Chapitre 10 (suite)
La soirée prit une tournure inattendue, ponctuée de découvertes surprenantes. Ezra, amateur passionné de R&B français et de rap West Coast, se réjouissait de faire découvrir à Alix ses morceaux favoris. À sa grande surprise, elle lui confia un faible pour la pop, mais aussi un goût prononcé pour le métal — une révélation qui le fit rire à gorge déployée.
Ce contraste inattendu éveilla sa curiosité. Mais ce qui le laissa réellement sans voix fut le moment où Alix se lança dans un morceau de métal. Sa voix, puissante et pleine de nuances, emplit la pièce d'une énergie brute et presque envoûtante. Ezra resta figé, fasciné par cette facette d'elle qu'il n'avait jamais soupçonnée.
Leurs goûts musicaux semblaient appartenir à deux mondes opposés. Pourtant, loin de les séparer, ces différences les rapprochèrent davantage. Chaque chanson partagée, chaque refrain improvisé devenait une passerelle entre leurs univers. La musique faisait tomber leurs dernières réserves, dévoilant des fragments d'eux-mêmes avec une désarmante authenticité.
Le temps fila bien trop vite, et lorsque la fin de leur session approcha, ils décidèrent, presque instinctivement, de conclure avec «Ancré à ton port »de Fanny J.
Dès les premières notes, ils se jetèrent dans la chanson avec une fougue contagieuse, chantant à pleine voix, sans se soucier des fausses notes ou des décalages. Leurs rires couvraient parfois la musique, mais rien n'importait. Ce moment leur appartenait, un éclat de complicité pure où tout le reste disparaissait.
Quand la dernière note s'évanouit, ils retombèrent sur la banquette, essoufflés et les joues rougies par l'effort. Ezra, encore emporté par l'énergie de leur performance, ne pouvait détourner son regard d'Alix. Ses cheveux légèrement en bataille, sa peau brune luisante de quelques gouttes de sueur, son sourire lumineux... tout en elle semblait irradier une chaleur irrésistible.
La mélodie de «Ancré à ton port » continuait de résonner dans son esprit, un écho du lien qu'ils venaient de tisser sans retenue. Une vague de désir monta en lui, un besoin irrépressible de combler la distance infime qui les séparait. Ses doigts le démangeaient à l'idée de toucher cette peau qui captait si magnifiquement la lumière, de prolonger cet instant suspendu où tout semblait possible.
Mais il se força à se recentrer, à respirer profondément. Ce moment avait une valeur précieuse, et il ne voulait rien faire qui puisse le briser. Alors il se contenta de sourire doucement, espérant qu'elle ne remarque pas les émotions tumultueuses qui dansaient dans son regard.
— Ça m'a fait tellement de bien de chanter avec toi, déclara soudain Alix, brisant le silence avec un sourire léger en ajustant la sangle de son sac sur son épaule.
— Moi aussi, murmura-t-il, sa voix encore rauque d'émotion.
Puis, dans une tentative de légèreté :
— Mais sérieusement, faudrait qu'on prenne des cours de chant. T'as vu le massacre ? Mes oreilles s'en souviennent encore.
— Parle pour toi ! répliqua-t-elle avec une fausse indignation. Elle rassembla ses affaires, insouciante de l'effervescence qu'elle avait laissée derrière elle.
Son rire, léger et contagieux, chassa une partie de la tension qui pesait sur Ezra. Mais une petite voix dans sa tête le narguait, lui soufflant que cette proximité, cette alchimie qu'ils partageaient, avait réveillé un désir qu'il aurait bien du mal à contenir.
Alors qu'ils atteignaient l'entrée du karaoké, Alix, pleine d'énergie, se tourna vers lui.
— On continue la soirée ? demanda-t-elle, les yeux pétillants d'enthousiasme.
Ezra n'hésita pas une seconde.
— McDo ? proposa-t-il, sachant parfaitement qu'elle ne pourrait résister à l'appel de la malbouffe.
— Bonne idée, je te suis, répondit-elle avec une joie évidente.
L'air frais de la nuit les enveloppa alors qu'ils déambulaient dans les rues encore animées, portés par l'énergie du karaoké. Ils parlaient de tout et de rien. Alix, enjouée, partagea des anecdotes sur des soirées karaoké passées avec ses amis, ses gestes illustrant chaque histoire avec une intensité qui captivait Ezra.
Sous les réverbères qui projetaient une lumière douce, il ne pouvait s'empêcher de la fixer, absorbé par la spontanéité et l'éclat de vie qui émanaient d'elle. À cet instant, il se promit de savourer chaque seconde avec elle, même si son cœur battait toujours un peu trop vite à chaque sourire qu'elle lui adressait.
Une fois arrivés au fast-food, ils s'installèrent à une table légèrement en retrait, à l'abri des regards indiscrets. La lumière chaude des néons et l'odeur réconfortante des frites fraîches enveloppaient l'espace d'une familiarité agréable. Alix, fidèle à elle-même, opta pour un Big Mac, tandis qu'Ezra se contenta d'un menu Chicken Nuggets.
— Qui aurait cru qu'on finirait ici après une soirée aussi fun ? lança Alix, espiègle, tout en s'emparant d'un Nugget dans la boîte d'Ezra sans la moindre gêne.
— Hey ! protesta-t-il en la fixant, faussement indigné. Je te signale que tu as déjà un burger !
Elle lui répondit en tirant la langue, croquant dans le Nugget volé avec un sourire malicieux.
Leurs rires et taquineries se mêlaient au bruit ambiant du restaurant. Tout semblait couler de source entre eux, comme si ces moments de complicité étaient inscrits dans leur routine.
— On devrait vraiment refaire ça plus souvent, dit-elle soudain, pensive, en jouant avec une frite entre ses doigts. J'avais presque oublié à quel point c'était sympa de traîner avec toi.
— Ouais... un moment rien qu'entre nous deux, murmura Ezra, sa voix si basse qu'elle semblait s'adresser à lui-même.
Il esquissa un sourire, savourant pleinement cet instant, comme un souvenir précieux qu'il voulait déjà conserver.
Alix releva les yeux vers lui, une lueur espiègle brillant dans son regard.
— Et sinon, pour notre prochain rendez-vous, tu as déjà une idée ?
La question le prit de court. Ezra sentit son esprit s'emballer, jonglant entre des idées classiques comme un cinéma ou une exposition, mais il savait qu'il devait aller au-delà de l'ordinaire. Il inspira doucement avant de se lancer.
Il se pencha légèrement en avant, appuyant ses coudes sur la table, comme s'il préparait une révélation importante.
— Eh bien, disons que j'ai une ou deux idées en tête... Mais si je te les dis maintenant, où serait le suspense ? lança-t-il, adoptant un ton énigmatique.
Alix plissa les yeux, sceptique.
— Ah, parce que tu crois que ça va me suffire, ça ? Tu sais que je ne suis pas patiente, Ezra.
Il rit doucement, appréciant son insistance, et laissa planer un moment de silence. Puis il laissa échapper :
— D'accord tu as gagné, rit-il. Garde un week-end de libre en septembre car je t'emmène à Etretat ? Juste toi et moi... enfin si tu es d'accord.
Sa voix, pleine d'assurance au début, fléchit légèrement à la fin, laissant transparaître une hésitation. Ses doigts jouant nerveusement avec la serviette en papier devant lui.
Alix haussa un sourcil, visiblement surprise. Un silence planait entre eux, laissant à la jeune femme l'occasion de jauger la sincérité de l'invitation. Elle posa ses coudes sur la table, appuyant son menton dans ses mains, comme si elle pesait soigneusement sa réponse.
— Monsieur Phạm a bonne mémoire, répondit-elle, le ton léger. Ça date de mai, non ? Je ne pensais pas que tu t'en souviendrais.
— Tu sais bien que j'ai une excellente mémoire... pour ce qui compte, répondit-il avec un clin d'œil, cherchant à masquer le mélange de nervosité et d'espoir qui l'habitait.
Leur conversation se poursuivit sur un ton léger, ponctuée de plaisanteries. Alix semblait réellement emballée par l'idée du week-end, son engouement sincère se lisait sur son visage.
— Alors, c'est décidé, lança-t-elle avec un sourire ravi en repoussant son plateau. Prépare-toi à être un guide touristique exemplaire, Monsieur Phạm. Je vais avoir des attentes élevées.
Chacun, dans un silence confortable, savourait l'idée d'un futur week-end loin de Paris. Alix, l'esprit vagabond, s'imaginait déjà les falaises imposantes d'Étretat, la mer déchaînée et l'air salin caressant son visage. Ezra, de son côté, se fit une promesse silencieuse : tout faire pour que ce séjour devienne un souvenir gravé à jamais dans leur mémoire.
*
Ezra arriva devant l'appartement d'Eva, un mélange d'appréhension et d'excitation nouant son estomac. Charlie était de retour de vacances, et bien qu'elle ait été d'une aide précieuse ces derniers mois, son talent pour mêler sarcasme et vérités gênantes le laissait souvent désarçonné.
Il inspira profondément avant de sonner. La porte s'ouvrit presque immédiatement, dévoilant une Eva tout sourire, sa chaleur naturelle réussissant à apaiser légèrement les tensions du jeune homme.
— Alors, raconte-moi tout, dit-elle avec un enthousiasme contagieux, tout en lui tendant une tasse de thé brûlante.
Ils s'installèrent sur le canapé, prêts pour ce qui s'annonçait être un débriefing minutieux. Mais avant même qu'il n'ait eu le temps de commencer, Charlie fit une entrée digne d'un one-woman-show. Elle s'affala dans son fameux pouf rose poudré, son trône incontesté, croisant les bras avec un sourire malicieux.
— Alors, Monsieur 365 jours pour séduire, lança-t-elle avec un air faussement grave. Comment s'est passé ce karaoké ? Dis-moi que tu as enfin trouvé la note juste, et que tu ne ressemblais pas à un canard asthmatique ?
Ezra se racla la gorge, essayant de ne pas rire à la remarque de Charlie. Si elle savait... Sa voix avait craqué à plusieurs reprises pendant leur session de karaoké, mais Alix ne s'en était pas moquée. Au contraire, elle s'était amusée de ses petits ratés, et cela avait contribué à rendre l'atmosphère plus détendue.
— C'était... sympa, répondit-il avec un ton légèrement hésitant, sa voix marquée par un brin de nostalgie. Alix et moi, on a bien rigolé. Et... on a même évoqué l'idée de partir en week-end. À Étretat.
Un silence accueillit sa déclaration. Charlie se redressa dans son pouf, croisant les bras et arquant un sourcil.
— Étretat ? Toi, Monsieur je calcule chaque rendez-vous au millimètre, tu vas emmener Alix voir les falaises ? Rien que ça ? Eh bien, peut-être que ta cause n'est pas si désespérée finalement. Bravo, mon p'tit, commenta-t-elle avec une pointe de sarcasme, mais sans la dureté habituelle.
Ezra roula des yeux mais un sourire amusé éclaira son visage. Malgré la tension quasi constante entre eux deux, il sentit que Charlie s'était légèrement adoucie... ou peut-être que c'était lui qui commençait à mieux la comprendre. Il secoua la tête pour chasser cette pensée. Non, ça ne pouvait pas être ça.
Eva, silencieuse jusqu'ici, brisa le moment avec une pique bien sentie.
— Tant mieux alors ! Donc ton rendez-vous de septembre se passe en Normandie ? Elle lança un regard appuyé à Charlie. C'est dommage qu'aucune personne ne me propose ce genre de week-end romantique.
Charlie haussa un sourcil, captant instantanément la reproche déguisée. Elle fronça légèrement les lèvres, consciente qu'Eva marquait un point. Cela faisait un moment qu'elles n'avaient pas pris le temps de s'échapper ensemble, loin des obligations et du chaos parisien. Entre le travail, leurs amis, et le reste, elles avaient négligé ces moments essentiels de tête-à-tête.
— T'as pas tort, reconnut Charlie en s'adossant dans son pouf, un brin songeuse. Ça commence à remonter... Peut-être qu'on devrait s'organiser ça. Loin du bruit de Paris.
Eva cligna des yeux, surprise. Elle s'attendait à une réplique plus moqueuse ou une esquive habile de Charlie, mais cette ouverture sincère la toucha. Un sourire tendre illumina son visage. Elle se leva pour déposer un baiser léger sur ses lèvres, un geste à la fois simple et intime.
— Rien que nous deux, hm ? Ça pourrait être sympa, murmura Eva, un éclat joyeux dans les yeux.
Charlie, feignant l'indifférence mais visiblement conquise, haussa les épaules avec un sourire malicieux.
— T'as intérêt à pas choisir un trou perdu comme Étretat. Je vise quelque chose de mieux... genre une villa en Toscane ? lança-t-elle, mi-sérieuse, mi-taquine.
Ezra, spectateur amusé de cette scène inattendue, leva les mains en signe de reddition.
— Si vous voulez des idées, demandez à Monsieur « rendez-vous mémorables ». Je commence à avoir un bon carnet d'adresses, plaisanta-t-il, se détendant enfin.
Les trois pouffèrent de rire, l'atmosphère s'adoucissant, marquant un rare moment de complicité entre eux.
Nous sommes à la moitié du livre 🎉
Pakkum
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