Le 13 mai en fin de journée.
Le 13 mai en fin de journée.
Moi malade, qui ment.
Je soupire une fois de plus seule dans ma chambre. J'ai prétexté être fatigué et un peu nauséeuse pour qu'on me fiche la paix. Du coup ma mère m'a préparé un plateau beaucoup trop garni ou le pâté de campagne tient compagnie au lait au chocolat. Il faut dire aussi qu'ils sont habitués à mes mélanges peu ragoutants depuis que je suis malade. Une fois, un toubib nous avait dit : qu'elle ne refrène pas ses envies ! tout comme une femme enceinte, si son corps réclame des cornichons avec de la chantilly c'est qu'il en a besoin », la seule petite nuance c'est que la femme en cloque va donner la vie et que moi je suis un cercueil ambulant. Petite nuance...
J'ai aussi entendu ma sœur rentrée des cours, ou de je ne sais où, sans venir me voir. Elle n'a même pas ralenti le pas devant ma porte... elle aussi m'abandonne.
Je soupire une nouvelle fois et m'enfonce dans mes oreillers, j'en ai toujours eu bien assez pour recouvrir mon lit. Mon merveilleux ordinateur portable a la pomme croquée ouvert sur mes genoux, laisse tourner l'une de mes trilogies favorites. Même les dinos de Spielberg ne me remontent pas le moral.
Malcolm a peut-être raison ? Surement même avec sa théorie du chaos. À la base rien ne laissait présager que ma vie éclate comme ça, rien ni personne. Puis paf ! tu avais l'air d'être heureuse alors tu vas servir de buffet à volonté pour un alien aussi merdique que vorace.
Sublime, merci.
Tient, le T rex vient de faire son repas, dire que je trouve ça drôle à la base.
Sur mon portable, lui aussi de la marque à la pomme croqué, je cherche le profil de l'aventurier. J'ai besoin de sa force, de ses conneries ambulantes, de son sourire, de son ignorance.
Je le trouve rapidement grâce à sa photo de profil, je suis dessus avec tous les autres. C'était le jour ou nous avons visité le grand temple. Dessus, je peux voir le couple quasiment muet qui regarde la façade avec fascination, je suis un peu en retrait et je regarde de l'autre côté. On ne le voit pas sur la photo, mais dans notre dos il y avait deux énormes montagnes qui semblaient se rentrer dedans, l'une était verte et pleine de vie alors que l'autre, qui devait manquer constamment de soleil, était pratiquement déserte et sombre. J'avais trouvé ça magnifique. Symbolique même.
Je change à mon tour la photo de mon profil, une avec tout le groupe qui se marre autour d'un des casse-croutes devrait faire l'affaire. Tant que j'y suis, je change mon statut « retour en France après un magnifique voyage ». Simple, rapide, mais quelque peu fadasse, ça ira.
Je clique sur l'onglet pour pouvoir lui envoyer un message, bien maintenant que c'est fait je dis quoi moi ?
« Salut ça va ? t'as pas envie d'approfondir le baiser ? »
« Saut, tu te souviens de moi ? » ba oui du con qu'il se souvient de toi ! ça ne fait pas un mois qu'on est rentré quand même !
« Je vais claquer, genre bientôt, je ne l'ai dit a personne. On va boire un coup ? »
Non, non et non.
Tiens, ils se font courser par le gros lézard en colère, en même temps il doit être frustré de ne bouffer que des chèvres attachées...
Je vais commencer par lui envoyer une demande d'ami, je verrais par la suite. De toute façon je ne vois pas pourquoi il me répondrait ? Il a sa vie, surement bien moins chiante que la mienne et une madame aventurier aussi qui doit l'attendre ou je ne sais trop quoi.
Je me gave quand je suis comme ça... J'aime pas lui laisser le contrôle de ma vie.
- Conasse de vérole ! je grogne en me retenant de claquer mon pc, jamais on ne coupe cette trilogie. Jamais.
- Ça va mieux ma grande ? La voix éternellement inquiéte de ma mère résonne derrière ma porte.
J'ai bien envie de lui hurler que non rien de ne va ! que je vais claquer plus tôt que prévu ! que je vais avoir mal ! bien plus que l'entendement ne le tolère ! que je vais être encore plus seule que je ne le suis déjà ! que je vais crever dans un lit d'hosto entouré de mur blanc sans même pouvoir me rappeler de mon foutu prénom ! que je vais CREUVER !
- Oui ça va, merci, maman, je finis par lui répondre avec le plus de chaleur possible dans ma voix.
- Tu viens manger avec nous ? Tu n'es pas obligé !
J'imagine bien ma mère secouer les mains dans tous les sens tout en se mordant la lèvre en craignant de me braquer.
- Seulement s'il y a du ketchup !
- Autant que tu veux mon bébé !
J'entends ses pas se précipiter dans la cuisine et la porte du frigo s'ouvrir, je sais qu'elle est en train de sortit toutes les sauces possibles et imaginables. Des plus industrielles a celle faite maison. Je soupire un sourire, mets sur pause mon film et finis par me lever en ignorant les plaintes de mon corps déjà bien trop usé.
J'engloutis mon nouveau traitement, gobe un bout de cervelas qui était sur le plateau, avale un grand verre d'eau gazeuse et détache mes cheveux. Je fais moins malade comme ça.
- On mange quoi ? je demande toute guillerette en entrant dans le salon.
Ma sœur est déjà à table le nez rivé dans l'un de ses bouquins de biologie marine. Elle me jette un coup d'œil rapide, fronce à peine les sourcils et replonge dans sa lecture.
- Tu partages ton plateau ? demande mon père qui louche dessus. Lui et les pâtés c'est une histoire d'amour sans fin.
- Seulement si tu me lâches un bout de ton friand.
- Deal !
- C'est pas possible, soupire ma mère en nous écoutant. Elle a beau faire sa grande méchante, personne ne loupe son petit rictus amusé.
J'écoute attentivement la journée de mes parents tout en tartinant un bout de pain de moutarde forte avec du pâté de foie. Une fois fait, je la donne à ma petite sœur. Je faisais tout le temps ça quand elle révisait à table pour un exam important. Sinon elle oubliait de manger, au point de tomber dans les pommes. Béné est une passionnée, quand elle fait quelque chose, elle le fait vraiment quitte a s'oublier et c'est encore plus impressionnant quand le sujet lui plait.
Elle me jette un regard de travers, que personne ne remarque, puis prend sa tartine et croque dedans non sans bouder son plaisir.
- Heureusement que je me suis cassé la tête à cuisiner ce soir... ronchonne maman quand elle nous voit tous manger tout et n'importe quoi dans n'importe quel ordre.
- Tu veux des nems ? Lui propose mon père tout en sachant qu'elle ne pourra pas refuser.
- Seulement un ou deux, qu'elle lui répond avec son air de ne pas y toucher.
Personne ne le voit dans la cuisine, pourtant tout le monde sait qu'il en a fait chauffer au moins vingt. Sérieux quand ma mère tombe dedans, elle tombe vraiment dedans.
C'est limite flippant. D'ailleurs, accompagné de moutarde et de ketchup c'est super bon !
Le repas s'éternise, c'est pas désagréable et pour une fois personne ne me fait de remarque sur ce que j'ingurgite ou non.
- Tu ne comptes pas le lâcher ton bouquin ?
- Non, y'a trop de truc super classe a apprendre ! d'ailleurs, je change de filaire a la fin du mois.
- Pardon ? Retoque notre mère avec la bouche pleine.
- Je t'excuse, résonne en cœur de la part des trois personnes face à elle.
Ce qui fait bien rire le seul et unique homme de cette maison.
- Oui, je me suis inscrite en biologie marine.
- C'était pas déjà le cas ? Demande mon père en engouffrant une pleine poignée de rondelle de cornichons aigres-doux.
- Pas vraiment, j'hésitais pas mal entre la faune et tout, mais finalement je préfère les poissons.
- Bon, ba direction les aquariums...
- En parlant de ça, les sushis, ça compte ? je lui demande comme ci de rien était.
- Essentiel même ! elle me répond avec une lueur gourmande dans les yeux.
Résultats des courses, on n'est pas dans la merde... Bené veut tout voit et tout apprendre a un point que mes parents hésitent pas mal sur le fait de la louer a une autre famille le temps qu'elle engloutisse tout ce dont elle a besoin de savoir.
Oui c'est à ce point-là avec ma petite sœur. Elle est en pleine négociation de cours de plonger quand mon portable vibre dans ma poche.
« Hey ! une simple demande d'ami après nos adieux si tendre ? Je te propose de réparer cette déconvenue devant un café crêpe, bien évidemment, je n'accepte pas les refus ! »
Je pouffe comme une idiote devant mon écran devant tout le monde.
- Ha non ! une qui veut faire ami-ami avec les requins et l'autre qui fait les yeux doux a son portable c'est trop pour moi ! râle notre père en se levant pour se diriger dans la cuisine.
On l'entend ouvrir le congélateur, le refermer puis un tiroir. Quand il revient, il a deux gros pots de crème glacée et tout un tas de petites cuillères.
- Une seule réflexion et je grogne...
Ma mère soupire pour s'empêcher de rire, ma sœur se lève à son tour et part dans la cuisine, j'en profite pour terminer le fromage de chèvre.
Quand Béné revient elle a dans ses mains, du beurre, du chocolat en poudre et de la chantilly.
- Diététique... ronchonne notre mère en trempant une chips aux crevettes dans une de ces sauces maison, celle avec des échalotes et des oignons nouveaux.
Quand ma petite sœur me tend une tartine pain/beurre/chocolat en poudre, je sais que quoi qu'il y ait eu entre nous c'est passé. On trinque avec nos deux bouts de pain bien garnis avant de croquer dedans en se faisant un clin d'œil.
« J'accepte volontiers ! je te propose de nous faire l'amour avec les yeux devant un superbe chocolat chaud signature du Starbucks accompagné de quelques cookies ? »
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