Le 2 mai.
Moi médecin, qui quitte le boulot relativement tôt.
— Tu fais quoi ce soir ? Viens boire un verre avec moi, tiens !
— Tant que ce n'est pas à la cafèt' !
— Je pensais plus au petit bureau ? T'invites !
Pendant que je pars me changer sans attendre sa réponse, Andrew râle sur je ne sais quoi avant d'aller se changer à son tour.
— Tu finis tôt !
— Pour une fois... je soupire en dépliant mon jean gris. Fais-moi penser à racheter des chaussettes.
— N'oublie pas d'aller faire le plein de chaussettes, qu'il me répond avec un sourire dans la voix.
J'arrête mon mouvement, lève les yeux au ciel, soupire et reprend mon habillage tout en évitant de me prendre la paroi en pleine poire. Faut dire que nos cabines sont un poil trop petites quand même.
J'aurais peut-être dû lui dire qu'il me faut aussi des caleçons ? Je ricane sous cape en pensant à ma connerie du moment tout en me l'imaginant me dire que pour lui, seules les belles fesses lisses compte.
— Au fait t'es sûr que c'est à mon tour de payer ?
Je ne lui réponds pas, il sait très bien que c'est à son tour. Bientôt il va me faire son petit discours du gars malheureux, il faut que je le coupe avant de devoir sortir les violons.
— Au faîte ! tu pourras me garder Loti quelque temps ? Je pars en vacance dans une grosse dizaine de jours.
— Je dois payer et en plus faut que je garde ton monstre ??!
Je dois me mordre la joue quand sa voix monte dans les aigus sur la fin de sa phrase. Mon chaton n'est pas un monstre, pas avec tout le monde du moins... En faîte, en y réfléchissant bien, je n'ai pas encore trouvé quelqu'un qu'elle n'a pas griffé...
Quand il sort enfin de sa cabine, en chaussette, on se regarde une bonne minute avant qu'il ne finisse par céder avec un magistral soupir. Une vraie diva ce mec !
— Tu pars quand ?
— Le 13 en fin de matinée sûrement.
— On y va avant que je ne change d'avis, qu'il gronde en passant devant moi.
— Tu iras au Gala ? je lui demande en lui emboîtant le pas, après avoir vérifié que je n'ai rien oublié.
Clefs dans ma sacoche, portable dans ma poche, portefeuille avec mes clefs dans ma sacoche, cerveau... a sa place.
Le Gala est en faîte une mascarade pour une récolte de fonds. On doit se farcir tout ce beau monde, des grands blaireaux qui pensent tout savoir sous prétexte qu'ils sont pétés de tune, une fois par an et Dieu sait que c'est long et que ça revient trop vite ! Le doyen a mis ça en place il y a quelques années maintenant, et d'après lui notre présence est importante. Si on l'écoute, c'est à nous de trouver des fonds pour nos recherches ou notre matériel. C'est un comble quand même ! Puis j'aime pas ce genre de soirée, bien trop guindé pour moi.
Puis, parler de mes patients à de parfaits inconnus me gave. En soi je ne parle pas vraiment d'eux, mais de leurs pathologies et de ma méthode de travail. Je préfère le faire avec des confrères, au moins avec eux il y a un vrai échange constructif ! Alors qu'avec ces rats, c'est plus un genre de voyeurisme mal saint !
Ils puent le vice en plus du fric. De parfaits gendres pour vos blondes, Mesdames !
— Pas le choix ! soupire une fois de plus mon collègue, tu y vas accompagné ?
Pour toute réponse, je lui glisse un regard en biais qui veut tout dire. On se met d'accord sur le fait qu'on s'y retrouvera et qu'on se motivera ensemble et que tout ça l'emmerde.
Il n'y a pas foule dans la salle du resto, tant mieux. Je n'ai jamais autant aimé le silence que depuis que je travaille. À force de voir défiler autant de têtes par jour j'apprécie vraiment le calme.
La jeune femme qui nous accueille nous accompagne vers notre table tout en nous expliquant le menu du jour. Des côtelettes d'agneau avec de la purée mauve. On verra une prochaine fois, je salive depuis ce matin en pensant au steak que je vais m'enfiler !
J'aime beaucoup manger ici, toutes les tables sont dans des box séparés. En soi la décoration n'est pas extraordinaire, tout est dans les marrons. Les lumières sont basses et personne ne parle trop fort.
C'est un havre de paix, dans cette cohue parisienne.
— Un steak saignant avec des frittes et une sauce aux poivres.
— Je prendrais la même chose, mais avec une sauce à l'échalote. Je dis à mon tour à la serveuse du resto.
— Heureusement qu'on n'a pas de rancard après !
— M'étonne ! avec l'haleine qu'on va se taper on aurait fait un carnage !
On se marre comme deux idiots avant de décider que pour le dessert on prendra un plateau de fromages. Le gros.
Ce qui est bien avec ce resto, Le Bureau, c'est que le service est en continu. Quand on a des journées avec des heures à la con c'est bien pratique et de summum, c'est qu'il livre.
J'en suis à ma troisième carte fidélité.
Un peu avant le second film sur la une j'envoie un message à mes parents, j'ai bien envie de rentrer à la maison quelques jours. Histoire de recharger les batteries. Mon père me répond moins d'une minute plus tard en me disant que ma chambre d'ado est prête à m'accueillir.
Oui, elle n'a pas changé d'un poil depuis plusieurs années. Pour le coup je ne sais pas si c'est flippant ou navrant. Bref.
— Loti, viens mon chaton, viens. Je tapote ma cuisse et mademoiselle me saute sur les jambes. Quoi ? Je pue de la bouche ? Je lui demande quand elle me renifle la commissure des lèvres. Je vais bientôt te déposer chez Andrew, tu sais tu dois encore avoir un peu de sa peau sous tes griffes. Oui, oui, miaou à toi aussi. Je sais...
Je finis par me lever pour lui donner un bol de lait pour chat, au passage j'ouvre mon frigo. Plus par gourmandise que par faim.
Pour ne pas changer mon esprit divague vers le boulot juste après avoir regardé une nouvelle fois ma boîte mail. Et lut, pour la millième fois, le dernier mail d'Alice.
J'aimerai bien lui souhaiter une bonne nuit, juste comme ça. Par ennui aussi. Je secoue une nouvelle fois la tête dans tous les sens, j'ai des idées cons parfois moi...
Demain, Liam doit sortir. Physiquement, il va bien. Avec sa mère on a parlé d'un éventuel suivi psychologique, elle n'est pas contre. Aussi bien pour lui que pour elle. On va dire que pour cette nuit je n'ai pas trop à m'en faire, puis une vieille connaissance vient de reprendre contact avec moi par message. Elle me dit juste vouloir aller boire un verre avec moi.
Allez, je vais être sympa et accepter. De toute façon j'ai quoi à perdre ?
Un peu avant minuit je reçois un message de Rebbeka. Elle est de garde cette nuit, elle m'informe qu'un de mes patients vient d'être admis.
Il faut vraiment que j'en touche deux mots au dispatcheur. Depuis quand une secrétaire doit faire des gardes ? Elle est infirmière de base, mais elle a demandé une mutation derrière un bureau pour des raisons qui la regardent. Alors qu'elles sont respectées ! merde !
— Qui a été admis ? Je lui demande dès qu'elle décroche, à la première sonnerie en gros.
— Madame Din. Sa voix est un peu plus tendue que d'habitude.
— Son poumon ?
— Oui, elle est prise en charge par Vrass. Je vous bip si son état flanche ?
— Fais-le avant.
On se salut rapidement avant de raccrocher. En soit Madame Din ne risque pas plus que ce qui était prévu ou logique. Le collègue qui s'en occupe connaît bien son métier et Rebbeka veillera sur elle de toute façon.
— Lotiiiiii ! je souffle quand mademoiselle sort de la salle de bains, la ou il y a sa litière.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top