Chapitre 1 (suite)
Il la repéra enfin, adossée nonchalamment au bar, un verre à la main. Ses tresses emprisonnées dans un chignon lâche, quelques mèches encadrant son visage. Elle discutait avec un homme qu'il ne reconnaissait pas, un sourire léger aux lèvres. Elle irradiait, comme toujours.
Les sourcils d'Ezra se froncèrent malgré lui, une vague d'irritation montant en lui à mesure qu'il continuait à observer la scène. Il se surprit à fixer l'homme avec une intensité qui aurait pu brûler des trous dans son dos.
Pourquoi cela le dérangeait-il autant ? La question tournait en boucle dans son esprit, amplifiant sa confusion et son malaise. Ils n'étaient pas en couple. Leur arrangement était clair dès le départ : pas de promesses, pas d'attentes, pas d'attaches.
Alors pourquoi se sentait-il comme un animal en cage, les muscles tendus, la mâchoire serrée, incapable de détourner les yeux ? Ses poings se contractèrent nerveusement, et une chaleur désagréable se répandit dans son ventre, dévorant sa raison et son calme. Ce n'était pas de la jalousie. Non. Ça ne pouvait pas être ça.
Ezra tenta de se convaincre que ce n'était rien, qu'il était ridicule. Inspirant profondément, il ferma les yeux, cherchant à se recentrer. Ce n'était qu'un moment, une scène insignifiante dans une soirée comme les autres. Mais lorsqu'il rouvrit les yeux, la scène devant lui fit éclater sa fragile façade de contrôle.
L'inconnu effleura doucement la main d'Alix. Et elle ne la retira pas. Pire encore, ce sourire qu'elle lui adressait, d'habitude taquin, semblait maintenant plus intime. Un sourire qu'elle ne lui avait jamais offert.
Le feu qui brûlait en lui jusque-là se transforma en un brasier, dévorant toute rationalité.
Sans réfléchir, Ezra se mit en mouvement. Chaque pas le rapprochait d'eux, ses mâchoires serrées et ses poings crispés trahissant la tempête intérieure qui l'animait. À quelques mètres de là, Franck, surpris par ce changement brutal, le suivit du regard, les sourcils froncés, mais Ezra était trop absorbé pour remarquer quoi que ce soit.
Il avançait sans plan, sans mots préparés, mais avec une urgence qu'il ne parvenait pas à contenir. Regarder Alix rire et sourire ainsi avec cet homme, comme si Ezra n'existait pas, devenait insupportable.
L'homme, sentant sa présence approcher, leva les yeux. Un sourire en coin apparut sur son visage, teinté d'une assurance nonchalante. Ce simple geste rendit le brasier encore plus vive en Ezra, alimentant sa frustration.
— On peut parler ? demanda-t-il à Alix, tentant de garder un ton calme, mais sa voix trahissait une tension difficilement contenue.
Alix releva la tête, surprise. Elle le scruta un instant, cherchant à comprendre ce qui justifiait cette interruption soudaine. Son expression fermée contrastait avec le sourire détendu qu'elle affichait quelques secondes plus tôt.
— Je suis occupée, Ezra. On discu...
— S'il te plaît, Alix, coupa-t-il, sa voix plus basse mais empreinte d'une urgence presque douloureuse.
Il la regardait avec une intensité qui la fit hésiter. Après un moment, elle soupira, résignée.
— Ok, concéda-t-elle finalement.
Elle se tourna vers Matteo, l'homme avec qui elle discutait, et lui adressa un sourire désolé.
— Excuse-moi, dit-elle avant de suivre Ezra, visiblement irritée.
Ils s'éloignèrent des festivités, trouvant un coin plus calme. Ezra ralentit enfin, se retournant pour lui faire face. Pendant un instant, il ne dit rien, se contentant de la fixer, son regard oscillant entre la confusion et la frustration. Alix croisa les bras, attendant qu'il parle, mais l'éternel silence qui s'installait devenait pesant.
— Alors ? C'est quoi ton problème, Ezra ? demanda-t-elle, d'un ton sec.
Il détourna les yeux, pris au dépourvu par la question, avant de les reposer sur elle..
— Je... Je ne sais pas ce qui m'arrive, avoua-t-il enfin, sa voix marquée par une honnêteté troublante. Mais je sais que je ne supporte pas de te voir avec cet idiot.
Elle haussa un sourcil, intriguée mais pas surprise.
— En quoi ça te concerne ? demanda-t-elle, son ton calme contrastant avec l'agitation d'Ezra.
— Parce que ça me rend dingue, lâcha-t-il, ses mots presque précipités. Je déteste te voir sourire à un autre mec que moi. Ce n'est pas difficile à comprendre, non ? Et cet imbécile... il ose te toucher. Pourquoi tu le laisses faire ? Tu pourrais le repousser si tu en avais vraiment envie.
Sa voix était empreinte d'une frustration brûlante, presque désespérée, tandis qu'il cherchait à exprimer l'intensité de ce qu'il ressentait. Ses mâchoires se serraient comme s'il luttait pour ne pas perdre complètement le contrôle.
Alix resta immobile, son regard ancré dans celui d'Ezra, lisant chaque émotion qui déferlait en lui. Elle ne réagit pas immédiatement, choisissant de maintenir un calme apparent face à son agitation. Derrière son expression impassible, elle sentait pourtant l'onde de sincérité brute dans ses mots, une vérité qu'il semblait découvrir lui-même en la prononçant.
Elle n'avait pas besoin de parler tout de suite. Elle le laissa s'exposer, ses paroles suspendues dans l'air comme une confession qu'il n'avait jamais osé formuler.
— Tu m'aimes ? brisant le silence comme un coup de tonnerre dans une nuit calme.
La question le foudroya. Ezra sentit son cœur s'emballer, frappant contre sa cage thoracique avec une force qu'il ne pouvait ignorer. Ses pensées tourbillonnaient, désordonnées, cherchant désespérément une échappatoire. Mais il n'y avait plus de fuite possible. Pas cette fois.
— Il semblerait que oui, répondit-il enfin, sa voix à peine plus qu'un murmure, comme si le dire à voix haute rendait tout cela encore plus réel.
Ce simple aveu sembla suspendre le temps. Une vague de vérité brute s'abattit sur lui, balayant tout doute, toute tentative de déni. Il l'aime. Et ce n'était pas une émotion qu'il pouvait rationaliser ou repousser. Ce n'était pas juste une question de désir ou d'attraction. Il voulait être celui qui verrait chaque éclat de rire, celui qui effacerait ses peurs et ses doutes, celui qui occuperait une place qu'aucun autre ne pourrait atteindre.
Alix, cependant, resta impassible, son regard scrutant le sien avec une intensité déconcertante. Elle semblait peser ses mots avant de répondre, cherchant à comprendre si elle devait briser l'élan ou le laisser se poursuivre.
— On est deux adultes, et on avait un accord, rappela-t-elle finalement, sa voix posée mais teintée d'une nuance indéchiffrable. Une relation purement physique, sans attaches. Alors pourquoi insister avec des sentiments ?
Le ton pragmatique de sa remarque frappa Ezra de plein fouet. Il poussa un soupir, levant une main nerveuse pour ébouriffer ses cheveux dans un geste familier de frustration.
— Parce que je ne peux pas m'en empêcher, Alix, dit-il finalement, sa voix emplie d'une franchise inattendue. Je sais ce qu'on avait convenu, je sais ce que c'était censé être... Mais tu crois que je peux juste ignorer ça ? Ce que je ressens, ce que je veux ?
Il la fixa intensément, cherchant dans son expression la moindre faille, le moindre signe qu'elle pourrait comprendre, qu'elle pourrait ressentir, ne serait-ce qu'un fragment de ce qu'il traversait.
— Oui ! dit-elle calmement, ses yeux ancrés dans les siens avec une intensité désarmante.
Ce refus, aussi posé soit-il, frappa Ezra de plein fouet. Il resta figé, cherchant un signe d'hésitation ou une brèche dans son regard, mais Alix demeurait immobile, sa détermination inscrite dans chaque trait de son visage.
— Pourquoi ? murmura-t-il, sa voix brisée par une douleur qu'il ne cherchait même plus à cacher. Pourquoi pas ?
Alix inspira profondément, détournant un instant les yeux comme pour rassembler ses pensées. Elle choisissait soigneusement ses mots, consciente qu'ils pourraient causer des dégâts qu'elle ne souhaitait pas.
— Parce que je ne te connais pas, Ezra, répondit-elle finalement, sa voix douce mais ferme. On couche ensemble, oui, mais on n'a jamais pris le temps d'apprendre à se connaître, vraiment. Toi et moi, c'est... léger, simple. Je t'apprécie en tant que sexfriend, mais pas en tant que potentiel petit ami.
Ses paroles tombèrent comme un couperet. Ezra sentit le poids de ses mots s'abattre sur lui, lourd et impitoyable. Il serra les poings, le feu d'une insatisfaction mêlée d'un désespoir naissant brûlant dans sa poitrine. Mais au lieu de se retirer, il se raccrocha à une lueur d'espoir, même infime.
— Alix, reprit-il, sa voix tremblant légèrement sous l'émotion. Donne-moi une chance. Laisse-moi te prouver ce que je ressens. Si après ça, tu n'es pas convaincue, je te promets de m'effacer. Mais je veux savoir ce qui te fait rire, ce qui te fait rêver, ce qui te pousse à avancer. Je veux apprendre ce qui te fait peur et ce qui te rend fière.
Il fit un pas vers elle, son regard planté dans le sien, une vulnérabilité émanant de lui.
— Laisse-moi essayer, s'il te plaît, implora-t-il, chaque mot chargé d'une sincérité qu'il ne cherchait même pas à masquer.
Le silence s'installa, pesant et interminable. Ezra sentit chaque seconde s'étirer comme une éternité, son cœur suspendu à une décision qu'il ne pouvait pas contrôler. Alix, elle, semblait plongée dans une réflexion profonde, son regard indéchiffrable.
Finalement, elle prit une longue inspiration et le fixa intensément.
— D'accord, dit-elle enfin, sa voix calme mais teintée de fermeté. Montre-moi ce que tu vaux, Ezra. Fais de ton mieux pour me donner envie d'être avec toi. Mais sache que ce ne sera pas aussi simple que tu sembles le croire.
Le jeune homme sentit un mélange de soulagement et de détermination l'envahir.
— Je ferai de mon mieux, déclara-t-il, un sourire confiant se dessinant sur ses lèvres. Je te montrerai qu'on peut y arriver.
Alix, les bras croisés, pencha légèrement la tête, peu convaincu.
— Très bien, Monsieur Phạm, séduis-moi. Mais sache que je ne te rendrai pas la tâche facile, répliqua-t-elle, son ton faussement désinvolte masquant une certaine curiosité.
Ezra sentit une excitation fébrile monter en lui. Ce n'était plus qu'une simple tentative : c'était un véritable défi, une aventure qu'il était déterminé à entreprendre. Chaque moment, chaque interaction serait une épreuve, mais il acceptait ce jeu, prêt à y mettre tout son cœur.
— Je compte bien gagner ce pari, Alix. Et je te promets que tu ne le regretteras pas, dit-il avec une assurance qui masquait à peine la fébrilité de l'instant.
Alix le fixa un instant, puis, sans un mot de plus, elle tourna les talons et s'éloigna, le laissant seul avec cette promesse suspendue dans l'air.
Elle venait d'accepter le pari, et pour lui, il n'y avait pas de retour en arrière. Il était prêt à tout pour gagner son cœur.
Pakkum
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