Chapitre 13
Chapitre 13 : Novembre
Ezra et Eva parcouraient les allées d'un centre commercial bondé, scrutant les vitrines à la recherche du cadeau idéal pour l'anniversaire d'Alix. Malgré l'ambiance animée, Ezra semblait ailleurs. Ses pas traînaient, ses sourcils étaient froncés, et son regard était perdu dans le vide.
— Tu vas finir par m'expliquer ce qui te tracasse ? questionna Eva, sans lever les yeux des jeux de rôle qu'elle comparait.
Ezra laissa échapper un soupir long et lourd, hésitant quelques instants avant de se confier :
— J'ai pris un râteau, lâcha-t-il abruptement.
Eva s'arrêta net, pivotant vers lui avec des yeux écarquillés.
— Attends, quoi ? Alix t'a mis un vent ? Quand ? Comment ça s'est passé ?
Ezra esquissa un sourire crispé, presque honteux. Il n'avait pas particulièrement envie de replonger dans ce souvenir, mais Eva était la seule à qui il pouvait en parler sans crainte d'être jugé
— Tu te souviens de la soirée d'Halloween ? commença-t-il.
Eva hocha la tête, l'encourageant à continuer.
— Après la fête, on était dans ma voiture... et je lui ai dit que je l'aimais, avoua-t-il, sa voix plus basse.
Eva cligna des yeux, incrédule.
— Attends... attends... Tu lui as balancé ça comme ça ? Direct ?
— Ouais... Enfin, ça ressemblait plus à un « je t'aime » sorti d'un mec à bout de nerfs. Et elle m'a répondu... que ce n'était pas réciproque. Enfin, pas pour l'instant.
Eva fronça les sourcils, puis poussa un sifflement compatissant. Elle posa une main sur l'épaule de son cousin, observant son expression abattue. Avec ses épaules affaissées et son regard un peu vide, il avait l'air d'un type à qui on venait de confisquer son dernier espoir.
Elle fut soulagée que Charlie ne soit pas là. Sa copine, n'affectionnant pas trop Ezra, n'aurait pas résisté à l'envie de le chambrer avec ses répliques cinglantes dont elle avait le secret. Elle imaginait déjà : "Bravo, grand romantique. T'aurais pas pu être un peu plus stratégique ? " ou encore "Franchement, tu t'y prends comme un pied. "
— Aïe... fit-elle finalement, grimaçant légèrement. Mais attends, elle a dit « pas pour l'instant ». C'est pas un non définitif, ça.
—Ouais, mais c'est tout comme, rétorqua Ezra en soupirant, visiblement désabusé. Ça fait un mal de chien. C'est comme si tout ce que j'avais fait jusqu'ici ne comptait pas.
Eva croisa les bras, réfléchissant. Elle savait à quel point son cousin s'investissait dans cette relation, malgré toutes ses maladresses. Et elle connaissait Alix : elle était du genre à peser chaque décision avec soin, sans jamais se précipiter.
— Écoute, c'est Alix. Elle ne fait rien à moitié. Si elle a besoin de temps, c'est pas parce que tu as échoué, mais parce qu'elle veut être sûre. Prends-le comme une chance de montrer ce que tu vaux vraiment. C'est encore jouable.
Ezra hocha la tête, tentant de se convaincre des mots de sa cousine. Peut-être qu'elle avait raison, après tout. Il laissa échapper un long soupir, puis passa une main dans ses cheveux, un geste qui trahissait à la fois son agacement et son envie de se remotiver.
— Ouais... peut-être que t'as raison, souffla-t-il, passant une main dans ses cheveux dans un geste nerveux.
Malgré tout, il ne pouvait se débarrasser de ce poids d'échec qui pesait sur sa poitrine. Mais il savait qu'il n'avait pas le choix : s'il voulait vraiment qu'Alix voit en lui plus qu'un simple ami, il devait continuer. Après tout, il n'en était qu'à la moitié de ces douze mois.
— Bien sûr que j'ai raison, ajouta Eva avec un sourire confiant. Maintenant, arrête de broyer du noir et concentre-toi sur ce fichu cadeau d'anniversaire. Parce que, pour l'instant, c'est moi qui fais tout le boulot ici.
Voilà un nouveau casse-tête pour le jeune homme. Cette mission « cadeau d'anniversaire » faisait émerger chez Ezra un sentiment désagréable : il réalisait qu'il ne connaissait peut-être pas Alix aussi bien qu'il le croyait. Ses goûts, ses envies, ces petites habitudes qu'il pensait maîtriser lui échappaient complètement. Et cela le perturbait profondément. À quoi servaient ces sept rendez-vous soigneusement orchestrés s'il était incapable de lui offrir un cadeau qui la toucherait vraiment ?
— Charlie va lui offrir quoi ? demanda-t-il brusquement, brisant le silence pendant qu'Eva reposait un des deux jeux qu'elle comparait.
— Elle m'a interdit de te le dire, répondit-elle simplement, sans lever les yeux.
Ezra fronça les sourcils, incrédule.
— Quoi ? Pourquoi ? Ce n'est pas comme si j'allais lui voler son idée ! s'indigna-t-il, élevant légèrement la voix.
Quelques clients se retournèrent, curieux, ce qui le fit se tasser un peu, gêné.
Eva, elle, réprima un rire, amusée par l'ironie de la situation. Elle se dirigea calmement vers la caisse, un exemplaire de Donjon et Chaton en main — le dernier jeu de rôle qui faisait fureur. Derrière elle, Ezra, bien décidé à obtenir une réponse, la suivait de près, trottinant presque.
— Allez, tu peux me le dire, je ferai comme si je ne savais rien, plaida-t-il avec insistance.
— Nope, rien du tout, répondit Eva, tout en sortant son portefeuille.
— Eva, sérieusement ! Je galère là. Juste un petit indice, un tout petit... Tu ne te rends pas compte de la pression !
— Oh, je m'en rends très bien, ricana-t-elle en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule. Mais non, je ne dirai rien. Charlie m'a fait promettre de garder le secret, et je tiens mes promesses.
— Tss... Elle abuse, marmonna-t-il, frustré.
Eva haussa les épaules, avançant dans la file sans prêter attention à ses jérémiades. Elle résistait à toutes ses tentatives avec une aisance déconcertante, comme si elle avait déjà anticipé chacun de ses arguments.
— Tu sais quoi ? T'es insupportable, lâcha-t-il en croisant les bras.
Ezra, exaspéré, finit par lâcher l'affaire. Il croisa les bras et s'adossa contre une étagère, affichant un air renfrogné digne d'un enfant contrarié. Eva, incapable de retenir un éclat de rire, secoua doucement la tête.
—Sérieusement, regarde-toi, on dirait que tu as dix ans, se moqua-t-elle gentiment.
Après quelques instants, elle s'approcha de lui, posant une main légère sur son épaule.
— Allez, cesse de bouder. Je vais te donner un petit conseil.
Malgré son petit numéro, Ezra dressa l'oreille. Son attention était maintenant complètement focalisée sur sa cousine, dans l'espoir qu'elle lui dévoile enfin un secret ou une piste.
— Écoute bien, Ezra, commença-t-elle, une mine sérieuse sur le visage. Le cadeau que tu offriras à Alix doit venir de toi. Pas quelque chose de générique ou que tu penses qu'elle attend. Non. Un cadeau qui reflète ce que toi, tu ressens pour elle. Ce genre de cadeau, c'est le plus parfait qui soit.
Ezra haussa les sourcils, légèrement déconcerté. « Un cadeau qui vient de moi ? » Ce n'était pas exactement l'indice pratique qu'il espérait. Il aurait préféré qu'elle lui dise « offre-lui tel objet » ou qu'elle lui donne un exemple précis. Mais malgré sa frustration, une partie de lui comprenait la vérité derrière ses mots.
Il se redressa, passant une main dans ses cheveux, signe de sa concentration. Ses pensées s'emballèrent tandis qu'il repassait mentalement en revue leurs conversations, leurs souvenirs, chaque petit moment partagé. Alix avait forcément laissé des indices, une trace de ce qu'elle aimait vraiment...
Et soudain, une idée éclata dans son esprit, aussi claire qu'une illumination. Il tourna brusquement la tête vers Eva, les yeux brillants d'enthousiasme.
— Je crois que j'ai trouvé, déclara-t-il, sa voix pleine d'une énergie nouvelle.
Eva arqua un sourcil, intriguée par son changement d'attitude.
— Ah ouais ? Alors, c'est quoi ?
Ezra attrapa son téléphone, sans répondre immédiatement.
— Pas maintenant, dit-il en s'emparant de son téléphone. Appelle Charlie !
*
L'anniversaire d'Alix arriva beaucoup plus vite que prévu, et Ezra se retrouva à courir contre la montre. Il monta deux à deux les escaliers de l'immeuble, le souffle court, son paquet coincé sous l'aisselle. En retard, comme toujours. Cette fois, c'était à cause d'une séance photo imprévue qui s'était éternisée. Les derniers clichés avaient nécessité un perfectionnisme agaçant de la part du client, et Ezra avait passé toute la course à fulminer intérieurement contre lui-même pour ne pas avoir mieux anticipé.
Son cœur battait à la fois à cause de l'effort physique et de la nervosité. Alors qu'il atteignait enfin l'étage, il s'arrêta devant la porte pour reprendre son souffle, son paquet légèrement froissé dans ses mains. De l'autre côté, des rires et des voix animées s'élevaient, lui signalant que la fête battait déjà son plein. Il inspira profondément avant de sonner.
La porte s'ouvrit presque immédiatement, et Ezra eut le souffle coupé en découvrant Alix. Elle était magnifique dans une robe ample aux couleurs pastels qui épousait son style streetwear avec une élégance inattendue, associée à des sneakers blanches customisées, une touche typiquement "elle". Mais ses bras croisés et son regard perçant lui firent vite comprendre que sa tenue n'adoucissait en rien son humeur.
— Tu es en retard, dit-elle froidement, son pied tapotant nerveusement le sol.
— Je sais, je sais... Désolé, vraiment, plaida Ezra, levant son paquet en guise de drapeau blanc. J'avais une séance photo qui a pris plus de temps que prévu.
Alix haussa un sourcil, clairement peu convaincue, mais finit par s'écarter pour le laisser entrer. Ezra pénétra dans l'appartement, conscient de la tension entre eux.
Le studio d'Alix était un véritable bijou. Spacieux et baigné de lumière, il mêlait harmonieusement des éléments rétro à des touches personnelles, témoignant de son goût raffiné et de son sens de l'esthétique. Une mezzanine élégante surplombait la pièce principale, où des cadres soigneusement accrochés retraçaient ses escapades à travers le monde. Des plantes suspendues ajoutaient une note de fraîcheur, tandis qu'une collection impeccablement alignée de vinyles occupait une étagère près du tourne-disque, prêt à donner vie à la soirée.
Ezra, avait appris à connaître les coulisses de cette réussite, repensa aux mois d'efforts acharnés qu'Alix avait consacrés à trouver cet appartement. Elle avait multiplié les visites, souvent ponctuées de frustrations face à des propriétaires peu conciliants ou à des loyers exorbitants. Il se souvenait de ses récits, parfois enflammés, parfois épuisés, qu'elle partageait lors de leurs rendez-vous. Ce lieu était bien plus qu'un simple logement pour elle : c'était la concrétisation de sa persévérance.
Suivant Alix dans la pièce principale, Ezra fut aussitôt enveloppé par une atmosphère chaleureuse et animée. Ses amis proches remplissaient l'espace, transformant l'appartement en un véritable cocon de convivialité. Des éclats de rire et des conversations passionnées fusaient de toutes parts, tandis que la playlist soigneusement choisie par Alix s'accordait parfaitement à l'ambiance festive.
Ses yeux parcoururent la pièce. Il reconnut rapidement plusieurs visages familiers. Près de la fenêtre, Charlie, toujours aussi expressive, discutait avec Mikaël, gesticulant avec passion pour illustrer son point de vue. Plus loin, Eva, assise négligemment sur l'accoudoir d'un canapé, semblait plongée dans une conversation captivante... avec Swann.
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