juste débarqué chez toi, on aurait... couché ensemble sans se poser plus de questions. Ensuite, j'aurais filé en soirée, profiter du moment, m'amuser, boire.

Elle laissa échapper un soupir, presque imperceptible, fixant un point imaginaire devant elle.

— Mais là...

Elle se tourna vers lui, le regard plus intense, plus sincère.

— J'apprécie vraiment ce qu'on partage. Mais... Je ne sais pas encore ce que ça signifie pour moi, Ezra.

Elle marqua une pause, le laissant mesurer le poids de ses mots avant d'ajouter, la voix plus basse :

— Je n'avais jamais envisagé que notre relation puisse... changer. Et encore moins dans cette direction.

Ezra resta silencieux un instant, pesant ses mots. Il comprenait. Elle avait encore des hésitations. Et même si une pointe de frustration lui serrait le cœur, il savait qu'il ne pouvait pas précipiter les choses. Forcer ne mènerait à rien.

Alix avait besoin de temps.

Et il était prêt à lui en laisser.

Inspirant profondément, il finit par rompre le silence, sa voix plus douce, plus posée :

— Je comprends, murmura-t-il, son regard ancré dans le sien. Je sais que rien n'est simple entre nous. Mais je veux que tu saches... je suis là. Je ne vais nulle part. Peu importe le temps qu'il te faudra.

Alix cligna des yeux, touchée par cette déclaration à la fois simple et profonde.

— Merci Ezra.

Un silence s'installa à nouveau. C'était un calme empreint de compréhension, un moment où les mots n'étaient plus nécessaires.

Puis, Alix jeta un coup d'œil à son téléphone, remarquant l'heure affichée sur l'écran : minuit passé. Un sourire soudain, lumineux, balaya l'émotion plus lourde des secondes précédentes. Elle glissa son portable dans la poche de son manteau et releva les yeux vers Ezra, les prunelles pétillantes.

Joyeux Noël, Ezra !

Sa voix résonna, pleine de cette joie spontanée et sincère qu'il adorait chez elle. Un contraste saisissant avec la conversation sérieuse de quelques instants plus tôt.

Pris de court, mais emporté par son énergie contagieuse, Ezra laissa son sourire s'élargir.

— Joyeux Noël, Alix.

Et dans ce simple échange, quelque chose s'était apaisé. Pas complètement réglé. Mais apaisée.

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