Le 28 avril.
Moi médecin, qui se ronge les sangs.
— Cool des pizzas, je dis en guise de salutation a Andrew quand j'ouvre la porte de mon appartement.
— Elle est ou Loti ?
— Elles sont à quoi ?
— Une savoyarde et une avec de l'ananas, elle est Loti ?
— Je te laisse la dégelasse, je prends celle avec des pommes de terre, y'a de la sauce piquante ?
— Tu comptes me répondre un jour ?
Je râle comme un putois tout en allant dans la cuisine.
— Chez le véto...
— Ho elle devient une grande ! qu'il ose me répondre ce con tout en ouvrant le tiroir a couvert.
Je ne lui réponds pas, mais n'en pense pas moins ! Loti est mon chaton !
— Quoi ? Ho, il me regarde avec un petit sourire en coin, sourire que je lui ferais bien ravaler. Elle te sera a jamais fidèle tu sais ?
— encore heureux ! Bon elle est ou la sauce piquante ?!
Il m'envoie deux petits sachets et part en direction du salon avec sa pizza.
— Tu sais, c'est mieux pour elle.
— Je sais. Mais c'est encore un chaton.
— Un chaton en âge de ce repro... d'accord, d'accord, un chaton, un adorable petit chaton !
Andrew retourne à la découpe de son repas tout en enfonçant sa tête dans son coup.
— Jurassic Park ?
— Une envie, je lui dis tout en mordant dans ma première part. Merde, tu veux boire quoi ?
— Tu as de l'Orangina ?
Quand la clinique vétérinaire m'appelle, on finit à peine le premier film. Oui, je compte très sérieusement m'enfiler les trois !
— Oui ? Oui, oui c'est moi. D'accord, je vous remercie.
— Donc ?
— Je vais la chercher pour seize heures, elle fait déjà le bordel.
— les pauvres !
On se marre un peu avant de lancer le second film, on a plus de pizza depuis un moment maintenant.
— C'est quoi ? « Qu'es-ce que le Karma ? » lit mon ami en prenant une des feuilles que j'ai imprimées plus tôt dans la journée. Tu y crois ?
— Simple curiosité.
— Mhhh, ça ne me répond pas, tu y crois ?
Cette fois avant de lui répondre je mets en pause le film. Est-ce que j'y crois ? Pas vraiment. Voir pas du tout ! je ne vois pas en quoi nos actes passés ont un impact sur notre santé, sur notre mental je veux bien, mais pas plus.
Pourtant il y a quelque chose de rassurant dans tout ça. Se dire que finalement tout a une cause, le souci c'est que cette cause c'est nous ! Et ça, dans le fond c'est la porte ouverte à la dépression ! Chose dont mes patients n'ont pas besoin.
Est-elle dépressive ? Cette question me tracasse depuis ce matin. Ses mails sont moins « vivants », est-ce un signe ? J'en sais foutre rien, en tout cas j'espère que non !
C'est quelque chose que j'ai déjà vue, ils ne meurent pas de la maladie, mais de la dépression, putain de tireur embusqué !
— Non, je finis par lui répondre avant de m'enfoncer dans mes pensées. J'ai tout le temps pour ça.
Le second film n'est pas encore fini qu'il est temps de me mettre en route. Andrew me souhaite un bon week-end et se rentre chez lui. Il a été distant, ou alors c'est moi ?
Possible.
Juste avant d'enfiler mes chaussures je regarde de nouveau ma boîte mail. Plus je les relis plus tout me semble louche.
— Merde, je souffle en me forçant à passer à autre chose.
Je sens bien que mon esprit part en cacahuète, dans le fond je n'ai pas du tout envie de penser a autre chose.
J'ai l'impression d'être un névrosé.
Bref.
Je salue les voisins que je croise, des accros au travail pour la plupart sauf pour ma voisine de pallier. Une vieille dame qui aime plus ses points de croix qu'autre chose. Véridique !
Remarque tant qu'elle ne me fait pas chier je m'en fou.
— Bonjour, je viens chercher Loti.
La secrétaire me fait signe de la suivre, super mignonne soit dit au passage.
— Monsieur Apps ! Comment allez-vous ? Loti va très bien ! Qu'elle est bavarde !
Je souris et soupire, oui je sais elle ne fait que piailler ! Une vraie nana !
Quand elle me l'apporte, elle a un petit pansement autour du ventre. J'ai un pincement au cœur. Il ne dure qu'une toute petite seconde quand mademoiselle vient directement vers moi en me racontant sa journée.
Enfin, je crois plutôt qu'elle me passe un savon ! elle s'est carrément assise devant moi et maoule bien fort en fixant.
— Tu as des bonbons au lait à la maison.
— Ha ! Elle se tait ! Vous avez les mots pour la calmer ! S'amuse la véto en s'installant derrière son bureau. Vous devez lui donner ses cachets jusqu'à mercredi se sont des antidouleur et celui-là c'est pour prévenir une infection. Je vous revois dans une semaine pour un petit contrôle.
On se met d'accord sur l'heure, je paye et enfin on se retrouve tous les deux dans la voiture.
Comme à l'aller elle se place sur le siège à côté de moi et pose ses petites pattes sur la portière pour regarder le paysage défiler. Grâce a la circulation parisienne, oui même le samedi, je ne vais pas vite donc mon chaton ne risque rien. Elle finit quand même roulée en boule sur mes genoux quand je m'engage dans mon parking.
Ce n'est que le lendemain qu'elle se met à me parler toute la journée, j'ai eu beau essayé de l'amadouer avec ses bonbons favoris elle n'a pas arrêté une seule minute.
— Docteur ? M'interpelle ma secrétaire en ce mardi matin. Soit dit au passage j'ai bien vu quelques magazines traîner sur son bureau.
— Je lève les yeux de mon dossier et l'interroge du regard. En général elle ne me donne que du docteur quand il y a un patient ou un confrère. Vu l'heure, je dirais un confrère.
— Docteur Alain vous demande.
— J'arrive, dis. Elle se retourne, elle est fatiguée, mais elle ne ralentit pas la cadence. Tu as les résultats du labo ?
— Oui, les cellules de Madame Lola sont en alerte.
— Envoie-lui une convocation rapidement et rentre chez toi, tu fais peur a voir.
Elle grogne je ne sais quoi et retourne vers son bureau.
Madame Lola a été prise à temps, et je tiens à ce que ça continue comme ça. Avec un peu de chance, son cancer de la thyroïde ne sera plus qu'un mauvais souvenir dans quelques mois.
— Tu voulais me voir ? Je demande à mon collègue quand il me laisse entrer dans son bureau.
On a pratiquement tous les mêmes, pas pour une raison d'équité. Le doyen s'en fou pas mal de ça, plus parce que le bâtiment est un peu vieillot.
— Oui, tu te souviens de Monsieur Simons ?
Je fronce les sourcils une minute avant que cela me revienne, j'en profite pour poser un cul sur une ses chaises en face de lui.
— Opéré d'un poumon, gros fumeur, cancer en rémission...
— Depuis cinq ans. Il termine en ouvrant une de ses éternelles boîtes de gâteau citron/chocolat
Il en profite pour me faire glisser un dossier marron, comme tous les autres sauf un. Je le feuillette un moment sans vraiment savoir quoi en penser dans un premier temps.
— C'est révolutionnaire.
— Il a accepté tout le protocole, je lui ai tout expliqué.
— J'n'en doute pas, je le coupe tout en continuant sa lecture.
On peut reprocher beaucoup de choses à mon collègue, comme son addiction au sucre, mais il est le plus intègre de tous. Et le plus professionnel aussi, j'ai parfois l'impression d'avoir à faire à un robot.
— Il est conscient des risques ? Je demande inutilement.
Il opine du chef tout en mâchant sa sucrerie.
— Je voulais savoir si tu voulais m'assister ? À la base c'est ton patient.
Je finis par dire oui en refermant son dossier.
— Le protocole commence quand ?
— Fin septembre, il sera implantable fin octobre début novembre grand maximum.
— Pas de soucis... Un poumon artificiel, c'est pas rien !
— Ce sera la quatrième implantation sur un être humain.
— Comment vont-ils ?
— Trois sur quatre le supporte, le dernier a dû subir une opération en urgence pour le lui retirer.
— Il est vivant ?
— De peu, il doit suivre un lourd traitement et a beaucoup de séances de kiné...
On en parle encore un moment. L'opération sera bien plus compliquée qu'une « simple » transplantation. Mais il maîtrise parfaitement le sujet. Ce chirurgien est à la pointe de son art.
Oui pour moi c'est un art, savoir sauver une vie grâce à une autre. Savoir revasculariser des vaisseaux, des organes et les voir se gonfler d'aire ou de sang. Entendre, grâce à lui, le délicieux « bip » régulier de la machine.
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