Le 14 avril.

Moi, malade essoufflée et pleine d'admiration mitigée.


Terry n'a pas menti, dès le levé du jour elle est venue chez la vieille dame, elle fait tellement de bruit que je l'ai plus entendu que vus. Avant que je ne sorte de mon placard qui me sert de chambre, je me remplis le gosier avec tout un tas de pilules tout en regardant mon portable.

Merci à toi grand gourou à la pomme croqué pour ta couverture réseau impeccable !

Je craquerais sur une connerie à ton effigie, affreusement chère, pour te rendre honneur.

Toujours pas de mail de ma petite sœur... je ne sais pas quelle mouche l'a piquée celle-là, mais elle me fait doucement chier ! Maman m'a répondu et me demande de ne pas dépenser tout mon argent tout en me rappelant, sans aucune subtilité, de bien prendre mon traitement sans oublier de ma tartiner de crème en tout genre.

Oui maman, je vais être une gentille petite cancéreuse qui ne fait pas de vague. Promis.

De là où je suis, j'entends la vieille dame baragouiner je ne sais quoi à tout son petit monde. D'ailleurs, l'aventurier se fait éjecter de la cuisine, si j'ai tout bien compris ce n'est pas encore l'heure du repas.

Au passage il faut que je réponde à mon onco dans la journée. Je vais essayer de ne pas oublier, bien sûr je ne garantis rien.

— Petit dej' !

Enfin j'interprète le baragouinement ultra grave de la vieille dame comme ça. Le couple me passe devant sans me dire bonjour. Bande de cons.

— T'es enfin là !
— Je ne pensais pas que j'allais autant te manquer...
— Disons que t'es la seule qui parle français et les siamois sont pas très causants.

Du menton l'aventurier me montre le couple, je ne le dis pas, mais je partage sa pensée.

— Au passage t'as un prénom ?


Il me regarde et hausse un sourcil avant de se foutre de moi ouvertement.

— Nikolas et toi ?


Je lui donne mon prénom tout en gobant mon repas, essentiellement fait de riz.

— Un bus va venir nous chercher dans un petit quart d'heure, pensez à prendre de l'eau et de quoi vous remplir le ventre.
— On va beaucoup marcher ? je demande a Terry, tout en réfléchissant aux diverses vitamines que je dois encore gober.
— Faignasse...

Nikolas étouffe un petit cri quand je lui envoie un coup de pied dans le genou.

— Pas plus de vingt minutes, mais l'altitude, ça creuse.

— Prendre ça ! La vieille dame nous tend un sac en toile chacun, je regarde rapido dedans.

Des insectes grillés...

L'aventurier et moi on se regarde rapidement avant de remercier la chef de famille. Le pire c'est que ça me fait saliver.

Je ne suis jamais entrée dans un temple bouddhiste, je ne me suis même jamais intéressée à cette religion. J'en ai souvent entendu parler, mais rien de plus.

De : Alice
À : Béné

Devine un peu mon repas ??? Petit indice ça te dégoûte !!!

En envoyant le mail, j'ai un petit pincement au cœur. Dans le fond, je sais qu'elle ne va pas me répondre. Tout ce que j'aimerais savoir c'est pourquoi.

J'ai l'impression qu'ici la grisaille n'existe pas, qu'il y a une bulle autour de nous, que rien ne pourra nous atteindre.

Le temple est à flanc de montagne, les murs blancs tranchent avec le gris et vert de nature. La bâtisse a quelque chose d'intemporel, presque magique quand on la regarde.

Je me recule un peu pour prendre plusieurs photos, forcement l'autre con se pose juste devant pour faire son cinéma. Il se fait rappeler à l'ordre par notre accompagnatrice.

— Il faut enlever ses chaussures avant de rentrer dans le temple.

Pendant que je m'exécute, je me rends compte que tout est étrange à l'intérieur. Deux moines nous attendent en tenues typiques juste devant une immense statut du bouddha. Ils nous regardent avec le sourire et les mains jointes sur leur chapelet en bois.

Ils nous saluent en s'abaissant, je fais la même chose sans pouvoir prononcer quoi que ce soit. Leur calme m'intimide.

— Je vais vous traduire ce que les moines vont vous expliquer. D'un petit geste de la main, elle nous invite à la suivre.

Je monte une petite marche et resserre mon sac contre moi, pas par peur que l'on me vole, mais pour me sentir moins seule.

Je ne suis pas la seule à ressentir ce genre de chose puisque Nikolas se rapproche de moi tout en regardant tout autour de lui.

Pour une foi qu'il se la ferme celui-là...

Je sens mon portable vibrer dans ma poche, je ne le sors pas.

On arrive dans une pièce tout en marbre avec des coussins couleurs or et vert partout sur le sol, il y a aussi une grande fresque, couleur or elle aussi, du Bouddha sur le mur du fond.

Il y a une étrange atmosphère dans ce lieu. Comme ci le temps n'avait plus d'importance, que plus rien ne compte. C'est un peu comme voir la vie défiler sous ses yeux sans en prendre part. Juste la regarder filer, sans la critiquer ou la modifier. Rien de plus.

Je fais comme tout le monde, je m'assois sur un des gros coussins et dévore du regard cet endroit unique au monde.

— Nous sommes ici dans la salle de méditation, commence Terry après avoir écouté les premiers mots du moine. La médiation est pour les bouddhistes quelque chose de très important. Elle sert avant tout à la libération de l'esprit et la libération de l'esprit amène à l'éveil. L'éveil c'est quand on arrive à percevoir le monde tel qu'il est sans en avoir peur ou se sentir agressée par lui. Le Bouddhisme connaît quatre nobles vérités : la première est que la vie est une souffrance, la seconde est que la souffrance est causée par l'envie et l'aversion

La troisième est que la souffrance peut être surmontée et le bonheur atteint et la dernière dit que le noble chemin octuple est le chemin qui mène à la fin de la souffrance.

— Octuple ? Interroge l'aventurier en fronçant les sourcils. Les moines tiquent, mais rien de plus.
— Un chemin octuple est un chemin moral aussi bien par ce que l'ont dit, nous faisons et aussi par nos moyens de subsistance.

Pendant un instant tout le monde se tait, on assimile tout ce qu'elle vient de nous dire. Pourtant il y a quelque chose qui me chiffonne, si la vie n'est que souffrance pourquoi continuer ? Dans l'espoir d'atteindre ce genre de nirvana ? Juste parce qu'il faut continuer ?

Je ne sais pas, je ne suis pas d'accord. Pas du tout, oui, la vie est compliquée elle l'est souvent d'ailleurs ! mais, tout ne s'arrête pas la. Tout ne tourne pas autour de cette prétendue douleur. Si on s'arrête à elle, si on lui laisse trop de place on l'autorise à nous flinguer. Et non, ça ne doit pas se passer comme ça.

Pourtant je ne dis rien, je ne leur fais pas part de mon ressenti.

— Il y a aussi cinq préceptes, ou codes moraux. Terry appuie son index droit sur son pouce gauche et comment à nous les énoncer en levant un doigt différent a chaque fois. Ne pas prendre la vie de quelque chose de vivant, ne pas prendre quelque chose qui ne soit pas librement donné, s'abstenir de mauvaise conduite sexuelle et de l'excès sensuel, s'abstenir de faux discours, éviter l'intoxication, c'est-à-dire de prendre la conscience.

— On entend aussi souvent parler du Karma, elle reprend en nous regardant chacun notre tour. C'est une loi basique de la cause à effet. Ça veut dire que nos actes auront toujours des conséquences.
— Donc si on fait du bon on aura du bon.
— Et inversement oui, répond notre accompagnatrice.

Je tique, fronce les sourcils et serre les dents. Donc, si je suis bien le merdier bien pensant des gars en robes orange, si j'ai mon alien c'est que j'ai fait quelque chose de mal avant ?

Je serre les dents une fois de plus et prends une grande inspiration. Je ne suis pas une sainte, mais je n'ai jamais rien fais quoi que ce soit d'assez ignoble pour mériter ça !

— Le dernier point important est la sagesse. La sagesse est développée avec la compassion. Pour eux, la sagesse c'est de constater qu'en réalité que tous les phénomènes sont incomplets, impermanents et ne constituent pas une entité fixe.
— En français ?

Terry soupire en souriant avant de nous expliquer.

— Pour atteindre cette sagesse, il faut admettre que rien n'est immuable, que tout bouge sans cesse et que donc les changements font partit de la vie et que donc aucune vérité n'est véritablement une vérité au sens propre du terme, plus au sens large du terme.

Elle nous explique encore plusieurs choses, je n'ai rien imprimé de plus. Je suis resté bloqué sur ce con de Karma.

En repartant, un des moines me touche le bras pour attirer mon attention. Je me retourne en esquissant un sourire pincé, il me tend un petit Bouddha en bois. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai fait un pas en arrière.

— Il souhaite juste te l'offrir, intervient Terry en parlant tout bas.

Elle en profite pour échanger quelques mots avec lui et moi je reste comme une conne à les écouter sans rien comprendre.

Je repars avec une petite statuette et un chapelet, ils sont au fin fond de mon sac sans aucuns remords.


Petite NDA sauvage !!! : toi lecteur de mon coeur, n'hésite pas a me dire ce que tu penses de cette histoire ! Au passage viens de papoter !

Insta : celiahlu et ici ;)

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