Chapitre 14

Chapitre 14 : Netflix and Chill

Quelques jours s'étaient écoulés depuis l'anniversaire d'Alix, et Ezra tournait en rond dans son appartement comme un lion en cage. Son esprit était encombré de doutes et de frustrations, un poids désagréable qui lui comprimait la poitrine. Il ne pouvait s'empêcher de ressasser cette fête d'anniversaire.

Pour Alix, peut-être que tout s'était bien passé, mais pour lui, ce n'était pas suffisant. Ce n'était pas un rendez-vous. Ce n'était pas leur moment.

Il finit par se laisser tomber lourdement sur son canapé, ses mains cachant son visage. Le silence de son salon était à la fois un répit et un amplificateur de ses pensées tourbillonnantes.

Fais quelque chose, Ezra. Agis.

Avec un soupir résigné, il attrapa son téléphone, hésitant une seconde de plus avant de taper un message rapidement :

À Alix — 13h46
Hey toi ! Dis, tu es occupée aujourd'hui ?

Il fixait l'écran, son pouce tapotant nerveusement le bord de l'appareil. Quelques minutes plus tard, la notification qu'il attendait apparut enfin.

D'Alix — 14h00
Salut, non pourquoi ?

Son cœur accéléra légèrement.

À Alix — 14h01
Ça te dit un Netflix & Chill à la maison ?

Puis, le silence.

Cinq minutes passèrent. Puis dix. Toujours rien.

Ezra sentit son assurance vaciller. Il laissa son téléphone glisser à côté de lui sur le canapé et passa une main agacée dans ses cheveux.

T'as vraiment cru que c'était une bonne idée, hein ? marmonna-t-il pour lui-même.

Vingt minutes. Silence radio.

Il soupira longuement, se levant avec un mélange d'irritation et de déception. Il se dirigea vers la cuisine, cherchant un semblant de distraction. Il ouvrit le frigo, le regardant fixement comme si la réponse à ses angoisses pouvait s'y trouver.

Une vibration.

Il s'immobilisa, son souffle suspendu, puis se précipita vers son téléphone.

D'Alix — 14h32
J'arrive

Il relut le message une, deux fois, un sourire discret mais victorieux apparaissant sur ses lèvres.

Ok, Ezra. Maintenant, fais en sorte que ce soit parfait.

Son esprit s'emballa. Il jeta un coup d'œil autour de lui : le salon n'était pas exactement prêt pour recevoir Alix. Des coussins éparpillés sur le canapé, un pull négligemment jeté sur une chaise, et une tasse de thé vide trônant sur la table basse.

Ok, Ezra. C'est le moment de te bouger.

Il attrapa le pull et le lança dans la chambre avant de réarranger les coussins avec une précision qui trahissait son anxiété. La tasse de thé fut rapidement emportée dans la cuisine, où il entreprit de rincer toute la vaisselle sale en un temps record.

Une fois le salon présentable, il se dirigea vers son meuble TV et fit défiler les films sur Netflix. Comédie romantique ? Trop cliché. Thriller ? Non, trop intense. Il finit par sélectionner quelques options qu'ils pourraient choisir ensemble, préférant laisser l'initiative à Alix.

Un détail lui vint soudain à l'esprit. Il ouvrit le frigo et se maudit intérieurement. Hormis une bouteille d'eau et quelques restes de plats asiatiques, il n'y avait pas grand-chose.

Pas question de l'accueillir avec ça.

Il attrapa ses clés et dévala les escaliers, direction l'épicerie du coin. En quelques minutes, il revint avec des snacks et une bouteille de prosecco — son préféré — et un bouquet de Chrysanthèmes.

De retour chez lui, il jeta un coup d'œil à l'horloge.

14h58.

Elle pouvait arriver d'un instant à l'autre.

Il disposa les snacks dans des bols, ouvrit la bouteille et posa le bouquet sur la table basse, un geste qu'il espérait discret mais marquant.

Quelques minutes plus tard, on sonna à la porte.

Son cœur rata un battement. Il essuya rapidement ses mains sur son jean, prit une grande inspiration et ouvrit.

Alix se tenait là, emmitouflée dans son manteau rouge, les joues rosies par le froid. Elle lui lança un sourire espiègle en entrant.

— Alors, Ezra... Tu as prévu quoi pour cette fameuse séance Netflix & Chill ?

Il haussa un sourcil, amusé.

— Rien d'extravagant. Juste de quoi te prouver que mes goûts en films sont aussi bons que mes intentions.

Alix éclata de rire, un rire franc, avant d'entrer dans l'appartement avec une décontraction naturelle qui lui était propre.

Elle se débarrassa de son manteau, dévoilant une tenue cosy : un jogging et un hoodie rouge, bien loin des tenues habillées qu'il avait l'habitude de la voir porter. Pourtant, il trouvait que ça lui allait tout aussi bien.

Ezra prit son manteau et l'accrocha soigneusement, cherchant instinctivement quelque chose à dire pour combler le silence qui s'était installé entre eux. Il hésita un instant, puis lâcha, presque sans réfléchir :

— Je n'avais jamais remarqué, mais le rouge... ça te va bien. Ça rehausse ton teint.

À peine les mots prononcés, il sentit une vague de doute l'envahir. Trop direct ? Trop évident ?

Alix tourna légèrement la tête, un sourire espiègle étirant ses lèvres.

— J'ai affaire à Ezra le photographe ou à Ezra Cordula, là ?

Il plissa légèrement les yeux, feignant la réflexion.

— Aucun des deux.

Elle hocha la tête, visiblement satisfaite.

— Tant mieux, parce que c'est Ezra Phạm avec qui j'ai envie de passer du temps.

Il aurait aimé répondre quelque chose d'intelligent ou de léger, mais sa réplique le cloua sur place un instant. Un frisson imperceptible parcourut son échine, mais il se contenta d'un sourire discret avant de la suivre du regard alors qu'elle s'installait sur le canapé.

L'attention d'Alix balaya rapidement la pièce. Son regard glissa sur la table basse, où il avait soigneusement disposé quelques snacks, une bouteille de prosecco déjà ouverte... et un bouquet de fleurs fraîchement achetées.

Elle haussa un sourcil, intriguée.

C'est pour moi, ça ? demanda-t-elle en désignant les fleurs.

Ezra s'adossa contre le dossier du canapé, essayant de paraître plus détendu qu'il ne l'était réellement.

Je me suis dit que ça ferait bonne impression.

— Hmm... Elle attrapa le bouquet du bout des doigts, l'observant comme si elle évaluait un détail important. Puis elle leva les yeux vers lui, une lueur taquine dans le regard. Tu marques des points, Phạm.

Il esquissa un sourire, soulagé.

— J'espère bien. Parce que la soirée ne fait que commencer.

D'un geste fluide, Ezra attrapa la télécommande posée sur le meuble TV et se laissa tomber sur le canapé à côté d'elle, veillant à maintenir une distance raisonnable... mais pas trop grande non plus.

— Alors, tu veux commencer par quoi ? J'ai sélectionné quelques films...

Alix se pencha légèrement pour regarder l'écran, son épaule frôlant presque la sienne.

— Hmm... Laisse-moi deviner. Il y a forcément une comédie romantique dans le lot, non ?

— Évidemment, répondit-il avec une fausse modestie. Mais j'ai aussi prévu un thriller, au cas où tu préfères un peu plus d'adrénaline.

Elle éclata de rire, secouant légèrement la tête.

— Tactique intelligente. Mais je vais te surprendre : et si on commençait par un film d'animation ? Un truc léger, sans prise de tête.

Ezra arqua un sourcil, amusé, avant de faire défiler la sélection sur l'écran.

— Parfait. Et pendant ce temps, prosecco ?

— Évidemment, répondit-elle en imitant son ton, un sourire complice aux lèvres.

Il s'éclipsa brièvement pour remplir leurs verres tandis qu'elle s'installait confortablement, repliant ses jambes sous elle. Lorsqu'il revint, ils trinquèrent doucement, le tintement du cristal résonnant faiblement dans la pièce tamisée.

Le film commença : La princesse Mononoké.

Ezra tenta de se concentrer, mais son attention ne cessait de dériver. Il captait chaque infime réaction d'Alix : la façon dont elle riait doucement à certaines scènes, son regard attentif suivant les détails du film, la manière dont elle jouait distraitement avec une mèche de ses cheveux.

Puis, sans prévenir, leurs doigts se frôlèrent alors qu'ils attrapaient le même bol de snacks. Un simple contact, fugace, mais suffisant pour envoyer un frisson le long du bras d'Ezra.

Alix ne manqua pas de le remarquer.

— Tu es nerveux ? souffla-t-elle, un éclat malicieux dans la voix.

Pris de court, il éclata de rire, secouant la tête.

— Qui, moi ? Pas du tout. Pourquoi ?

Elle haussa les épaules, feignant l'innocence, mais son sourire trahissait son amusement.

— Oh, rien. T'as juste l'air... concentré. Très concentré.

Ezra croisa son regard, et un sourire joueur s'étira lentement sur ses lèvres.

— C'est que je prends le Netflix & Chill très au sérieux.

Alix secoua légèrement la tête, amusée par sa réponse, avant de reporter son attention sur l'écran. Pourtant, Ezra sentait que quelque chose flottait dans l'air, une tension légère, presque imperceptible, mais bien réelle.

Il tenta de se recentrer sur le film, mais impossible. Il était bien plus absorbé par Alix que par l'histoire d'Ashitaka.

L'espace entre eux semblait se réduire naturellement au fil des minutes. Rien de flagrant, juste des mouvements imperceptibles : un léger déplacement sur le canapé, un bras qui s'étire, une jambe qui frôle l'autre.

Et puis, sans vraiment réfléchir, il se risqua à un geste.

Sous le plaid qui recouvrait leurs jambes, il effleura doucement son genou du bout des doigts, testant une réaction.

Alix ne bougea pas immédiatement. Il sentit juste un léger frisson la parcourir. Mais au lieu de s'éloigner, elle sembla se détendre un peu plus contre le canapé.

— Tu vas finir par manquer une partie du film, Ezra, murmura-t-elle sans détourner les yeux de l'écran.

Il sourit, sachant très bien qu'elle l'avait percé à jour.

— Je l'ai déjà vu des dizaines de fois, répliqua-t-il, sa voix plus basse qu'il ne l'aurait voulu.

Elle tourna la tête vers lui, arquant un sourcil.

— Ah oui ?

— Ouais. Et toi ?

— C'est mon préféré.

Un silence s'installa, seulement troublé par la musique du film et leurs souffles calmes.

Puis, doucement, Alix prit un popcorn et le porta à sa bouche avant d'en tendre un à Ezra, un sourire en coin.

— Tiens. Occupe-toi les mains.

Il éclata de rire, attrapa le popcorn et le croqua, secouant la tête.

— T'es vraiment...

— Géniale ? Irrésistible ? suggéra-t-elle.

— Emmerdeuse.

Elle éclata de rire, un éclat léger, presque complice.

Ils continuèrent le film, ou du moins, il fit semblant.

La relation entre Ashitaka et San lui rappelait la leur. Une tension latente, existante mais jamais totalement assumée. Volontairement ignorée ? Ou juste indéfinissable ? Il n'en était pas certain.

Il tourna la tête vers Alix, qui se servait un verre de prosecco, les yeux toujours rivés sur l'écran.

— Attention, tu vas trop remplir ton verre.

— Je sais ce que je fais, Ezra, répliqua-t-elle sans même lui accorder un regard.

Il haussa les épaules, feignant l'indifférence, avant d'essayer de se replonger dans le film. Essayer étant le mot clé.

Parce que le simple fait de sentir Alix à quelques centimètres de lui réveillait un tumulte qu'il n'avait pas anticipé.

Cela faisait des mois qu'il n'avait rien fait. Des mois qu'il n'avait pas ressenti cette brûlure sous la peau. Mais là, savoir qu'elle, elle, sa partenaire d'escapades charnelles, était à portée de main, rendait la situation bien plus compliquée qu'il ne l'aurait cru.

Était-ce une bonne idée de l'avoir invité ?

Il prit une longue inspiration, tentant de chasser les pensées indésirables. Mais elles s'infiltraient insidieusement, comme un poison sucré.

Il revoyait la chaleur de sa peau sous ses doigts. La douceur de ses lèvres effleurant les siennes. Ses gémissements entrecoupés, cette mélodie enivrante qu'elle laissait échapper contre son oreille.

Pense à autre chose, merde.

Il attrapa une poignée de pop-corn et l'enfonça dans sa bouche, mastiquant avec une concentration absurde, comme si le sel et le beurre pouvaient effacer les images qui s'imposaient à lui.

Ezra croisa les bras, tentant de se caler plus confortablement contre le canapé, mais rien n'y faisait. Il sentait chaque mouvement d'Alix à côté de lui, chaque respiration, chaque infime frisson.

J'ai envie d'elle.

L'aveu lui traversa l'esprit comme une décharge électrique, le laissant interdit face à sa propre pensée. Il avait beau se répéter que ce soir n'avait rien d'ambigu, qu'ils étaient juste deux amis partageant un moment de détente, son corps et son esprit semblaient en désaccord total sur la question.

Il devait trouver une diversion. Quelque chose qui détourne son attention de la chaleur diffuse qui émanait d'elle.

— Dis-moi, lança-t-il, s'efforçant d'adopter un ton léger, tu fais quoi pour Noël ?

Alix, occupée à siroter son prosecco, haussa un sourcil intrigué.

— Pourquoi ? Tu veux me proposer un énième rendez-vous ?

— T'es dure.

Ezra sourit, amusé par sa perspicacité, mais ne se laissa pas démonter.

— J'ai une proposition à te faire.

Alix posa son verre et lui accorda enfin toute son attention, le regard légèrement intrigué.

— J'écoute.

Ezra s'humecta les lèvres, profitant de cette brève pause pour peaufiner son approche. Il voulait que ça sonne naturel, sans trop en faire, mais avec juste assez d'intention pour qu'elle comprenne que ce n'était pas anodin.

— C'est la période des marchés de Noël et je me suis dit que ce serait sympa d'y aller ensemble. Juste toi et moi.

Il garda son ton décontracté, mais observa attentivement sa réaction.

Alix prit un air pensif, tournant légèrement son verre entre ses doigts.

— Hmmm... j'admets que ça a l'air sympa.

Elle marqua une pause, laissant planer un suspense inutile avant de lever son regard intense vers lui.

— T'es sûr que tu veux y aller avec moi ?

Ezra haussa un sourcil, croisant les bras.

— C'est bien moi qui te le propose, non ? répliqua-t-il avec un sourire entendu.

Elle hésita encore, mais il devina son intérêt quand un sourire discret s'installa sur ses lèvres. Finalement, elle acquiesça doucement.

— D'accord, marché conclu.

Un frisson d'excitation le parcourut, mais il s'efforça de ne rien laisser paraître.

— Parfait. Je te promets que ce rendez-vous sera le plus mémorable.

Alix haussa un sourcil, intriguée par sa confiance soudaine.

— Plus que celui de Normandie ?

Ezra resta interdit un instant. C'était la première fois qu'Alix faisait référence à leurs souvenirs passés de cette manière, qu'elle laissait entendre que certains moments avaient compté pour elle.

Alors Normandie, hein ?

Un sourire léger étira ses lèvres tandis qu'il se redressait confortablement sur le sofa.

— Plus que celui de Normandie. Je te le promets.

Elle ne répondit pas tout de suite. Il y avait quelque chose de presque indéchiffrable dans son regard, un mélange de défi et d'autre chose qu'il ne parvenait pas à identifier.

Puis, lentement, elle leva son verre vers lui, un sourire en coin.

— À notre futur rendez-vous alors.

Ezra fit tinter son verre contre le sien, savourant cette petite victoire.

Le marché de Noël serait son occasion parfaite.

Il ne savait pas encore comment, mais il comptait bien faire de cette soirée un moment inoubliable.

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