Chapitre 15 : Décembre

C'était la veille de Noël, et pour Ezra, cette soirée avait une signification bien plus profonde qu'une simple célébration. Alix avait accepté son invitation. Ce simple oui l'avait autant surpris qu'électrisé, déclenchant une fébrilité qu'il peinait à contenir.

Puis il l'avait vue.

Vêtue d'un manteau rouge éclatant, tranchant avec la grisaille hivernale de la ville, elle semblait défier le décor terne de l'hiver. Les guirlandes scintillantes des chalets du marché de Noël reflétaient dans ses yeux sombres, illuminant son visage d'une lueur irréel. Un instant, Ezra en oublia le froid mordant, hypnotisé par cette vision.

Éblouissante.

Alors qu'ils se mêlaient à la foule animée, il sentit l'envie irrépressible de se rapprocher. Sans même y réfléchir, il glissa sa main dans la sienne.

Un geste à la fois simple et audacieux.

Ce contact, la chaleur de sa peau contre la sienne, lui fit aussitôt monter le cœur à la gorge.

— Prête pour une nuit mémorable ? lança-t-il, un sourire en coin, essayant de masquer la nervosité qui menaçait de fissurer son masque de confiance.

Alix haussa un sourcil, surprise. Son regard glissa vers leurs mains entrelacées, s'attardant un instant, comme si elle pesait la situation. Mais elle ne recula pas.

— On verra si tu tiens tes promesses, Pham.

Un défi silencieux.

Leurs mains, toujours entrelacées, semblaient désormais si naturelles qu'il s'étonnait de ne pas l'avoir fait plus tôt. Autour d'eux, le marché de Noël vibrait d'une énergie chaleureuse et festive. Des guirlandes scintillantes ondulaient au-dessus des chalets en bois, tandis que l'air glacé portait les effluves sucrés de vin chaud, de cannelle et de châtaignes grillées.

Ils s'arrêtèrent devant un stand décoré de minuscules figurines sculptées à la main, représentant des scènes de la nativité. Ezra remarqua l'éclat discret dans les yeux d'Alix lorsqu'elle s'attarda sur une étoile dorée finement ciselée.

— Elle irait bien sur ton sapin, non ? souffla-t-il doucement, brisant la tranquillité du moment.

Alix haussa un sourcil, un sourire en coin aux lèvres.

— Qui te dit que j'ai un sapin ?

— Tu es peut-être pleine de mystères, mais... je commence à te connaître, répliqua-t-il, son regard ancré dans le sien. Et tu ne résistes jamais à la magie de Noël.

Elle éclata d'un rire clair, cristallin, qui sembla réchauffer l'air hivernal autour d'eux. Ce son, simple et sincère, était un cadeau en soi.

Ils poursuivirent leur balade, s'arrêtant ici et là pour déguster un chocolat chaud fumant et quelques friandises sucrées. Les conversations se faisaient plus légères, ponctuées d'anecdotes et de rires partagés, chaque échange renforçant cette complicité naissante qu'Ezra chérissait de plus en plus.

Puis, au détour d'une allée bordée de lampions, Alix se tourna vers lui, l'œil pétillant de curiosité.

— Bon alors, c'est quoi la suite du programme, mister Pham ?

Ezra esquissa un sourire énigmatique. Flâner dans le marché n'était qu'un prélude à la véritable surprise qu'il avait prévue. Un pari audacieux, presque risqué... Mais si c'était ce qu'il fallait pour rendre cette soirée mémorable, il était prêt à tenter le tout pour le tout

— Suis-moi, fit-il, resserrant légèrement sa prise sur sa main avant de l'entraîner doucement à l'écart de la foule.

Le tumulte du marché s'estompa peu à peu derrière eux, laissant place à un silence feutré, rythmé seulement par le crissement de leurs pas sur les pavés gelés. Le vent froid mordait leurs joues, mais ni l'un ni l'autre ne semblait y prêter attention.

Après quelques minutes de marche, ils débouchèrent sur une grande patinoire en plein air, illuminée de guirlandes blanches et dorées. Des dizaines de patineurs glissaient sur la glace, créant un ballet joyeux et insouciant au son lointain des chants de Noël.

Alix cligna des yeux, d'abord incrédule, avant de reculer légèrement, les mains sur les hanches, l'air faussement indigné.

Alix le fixa, sceptique, puis secoua lentement la tête.

— Je te préviens, Ezra... Je suis une catastrophe sur glace. Genre... vraiment.

— Parfait, répondit-il en se penchant pour lui donner une légère pichenette sur le front. Parce que ce soir, tu as le privilège d'être coachée par le meilleur professeur de patinage de tout Paris.

Elle haussa un sourcil, amusée malgré elle.

— Le meilleur, rien que ça ?

— Absolument. Compétent, charmant... et surtout extrêmement patient, ajouta-t-il avec un sourire provocateur.

Alix plissa les yeux, le jaugeant une seconde, avant de lâcher un soupir théâtral.

— Très bien... Mais si je me casse quelque chose, c'est toi qui m'amènes chez le kiné.

— Deal ! s'exclama-t-il en riant. Mais je te promets, tu ne tomberas pas. Enfin... pas trop.

Quelques minutes plus tard, chaussés de leurs patins, ils firent leurs premiers pas sur la glace.

Enfin... elle tenta.

Alix vacilla presque immédiatement, ses bras battant l'air dans un réflexe désespéré, avant de s'agripper au bras d'Ezra avec la délicatesse d'un koala paniqué.

— Je. Te. Déteste. Déjà. grogna-t-elle, entre le rire et l'anxiété, tandis qu'il la tirait doucement vers le centre de la patinoire.

— Détends-toi, ça va bien se passer, promit-il, son sourire rassurant contrastant avec la maladresse évidente de leurs mouvements.

Il resserra légèrement sa prise sur sa taille, la guidant avec précaution.

— Laisse-toi porter... Respire. Tu vois ? Ça vient.

Alix, encore hésitante, glissa quelques mètres en le suivant de près, ses doigts crispés sur son bras. Mais peu à peu, son souffle se calma, et la tension dans ses épaules sembla s'alléger.

Puis, dans un moment d'imprévu total, elle perdit l'équilibre.

— Aaaah !

Ezra réagit juste à temps, l'attrapant fermement par la taille pour la rattraper.

Un instant suspendu.

Leurs visages à quelques centimètres l'un de l'autre, la chaleur de son souffle effleurant sa joue.

Alix, surprise, éclata alors de rire, le genre de rire léger et sincère qui réchauffe même les soirées les plus glacées.

— T'étais censé être le meilleur prof, pas me laisser frôler la mort !

Un instant, le temps sembla suspendu.

Autour d'eux, la neige tombait doucement, tourbillonnant sous la lumière dorée des guirlandes. Le décor hivernal, presque féérique, semblait tout droit sorti d'une carte postale de Noël.

Ezra, les yeux pétillants, la fixa un instant, la beauté simple du moment l'envahissant. Puis, incapable de résister, il rompit le silence avec un sourire hilare :

— Dites-moi qu'on n'est pas coincés dans le cliché ultime du téléfilm de Noël ?

Alix le rejoignit dans son hilarité, hochant vivement la tête.

— Complètement, approuva-t-elle, les joues rosies par le froid. Il ne manque plus qu'un énorme sapin illuminé et... une déclaration d'amour tracée dans la neige, ajouta-t-elle, faussement dramatique.

Et, dans un élan théâtral, elle leva les bras au ciel, prenant une voix exagérément solennelle :

— Oh, Alix, tu es la lumière de ma vie, ma raison d'être, même sous ce froid polaire !

Ezra rigola à gorge déployée, sincère..

— Très crédible... mais si tu veux qu'on pousse le cliché jusqu'au bout, je peux toujours m'arranger pour la déclaration, plaisanta-t-il, son regard espiègle ne quittant pas le sien.

Alix plissa les yeux, pointant un doigt accusateur vers lui.

— Ne t'avise même pas, Ezra ! Si tu tentes ça, je jure que je pars en courant.

— Courir... sur des patins ? Ça, j'aimerais bien voir.

Ils échangèrent un regard, et sans prévenir, Alix éclata à nouveau de rire avant de lui attraper le bras pour l'entraîner sur la glace.

Petit à petit, ses pas devenaient plus assurés, moins hésitants. Elle n'avait plus autant besoin de s'accrocher à lui... mais elle ne semblait pas non plus prête à lâcher prise.

Ils glissaient côte à côte, se lançant des défis amicaux, riant à leurs maladresses respectives. La légèreté de l'instant, cette bulle hors du temps, valait pour Ezra bien plus que toutes les déclarations d'amour tracées dans la neige.

Puis, soudain, il s'arrêta net, tirant doucement sur sa main pour la faire ralentir à son tour.

— Et si, pour une fois, on sortait un peu des clichés, chérie ? murmura-t-il, son sourire adouci, le regard plongé dans le sien.

Elle haussa un sourcil, divertie par son ton.

— Je suis partante. Mais qu'est-ce que tu mijotes, mon sucre ?

Alix rit de bon cœur, mais son hilarité faillit la déséquilibrer.

Ses patins glissèrent sur la glace et, dans un réflexe paniqué, elle tendit les bras pour retrouver son équilibre.

Ezra réagit aussitôt. Il l'attrapa fermement par la taille, la stabilisant de justesse.

Leur proximité soudaine lui coupa le souffle.

Pourtant, ce fut son rire, ce son éclatant et pur, qui le désarma complètement. Son regard s'attarda sur la lueur pétillante dans ses yeux, ce moment où tout semblait s'effacer autour d'eux.

— Tu es... vraiment belle quand tu ris, souffla-t-il, presque malgré lui.

Les mots lui échappèrent, sincères, doux. Trop doux peut-être.

Alix cessa de rire, légèrement prise au dépourvu. Son regard croisa brièvement le sien avant qu'elle ne détourne la tête, feignant d'ignorer la remarque.

Pour briser l'intensité de l'instant, Ezra lui tendit la main, son sourire retrouvant une touche de malice.

— Suis-moi, tu verras bien.

Elle fronça les sourcils, méfiante mais curieuse.

— Hmm... Une autre surprise, hein ?

— Fais-moi confiance, répondit-il en entrelaçant doucement leurs doigts.

Elle hésita. Une fraction de seconde. Puis céda, laissant Ezra la guider hors de la patinoire, l'intrigue brillant dans ses yeux sombres.

La nuit leur appartenait. Et il semblait bien déterminé à en faire un souvenir gravé à jamais.

Leurs pas crissèrent sur la neige fraîche tandis qu'ils regagnaient le cœur du marché de Noël, traversant la foule animée. Les guirlandes multicolores scintillaient au-dessus d'eux, projetant des reflets dorés sur les pavés humides.

— Allez, sérieusement, tu vas me dire où tu m'emmènes, ou je dois deviner ? lança-t-elle, mi-agacée, mi-amusée, en le tirant doucement par le bras pour le faire ralentir.

Ezra se tourna vers elle, ses yeux pétillant de malice.

— La patience, ma chère, est mère de toutes les vertus, répondit-il, son sourire énigmatique éveillant encore plus sa curiosité.

Ils continuèrent à marcher, la foule du marché s'estompant peu à peu derrière eux. Loin des rires bruyants et des chants de Noël, Ezra guida Alix vers un coin plus reculé.

Là, nichée entre deux chalets, se dressait une petite boutique éphémère de verrerie artisanale. Derrière la vitrine scintillaient des boules de Noël soufflées à la main, toutes uniques, capturant la lumière des guirlandes dans une danse d'éclats irisés.

Alix ralentit, fascinée. Son regard s'attarda sur une boule aux reflets bleutés, si délicate qu'elle semblait presque irréelle. Un sourire léger naquit sur ses lèvres, un de ces sourires sincères qu'Ezra aimait tant surprendre.

Il en profita pour rompre le silence, sa voix douce :

— Tu te souviens de notre premier rendez-vous ?

Alix détourna les yeux de la vitrine pour lui lancer un regard curieux, un sourcil arqué.

— Laisse-moi deviner... On va customiser notre propre boule de Noël ?

Ezra esquissa un sourire complice, secouant légèrement la tête.

— En plein dans le mille. Avec un peu de chance, je ferai mieux qu'avec ce bol hideux à l'atelier céramique.

Le rire d'Alix résonna, tandis qu'elle le taquinait :

— Honnêtement, il serait difficile de faire pire.

— Merci pour ton vote de confiance, marmonna-t-il en levant les yeux au ciel, mais le sourire sur ses lèvres trahissait toute l'affection qu'il éprouvait.

D'un geste galant, il ouvrit la porte de la boutique pour la laisser entrer.