Le 17 avril.
Moi, médecin le nez a fond dans mes recherches.
Opérer n'est pas quelque chose de mécanique. Chaque geste est différent, chaque action aussi. Bien sûr, le but ne diffère jamais. Au final, il faut soigner, soulager, aider.
En France il y a 1153 cas d'erreurs médicales. Pourquoi tant ? Premièrement le chirurgien n'est pas une machine, je sais bien que le patient et sa famille attendent au minimum la perfection de notre part. Chose que je comprends, et sans vouloir vexer personne, si on devient chir c'est que l'on n'attend pas moins de nous. Alors, pourquoi tant de catastrophes qui peuvent aussi bien entraîner la mort que de graves complications se produisent encore aujourd'hui ?
Il arrive que le chirurgien n'ait plus ce qu'il faut pour bien faire son boulot. J'en entends déjà beugler dans tout les sens pour dire qu'ils ont cas raccroché ! Ballai devant ta porte avant de nous critiquer, oui, nous avons des vies entres nos mains, pas besoin de nous le rappeler. Mais, un être humain reste un être humain.
Et c'est là qu'est tout le problème. Le genre humain est corruptible, il se fatigue et il est capable d'atrocité. Sinon comment expliquer le tristement célèbre cas du boucher du sud ?
Ce fameux chir esthétique qui opérait ses patients si mal et dans des conditions désastreuses, sans parler des produits interdits qu'il utilisait. Il a tué, défiguré et dévaster un nombre incalculable de gens.
Il y a aussi ces professionnels qui arrivent dans un état second au bloc et qui par manque de personnel sont tout de même autorisés à pratiquer leur opération. Dans ce cas tout le monde est coupable, lui, les collègues et l'hosto en lui-même. Croyez-moi ou non, mais le manque de moyens tue plus qu'un mauvais coup de bistouri.
C'est comme laisser entrer un loup dans une bergerie, il ne faut s'étonner du bordel qui va se produire par la suite.
Voilà pourquoi, opérer ne doit jamais être une chose mécanique. Je pense que cela limite les dégâts.
Je ne suis pas croyant, je suis un homme de science. Je crois plus aux chiffres et aux recherches qui entraînent une évolution qu'a un acte divin. Pourtant, je pris souvent pour ne jamais devenir un monstre. Perdre quelqu'un sur la table ou de complication quelque temps plus tard est déjà quelque chose d'assez violent. Dans le fond c'est entièrement de ma faute, mais si je voulais en avoir moins sur le cœur j'aurais peut être du faire dentiste ou dermato ?
Pour moi une opération est un acte intime, presque aussi sacré qu'une relation charnelle. Je vais voir une personne nue, je vais l'ouvrir, fouiller dans son corps, voir et entendre son cœur battre, sentir son sang couler sur mes mains...
Je respecte chacun de mes patients, qu'ils dorment ou non je respecte la confiance qu'ils ont mise en moi et leur vie. J'essaie d'être le moins brute possible pour éviter des souffrances inutiles, j'utilise mon scalpel intelligemment et proprement. Je fais en sorte d'être rapide et précis et je baisse la tête quand quelque chose se passe mal.
Quand tout roule, je me vante intérieurement. Au fond de moi, je les brandis comme des trophées, je reçois une médaille et l'autorisation de ne plus payer mes impôts tout en dansant la danse de la victoire. Extérieurement, je souris serre des mains et prends ce que les patients et leurs familles ont à m'offrir. Un sourire sincère, même les yeux pleins de larmes vaut de l'or pour moi. Certains sont si émus qu'ils ne trouvent plus leurs mots, à la place ils me prennent dans leurs bras. Je me dépêche toujours de sortir dans ces cas-là, et je lâche quelques larmes dans mon bureau puis je remets mon masque de médecin.
Il ne faut pas croire, opérer est éprouvant pour moi. Je me donne à chacun, je respire en même temps qu'eux et loupe plus d'un battement de cœur quand il y a un bruit suspect qui résonne.
Alors oui, pour moi, se retrouver au bloc est comparable à une épreuve sportive des J.O.
On a tous nos petits rituels avant une opération. Andrew pose le dos de ses mains sur chacun de ses genoux et prend plusieurs grandes inspirations avant de rentrer dans une salle de travail pour aider à donner naissance. Un jour, il m'a dit que pour lui chaque naissance est plus qu'un don du ciel, pour lui c'est une preuve de magie. Il lui arrive aussi que certaines fois cela ne se passe pas comme prévu, je sais que s'il le pouvait il donnerait sa vie pour revenir en arrière et tout changer.
Personnellement, je fais deux choses la vieille : la première je regarde les derniers chiffres qui concernent l'opération que je dois pratiquer puis je revois la technique de A à Z jusqu'à qu'elle me sorte par les yeux.
Demain Liam descend au bloc en début d'après-midi, je vais aller le voir dés son admission le matin même et comme souvent le patient me regardera de travers.
Il ne faut pas oublier que je suis leur cancer personnifié. Au passage je vais aussi lui enlever la faculté de parler. Je sais que je le fais pour qu'il puisse vivre une longue vie, une rechute est toujours possible, mais ce soir, je me contente de croire que ce sont les dernières fois que je le verrais.
Il y aura un traitement, mais ce n'est pas pareil. En général, très souvent, les gens qui sont galvanisés par la possibilité de vivre, par leur seconde chance. Alors, même s'ils en chient, même si le traitement est lourd et plein d'effet secondaire ils me disent tous la même chose « ça va docteur, ça va, le pire est derrière maintenant ».
Demain, je vais lui enlever un carcinome épidermoïde de la gorge de presque 11 cm. L'avantage de cette merde c'est qu'une fois virée elle ne revient que rarement, mais si on la laisse cette garce bouffe tout le corps et on ne s'en rend compte que quand c'est trop tard.
C'est bien connu, le sapin soigne radicalement tous les maux.
Le gamin a une T1B, dans mon jargon ça veut dire que les deux cordes vocales sont touchées et au point que je dois tout enlever, il va aussi subir une chimio. On commence par 20 séances. Il a refusé toute autre opération pour l'aider à retrouver une voix, pourtant on sait le faire, on sait imiter la vibration des cordes vocales pour produire un son et avec quelques séances de rééducation la personne peut de nouveau se faire comprendre.
Je souffle en me connectant au site référençant les techniques d'intervention, je commence à avoir les yeux qui me brûlent. Loti est sur me genoux, elle ronfle doucement avec une patte qui pend dans le vide.
Je regarde encore un moment toutes les infos que je peux trouver, je les compare aussi aux résultats du jeune homme.
Je vais me coucher avant que le deuxième film sur la une ne commence, il me faut quelques heures de sommeil pour être frais demain. Tout en m'allongeant dans mon lit, je soulève la couette pour que mon chaton vienne se blottir contre moi, je regarde aussi une dernière fois mon portable.
Pas de mail, un message d'Andrew.
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